M. Yann Boaretto, Médiateur des assurances

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Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Yann Boaretto, médiateur des assurances.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître l'étendue exacte du mandat du médiateur des assurances.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a préalablement rappelé avoir occupé cette fonction suite à la catastrophe de la tornade qui a frappé le Val de Sambre, autour de la commune de Maubeuge, le 3 août 2008 ainsi qu'après le passage de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, qui a principalement touché le sud-ouest de la France. Il a indiqué que ses différentes expériences de médiateur l'ont conduit à développer une certaine connaissance des acteurs concernés : les sociétés d'assurance privées tout d'abord, mais également les nombreux services de l'Etat concernés par les conséquences des catastrophes naturelles et l'indemnisation des victimes.

Sa mission s'agissant de la tempête Xynthia consiste surtout à veiller au bon déroulement des procédures d'indemnisation et à la qualité des relations entre les assureurs et les assurés. Il s'agit également d'encourager les assurances à s'organiser efficacement pour traiter rapidement les dossiers et verser les indemnisations dans des délais raisonnables.

M. Yann Boaretto a fait part de la méthode de suivi retenue. En accord avec les sociétés d'assurance, sur la totalité des 65 départements touchés par la catastrophe, un suivi fin est effectué sur les 24 départements où la vitesse du vent a été supérieure à 140 kilomètres à l'heure. Les quatre départements pour lesquels l'état de catastrophes naturelles a été reconnu dès le 2 mars 2010, ainsi que les communes d'autres départements ayant depuis cette date subi la même reconnaissance, font pour leur part l'objet d'une attention encore plus soutenue. Il a précisé ensuite que son mandat est antérieur à l'annonce du principe d'interdiction de reconstruction dans les « zones de solidarité » mais qu'il participe toutefois également au suivi du travail des assureurs sur ce dossier. Enfin, il a indiqué que les biens des collectivités territoriales relèvent de procédures particulières et qu'ils sont pour la plupart non assurables, à l'instar des infrastructures (voirie, digues...).

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le rôle particulier joué par le médiateur dans les zones d'acquisition amiable.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a fait état du traitement particulier réservé à ces sinistrés. En effet, les sociétés d'assurances indemniseront les biens abimés ou détruits sans que la remise en état soit effectuée, mais comme si elle devait avoir lieu. Bien que cette procédure se déroule dans un cadre juridique incertain, les assureurs n'ont pas soulevé de difficultés. L'Etat indemnisera les personnes concernées selon la valeur vénale des biens antérieure à la catastrophe, en déduisant la part prise en charge par les assurances privées au titre de la remise en état. En dépit du caractère relativement scriptural de l'opération, une coordination étroite entre les services de France Domaine et les assureurs, au nombre de près de 300, est nécessaire.

M. Bruno Retailleau, président, a évoqué le risque d'un ralentissement du rythme des procédures d'expertise conduites par les assureurs face à l'action des évaluateurs de France Domaine.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a distingué deux phases dans le travail d'expertise des assureurs :

- la phase de « reconnaissance », au cours de laquelle l'expert prend la mesure générale des dégâts et classe les dossiers en fonction de leur degré de priorité. Ce travail peut se dérouler très rapidement et a souvent été réalisé pour les dégâts ne posant pas de difficultés ;

- la phase d'expertise détaillée, qui nécessite une activité plus longue. Ainsi trois ou quatre biens peuvent être visités au maximum par demi-journée. La mobilisation dans les départements touchés par la catastrophe apparaît satisfaisante puisqu'environ 150 experts sont présents sur le terrain.

Au total, les capacités des sociétés d'assurance semblent donc clairement supérieures à celles de France Domaine.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur les difficultés qui pourraient résulter des différences dans les méthodes d'évaluation utilisées par les assurances, d'une part, et par France Domaine, d'autre part.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a rappelé que son rôle de médiateur ne consiste pas à arbitrer les conflits mais à prévenir leur formation. Il a estimé que le risque de difficulté est fortement réduit par la coexistence de deux opérations indépendantes, conduites parallèlement par les assureurs et par l'Etat. La première porte sur la valeur d'indemnisation en vue d'une remise en l'état alors que la seconde consiste à indemniser les sinistrés selon la valeur vénale de leurs biens immobiliers. Le seul obstacle réel pourrait résider dans le cas d'un bien évalué par France Domaine à une valeur inférieure à celle proposée par les sociétés d'assurance. M. Yann Boaretto a donc fait valoir que la question du partage du coût entre l'Etat et les assureurs peut être assimilé à un faux problème, sachant que le seul point qui importe réellement pour les sinistrés est que l'indemnisation soit rapide et qu'elle soit faite à un juste prix.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaitre les modalités pratiques du suivi de la situation, particulièrement sur le plan des statistiques.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a indiqué la mise en place rapide de l'organisation suivante :

- les deux fédérations que sont la fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) et le groupement des entreprises mutuelles d'assurance (GEMA) ont toutes les deux nommé des coordonnateurs dans chacun des vingt quatre départements principalement touchés par la tempête. Ils centralisent les données et les dossiers pour l'ensemble des sociétés adhérentes ;

