PREMIER THEME : PARTAGER SUR LA BASE D'INFORMATIONS FIABLES

Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure

I. COMMENT S'ASSURER DE LA FIABILITE DES INFORMATIONS DISPONIBLES ?

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Une précision : les préconisations dont a parlé Mme la ministre ne sont pas celles de l'OPECST, qui ne les validera pas avant le 22 juin.

La première table ronde s'intitule : « Comment s'assurer de la fiabilité des informations disponibles ? »

Ce qui est en cause dans la prise de décision, c'est non seulement l'utilisation de l'argent public et, partant, la pertinence des choix, mais aussi la confiance et l'attitude de la population en cas d'alerte.

L'information qui est parvenue aux citoyens par différents canaux était de qualité variable. Le 30 avril 2009, le British Medical Journal annonçait 1 840 cas de pneumonie sévère au Mexique liés à la grippe et 150 décès. Quelques mois plus tard, nous apprenions que vingt-six cas seulement étaient confirmés. Le fameux « premier cas », repéré au Mexique, est une gloire dans son village et il se porte très bien. Les informations de l'OMS ont été très limpides, mais le chercheur Tom Jefferson et ses étudiants se sont aperçus que la définition de la pandémie avait changé : à partir de mai 2009, il n'était plus question de gravité, ni du nombre de décès. Il est troublant de voir la définition changer en pleine pandémie.

Le « bruit de fond » scientifique a été troublé par l'évolution significative des investissements privés, les typages de virus, l'activité éditoriale, les pressions du LEEM (Les entreprises du médicament) sur la direction générale de la santé en 2005 pour que les avis du comité technique des vaccinations soient accélérés, les déclarations exagérées mais la relative discrétion qui a entouré le bilan des autorités néo-zélandaises et australiennes fin août.

Il y a enfin les modèles mathématiques de veille sanitaire. À Stockholm, il nous a été dit que la fragilité des modèles mathématiques n'avait d'égale que la disparité de leur mode d'élaboration d'un pays à l'autre. L'évaluation chiffrée des conséquences du choix fait par la Pologne de ne pas vacciner la population est compliquée par des calculs et des bilans qui, dit-on, ne sont pas comparables aux nôtres. Un chercheur anglais, Andrew Edward, nous a mis en garde contre une interprétation hâtive des données. Les courbes comparant la mortalité hivernale habituelle et la surmortalité attribuée à la grippe ont, par exemple, été perturbées par le plan britannique contre la pandémie : l'ouverture de centres d'appel a eu pour effet de faire chuter brutalement toute l'activité de repérage des médecins généralistes, à laquelle se sont substituées des déclarations à des correspondants téléphoniques. De là à en déduire, bien à tort, que la pandémie marquait le pas à Londres... L'ECDC a fait un point utile pour l'avenir sur ce que l'on pouvait savoir, sur ce qui était prévisible et sur les développements inattendus.

La controverse sur l'indépendance des experts aurait sans doute été moindre si la pandémie avait fait beaucoup de morts. De même, si les généralistes avaient été associés dès le début, ils n'auraient pas été une « caisse de résonance » pour le doute latent de la population.

Dans le Grenelle 1, les deux chambres ont voté à l'unanimité la création d'une instance de garantie de l'indépendance de l'expertise. Elle n'a toujours pas été installée. Peut-être aurait-elle rassuré les citoyens et évité à certains chercheurs d'être jetés en pâture à la télévision.

Rassurez-vous, nous n'avons découvert au cours de nos investigations aucune villa avec piscine financée par un laboratoire et habitée par un expert !

Le financement public et le financement privé de la recherche sont étroitement imbriqués et il est rare aujourd'hui qu'un expert n'ait pas travaillé à un moment donné avec les laboratoires.

Certaines données ont fait défaut, en particulier sur l'état d'immunité de la population - on n'a découvert qu' a posteriori que les gens nés avant une certaine date ne contractaient pas le virus. Il nous a manqué le repérage de pathogénicité. Des appels d'offre européens ont été lancés et des cohortes de sérologie sont actuellement à l'étude. L'INRA et l'INSERM ont été sélectionnés pour procéder à des examens en laboratoire, pour déterminer la dangerosité prévisible du virus.

Il faudra enfin évaluer la cohérence et la fiabilité des modèles mathématiques.

M. Jean-Claude Manuguerra, responsable de la cellule d'intervention biologique d'urgence à l'Institut Pasteur. Je vous remercie, madame la présidente, de vos paroles pour les experts.

Pour vous répondre sur la fiabilité des informations mises à la disposition des experts, je voudrais vous présenter le travail du comité de lutte contre la grippe au fil de la pandémie.

Le comité de lutte contre la grippe a été créé officiellement en juillet 2008, en fusionnant deux instances, l'une très ancienne - la cellule de lutte contre la grippe -, l'autre constituée de cette cellule et du comité technique des vaccinations du Conseil supérieur public d'hygiène publique de France, qui suivait, en auditionnant les laboratoires tous les six mois, l'état d'avancement des travaux sur le vaccin anti-H5N1. Le comité est composé pour une moitié de membres de droit - direction générale de la santé, Institut de veille sanitaire, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, Haut conseil de santé publique, comité technique des vaccinations, service de santé des armées et centres nationaux de référence de la grippe - et, pour l'autre, de personnalités qualifiées, dont des représentants des groupes régionaux d'observation de la grippe (GROG). En période interpandémique, ce comité se réunissait toutes les quatre à six semaines.

Nous avons toujours essayé de tirer les enseignements des pandémies grippales, de gravité variable avec des conséquences sanitaires très différentes - songeons à la pandémie de grippe dite asiatique et à la grippe espagnole -, et imprévisibles au démarrage quant à leur ampleur et à leur sévérité. Il était donc important pour nous de mettre en place un suivi épidémiologique, clinique et virologique, pour détecter un éventuel changement dans la morbidité, les complications, la transmission et la virulence du virus.

Il existait par ailleurs un plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale ». Il avait un ancêtre, qui remontait à 1995 et qui n'était pas du tout opérationnel, et il y avait aussi le plan de l'OMS qui avait vu le jour quelques années plus tard. Ce plan national a connu plusieurs révisions au fur et à mesure des crises auxquelles il a fait face, avec succès au moment du SRAS. La quatrième édition du plan, qui date de février 2009, envisage, dans un premier temps, l'intervention des centres « 15 » plutôt que celle des généralistes. Le plan prévoit aussi des fiches techniques d'aide à la décision, qui font l'objet, en fonction des données scientifiques, de mises à jour auxquelles participe le Comité.

Il est toujours facile de refaire l'histoire, mais personne ne sait la prévoir. Souvenez-vous des photos qui faisaient la une des journaux au printemps de 2009 : des Mexicains au visage dissimulé par un masque circulant dans le métro et arborant des images de la Vierge. À ce moment-là, le bureau de l'OMS au Mexique ne parvenait pas à connaître le nombre des victimes. Il ignorait, par exemple, si la pandémie marquait le pas ou si la baisse des cas enregistrés tenait seulement à une suspension de la collecte des chiffres pendant le week-end du 1 er mai. Les informations n'étaient pas fiables, ce qui compliquait la définition de la réponse à apporter.

