4. Sensibiliser les municipalités à l'exigence de mixité et d'égalité
Il est indispensable d'associer les municipalités à toute action volontaire en faveur de l'égalité entre femmes et hommes dans le sport car, même si aucune contrainte réglementaire ne leur impose la mise en oeuvre d'une politique sportive, les communes et leurs groupements sont toutefois très largement présents dans l'organisation du sport en France. Leurs domaines d'intervention portent sur les équipements sportifs, le soutien à l'activité sportive (subventions des clubs, prestations de services avec les clubs professionnels, mise à disposition de personnel ou de moyens de transports...), l'animation (participation à l'enseignement de l'EPS, mise en place d'école municipale des sports...) ou l'organisation de manifestations sportives .
a) L'inégalité d'accès aux activités et aux équipements sportifs communaux
L'égal accès aux activités sportives et aux équipements n'est pas toujours bien assuré par les politiques communales.
La fréquentation des infrastructures sportives reste, encore aujourd'hui, très majoritairement masculine et la politique de la ville y a souvent involontairement contribué.
A l'instigation conjointe du ministère du sport et du ministère de la ville, une politique d'intégration par le sport a été conduite dans les années 1980, à la suite des émeutes urbaines de l'été 1981, pour ramener la paix dans les quartiers sensibles. Cette politique, qui se proposait de remédier au mal être et au désoeuvrement de certains jeunes, et des jeunes garçons en particulier, a encouragé la création d'infrastructures sportives en libre accès, terrains de sport en plein air ou « city stades », ainsi que l'ouverture des gymnases dans la soirée. Mais le libre accès de ces infrastructures a facilité leur accaparement par les garçons au détriment des filles.
En outre, d'autres équipements plus anciens, et notamment les piscines, ne répondent pas aux exigences de pratique sportive mixte et aux normes actuelles.
Enfin, il a été fréquemment relevé que lorsqu'une commune devait opérer un choix entre une équipe masculine et une équipe féminine, le choix s'opérait, à de très rares exceptions près, au profit des garçons pour tout un ensemble de raisons au nombre desquelles figure leur approche plus soucieuse de performances que celle des filles.
b) Des initiatives intéressantes à faire mieux connaître
Cependant certaines collectivités mènent des actions positives pour tendre vers l'égalité à travers la signature de conventions d'objectifs ou le versement de subventions, d'aides financières et de soutiens divers.
L'Association des maires de France (AMF) a recensé un certain nombre d'initiatives intéressantes mises en oeuvre par les collectivités :
« À Besançon, l'Office municipal du sport comporte quatre commissions permanentes dont une relative au sport au féminin.
« La ville de Venissieux a mis en place, pour l'année 2011, un appel à projet pour soutenir des projets concernant les femmes : les projets présentés devront s'appuyer sur la pratique d'activités physiques et sportives de loisirs (non compétitives). Ces projets devront avoir pour objectif principal de mobiliser des femmes autour d'enjeux liés à la prévention et à la santé, au développement de la mixité, de l'intégration et du civisme, notamment dans les ZUS.
« La ville de Lille soutient, avec l'aide de son service des sports, l'association « L'Olympique Lille Sud ». Les actions visent à améliorer la vie du quartier en proposant un sport proche et diversifié : mise en place d'ateliers de remise en forme, organisation de manifestations sportives féminines, création d'ateliers d'expression corporelle, propositions de randonnées pédestres... avec une proposition d'implication dans la vie associative et donc citoyenne en qualité de bénévole au sein du club.
« La ville de Dreux soutient l'association « Femmes plus », qui a ouvert des sections féminines de sport comme le football ou le rugby. Ces équipes sont destinées aux plus de 14 ans. Le club forme des femmes pour encadrer des jeunes et lie la pratique sportive à un projet éducatif » 33 ( * ) .
Actions menées par la Ville de Nancy Au cours de leur audition, Mme Lucienne Redercher et M. Franck Porterat ont présenté l'action menée par la ville de Nancy en faveur de la lutte contre les discriminations qui comprend un volet contre le sexisme et pour le sport féminin. Ce volet a permis de dénoncer des cas flagrants de sexisme mais aussi de proposer des pistes : - mise en place par Mme Tallot, adjointe au maire en charge des sports de stages destinés aux enfants où la parité est quasiment établie ; - création d'un « Prix du sport féminin » pour la ville ; - sensibilisation des professeurs d'EPS ; - communication autour des expériences positives comme celle de M. Christian Chantepie, président du club AS HDL Nancy Basketball qui a évoqué son expérience de création d'une équipe féminine dans un quartier classé en zone urbaine sensible (ZUS), où toutes les femmes, quelle que soit leur confession, jouent ensemble. La Ville de Nancy partage aujourd'hui son expérience avec d'autres municipalités intéressées, telle que Toulouse ou Reims. |
Actions menées par la Ville de Blanquefort M. Vincent Feltesse, maire de Blanquefort et président de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) a présenté, lors de son audition, les initiatives menées par sa ville en faveur de la parité, notamment dans le sport : - manifestation « Femmes et Sports » (2003) ; - création sur la commune d'un Observatoire de la parité « destiné à être un lieu de réflexion par le recueil d'un certain nombre d'informations relatives à la répartition des rôles masculins/féminins (...) et une force de proposition » (2004). - mise en place par la municipalité des sessions de formation continue sur l'égalité filles/garçons à destination des personnels municipaux intervenant avec les enfants et adolescents (2007-2008). Cette formation figure désormais dans le catalogue de formations proposé par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) Enfin, Blanquefort et quatre autres communes de la CUB participent à un programme de recherche mis en place par l'université Bordeaux 3 qui a pour objectif de mesurer « les incidences de la variable sexe dans les politiques publiques, les espaces et les équipements destinés aux loisirs des jeunes » . Cette mesure quantitative d'utilisation de ces espaces par genre est actuellement complétée par une série d'entretien. |
c) Les recommandations en vue d'une approche plus soucieuse de l'égalité d'accès au sport
Les équipements sportifs actuels, et en particulier les plus anciens, ne sont pas toujours adaptés à une pratique sportive tant masculine que féminine, ce qui n'encourage pas les femmes à les fréquenter.
