CONCLUSION
Le sentiment de vos rapporteurs est qu'une réflexion d'ensemble et en profondeur sur la politique de transferts d'effectifs de l'Etat vers les collectivités territoriales est aujourd'hui nécessaire.
Les nouvelles perspectives ouvertes par de nouveaux textes tels que la réforme des collectivités territoriales sont préoccupantes.
En effet, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit de nouveaux transferts de compétences et, par conséquent, de nouveaux transferts de services et de personnels dans le cadre de l'intercommunalité ou de la création des métropoles.
En outre, le projet de loi prévoit un schéma de mutualisation des services entre les communes et les intercommunalités et la possibilité d'établir des conventions entre les départements et les régions pour un exercice en commun des compétences. Dans leur rapport d'information sur la question de la mutualisation des moyens 15 ( * ) pour la Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la Décentralisation, nos collègues Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard, Bruno Sido ont bien montré les obstacles financiers, politiques, voire psychologiques, à ce type d'opérations. Ces opérations soulèvent à nouveau des débats complexes sur le maintien des avantages acquis, les régimes indemnitaires, les systèmes de protection et d'action sociale, du déroulement de carrière, de la mise à disposition, des droits syndicaux etc.
La question du partage des responsabilités doit être un préalable à toute nouvelle décision relative aux transferts de personnels.
Vos rapporteurs vous soumettent donc une série de propositions pour les futurs transferts afin de tenter de définir une méthodologie.
Au delà de celles visant le « passif » et exposées au fil du rapport, ils suggèrent de prévoir un dispositif véritablement contradictoire et ajustable de compensation financière.
• Définir une méthodologie de mise en oeuvre des transferts de personnels :
- en organisant une réflexion préalable sur le partage des compétences au niveau local entre l'État et les collectivités
Il ressort des auditions réalisées que l'État n'a pas engagé une réflexion préalable sur le partage des compétences au niveau territorial. Il convient de clarifier les responsabilités de gestion pour éviter les nombreux doublons pointés par la Cour des Comptes dans son rapport « la conduite par l'État de la décentralisation (2009).
Ils notent avec satisfaction que c'est d'ailleurs l'objet du rapport que la Délégation a confié à M. Antoine Lefèvre.
- en prévoyant un calendrier resserré
Les procédures de transferts sont généralement jugées trop longues. La situation actuelle des parcs d'équipement est particulièrement révélatrice de la désorganisation induite par la période intermédiaire des transferts, créant une véritable « rupture de la chaîne hiérarchique » dans les services.
Le transfert des personnels des DDE, en revanche, est souvent pris en exemple pour avoir été mieux préparé et réalisé dans les délais. Ce précédent pourrait être pris en référence. Par ailleurs, la durée du droit d'option devrait être réexaminée, de même que la publication des décrets d'application accélérée.
- en obtenant des états des lieux des emplois à transférer plus sincères
Les états des lieux des effectifs, ainsi que le périmètre des transferts, ont jusqu'ici été strictement encadrés par l'État et les collectivités territoriales et n'ont pas toujours été en mesure de faire valoir leur avis.
A l'avenir, les procédures devraient être davantage contradictoires en incluant systématiquement les postes d'encadrement et les services supports (gestion, informatique, logistique), et en organisant l'échange d'informations en toute transparence entre les collectivités territoriales et les administrations d'État (mise en place de conventions de partage d'informations entre les départements et les autres partenaires oeuvrant dans le domaine social ; meilleure interopérabilité entre les systèmes d'information des différents partenaires, etc.).
• Prévoir un dispositif véritablement contradictoire et ajustable de compensation financière :
- en tenant compte du « passif »
Tout nouveau transfert devrait tenir compte des dépenses que l'État prenait antérieurement en charge mais également du « passif », c'est-à-dire des dépenses que l'Etat aurait dû assumer et qu'il n'a pas faites (application des droits sociaux, titularisation des emplois précaires, remise à niveau des moyens humains dans les services etc.).
Les conditions d'estimation d'un tel « passif » seraient à préciser avant l'examen parlementaire avec les instances de concertation nationales (Conférence nationale des exécutifs et CCEC). Elles devraient s'appuyer sur les bilans dressés par les « observatoires locaux » qui ont été mis en place de manière spontanée par de nombreuses collectivités.
- en mettant en place des référentiels
Pour l'évaluation des charges, il devrait être tenu compte, non seulement des chiffres globalisés des ministères, mais également des bilans établis au niveau des collectivités et, le cas échéant, d'organismes tiers, comme la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) en ce qui concerne la politique en direction des personnes handicapées.
Une tâche prioritaire serait d'établir des référentiels de gestion car on constate aujourd'hui des écarts considérables (comme par exemple, pour le ratio TOS/élèves).
- en prévoyant une évaluation préalable et sincère des politiques décentralisées
En aucun cas il ne pourra être proposé de nouveaux transferts de l'Etat vers les collectivités, ou entre les collectivités, sans que l'Etat n'ait, préalablement au projet de loi, présenté une analyse financière précise.
Compte tenu de la multiplication des décisions législatives dans les domaines décentralisés, la proposition de loi présentée par M. Alain Lambert, ancien président de la Délégation, et déposée le 12 octobre dernier qui a précisément cet objet est d'une actualité évidente. En effet, elle vise à introduire dans le Code général des collectivités territoriales une disposition qui prévoit que « Toute norme de l'État ayant pour conséquence d'augmenter, directement ou indirectement, une dépense imposée aux collectivités territoriales ou à leurs groupements est assorti d'une évaluation de l'augmentation de charge qui en résulte pour les collectivités ou les groupements concernés ; elle prévoit le montant de la compensation envisagée pour ces collectivités et groupements et, le cas échéant, ses modalités. »
Vos rapporteurs ne peuvent que souhaiter son examen par le Parlement dans les meilleurs délais car, dans le contexte actuel préoccupant des finances locales il y a urgence à agir.
* 15 « Un nouvel atout pour les collectivités territoriales : la mutualisation des moyens » : Rapport n°495 (Sénat 2009-2010) de MM. Alain LAMBERT, Yves DETRAIGNE, Jacques MEZARD, Bruno SIDO au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la Décentralisation.