Revenons-en brièvement à la chronologie. Le 24 avril, l'alerte est lancée par l'OMS, qui passe très vite à la phase 6, dès juin. Elle en est toujours là et nous pourrons nous demander pourquoi. En France, nous sommes restés en phase 5 tout le temps de la pandémie. Les étapes suivantes ont été l'amorçage du reflux dans l'hémisphère Sud fin août 2009, mais la poursuite de la progression dans l'hémisphère Nord. En France métropolitaine, nous avons constaté une intensification de la circulation virale à la mi-octobre, ce qui est précoce pour une épidémie grippale, d'abord seulement en Île-de-France, puis progressivement dans toutes les régions. Un pic a été observé en décembre 2009-janvier 2010, et le virus A(H1N1) représentait quasiment la totalité des virus grippaux isolés sur notre territoire.

Du 25 avril 2009 à la fin janvier 2010, le Comité de lutte contre la grippe a tenu quarante-trois réunions téléphoniques, soit une ou deux fois par semaine, y compris pendant la période d'été, avec la direction générale de la santé. Nos collègues ont donc répondu à l'appel et se sont montrés disponibles. L'ordre du jour était établi en fonction des saisines de la Direction Générale de la Santé (DGS) et des questions du Centre de crise sanitaire du ministère de la santé. Nous avons toujours travaillé de façon collégiale. Les comptes rendus et les avis faisaient l'objet d'une validation collégiale avant leur transmission au directeur général de la santé. Nos avis sont médicaux et techniques, en expertise pluridisciplinaire et collective, à l'exclusion de tout aspect économique, logistique ou de communication. Ils sont destinés à éclairer les autorités sanitaires et ils ne sont pas publics.

Le Comité s'est penché essentiellement sur les mesures barrières et les circuits de prise en charge de la grippe aviaire.

En période interpandémique, nous avons aussi fait un travail de fond autour de l'isolement et du port d'équipements de protection individuelle, en particulier sur la qualité et la durée de protection.

Depuis 2009, différents avis ont été rendus, sur les mesures de quarantaine, surtout dans les phases précoces, sur le port d'équipements de protection personnelle dans les structures de soins de basse et haute intensité virale, selon qu'il existait ou non un vaccin disponible.

En ce qui concerne la prise en charge, du 25 avril à la fin juin, elle a été exclusivement hospitalière avec isolement respiratoire et mise sous traitement systématique dans l'attente de la confirmation virologique. Début juillet, le Comité se positionnait pour une prise en charge dans le secteur ambulatoire, car la situation devenait difficile dans les hôpitaux. À partir de fin juillet, les hospitalisations étaient réservées aux formes cliniques graves d'emblée, ou compliquées.

L'autre thème abordé a été l'utilisation des antiviraux, dont les stocks étaient déjà constitués avant la pandémie. Nous avons régulièrement actualisé la fiche technique qui accompagne le plan « Stratégie et modalités d'utilisation des antiviraux » et l'avons mise à jour pour le virus A(H1N1). Nous avons élaboré à plusieurs reprises le document « Fiche pratique d'utilisation des antiviraux en milieu extra-hospitalier et en période pandémique ». Nous avons également recommandé de privilégier l'oseltamivir pour son action systémique en cas de virémie probable, pour les traitements curatifs. En post-exposition, nous avons défini ce que l'on appelle les « contacts étroits », souligné que la mise sous traitement perdait tout intérêt au-delà de quarante-huit heures, et préconisé, en l'absence d'autorisation de mise sur le marché, le passage du traitement en prophylaxie à un traitement préemptif ou probabiliste ultra-précoce, pour répondre à l'apparition de résistances lorsque l'on utilise le schéma prophylactique.

On nous a reproché de changer d'avis, mais c'est la situation qui changeait. Ainsi, le 15 octobre, le Comité conseillait un traitement curatif non systématique, c'est-à-dire seulement en cas de syndrome grippal avec des formes cliniques jugées sévères ou des formes graves d'emblée ou compliquées, et un traitement prophylactique en post-exposition. En revanche, le 13 novembre, le virus A(H1N1) était prépondérant par rapport aux autres virus, nous avons préconisé le traitement systématique de tout syndrome respiratoire aigu brutal avec signes respiratoires et généraux. Nous avions à ce moment-là des cas chez des personnes qui ne présentaient pas de facteur de risque, mais dont les symptômes dérapaient rapidement vers une grippe incontrôlable se terminant par le décès. Il est apparu que ceux qui n'avaient pas été traités risquaient davantage que les autres.

À quatre reprises, nous avons actualisé en fonction des données la fiche technique sur l'utilisation des antiviraux en milieu extra-hospitalier, en particulier pour les nourrissons. Nous avons défini les critères cliniques d'un cas possible de grippe avec l'Institut national de veille sanitaire (InVS) et préconisé le traitement de tous les cas suspects avec ou sans facteur de risque. Nous avons aussi émis des avis sur la prise en charge des femmes enceintes en curatif et en post-exposition, la grossesse apparaissant comme un facteur de risque.

Le Comité a naturellement abordé la stratégie vaccinale pandémique. Pour toute question se référant aux vaccins, il se transformait en groupe de travail temporaire du Comité technique des vaccinations (CTV) qui, lui-même, rendait un avis qui était soumis au Haut conseil de santé publique (HCSP). Le Comité se chargeait de la réflexion initiale et de l'élaboration d'un document de travail qui servait de base aux travaux du CTV, lequel votait un projet qu'il transmettait, pour validation, à la commission des maladies transmissibles du HCSP, dont les avis sont publics. Nous avions déjà fait un long travail de préparation sur les vaccins prépandémiques et pandémiques contre le virus H5N1. En 2008, dans le cadre de ces travaux sur la stratégie vaccinale, le Comité s'est fondé sur une modélisation InVS-INSERM de l'impact de la prévaccination sur la pandémie.

Durant la dernière pandémie, nous avons auditionné les laboratoires producteurs de vaccin et nous avons essayé d'obtenir une nouvelle modélisation destinée à mesurer l'intérêt de la vaccination tardive par rapport à la circulation du virus.

Notre participation à l'élaboration de la stratégie vaccinale A(H1N1) s'est concrétisée par quatre avis successifs, notamment sur la pertinence de l'utilisation d'un vaccin sans adjuvant pour certaines populations et sur la poursuite de la campagne vaccinale.

Quant aux autres thèmes abordés, nous avons suivi très précisément l'évolution des virus, notamment lors de la mutation apparue en Norvège, qui s'est heureusement révélée non transmissible. Nous avons aussi observé en France des cas de double mutation de pathogénicité et de résistance aggravées. On peut basculer rapidement d'un virus extrêmement bénin à un virus très sévère, et nos recommandations peuvent se périmer très vite. Nous avons également essayé de tenir à jour les listes de populations à risque de complications en fonction des informations que nous recevions de l'étranger. Nous nous sommes penchés sur les transports de prélèvement afin, notamment, de désigner les laboratoires de première ligne pour diagnostiquer le virus A(H1N1). Nous avons aussi eu à répondre à des questions sur la vaccination contre la grippe saisonnière, et avons analysé de manière collégiale de très nombreuses publications.