La délégation recommande que l'égal accès des femmes et des hommes aux activités physiques et sportives soit systématiquement pris en compte dans le cahier des charges des projets de nouveaux équipements, de façon à ce que ceux-ci soient adaptés non seulement à l'accueil d'un public féminin, mais également à l'organisation d'activités « fémino-compatibles » .
Il est également indispensable d'améliorer la mixité des pratiques et de la fréquentation des équipements actuels.
Dans le cadre du recensement des équipements sportifs effectué par le ministère des sports , il conviendra d'évaluer systématiquement l'adaptation du parc actuel à une pratique sportive mixte .
Sur la base de cette évaluation , il conviendra ensuite, dans le cadre de la rénovation de ces équipements, d'attribuer les aides financières en priorité à leur mise en conformité avec les exigences d'une fréquentation équilibrée par les femmes et par les hommes .
La délégation souhaite en outre adapter les politiques sportives à la pratique féminine, en encourageant la mise en place d'horaires adaptés, d'offres sportives tournées vers le bien-être et la santé et, enfin, en intégrant la mixité dans les critères d'attribution des subventions municipales aux clubs de sport .
La pratique sportive féminine ne pourra en effet se développer que si la carte des activités physiques et sportives proposées comporte, à côté des disciplines qui attirent traditionnellement un public plutôt masculin (football, rugby), des activités davantage susceptibles d'intéresser un public féminin.
Il convient en outre de veiller à ce que les équipes masculines, ou les activités masculines, ne s'arrogent pas systématiquement les meilleurs créneaux horaires au risque de reléguer les femmes sur des plages horaires tardives ou malcommodes.
Enfin, comme le libre accès des installations sportives de plein air ou de proximité aboutit le plus souvent à la monopolisation de celles-ci par les garçons, il convient également d'inciter les communes à ne pas hésiter à y organiser des activités car, comme l'ont bien montré les auditions, c'est l'une des conditions pour que les filles puissent, à leur tour, y avoir accès.
Enfin, la délégation estime qu'il est important de redéfinir les critères qui permettent d'arbitrer quand seule une équipe peut bénéficier du soutien municipal . Au lieu de ne retenir que le critère de la performance, il est souhaitable de prendre en compte également le bien-être et la plus-value en termes de santé . Quand il est difficile de trancher, pourquoi ne pas décider de privilégier alternativement l'équipe masculine et l'équipe féminine, ainsi que l'équipe handisport...
Le sexe des éducateurs sportifs a, semble-t-il, une forte influence sur le sexe des pratiquants. A ce titre, il paraît indispensable de disposer, dans les quartiers, d'un vivier de professeurs et d'animateurs sportifs féminins. Aussi la délégation, reprenant une suggestion déjà formulée par Brigitte Deydier en 2004, recommande-t-elle que les jeunes filles des quartiers sensibles soient incitées à préparer le BP JEPS et le BEEP ou à suivre un cursus STAPS de façon à pouvoir alimenter ce vivier de professeurs et d'éducateurs sportifs et physiques dans les quartiers .
La délégation estime que la création, sous l'autorité du ministère en charge des sports, éventuellement dans le cadre de la nouvelle Assemblée du sport, d'un Observatoire national de l'égalité dans le sport pourrait permettre de traiter à la fois des inégalités de genre mais aussi de l'égalité entre sport et handisport et de l'accès au sport des séniors. Celui-ci pourrait recenser toutes les initiatives et bonnes pratiques en milieu scolaire et périscolaire, celles des fédérations, des collectivités locales mais aussi des entreprises et se charger de les diffuser dans un guide exposant également les conséquences positives de l'égalité de traitement.
On pourrait également envisager de tirer parti des « marqueurs » actuellement en place, pour soutenir et diffuser les bonnes pratiques des politiques sportives municipales innovantes :
• Le label Ville ludique et sportive 34 ( * ) est attribué pour trois ans par une commission technique composée de professionnels, et récompense l'engagement des élus et d'une équipe municipale pour des actions menées par la municipalité « en faveur de l'activité physique en accès libre » ;
• Le journal L'Équipe organise chaque année le « challenge de la ville la plus sportive ».
Le ministère des sports pourrait s'associer à l'une de ces initiatives, pour récompenser chaque année une ville dont la politique sportive en faveur de la pratique sportive féminine serait exemplaire.
* 33 Extrait de la contribution écrite de l'AMF annexée au présent rapport.