3. Les initiatives au niveau européen
L'Union européenne compte près de 70 millions d'adultes obèses et 5,1 millions d'enfants obèses. Même si le taux de prévalence de l'obésité varie fortement d'un pays à l'autre, tous les Etats sont concernés. La mise en place d'une politique de lutte contre l'obésité au niveau européen semblerait donc de bon sens.
Néanmoins, les actions de prévention concernent souvent des secteurs dans lesquels les Etats ont une compétence exclusive (l'éducation, la santé).
En outre, le poids des traditions culinaires, les différences culturelles dans le domaine de l'alimentation, le rôle variable accordé à l'Etat comme régulateur ou encore le poids économique relatif de l'industrie agroalimentaire dans chaque Etat membre sont autant d'obstacles au développement d'une politique de prévention de l'obésité coordonnée et mieux intégrée.
L'Union européenne n'en est pas pour autant restée inactive, mais la portée de ses initiatives varie en fonction de ses compétences réglementaires.
a) Renforcer l'information du consommateur
L'adoption d'habitudes alimentaires saines suppose que les consommateurs puissent effectuer des choix éclairés concernant leur régime alimentaire. Pour cela, il faut notamment qu'ils disposent d'une information claire et accessible sur le contenu des produits. Dans la mesure où ces règles sont directement liées au fonctionnement du marché intérieur, elles relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne.
Deux domaines ont particulièrement retenu son attention : l'étiquetage nutritionnel et les allégations nutritionnelles.
(1) L'étiquetage nutritionnel
La réglementation relative à l'étiquetage nutritionnel est harmonisée au niveau européen et est définie par la directive 90/496/CEE du Conseil du 24 septembre 1990 relative à l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires, transposée en 1993 dans le droit français.
Elle ne s'applique pas aux eaux minérales naturelles ni aux autres eaux destinées à la consommation humaine, ni aux denrées présentées non préemballées à la vente du consommateur final.
Actuellement, l'étiquetage est facultatif. Néanmoins, 80 % des produits comportent un étiquetage nutritionnel.
Les informations y figurant appartiennent à l'un des deux groupes suivants :
- le groupe 1 qui donne des indications sur la valeur énergétique ainsi que la quantité de protéines, de glucides et de lipides ;
- le groupe 2 qui donne des indications sur la valeur énergétique, la quantité de protéines, de glucides, de sucres, de lipides, d'acides gras saturés, de fibres alimentaires et de sodium.
Lorsque l'allégation nutritionnelle concerne les sucres, les acides gras saturés, les fibres alimentaires ou le sodium, les informations à donner sont celles du groupe 2.
La déclaration de la valeur énergétique et de la teneur en nutriments doit se présenter sous forme numérique, avec des unités de mesure spécifiques. Les informations sont exprimées par 100 g ou 100 ml.
Elles peuvent également être exprimées par emballage ou par portion. Celles qui concernent les vitamines et les sels minéraux doivent en plus être exprimées en pourcentage de l'apport journalier recommandé (AJR), qui peut également être indiqué sous la forme d'un graphique.
L'étiquetage nutritionnel peut aussi inclure les quantités d'amidon, de polyols, d'acides gras mono-insaturés, d'acides gras polyinsaturés, de cholestérol et de sels minéraux ou de certaines vitamines.
Toutes ces informations doivent être regroupées en un seul endroit bien visible, en caractères lisibles et indélébiles, et dans un langage facilement compréhensible par l'acheteur .
En 2008, la Commission européenne a proposé un règlement visant à modifier l'information des consommateurs sur les données alimentaires. Il s'agit de rendre l'étiquetage obligatoire et de s'assurer que les informations exigées (la valeur énergétique, la quantité de lipides, d'acides gras saturés, de glucides, avec une référence spécifique aux sucres, et de sel) apparaissent sur la face avant de l'emballage.
Le 16 juin 2010, le Parlement européen a examiné cette proposition de règlement. Il a rejeté le principe d'un code couleur destiné à clarifier les informations pour le consommateur et s'est opposé à la possibilité pour les Etats membres d'adopter un tel code au niveau national.
(2) Les allégations nutritionnelles
Elles sont réglementées par le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.
Le règlement distingue les allégations nutritionnelles et les allégations de santé.