« Et si c'était à refaire ? » : l'expertise en urgence est pour nous difficile, voire impossible. Il en est ainsi de l'évaluation du risque sanitaire puisque nous parvenaient chaque jour des informations extrêmement contrastées en provenance de différents pays. Je rappelle que la Nouvelle-Zélande et l'Australie sont situées dans des zones qui représentent moins d'un tiers de la population mondiale, et dans l'hémisphère Sud où les saisons sont très différentes. La difficulté consiste aussi à procéder à une expertise rapidement, quand elle commande des mesures de gestion immédiate.

Les décisions, en particulier celle d'appliquer les avis du Comité de lutte contre la grippe, sont du ressort exclusif de l'autorité sanitaire. Mais, si elle ne nous suit pas, nous souhaitons comprendre pourquoi. Il arrive ainsi que les décisions que nous préconisons ne soient pas applicables pour des raisons que nous ignorons.

Il serait intéressant par ailleurs de calculer la proportion de nos avis qui sont suivis, laquelle est très variable selon les comités techniques.

Il nous reste enfin à tirer les leçons définitives sur le fonctionnement de notre comité, mais nous avons été trop sollicités pour le faire.

Je conclurai par une réflexion émanant de l'équivalent américain du directeur général de la santé, et qui remonte à 1957 : « I am sure that what any of us do, we will be criticized either for doing too much or for doing too little [...]. If an epidemic does not occur, we will be glad. If it does, then I hope we can say that we have done everything and made every preparation possible to do the best job within the limits of available scientific knowledge and administrative procedure. » 1 ( * ) Il y a de quoi méditer !

Mme Françoise Weber, directrice générale de l'Institut national de veille sanitaire (InVS). L'Institut national de veille sanitaire avait trois missions : décrire l'épidémie, élaborer des scénarios à partir de ce que nous savions des pandémies précédentes et des données collectées, évaluer les mesures de prévention et de contrôle prises par les pouvoirs publics.

Pour la première mission, nous avons recouru aux systèmes habituels de surveillance, utilisés dans la plupart des pays développés.

La veille internationale nous a permis de recueillir quotidiennement les données sur la pandémie provenant d'organismes officiels. En France, le réseau des Groupes Régionaux d'Observation de la Grippe, le réseau Sentinelles et d'autres réseaux non spécifiques à la grippe ont pu apprécier l'impact de l'épidémie et sa tendance. La surveillance de la mortalité globale a été satisfaisante, malgré un délai d'une dizaine de jours entre la rédaction des certificats de décès et l'envoi des données et, s'agissant de la stabilité du virus et de ses résistances, les centres nationaux de référence de la grippe se sont parfaitement acquittés de leur mission d'observation.

Il n'y a que pour les cas graves et les décès directement liés à la grippe que nous avons dû élaborer un nouveau système de surveillance, en faisant appel à la collaboration des sociétés savantes, de manière à décrire rapidement leurs caractéristiques et les facteurs de risque. Cela nous a permis de collecter des données sur plus de 90 % des cas.

Ces systèmes de surveillance ont, globalement, atteint leurs objectifs, et les données produites n'ont pas été critiquées. Toutefois, ils pourraient être améliorés.

À l'échelon international, il serait utile que des données précises sur chaque pays soient mises rapidement à la disposition de la communauté scientifique. Nous avons attendu de longues semaines avant d'obtenir des données sur la situation au Mexique, ce qui a fait prendre du retard à nos modélisations.

En France, l'unification des réseaux de surveillance de la grippe permettrait de gagner en efficacité. Surtout, il conviendrait de réduire le délai de recueil des certificats de décès : si tous les médecins adoptaient la certification électronique - qui ne concerne pour l'instant que 4 % des décès -, les données seraient disponibles en une dizaine de minutes, contre dix jours actuellement. En l'espèce, les conséquences ont été limitées, mais elles pourraient se révéler nettement plus importantes dans le cas d'une crise plus grave.

S'agissant des scénarios, ils ont été révisés à la baisse au fur et à mesure que les données nous parvenaient, mais un déroulement aussi favorable n'avait été prévu qu'en partie. Nous tablions sur un taux de létalité avoisinant celui de la grippe saisonnière, mais le taux d'attaque correspondant aux formes symptomatiques et, surtout, la mortalité globale ont été largement surestimés, faute d'avoir pris en compte deux facteurs imprévus.

D'abord, les personnes disposant d'une immunité croisée furent plus nombreuses que prévu, en particulier parmi les sujets âgés, ce qui a limité les conséquences de la pandémie en termes de mortalité. Sur ce point, nos outils de modélisation ont été très insuffisants ; nous devrons les améliorer et mieux tenir compte des variables susceptibles d'apparaître au début d'une crise sanitaire.

Ensuite, il y eut une forte proportion de cas asymptomatiques. Des études sérologiques précoces auraient permis d'élaborer une hypothèse supplémentaire, plus proche de la réalité.

Pour ce qui est de l'évaluation des mesures prises par les pouvoirs publics, le bilan est contrasté.

Le bilan est plutôt positif en matière d'évaluation de l'efficacité des antiviraux. La surveillance des cas graves et des décès a montré qu'un traitement précoce réduisait la sévérité de la maladie et le risque de mortalité, quels que soient les facteurs de risques, ce qui a permis d'adapter en conséquence les recommandations de prescription.

En revanche, il fut beaucoup plus difficile d'apprécier la couverture vaccinale. Si nous avons pu nous faire une idée de la couverture vaccinale globale grâce à une enquête déclarative - avec les limites que ce type d'exercice comporte -, l'estimation par type de patient et en fonction des facteurs de risque s'est révélée délicate, parce qu'elle supposait de croiser des bases de données, ce qui est très difficile dans notre pays. Nous devons, dans un souci de santé publique, chercher des solutions avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et avec la CNIL.

Quant à l'efficacité du vaccin, elle a été évaluée dans le cadre d'un projet du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), auquel a participé le réseau des GROG.

Pour résumer, si nos systèmes de surveillance se sont révélés plutôt fiables, nous devons améliorer nos outils de modélisation, en liaison avec la recherche, afin de mieux prendre en compte l'ensemble des variables propres à chaque épidémie. Par ailleurs, un accès aux bases de données et la possibilité de les croiser est une des conditions du développement de nos capacités de surveillance.

En conséquence, si c'était à refaire, nous prendrions en compte la variable de l'immunité croisée et nous ferions des études sérologiques dès le début de la pandémie - mais la prochaine crise nous réservera sans doute de nouvelles surprises.

M. Gérard Bapt, député. Je précise en préambule que mon intervention ne sera pas partisane, le débat ayant transcendé les clivages politiques.