- les services de l'Etat, en particulier les préfectures très mobilisées de Vendée et de Charente-Maritime, coordonnent localement l'action publique, consécutivement à la tempête. Des réunions régulières sont ainsi organisées entre les services préfectoraux, les directions départementales des finances publiques, les directeurs de succursales de la Banque de France, les collectivités territoriales et leurs services techniques, et, enfin, les sociétés d'assurances. Il convient également de noter la participation à ces réunions du médiateur local du crédit. Celui-ci tout comme le représentant de la Banque de France assume une fonction importante de prévention des difficultés économiques des particuliers et des entreprises, surtout en matière de surendettement.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de plaintes de la part des sinistrés quant aux procédures d'indemnisation.

M. Yann Boaretto, Médiateur des assurances, a souligné le faible nombre de dossiers transmis. Les tableaux de suivi établis deux fois par semaine montrent que les motifs d'insatisfaction sont le plus souvent formels - ils peuvent ainsi porter sur l'application des franchises ou sur les délais de visite des experts. Les questions de fond, portant sur la technicité assurantielle elle-même, sont très rares.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Yann Boaretto a relevé l'existence au 28 avril 2010 de 19 dossiers, dont seuls 8 nécessitent une analyse plus poussée. Le taux de résolution des problèmes transmis est de cent pour cent à ce jour et doit beaucoup à la mobilisation des sociétés d'assurance, dont les préoccupations commerciales les conduisent à souhaiter conserver une bonne image. Un seul cas, ayant conduit à une pollution par dispersion d'huile, apparaît relativement complexe à régler. Tous les dossiers nécessitant une analyse poussée sont transmis et traités au niveau des fédérations des sociétés d'assurance.

M. Bruno Retailleau, président, a observé que les biens non assurables des collectivités territoriales font l'objet de procédures exceptionnelles d'indemnisation.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a tout d'abord observé l'absence de difficultés dans les relations entre les assurances privées et les collectivités territoriales. S'agissant ensuite des biens non assurables, il convient de les déterminer précisément sachant que les collectivités peuvent souvent choisir le classement sur option de leurs biens au sein de cette catégorie. Il a indiqué que son mandat de médiateur ne s'étend pas jusqu'aux dispositifs de prise en charge, au titre de la solidarité nationale, des biens non assurables des collectivités territoriales.

M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué la problématique spécifique de l'indemnisation des meubles.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a distingué les cas de présence des biens mobiliers dans les locaux, des situations où ils étaient situés à l'extérieur au moment de la catastrophe, à l'instar du matériel et de la production des ostréiculteurs. Ces deux types de configuration conduiront à des régimes d'indemnisation différents.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, et à M. Alain Anziani, rapporteur, M. Yann Boaretto a observé que les dossiers d'indemnisation des fonds de commerce seraient résolus sans difficultés.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'indemnisation des professionnels, en particulier à travers la mobilisation du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) et du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA).

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a tout d'abord observé que la première limite des indemnisations pour les professionnels consiste en l'application d'une franchise d'une valeur de 10 % des biens. Il s'agit d'une pénalité assez forte, surtout que le FISAC ne prévoit pas le remboursement de la franchise. Toutefois, une certaine souplesse pourrait être appliquée par la commission chargée de procéder à l'évaluation des aides au titre du FISAC. Il convient de noter que pour les particuliers, cette franchise est plus réduite : elle est soit prévue contractuellement, soit d'un montant de 380 euros pour les dégâts résultant de catastrophes naturelles.

Pour ce qui concerne le FNGCA, il s'agit d'une compétence du ministère de l'agriculture et M. Yann Boaretto a donc regretté son incapacité à pouvoir répondre à la question posée.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme du régime assurantiel des catastrophes naturelles - appelé régime « catnat » - ainsi que du fonds Barnier.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a attiré l'attention de la mission sur le faible intérêt du classement en zone de catastrophe naturelle en matière d'indemnisation par les assurances. En effet, il ouvre une procédure plus lourde et induit des franchises plus élevées. Ce régime catnat est en revanche favorable aux assureurs puisqu'il conduit à faire de l'Etat le payeur en dernier ressort par l'intermédiaire de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Un autre de ses intérêts réside dans la prise en charge des risques non assurables, à l'instar des inondations.

M. Bruno Retailleau, président, a déploré le caractère non assurable du risque inondation.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a souligné que les risques climatiques font progressivement l'objet d'une prise en charge dans les contrats d'assurance de droit commun. Il a relevé que l'indemnisation du risque tempête sans nécessiter l'intervention du régime catnat résulte notamment d'un arrêt du Conseil d'Etat du 10 février 1993, « Etablissements Jean Diant et compagnie ».

La déclaration de l'état de catastrophes naturelles possède surtout une dimension psychologique. Elle permet en effet de reconnaître la gravité de la catastrophe subie par les victimes et de témoigner à celles-ci la mobilisation de la communauté nationale. Une confusion semble souvent faite entre cet aspect rassurant et la possibilité d'une extension de la couverture assurantielle. L'indemnisation suite au déclenchement du régime catnat est en effet dans l'ensemble plus lente et moins favorable aux sinistrés. Il convient donc de mobiliser un tel régime sans faire preuve de précipitation.