Les allégations nutritionnelles correspondent aux allégations qui affirment, suggèrent ou impliquent qu'une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelles bénéfiques particulières de par :
- soit l'énergie (valeur calorique) qu'elle fournit, fournit à un degré moindre ou plus élevé, ou ne fournit pas ;
- soit les nutriments ou autres substances qu'elle contient, contient en proportion moindre ou plus élevée, ou ne contient pas.
Les allégations de santé affirment, suggèrent ou impliquent l'existence d'une relation entre, d'une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l'un de ses composants et, d'autre part, la santé.
Les allégations nutritionnelles et de santé doivent remplir les conditions suivantes :
- la présence, l'absence ou la teneur réduite d'un nutriment ou d'une substance faisant l'objet de l'allégation doit avoir un effet nutritionnel ou physiologique bénéfique et scientifiquement prouvé ;
- le nutriment ou la substance faisant l'objet de l'allégation est présent en quantité suffisante pour atteindre l'effet nutritionnel ou physiologique affirmé. Son absence ou sa présence en moindre quantité doit également produire l'effet nutritionnel ou physiologique escompté ;
- le nutriment ou la substance faisant l'objet de l'allégation est sous une forme directement consommable.
Les conditions spécifiques d'utilisation doivent être respectées, par exemple la substance active (par exemple vitamines, fibres, etc.) doit être présente en quantité suffisante pour avoir des effets bénéfiques dans la denrée alimentaire. En outre, si l'allégation porte sur une valeur énergétique réduite, elle doit correspondre à une réduction d'au moins 30 % de la valeur énergétique totale de la denrée alimentaire (25 % pour le sel).
Les allégations nutritionnelles et de santé sont interdites pour les boissons alcoolisées de plus de 1,2 % d'alcool en volume, à l'exception de celles se référant à la réduction de la teneur en alcool ou à la réduction du contenu énergétique d'une boisson alcoolisée.
Le règlement définit en annexe la liste des allégations nutritionnelles autorisées.
Les allégations de santé sont soumises à des exigences spécifiques. Leur étiquetage, leur présentation ou la publicité dont elles sont l'objet doit fournir certaines informations obligatoires :
- une mention indiquant l'importance d'une alimentation variée et équilibrée et d'un mode de vie sain ;
- la quantité de la denrée alimentaire et le mode de consommation assurant le bénéfice allégué ;
- une mention à l'attention des personnes qui doivent éviter cette substance;
- un avertissement sur les risques pour la santé en cas de consommation excessive.
Le présent règlement interdit toutes les allégations de santé faisant référence au rythme ou à l'importance de la perte de poids, de même que celles qui indiquent qu'il est préjudiciable pour la santé de ne pas consommer un certain type d'aliment, les références à un médecin ou un professionnel de la santé déterminé, aux associations autres que les associations médicales nationales et organismes philanthropiques actifs dans le domaine de la santé et les allégations donnant à penser que s'abstenir de consommer la denrée pourrait être préjudiciable à la santé.
Le règlement autorise, par contre, par dérogation à la directive 2000/13/CE concernant l'étiquetage (qui interdit toute référence à des propriétés concernant la guérison, le traitement et la prévention d'une maladie humaine), les allégations sur la réduction du risque d'une maladie, pour autant que la demande d'autorisation soit approuvée.
Pour autoriser une nouvelle allégation ou modifier la liste existante, le fabricant introduit sa demande auprès de l'État membre concerné qui la transmet à l' Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Sur la base de l'avis de l'AESA, une décision relative à l'utilisation est prise par la Commission.
Lorsque le règlement a été adopté, 3 000 allégations nutritionnelles étaient utilisées en France et 44 000 au niveau de l'ensemble des pays membres.
L'AESA a donc entrepris un énorme travail d'analyse des allégations pour supprimer les allégations fantaisistes, voire trompeuses.
En effet, de nombreuses études scientifiques ont démontré l'effet « halo » lié aux allégations nutritionnelles et de santé qui favorise une surconsommation involontaire.
C'est d'ailleurs pour cette raison que certains pays, comme la France, soutiennent l'idée que les allégations nutritionnelles ou de santé ne devraient être autorisées que pour des denrées alimentaires répondant à un certain profil nutritionnel. Concrètement, peut-on accepter qu'un producteur de tablettes de chocolat inscrive sur l'emballage que son produit contient 40 % de sucre en moins lorsque le taux de lipides est 1,5 fois supérieur à celui d'un produit classique et que le nombre de calories pour 100 g est finalement plus élevé que dans le produit non allégé ? De même, faut-il autoriser un producteur de beurre de cacahuètes à inscrire sur l'emballage de son produit qu'il est riche en protéines, alors qu'il est surtout riche en lipides ?