Pour gérer une crise sanitaire, il faut savoir de quoi l'on parle. Or les données qui nous ont été transmises sont apparues, au fil des semaines, contradictoires, incohérentes, voire erronées.

S'agissait-il réellement d'une pandémie ? Jérôme Sclafer, membre du Comité technique des vaccinations, a abordé la question devant la Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Dans la mesure où cette infection a tué des gens jeunes, sans pathologie associée, je ne suis pas de ceux qui estiment qu'il s'agissait d'une « grippette ». Toutefois, force est de constater que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a modifié sa définition de la pandémie en cours de route.

En effet, le 24 avril 2009, à la suite de la découverte de deux cas aux États-Unis, Richard Besser, le directeur du Centers for Disease Control and Prevention (CDC) déclarait que le virus serait expertisé selon trois dimensions : s'agit-il d'un nouveau virus ? Est-il très contagieux ? Quelle est sa pathogénicité ? Mais le 4 mai, ce dernier critère disparaissait, l'OMS décidant de ne plus tenir compte de la mortalité et de la morbidité dans la définition officielle de la pandémie. Toutefois, les recommandations de l'OMS pour la préparation des plans nationaux continuaient de faire référence à la sévérité de la pandémie et de prévoir entre 2 millions et 7,4 millions de décès.

Tout avait commencé par le signalement à La Gloria, commune de l'État de Veracruz, au centre du Mexique, d'une épidémie dont la fin a été officiellement proclamée le 24 avril et dont Science Express a dressé le bilan le 11 mai.

Cette commune comptait 2 155 habitants, dont un tiers âgés de moins de quinze ans. Au moment de l'épidémie, entre le 15 mars et le 12 avril, 1 575 personnes y séjournaient. Toutes les habitations ont été visitées ; 616 cas ont été déclarés suspects, sur interrogatoires, en fonction de critères symptomatologiques. In fine , aucun décès n'a pu être attribué au virus A(H1N1). Le jeune garçon sur lequel avait été diagnostiquée la grippe porcine a sa statue sur la place du village.

Lorsque l'épidémie a gagné l'agglomération de Mexico, un relevé épidémiologique quotidien a recensé les cas suspects, les cas identifiés et le taux de létalité. Or deux facteurs ont grandement compliqué l'interprétation des données. D'abord, la définition du cas suspect a été modifiée le 1 er mai, son extension faisant chuter brutalement le taux de létalité. Ensuite, dans le contexte politique mexicain, la gestion de l'épidémie est devenue un enjeu électoral entre l'État central et les États fédérés, ce qui a favorisé l'emballement médiatique. Il convient donc que les données soient précisées et normalisées.

Comment l'OMS a-t-elle traité l'information ?

Le 24 avril, son porte-parole, Mme Fadela Chaïb, déclarait que près d'une soixantaine de cas mortels avaient été recensés dans la région de Mexico. Or, dans le même temps, M. Cordova, ministre mexicain de la santé, évoquait cinquante cas suspects et seize décès. Les autorités annonçaient le lancement d'une vaste campagne de vaccination et conseillaient à la population de ne pas prendre le métro, de ne pas s'embrasser, de ne pas se serrer la main, et les écoles, les lycées, les universités ont été fermés. Le même jour, l'AFP de Genève indiquait qu'il y avait au Canada dix-huit décès, sur cinquante cas suspects.

Le 25 avril, l'OMS annonçait une situation d'urgence sanitaire de portée internationale. Le 26, les États-Unis décrétaient l'état d'urgence sanitaire ; à Mexico, l'agence Reuter faisait état de quatre-vingt-un décès supposés. Le lendemain, le directeur adjoint de l'OMS, M. Fukuda, rectifiait ces données : il n'existait que onze cas de grippe A(H1N1) aux États-Unis, tous bénins, seize au Mexique, testés à Winnipeg, et aucun décès ne pouvait être attribué à ce virus. Ce n'est que le 27 que l'OMS authentifiait sept décès. Celle-ci n'a donc pas démenti que la pathogénicité du virus fût modérée.

Le 14 mai, le Premier ministre français commandait des vaccins au laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) et commençait à préparer la lutte contre la nouvelle pandémie, en reprenant le plan prévu pour le virus (H5N1).

Sur de telles bases, comment adapter les plans d'action à la nature du danger ? Il faut que les virologues s'accordent entre eux, et nous disent si un virus peut ou non muter en cours de pandémie ! M. Manuguerra et Mme Weber ont évoqué cette possibilité, soulignant le fait que le virus aurait pu devenir plus dangereux ; mais le professeur Flahault, au cours de son audition devant la commission d'enquête, a affirmé que l'on pouvait annoncer la fin d'une pandémie lorsque le virus avait muté, c'est-à-dire lorsqu'il ne trouvait plus d'hôtes pour se développer. Dans ce cas, une réponse vaccinale risquerait d'être inefficace !

En septembre 2009, l'anthropologue Peter Doshi, de l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT), auteur en 2008 d'un article remarqué sur la diminution au siècle dernier de la gravité des épidémies aux États-Unis, a indiqué, répondant à la question : « Quelle est la réponse appropriée aux maladies infectieuses causées par de nouveaux virus dont la dangerosité est limitée ou la contagiosité faible ? », que les réponses apportées ont toujours été basées sur les pires hypothèses, alors que les conditions de surveillance et d'alerte ont radicalement changé depuis 1918. Selon lui, la propension à recourir aux tests en laboratoire pour dépister le virus A(H1N1) avait produit de l'angoisse, et la majoration du danger était susceptible de provoquer les événements, plus encore que la maladie elle-même. C'est pourquoi Peter Doshi proposait d'évaluer l'impact d'une épidémie, en fonction, d'une part, de sa contagiosité et, d'autre part, de sa sévérité. Sa réflexion est restée sans écho. Pourquoi ?

Tout à l'heure, Mme la ministre s'est montrée ouverte à la critique et s'est déclarée favorable à la réflexion. Elle reconnaît désormais la nécessité d'adapter un plan à la nature du danger, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques semaines. Elle a également dit qu'en matière de communication il faudrait à l'avenir s'appuyer davantage sur les médiateurs que sont les professionnels de santé. Mais il y a aussi les parlementaires et les grands élus !

La mission d'information sur la grippe aviaire, présidée par Jean-Marie Le Guen et dont Jean-Pierre Door était le rapporteur, avait pourtant conclu à la nécessité d'utiliser de tels médiateurs. Leur mise à l'écart a favorisé la propagation de rumeurs et d'informations erronées, notamment via internet. Le docteur Jean-Marie Cohen, responsable du réseau des GROG, a déclaré devant la commission d'enquête que les prélèvements avaient été interrompus entre avril et juin 2009 parce que les postiers avaient peur que ces envois ne contiennent un virus grippal mortel, qui les ferait agoniser dans d'atroces souffrances ! C'est dire si une bonne communication est capitale.

