M. Jean-Luc Poulain, Président de la commission de gestion des risques de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), M. Stéphane Weil, Chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, M. Hervé Pillaud, Secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée
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Enfin, la mission a procédé à l'audition de MM. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la FNSEA, et de Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée.
M. Bruno Retailleau, président, a rappelé à titre liminaire qu'aucune indemnité n'a, à ce jour, été versée aux exploitants agricoles. En effet, la procédure de notification à la Commission européenne des aides publiques envisagées au titre du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) a été une fois de plus repoussée, de manière à finaliser une nouvelle version du dossier transmis par la voie officielle. Cet ajournement répété de la notification formelle empêche le versement effectif des aides sur le terrain.
Il a indiqué que, lors de l'examen au Sénat du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, il a jugé nécessaire d'attirer l'attention du ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur cette situation particulièrement préoccupante.
En outre, il s'est interrogé sur les conséquences, pour les agriculteurs, de la tempête Xynthia et des inondations qu'elle a provoquées, sur les mesures qui ont été prises ainsi que sur les autres dispositions qu'il reste possible de prendre.
M. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la FNSEA, a déclaré que l'urgence nécessite de permettre le versement le plus rapidement possible d'indemnités, en vue d'assurer un redémarrage de l'activité des exploitants agricoles. Le dispositif mobilisé au titre du FNGCA reste encore insuffisant, au moins sur le plan de son effectivité.
M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la FDSEA de Vendée, a précisé qu'un millier d'exploitations agricoles ont été frappées par la tempête, dont environ 300 en Charente-Maritime et 150 en Vendée sont concernées en totalité, pour un montant total de pertes évalué à 71,5 millions d'euros. Il s'agit pour ces deux départements, les plus touchés au niveau national, d'inondations ayant endommagé environ 35.000 hectares de terres agricoles. La Gironde, moins affectée, a pour sa part subi des dégâts concernant 800 hectares de terrains. Au sein des 71,5 millions d'euros de pertes, doivent être distinguées la part relevant des pertes de culture (33,2 millions d'euros) et la part consacrée à la remise en état du fonds (38,3 millions d'euros). La perte sur récolte stricto sensu est estimée à 1.100 euros par hectare en moyenne, ce montant tombant à 630 euros par hectare en prairie. Pour les exploitations affectées à plus de 75 %, le taux de prise en charge devrait être de 60 % ; pour celles touchées entre 30 et 75 %, ce taux est réduit à 45 % ; enfin, s'agissant de celles dont les dégâts portent sur moins de 30 % des terres, le taux ne sera que de 35 %. Des moyens financiers considérables devront être dégagés pour la remise en état des exploitations, puisque le taux de prise en charge devrait être de l'ordre de 45 %. Outre les travaux de reconstruction, notamment des réseaux hydrauliques et des digues, il conviendra d'envisager le rehaussement de certaines de ces dernières. Les travaux de remise en état des terres, suite à leur salinisation, nécessitent des opérations de gypsage, qui feront l'objet de remboursement sur facture. Ces pertes de fonds sont évaluées à 1.600 euros par hectare pour les grandes cultures et à 500 euros par hectare en prairie. Cette indemnisation forfaitaire des travaux de remise en état devrait concerner deux exercices. Ce système forfaitaire suscite des réserves de la part de la Commission européenne, qui attire l'attention sur l'existence d'un risque de surcompensation. Le droit communautaire se montre plus souple pour ce qui concerne les indemnisations basées sur les estimations individuelles de pertes d'ores et déjà constatées. En outre, le refus de créer un précédent explique la vigilance des autorités communautaires.
M. Hervé Pillaud est convenu du caractère exceptionnel du dispositif proposé par le Gouvernement. Le taux habituel de prise en charge au titre du FNGCA s'élève en effet à 35 % par hectare de terres sinistrées et ne concerne que les pertes de culture. Le système d'indemnisation va plus loin et vise à compenser partiellement et par forfait les pertes de potentiel de production des sols inondés, en intégrant donc les pertes futures.