Malheureusement, les cultures alimentaires des Etats membres et le poids très fort des lobbies du secteur de l'agroalimentaire n'ont pas permis jusqu'à présent de définir les profils nutritionnels qui seraient autorisés à apposer des allégations nutritionnelles ou de santé. L'AESA évalue donc les allégations de santé indépendamment des profils nutritionnels.
b) Proposer une stratégie aux Etats-membres
En 2005, la Commission a transmis au Conseil de l'Union européenne un livre vert visant à « promouvoir une alimentation saine et l'activité physique : une dimension européenne pour la prévention des surcharges pondérales, de l'obésité et des maladies chroniques ». Ce document recense toute une série de domaines dans lesquels les Etats membres et/ou l'Union européenne pourraient intervenir pour lutter contre le développement de l'obésité.
A la suite de ce livre vert, une plateforme d'action pour l'alimentation, l'activité physique et la santé a été créée. Elle réunit les industries agroalimentaires, l'industrie de la publicité, l'industrie du sport, les organisations de défense des consommateurs et des fonctionnaires des différents Etats. Elle vise à adopter des actions permettant d'interrompre et de renverser la tendance actuelle aux excès de poids et à l'obésité.
En 2007, la Commission a également publié un livre blanc portant sur « une stratégie européenne de santé liée à la nutrition, la surcharge pondérale et l'obésité ».
A la suite de ce livre blanc, un « groupe de haut niveau en nutrition et activité physique » a été créé, qui rassemble des hauts fonctionnaires nommés par les Etats, afin d'échanger sur les bonnes pratiques et mettre en oeuvre des initiatives concrètes autour de la reformulation des produits alimentaires.
En outre, la Commission européenne travaille en étroite collaboration avec l'OMS Europe pour la mise en place d'un ensemble cohérent d'indicateurs de progrès de la mise en oeuvre de la stratégie de l'Union Européenne. Le premier rapport sera disponible en décembre 2010.
c) Financer et structurer la recherche
Enfin, l'Union européenne joue un rôle considérable à la fois dans le financement de projets de recherche liés à l'obésité, mais également dans leur structuration, afin d'éviter les doublons et d'inciter à une harmonisation des stratégies de recherche.
Dans le 7 e programme cadre de recherche (2007/2013), 102,1 millions d'euros sont consacrés au diabète et à l'obésité. Les champs de recherche sont très variés : génétique, épidémiologie, physiopathologie, métabolisme et physiologie intégrative, essais cliniques, complications cardiovasculaires.
Exemple de projet financé par le 7 e PCRD : MetaHIT L'objectif de ce projet, coordonné par l'INRA, est d'étudier le génome de l'ensemble des bactéries constituant la flore intestinale humaine afin de caractériser ses fonctions et ses implications sur la santé. Ce génome contient 100 fois plus de gènes que le génome humain. MetaHIT ouvre de nombreuses perspectives d'applications dans le domaine de la nutrition et la santé humaine. Il mobilise 12 organismes de recherche et industriels européens ainsi qu'un institut chinois. Le financement accordé par l'Europe pour ce projet s'élève à 11,4 millions d'euros pour 4 ans, pour un coût total estimé à environ 20 millions d'euros. |
La Commission a également lancé en 2010 une initiative conjointe de programmation sur le thème «un régime sain pour une vie saine ».
Les initiatives conjointes de programmation sont nées du constat que les recherches nationales sont incapables, isolément, de traiter efficacement de problématiques particulièrement complexes et multifactorielles, comme l'obésité par exemple. En outre, alors que la somme de recherches nationales constitue une force potentielle considérable, l'efficacité de la recherche européenne prise dans son ensemble est néanmoins entravée en raison de sa fragmentation qui conduit à des doublons et laisse certains aspects non traités.
Les initiatives conjointes de programmation ont donc vocation à structurer les recherches nationale sur un sujet donné.
L'engagement des Etats membres dans une initiative conjointe de programmation est basé sur le volontariat. Ces derniers déterminent alors la manière dont ils souhaitent aborder la problématique ainsi qu'un agenda de recherche scientifique et les objectifs à atteindre.