Lorsque le responsable de la communication gouvernementale, M. Thierry Saussez, nous affirme qu'en cas de crise, il a pour principe de toujours privilégier les hypothèses les plus pessimistes, cela rejoint le problème des effets des prévisions des agences officielles. À la suite de la publication de l'avis du 28 septembre, M. Marc Mennessier pouvait ainsi écrire dans Le Figaro que le nombre de décès prévisibles variait de 6 400 à 96 000 en fonction du taux d'attaque, chiffre de deux à trente fois supérieur à celui de la grippe saisonnière. Si l'on ne tient pas compte des effets des prévisions, des annonces et des propositions divergentes, il sera bien difficile d'obtenir l'adhésion de l'opinion publique à l'application d'un plan de lutte, quel qu'il soit !

Par ailleurs, il faut davantage de transparence et de vigilance. Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Manuguerra a reconnu qu'il était anormal que les délibérations du Comité de lutte contre la grippe aient été tenues secrètes et que l'on n'ait pas mis un terme aux suspicions de conflit d'intérêts en publiant la liste des experts concernés. Loin de moi l'idée que des chercheurs aient pu agir dans un esprit mercantile, mais ce manque de transparence a introduit un doute et donné prise à la moindre rumeur.

Enfin, il convient de préciser les données de pharmacovigilance. Des comparaisons devront être faites pays par pays pour déterminer si la stratégie vaccinale doit être considérée comme une barrière collective ou comme une protection individuelle.

M. Jean Marimbert, directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Responsable de santé publique, non scientifique moi-même, j'ai eu le sentiment que l'incertitude avait été plus grande qu'à l'occasion d'autres phénomènes épidémiques.

Les incertitudes portaient non seulement sur les données épidémiologiques - moment, taux de l'attaque, facteurs d'exposition aux formes graves -, mais aussi sur le virus lui-même. Par exemple, au début du mois de septembre 2009, un article montrait, à partir de recherches sur le furet, que, si le virus disposait d'un taux d'attaque élevé et se transmettait facilement, en revanche son aptitude à muter était faible. Toutefois, le 20 novembre, plusieurs cas en Norvège relançaient l'hypothèse d'une mutation en première phase pandémique.

De même, jusqu'à l'été inclus, on pensait qu'il s'agissait d'une pandémie, donc que la très grande majorité de la population était naïve - exception faite des personnes âgées ayant pu être en contact antérieurement avec le virus. Or, lorsque nous avons reçu, dans le courant de l'automne, les résultats des essais cliniques, nous nous sommes aperçus que d'autres populations bénéficiaient également, avant vaccination, de taux d'anticorps relativement élevés.

Enfin, j'avais bien compris, lors de mes discussions avec les épidémiologistes, que se posait la question de l'interaction entre le virus A(H1N1) et celui de la grippe saisonnière, mais la réalité a dépassé toutes les prévisions, avec la quasi-éradication du virus de la grippe saisonnière par le virus A(H1N1).

D'autres incertitudes portaient sur les paramètres industriels, les rythmes de production, ainsi que sur les délais d'évaluation et d'autorisation du vaccin.

Dans ce contexte, nous nous sommes efforcés de transmettre des données aussi fiables que possibles de manière à faciliter non seulement la décision publique, mais aussi les décisions individuelles, notamment pour la vaccination. Il fallait veiller à ne rien oublier, sans se laisser abuser par des éléments non pertinents. L'AFFSAPS a réalisé une veille scientifique, se concrétisant par la rédaction, deux ou trois fois par semaine, d'une revue de presse.

En l'espèce, l'incertitude s'associait à un foisonnement de données parfois contradictoires. Pour savoir quel crédit leur accorder, il importe de procéder à une évaluation collégiale et rapide des données en situation de crise.

Les échanges avec d'autres autorités sanitaires mondiales peuvent y contribuer, notamment pour comparer les résultats des essais cliniques et éprouver la fiabilité des données de base, comme nous l'avons fait pour le vaccin Panenza avec l'Agence européenne des médicaments (EMEA) et la Food and Drug Administration (FDA), mais cela ne suffit pas. Il est préférable que l'on possède, en interne ou en externe, une capacité de vérification des données provenant de sources tierces. Ainsi, il est utile de disposer de contacts opérationnels dans le processus de fabrication des lots de vaccins, de manière à pouvoir vérifier les niveaux de rendement communiqués par les producteurs, de faire contrôler dans des laboratoires publics ou indépendants les titrages d'anticorps avant et après vaccination, et de refaire des essais cliniques à partir de données souches plus détaillées. Autre exemple, en octobre, au moment d'évaluer et d'autoriser un antiviral, nous avons dû, face à une donnée individuelle atypique, faire des contre-épreuves sur 700 ou 800 doses.

Il convient de s'assurer de la fiabilité non seulement des données de base, mais aussi des processus d'évaluation, ce qui suppose de respecter quelques principes fondamentaux. Le premier est la collégialité de l'évaluation : un point de vue individuel ne vaudra jamais un dialogue entre scientifiques. Ensuite, il importe d'associer à l'expertise interne aux structures publiques une expertise externe, ancrée dans l'activité scientifique, qui a, par nature, davantage de contacts avec les industriels - ce qui, en soi, ne fait pas problème. Enfin, fiabilité ne signifie pas nécessairement crédibilité : il faut exiger des déclarations d'intérêt et en tirer les conséquences sur le processus d'évaluation, en excluant certains experts de certaines phases, même si leur honnêteté et leur intégrité ne sont pas en cause. De ce point de vue, l'expérience de la pandémie ne peut que nous inciter à augmenter les efforts de transparence.

DÉBAT

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Le dernier invité à la table ronde, M. Jérôme Sclafer, membre du Comité technique des vaccinations, n'a pu nous rejoindre. À partir d'une étude exhaustive des publications, des communiqués de presse et des investissements, il a montré qu'il existait, depuis plusieurs années, un climat propice à une alerte maximale. Je vous invite à consulter le compte rendu de son audition par la Commission d'enquête sur la grippe A du Sénat.

Madame Weber, dispose-t-on de données sur la Pologne, qui a refusé d'acheter les vaccins contre la grippe A(H1N1) ?

Mme Françoise Weber. D'après les données transmises par le ministère polonais de la santé et sous réserve d'une étude ultérieure, cela n'a pas eu de répercussion sur l'impact de la pandémie ; les différences constatées sont plutôt liées à la capacité des systèmes de santé à faire face aux formes graves. Ce résultat n'est guère étonnant, dans la mesure où l'objectif de la vaccination était de modifier non pas le profil de la pandémie, mais la protection individuelle. Il paraît difficile de tirer des conclusions générales sur l'efficacité de la vaccination s'agissant de faits qui sont restés rares. On ne pourrait le faire qu'au plan individuel.

M. Jean-Pierre Door, député, co-rapporteur. Quel est le bilan des études de cohortes qui ont été lancées ?

M. Antoine Flahault, directeur de l'École des hautes études de santé publique (EHESP). L'EHESP a coordonné deux programmes : le premier, CoPanFlu, porte sur une cohorte de foyers représentatifs de la population, d'abord à la Réunion, puis en métropole et enfin, à l'échelle internationale - au Laos, à Djibouti, au Mali, en Bolivie et, récemment, au Sénégal - ; le second, SéroGrippeHebdo, est une étude de séroprévalence menée en partenariat avec l'Institut de veille sanitaire. Ces programmes ont été en grande partie financés par l'Institut de microbiologie et des maladies infectieuses (IMMI) de Jean-François Delfraissy.