M. Ronan Kerdraon a estimé impossible que le FNGCA puisse surcompenser les pertes subies par les exploitants agricoles. Il a donc regretté la vigilance excessive dont fait preuve la Commission européenne.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la FNSEA, a évoqué les règles relatives au fonctionnement et au mode de financement du FNGCA. Il a relevé des difficultés dans la capacité financière du fonds depuis environ une dizaine d'années. Les épisodes de sécheresse des années 2006, 2007 mais surtout 2003, ont révélé cette fragilité. Le choix de développer l'assurance-récolte comme alternative à l'indemnisation par le biais du FNGCA paraît peu pertinent. En effet, l'assurance-récolte ne s'est diffusée qu'au sein des grandes cultures et, dans ce secteur, le taux de souscription ne s'élève qu'à 25 % des exploitants agricoles. Pourtant, sur la base de ce constat, le Gouvernement a fait le choix de suspendre l'indemnisation des grandes cultures au titre du FNGCA. Or, il convient d'observer qu'antérieurement ce fonds n'était d'ores et déjà que très peu sollicité pour les grandes cultures. Le fait que ce type d'activités soit exclu de son champ ne pose donc pas de difficulté. En revanche, le projet d'une extension de l'assurance-récolte et d'un abandon progressif du FNGCA paraît irréaliste. Le nombre d'agriculteurs couverts par un contrat d'assurance reste, dans les faits, très bas. Les dispositions qui devraient être introduites par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, en cours d'examen au Sénat, ne devrait pas permettre d'avancées significatives. Les franchises, souvent élevées et donc décourageantes, continueront à représenter des coûts trop importants. La prise en charge partielle des primes d'assurance ne sera pas une incitation suffisante.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le délai de versement d'indemnités aux agriculteurs.
M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée, a précisé que la prise en charge des intérêts d'emprunts doit conduire à une mise en paiement d'ici à la mi-juin.
M. Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), a indiqué que l'article L. 361 7 du code rural plafonne la prise en charge maximale des dégâts au titre du FNGCA à 75 %. La notification à la Commission européenne courant dès le premier euro, le dispositif élaboré doit avoir un caractère définitif. L'absence de transmission officielle bloque à ce stade le versement de la moindre indemnité.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'intérêt de cette procédure de notification surtout que l'existence d'un risque de surcompensation paraît nulle.
M. Hervé Pillaud a indiqué que, pour ce qui concerne les biens assurables, les sociétés d'assurance ont commencé à procéder au paiement des indemnités. Les visites d'experts étant la plupart du temps toujours en cours, les versements effectifs ne se feront que progressivement. Il a également relevé que les exploitants agricoles bénéficieront de la prise en charge de leurs intérêts d'emprunt ainsi que de leurs cotisations sociales, par le biais du fonds d'allègement des charges (FAC), pour un montant total fixé à 5 millions d'euros. Sur trois ans, le plafond des aides de minimis est fixé à 15.000 euros par exploitation. Cette limite sera particulièrement contraignante pour les agriculteurs les plus en difficulté.
Par ailleurs, M. Hervé Pillaud a fait état d'aides des conseils généraux et régionaux, qui seront ciblées sur les risques non assurables. Ces mesures devront elles aussi faire l'objet d'une notification à la Commission européenne.
M. Bruno Retailleau, président, a déploré l'opacité qui semble entourer le montage du dossier en cours de notification.
M. Hervé Pillaud a plaidé pour une exonération totale de cotisations sociales en 2010 puis pour une exonération partielle et dégressive les années suivantes. En matière fiscale, un dispositif exceptionnel devrait être mis à l'étude pour permettre aux agriculteurs de réduire fortement leurs niveaux d'imposition.
M. Stéphane Weil, chef du service juridique et fiscal de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), a observé que les exercices au cours desquels des catastrophes naturelles ont affecté la production conduisent à des impositions plus élevées, sous l'effet de la liquidation massive des stocks. Un lissage des revenus sur sept ans pourrait être envisagé.
M. Jean-Luc Poulain, président de la commission de gestion des risques de la FNSEA, a fait état d'un risque de cessations d'activités pour certains exploitants agricoles. Ces derniers parviennent à dégager des revenus modestes en temps normal. Le contexte actuel pourrait donc leur être fatal.
M. Hervé Pillaud, secrétaire général de la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de Vendée, a déclaré que les exploitants agricoles doivent traditionnellement faire face à des aléas non maîtrisables mais qu'ils ne s'assurent que pour des risques connus d'ampleur modérée. Face aux grandes catastrophes naturelles, ils demeurent peu enclins à recourir à des dispositifs assurantiels spécifiques.