M. Yann Boaretto a donc en outre regretté le classement rapide et parfois peu pertinent de la totalité de quatre départements en zone de catastrophes naturelles dès le lendemain de la tempête alors que certains d'entre eux, notamment les Deux Sèvres, avaient principalement subi les effets du vent et non des inondations, ce qui rendait inutile la reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles d'un point de vue assurantiel.

Pour ce qui concerne la réforme du régime catnat lui-même, il a attiré l'attention sur la nécessité de recourir au budget de l'Etat avec une préoccupation marquée d'économie et de bonne gestion.

M. Bruno Retailleau, président, a relevé à son tour le caractère assez symbolique de la reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles. Il s'est ensuite ému de l'évaluation annoncée par France Domaine du coût des indemnisations dans les zones d'acquisition amiable : alors que M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, lors de son audition par la mission avait fait part d'une fourchette comprise entre 300 et 400 millions d'euros, il s'agirait plutôt d'un ordre de grandeur de 800 millions d'euros. La capacité financière du fonds Barnier paraît donc totalement dépassée.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, est convenu de l'augmentation des montants estimés, notamment sous l'effet de la hausse du nombre de biens à indemniser. Il a observé la valeur foncière souvent considérable des habitations concernées. Pour ce qui concerne le financement de ces opérations de rachat, le fonds Barnier ne semble pas l'instrument le plus pertinent pour faire face à leurs enjeux. En effet, d'une part, il ne prévoit pas le risque de submersion et, d'autre part, il fixe le principe d'un plafonnement du montant à indemniser - aujourd'hui établi à 60.000 euros. Ces deux dispositions pourront être aménagées mais il devrait plutôt s'agir de procéder à une révision plus globale de l'architecture du fonds. Son mode de financement, un prélèvement de 12 % sur l'enveloppe du régime catnat, lui-même appuyé sur un prélèvement de 12 % du montant des surprimes des contrats d'habitation, apparaît complexe. Son utilisation croissante pour des études limite de plus ses marges de manoeuvre, alors que sa capacité à être mobilisé serait accrue par la constitution de réserves.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la révision des règles d'abondement du fonds Barnier.

M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a plaidé pour une segmentation du fonds en deux enveloppes fixes : une part déterminée serait consacrée à des activités d'études et de prévention tandis que la majeure partie des crédits serait destinée à des indemnisations. Il a estimé que l'utilisation du fonds en vue de l'indemnisation des sinistrés dont les habitations sont classées en zone d'acquisition amiable nécessitera la mise à disposition de moyens financiers adéquats. Dans le cas où un mécanisme d'avances par l'Etat serait envisagé, la Caisse centrale de réassurance (CCR) pourrait servir d'intermédiaire.

En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, M. Yann Boaretto a déclaré ne pas avoir eu connaissance de refus d'indemnisations par les assureurs au motif d'une non appartenance aux zones d'acquisition amiable. Il a toutefois précisé avoir entendu parler de tels refus sans qu'aucun élément matériel ne lui ait été soumis à ce sujet.

M. Alain Anziani, rapporteur, a ensuite évoqué la possibilité de cession à l'amiable pour les propriétés situées hors des « zones de solidarité », dans des communes classées en zone de catastrophes naturelles par exemple.

M. Yann Boaretto a observé que des demandes d'évaluation ont déjà été adressées aux préfectures pour des biens immobiliers ne relevant pas des zones d'acquisition amiable. Il a notamment fait état d'une dizaine de cas. La mise en oeuvre d'une telle procédure d'indemnisation, tout comme son rejet, nécessitera une expertise juridique poussée de la part des services de l'Etat, à la lumière du principe d'égalité. A cet égard, le Gouvernement pourrait utilement solliciter l'avis du Conseil d'Etat.

En conclusion, M. Yann Boaretto a annoncé le résultat des dernières compilations des données transmises par les deux fédérations de sociétés d'assurance et consacrées aux 24 départements où la vitesse du vent a été supérieure à 140 kilomètres à l'heure :

- 377.328 sinistres ont été déclarés dont 28.587 au titre du régime catnat ;

- 35 % ont été réglés ou sont sur le point de l'être ;

- 9,3 % des dossiers ont bénéficié du versement des indemnisations.

Les données disponibles montrent que les départements de Vendée et de Charente-Maritime représentant une part importante des indemnisations, en particulier au titre du régime catnat, ce dernier constat correspondant à l'impact des phénomènes de submersion.

S'agissant de la couverture des dégâts dans le monde agricole, et sur la base d'un échantillon de 14.467 dossiers de sinistres de la fédération française des assurances (FFSA) :

- 26,6 % de ces dossiers ont été réglés ou sont sur le point de l'être ;

- environ 0,5 % ont conduit au versement d'indemnités ;

- seuls 3,9 % des agriculteurs sinistrés relèveraient du régime catnat.

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