CoPanFlu a été lancé à la Réunion, grâce au Centre de recherche et de veille sur les maladies émergentes dans l'océan Indien créé à la suite de l'épidémie de chikungunya, afin de mesurer le taux d'attaque correspondant aux formes non seulement symptomatiques, mais aussi asymptomatiques. L'hiver arrivant dans l'océan Indien, ce premier bilan pourra être complété.

Une autre cohorte a été mise en place en métropole. On en est encore aux études préliminaires. Les premiers résultats sérologiques montrent la grande hétérogénéité des taux d'attaque en fonction des classes d'âge : les personnes âgées ont été peu atteintes par le virus, contrairement aux enfants.

Pour les pays en développement, les résultats seront présentés lors d'un séminaire organisé en fin de semaine par l'IMMI et par la Fondation Mérieux.

Le lancement du programme SéroGrippeHebdo a été décidé au début de l'automne, afin de compléter le dispositif de veille sanitaire par une enquête auprès des femmes enceintes. La technique de sérologie a été mise au point par l'équipe de virologie de Xavier de Lamballerie. L'analyse a montré que ce groupe, avec un taux d'attaque d'environ 10 % hors vaccination, se situait à un niveau médian, bien inférieur à celui des enfants et des nourrissons, mais bien supérieur à celui des personnes âgées.

M. Didier Tabuteau, responsable de la chaire « Santé » à l'Institut d'études politiques de Paris. Quel rôle ont joué l'ECDC et l'OMS dans l'accès aux données de base ? Quelle analyse les autorités nationales ont-elles faite de ces données ?

Mme Françoise Weber. Comme les autres pays, nous avons eu accès aux données au fur et à mesure qu'elles étaient mises à disposition par l'OMS. Je dois dire que cela a été assez long, notamment pour le Mexique. Comme l'a rappelé M. Bapt, les informations furent fluctuantes et contradictoires ; nous avons eu notamment beaucoup de mal à estimer la létalité et le taux d'attaque, ce qui s'explique dans la mesure où les données reposaient uniquement sur une vérification virologique.

Quant à l'ECDC, nous travaillons de façon très étroite avec lui depuis sa fondation. Les membres de nos unités chargées de la veille internationale et de l'analyse scientifique sont en dialogue quotidien avec leurs homologues. Certains de nos experts ont participé aux travaux produits par l'ECDC durant la crise sanitaire. Par ailleurs, le Centre possède un système de signalement européen, l' Early Warning and Response System (EWRS). Enfin, il a fourni à l'ensemble des pays membres des analyses de données, des revues de la littérature et des états de la science.

M. Hubert Vermeersch, responsable médicaments et agroalimentaire dans la section consommateurs auprès de la Conférération nationale des associations familiales catholiques. Quelle a été la proportion de cas asymptomatiques ?

Mme Françoise Weber. Lors d'une grippe saisonnière, la proportion d'asymptomatiques est de 30 à 40 %. Durant la pandémie dont nous parlons, ce taux aurait largement dépassé les 50 %, voire atteint 70 % dans certaines populations, ce qui était totalement inattendu. Si nous l'avions su, nous aurions révisé à la baisse l'estimation du taux d'attaque et de la létalité.

M. Hubert Vermeersch. Comment mesure-t-on ce taux ?

Mme Françoise Weber. Par des études épidémiologiques, avec un suivi de cas, et par des éléments sérologiques, en comparant les taux des personnes immunisées avant et après l'exposition au virus.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Mesdames, Messieurs les experts, avons-nous aujourd'hui l'espoir de collecter en laboratoire des informations sur la pathogénicité d'un virus - dès lors qu'on l'a identifié - qui soient utiles à la décision publique ? L'un de vos collègues a marié, dans le laboratoire P4, des virus H5N1 et A(H1N1). Leur observation peut-elle fournir des indications sur leur comportement ? Ne s'agit-il pas d'une chimère puisqu'on n'a pas su le faire dans le milieu naturel ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Des études scientifiques sont parfois réalisées sans avoir pour vocation d'aider à la prise de décision dans le domaine de la santé publique. Nous avons aussi besoin de connaissances pures, par exemple pour le réassortiment de virus de type A et de type B, jamais réalisé en laboratoire ni observé dans la nature en raison des incompatibilités de structures. En revanche, la pertinence d'un virus chimère H5N1 et A(H1N1) a dû être prise en compte par le comité d'hygiène et de sécurité du laboratoire qui a procédé à l'expérience.

Peut-on savoir, en observant un virus, s'il est ou non pathogène ? Oui et non. Pour les virus aviaires, hautement pathogènes, en particulier le H5 et le H7, un marqueur de virulence très précis permet une association automatique. Mais l'absence de marqueur ne signifie pas que le virus ne peut pas devenir virulent. On a ainsi constaté au Mexique, au milieu de la décennie quatre-vingt-dix, qu'un virus inoffensif, introduit à partir d'un réservoir sauvage dans des espèces domestiques particulièrement sensibles comme la dinde et la poule, peut muter, de but en blanc, en un virus pathogène causant plusieurs millions de morts dans l'une de ces espèces animales.

Pour les autres virus, on connaît un certain nombre de marqueurs de virulence, notamment ceux indiquant si le virus est plus ou moins sensible à la réponse à l'interféron ou si, véhiculé par les oiseaux, il peut se multiplier dans certains territoires où la température est moins élevée, ou encore, comme pour la mutation 222, s'il a la capacité de se lier à des récepteurs dont les cellules sont plus profondes dans l'organisme mais qui sont apparus au détour de pathologies issues de certains traitements chez les immunodéprimés. Toutefois, ces mutations ne sont pas toujours suffisantes pour mesurer la pathogénicité du virus.

La première description du génome complet des premiers virus californiens n'a pas montré de marqueur de pathogénicité originelle : l'observation en fut faite dans les tout premiers jours. Mais les virus mutent en permanence. Il faut distinguer les mutations concernant leur partie antigénique, significatives pour parvenir à un nouveau variant en fin d'épidémie, lequel préfigure celui de l'épidémie suivante, de celles qui touchent à des fonctions sans rapport avec l'antigénicité, comme justement le mutant 222 qui a une propension à s'attacher aux parties profondes du poumon. Le virus peut alors muter dans la même position et conserver la même antigénicité : le même vaccin reste alors efficace.

Mme Michèle Rivasi, membre du Parlement européen. En tant que députée européenne, j'ai vécu les événements au niveau de l'Union.

Comment assurer la fiabilité, déterminante pour faire face à la crise, des informations disponibles ? Je suis plutôt insatisfaite des réponses fournies ce matin à ce sujet.

Plusieurs interventions ont montré que, dès le mois d'avril 2009, on disposait d'informations, les unes fondées sur des prélèvements effectués au Mexique et montrant que le virus provoquait beaucoup moins de morts que prévu, les autres provenant des ministères de la santé d'Australie et de Nouvelle-Zélande et indiquant que le virus était très peu virulent. Le 5 mai, le ministre en charge de la santé aux États-Unis avait annoncé que le virus était stable.

Soit l'OMS dirige, et les agences sanitaires ne font que suivre, soit nous disposons en France d'experts capables d'analyser une situation internationale. Pourquoi les agences n'ont-elles pas été suffisamment critiques pour faire savoir au ministre français de la santé, Mme Roselyne Bachelot, qu'il fallait se garder de tout alarmisme et que l'on pouvait gérer la crise de façon plus réaliste ? Telle est la question de fond, qui concerne surtout l'InVS, l'AFSSA étant surtout liée à la pharmacovigilance.

Nous avons entendu la ministre de la santé polonaise, Mme Ewa Kopacz, nous expliquer qu'elle avait refusé le recours au vaccin car ses experts avaient effectué une analyse globale montrant que cela n'était pas nécessaire. Elle a surtout jugé inacceptable le comportement du laboratoire GSK qui voulait tenir les dirigeants de la santé publique pour responsables de la mort des enfants s'ils n'achetaient pas son vaccin ou bien, en cas d'achat, de ses effets secondaires. Pourquoi, en France, ne dispose-t-on pas d'experts critiques du même genre ? Pourquoi le Comité de lutte contre la grippe, auquel participaient des experts français ici présents, ne s'est-il pas montré plus objectif et plus pertinent au vu des informations qu'il recevait ?

Compte tenu des leçons tirées, grâce notamment à ce colloque, comment serons-nous, à l'avenir, plus performants et plus crédibles vis-à-vis de la population ?

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Les experts présents sont interpellés sur leur degré de distance par rapport à une pensée unique conforme aux positions prises par l'OMS, par les CDC ( Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis) et à l'ECDC. Étiez-vous en pleine harmonie avec celles-ci ou bien des divergences existaient-elles ? De quelles marges de manoeuvre disposiez-vous ?

Mme Françoise Weber. La question nécessite en effet quelques éclaircissements.

L'InVS, chargé d'une mission d'alerte et de surveillance pour la France, travaille sur la base d'une expertise interne et indépendante, reposant sur le travail de ses personnels scientifiques - de même formation et de même degré de compétence que ceux des agences comparables dans les autres pays, ceux de l'ECDC et de l'OMS, utilisant en outre les mêmes types de processus.

L'OMS constitue un fournisseur de données internationales permettant de valider des informations provenant de pays dont la propre validation n'est pas suffisante. Nous nous appuyons aussi sur les éléments provenant de la veille internationale, ce qui suppose un exercice complexe, soumis à une procédure, consistant à pondérer les données en fonction de leur origine (telle qu'un ministère de la Santé), de ce que nous savons du travail de l'organisme concerné, et de la façon dont elles sont présentées. C'est ainsi que fonctionne aussi le CDC d'Atlanta.

La littérature scientifique représente une autre source d'information. Nous privilégions toutefois les revues dotées d'un comité de lecture. Telles sont nos bases de travail sur le plan international.

Sur le plan national, nos données sont collectées par les réseaux que j'ai mentionnés plus haut. Il s'agit de données brutes sur lesquelles nous effectuons un travail épidémiologique et biomathématique. Nous travaillons également avec des centres nationaux de référence obéissant à un cahier des charges.

Nous nous comparons aux organismes internationaux afin, d'une part, de vérifier que nous prenons tous les éléments en compte, d'autre part, d'examiner si une position adoptée, par exemple, par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), nous apporte des éléments nouveaux, enfin, de savoir si nous devons approfondir une voie plutôt qu'une autre.

Une partie de l'incompréhension vient de ce que les positions prises ne sont pas suffisamment interprétées en fonction du contexte.

M. Gérard Bapt a précédemment évoqué les publications, intéressantes, de Peter Doshi. Mais il y eut plus de 3 800 publications en quatre à cinq mois sur le même sujet, rien que par des revues à comité de lecture ! Il aurait été hasardeux de ne prendre en compte que l'une d'elles sans disposer d'éléments convergents avec la position qu'elle soutenait. Si un autre scénario d'épidémie s'était déroulé, on nous l'aurait reproché avec raison.

Il faut par ailleurs que l'ensemble des récepteurs de la communication soit bien formé à la validité d'une position scientifique, ce qui implique d'abord de faire la différence entre un résultat de travail scientifique et une opinion d'expert. L'avis récent rendu par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) est très intéressant sur ce point. On ne peut asseoir une position sur une opinion d'expert isolé de la même façon que sur un avis d'expert rendu de façon collégiale et pluraliste ni, a fortiori , que sur le résultat d'un travail scientifique. C'est au travers d'un tel filtre qu'il faut analyser les données. Nous ne pouvions donc nous fonder sur des opinions, des avis ou des résultats de travaux scientifiques basés sur l'état de l'épidémie à un moment et à un endroit donnés.

L'ECDC a observé comment l'épidémie s'était développée à New York et au Mexique. Ce n'était pas suffisant pour la caractériser au niveau international. Si nous avions transposé en France le taux d'hospitalisation en réanimation constaté en Nouvelle-Zélande, il aurait été beaucoup plus élevé. Nous ne pouvions nous appuyer seulement sur l'expérience de ce pays et sur celle de l'Australie. Nous avons fait ce que nous devions faire : au fur et à mesure que les données nous parvenaient et convergeaient - notion essentielle - vers un scénario plus favorable, nous les avons intégrées. Nous aurions porté une lourde responsabilité en ne respectant pas ces règles de fiabilité. On pourrait, dans la multitude des publications et des déclarations faites pendant la période considérée, en extraire de quoi établir n'importe quel scénario.

Le plus important - et nous avons des efforts à réaliser sur ce plan -, est d'apprendre à comprendre quels sont les niveaux de validité, de fiabilité et de qualité d'une position scientifique. Cette dernière peut consister en une affirmation, une prédiction, un scénario regardé comme certain, un scénario considéré comme plausible ou un scénario jugé possible.

Dans toutes les communications auxquelles j'ai participé avec Mme la ministre de la santé, nous avons toujours déclaré qu'il fallait prendre en compte tous les scénarios plausibles, les plus bénins comme les plus inquiétants. Je me souviens des mots alors prononcés : « Il faut être vigilant sans être alarmiste ni catastrophiste. »

M. Gérard Bapt, député. J'ai mentionné les travaux de Peter Doshi parce que l'InVS semblait ne pas connaître ses deux publications, pourtant remarquées par le professeur Flahaut.

Le 26 août 2009, l'Institut américain de santé publique, à la demande de la Maison Blanche, a fourni un rapport sur la situation de l'épidémie en Nouvelle-Zélande, où l'on comptait alors seulement seize morts, même si le nombre d'hospitalisations était élevé. L'incidence réelle de la grippe était donc connue très tôt.

M. Jean Marimbert a évoqué l'effet d'éviction du virus pandémique par le virus saisonnier. Le bulletin épidémiologique de l'OMS, en date du 22 mai 2009 concernant la situation au Mexique et aux États-Unis, indique que 13 % des cas de syndrome respiratoire aigu sont dus au virus A et 20 % à la grippe saisonnière. Au pic de la pandémie en France, les chiffres de l'InVS donnaient seulement 50 % de cas de grippe A. Il existe en effet bien d'autres causes de troubles respiratoires, ce qui repose encore la question de l'efficacité de la vaccination. On nous a indiqué qu'un vaccin était efficace dans 60 à 70 % des cas, et à la condition d'être pratiqué assez tôt. Il faut donc préciser que ce taux doit être ramené à la moitié des syndromes suspectés.

M. Marc Gentilini, membre de l'Académie de médecine et du Conseil économique et social. Je suis de ceux qui ont favorisé la création de l'InVS et qui ont essayé de lui donner de la force. Après ce qui est advenu au cours des dernières années, peut-on être satisfait de son fonctionnement ? L'Institut n'a pas vu venir la canicule ; il n'a pas été plus performant pour le chikungunya ; il n'a pas fait exactement ce qu'il aurait fallu faire contre la grippe A. Comment se fait-il qu'avec tant de beaux esprits et de comités ad hoc remarquables, tant de communications et de conférences téléphoniques - quarante-trois nous a dit Mme la ministre de la santé - on se soit aussi tragiquement trompé ? Je crains en outre que les mêmes erreurs puissent se renouveler.

M. Jean-Claude Manuguerra. Le Comité de lutte contre la grippe fut-il « suiviste » ? D'une certaine façon, c'était obligatoire dans le cadre d'un phénomène décomposé en phases déclarées par l'OMS. Lorsqu'il fut ainsi décidé que le virus A(H1N1) avait un caractère pandémique, on se situa ipso facto dans un processus d'utilisation des vaccins selon le modèle H5N1 tel que prévu en cas de pandémie.

En revanche, nous avons toujours formulé nos recommandations sans attendre celles du CDC d'Atlanta, sur la base de notre propre analyse de la situation, même si nous la confrontions ensuite aux informations internationales.

On trouve beaucoup de choses dans la littérature scientifique mais une publication ne peut, à elle seule, modifier une recommandation : il en existe de nombreuses allant dans des sens contraires. Si j'avais lu plus tôt les articles de Peter Doshi, cela n'aurait rien changé. Il a exprimé une position d'anthropologue sur des questions que nous connaissions déjà pour partie.

La caractérisation des pandémies s'opère à la fin de celles-ci, quand on peut en dresser le bilan et les inscrire dans une case particulière, ce qu'on ne peut faire durant leur déroulement.

La Pologne ne s'est pas spécialement distinguée parmi les plans nationaux de lutte contre la pandémie.

En la matière, la France a fait ce qu'il lui revenait de faire. On ne s'est pas trompé « tragiquement ». Mais on l'aurait fait en agissant autrement si la pandémie s'était révélée massive, provoquant de nombreux décès. Je me réjouis plutôt que le contraire soit advenu.

Mme Michèle Rivasi. Quant au fait que l'on ait dépensé beaucoup d'argent ?

M. Jean-Claude Manuguerra. Le nombre de vies sauvées par la vaccination le mérite.

La position du Comité de lutte contre la grippe a toujours été en faveur d'un accès au vaccin pour tous ceux qui le souhaitaient. Elle n'a jamais varié.

Parmi les possibilités envisagées, figurait, comme pour la grippe espagnole, une mutation virale entraînant tout à coup un changement de situation, avec un virus très résistant aux antiviraux et ne réagissant plus selon les prévisions.

Un virus pandémique supplante-t-il un virus saisonnier ? Cela s'est produit dans le passé pour un virus du même type. Mais l'apparition d'un virus A n'a pas d'impact sur un virus B, qui peut continuer de se propager. En mai 2009, le virus H1N1 saisonnier a disparu au profit du H1N1 pandémique alors que le virus H3N2 continuait de circuler en quelques endroits. Tout dépend du moment auquel on se place pour faire ce genre d'observation.

Mme Françoise Weber. En Pologne, les évaluations de nos collègues, avec qui nous travaillons, n'étaient différentes des nôtres ni sur la gravité du virus ni sur ses scénarios de développement. En revanche, les décisions de gestion prises sur la base de ces évaluations furent différentes, pour des raisons qui dépassent le domaine scientifique et qui portent principalement sur des questions d'acceptabilité et de communication.

J'ai présenté tout à l'heure le bilan des travaux de l'InVS, qui n'en est qu'à ses débuts. Les épisodes précédents de la canicule et du chikungunya ont déjà fait l'objet de retours d'expériences.

Je suis assez fière de la façon dont l'InVS fonctionne aujourd'hui : sur la base d'une expertise indépendante et de haut niveau, comparable à celui des autres pays, apportant beaucoup à des agences telles que l'ECDC en participant à ses évaluations, ayant mis en place des réseaux de surveillance repris maintenant au niveau européen. Compte tenu de l'état actuel de la science, le travail de l'Institut me semble tout à fait honorable.

Cette fierté ne m'empêche pas d'être humble. Dans l'exercice relatif à la pandémie, comme dans tout ce que nous faisons, nous rencontrons nécessairement des limites. Nous aurions pu mieux faire sur certains plans. Mais nous ne nous arrêtons pas en chemin. J'ai décidé de procéder à un retour d'expérience extrêmement précis qui commencera dans les semaines qui viennent pour que l'InVS tire toutes les leçons de son action durant la pandémie. J'en tiendrai les résultats à votre disposition. Mais il ne faut pas « jeter le bébé avec l'eau du bain ». Les épidémiologistes indépendants qui ont collaboré avec l'Institut ont bien fait leur travail, employant les mêmes méthodes que leurs homologues étrangers et au même niveau scientifique que les autres agences, notamment les CDC, où d'ailleurs certains d'entre eux, dont le directeur scientifique de l'Institut, ont été formés. Nos méthodes se soumettent à l'épreuve des publications et de la critique de nos pairs.

L'InVS n'a pas failli à sa mission à l'occasion de la pandémie. Mais nous allons nous attacher à progresser encore, à améliorer notre communication pour mieux faire entendre ce que l'on dit après avoir donné des chiffres, notamment sur ce que signifie une évaluation et sur les incertitudes qu'elle comporte.

Mme Marie-Christine Blandin, sénatrice, co-rapporteure. Il me reste à remercier chacun des intervenants à cette première table ronde.


* 1 « Je suis sûr que quoi que nous fassions, nous serons critiqués pour en faire trop ou trop peu. Si une épidémie ne survient pas, nous serons heureux. Sinon, j'espère que nous pourrons dire que nous avons fait tout ce que nous pouvions pour être aussi efficace que possible, dans les limites de la connaissance scientifique et des procédures administratives. »

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