2. Garantir la pleine opposabilité des PPR aux documents d'urbanisme
a) L'affirmation de la supériorité des PPR sur les documents d'urbanisme

Tout d'abord, il est nécessaire de rendre effective la primauté des plans de prévention des risques naturels (PPRN) sur les documents d'urbanisme (plan local d'urbanisme -PLU-, plan d'occupation des sols -POS-, etc.).

Votre mission a observé que, en l'état actuel du droit, cette primauté était largement théorique . Considérés comme des servitudes d'utilité publique, les PPR sont seulement annexés au PLU, et aucune procédure n'oblige les communes à assurer la conformité de leur document d'urbanisme aux plans qui s'appliquent sur leur territoire.

Les liens entre les PLU et les PPR : une hiérarchie imparfaite

Selon l'article L. 564-2 du code de l'environnement, les PPR ont valeur de servitude d'utilité publique : ils doivent donc être annexés au document d'urbanisme élaboré par la commune.

En outre, en tant que servitudes d'urbanisme, ils peuvent faire obstacle à la délivrance d'un permis de construire (CE, avis du 12 juin 2002, « Préfet de Charente-Maritime »).

Pour autant, les PPR ne sont pas intégrés au PLU , si bien que leur primauté est, de facto , imparfaite et incomplète. Ainsi, en pratique :

- un document de planification de l'urbanisme local ne peut, sous peine d'être censuré par le juge administratif, être édicté en contradiction avec les prescriptions du PPR (CE, 9 avril 1993, Mentzler). Toutefois, cette censure ne sera possible que si le document d'urbanisme est postérieur au PPR : ainsi, lorsque le PPR est approuvé après l'entrée en vigueur du document d'urbanisme, la commune n'est pas tenue de réviser ce dernier (c'est-à-dire de le modifier sur le fond pour mettre le zonage instauré par le PLU en conformité avec les zones à risque délimitées par le PPR) ;

- en vertu du principe d'indépendance des législations, le préfet ne peut pas directement enjoindre à une commune de modifier le document d'urbanisme qu'elle a élaboré pour assurer la conformité de ce dernier avec un PPR. En effet, il ne peut le faire que de manière indirecte, par le biais de la procédure des « projets d'intérêt général » 39 ( * ) (PIG) -ce qui implique d'employer des voies de droit indirectes et complexes ;

- aux termes de la circulaire du 1 er septembre 2009 relative au contrôle de légalité en matière d'urbanisme, les préfets doivent tirer parti du contrôle des décisions individuelles (permis de construire, etc.) pour « révéler les illégalités dont serait entaché le document [d'urbanisme] sur la base duquel elles sont prises » : à cette occasion, la non-conformité du PLU ou du POS au PPRN peut donc être relevée et l'autorisation d'urbanisme peut être soumise au juge administratif sur le fondement de l'exception d'illégalité ;

- enfin, comme l'a rappelé le professeur Yves Jégouzo lors de son audition par la mission, la mise en cause de la légalité des documents d'urbanisme en raison de leur non-conformité aux PPR ne peut intervenir que par le biais de l'erreur manifeste d'appréciation .

Les PLU et les PPR sont donc insuffisamment coordonnés et leurs modalités d'articulation manquent de lisibilité - ce qui pose de lourds problèmes dans un contexte où les PPR sont aujourd'hui les seuls documents établissant un lien entre l'existence d'un risque d'inondation et les règles de construction qui doivent en découler et où, en tant que tels, ils constituent l'élément fondamental de la politique de prévention des risques.

Comme votre mission l'avait relevé lors de son pré-rapport, la loi « Grenelle II » répond en partie à cette préoccupation en imposant la mise en conformité des SCOT et des PLU dans un délai de trois ans après l'adoption d'un plan de gestion des risques d'inondation. Toutefois, cette avancée est insuffisante, puisqu'elle n'impose pas une véritable intégration des prescriptions des PPR aux documents d'urbanisme élaborés par les communes.

Dès lors, votre mission a estimé qu'il était indispensable que des liens plus étroits soient instaurés entre les PPR et les documents d'urbanisme, en affirmant nettement, tant dans le code de l'urbanisme que dans le code de l'environnement, la supériorité des premiers sur les seconds .

À cet égard, plusieurs réformes pourraient être envisagées.

En premier lieu, il serait opportun d' obliger les communes à réviser leur document d'urbanisme en cas d'approbation, de mise en application anticipée ou de modification d'un PPR. Cette révision interviendrait selon la procédure qui figure aux deux premiers alinéas de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme , qui prévoit une mise en conformité en deux temps :

- dans un premier temps, le préfet informe la commune de la nécessité de réviser son PLU ou son POS ;

- dans un deuxième temps, trois situations peuvent se présenter :

(1) la commune informe le préfet, dans un délai d'un mois, de son intention de procéder à la modification demandée, et se conforme à ses engagements dans un délai de six mois ; dans ce cas, le préfet n'intervient qu'au début du processus ;

(2) en cas d'absence de réponse de la commune ou de réponse négative, le préfet se substitue à la commune dans un délai d'un mois ; il peut alors procéder de lui-même, mais après avis du conseil municipal et enquête publique, à la révision du document d'urbanisme ;

(3) en cas de réponse positive, mais d'inaction de la commune pendant six mois, le préfet se substitue également à la commune. Là encore, l'avis du conseil municipal doit être recueilli et une enquête publique doit être organisée préalablement à toute modification du PLU ou du POS.

Proposition n° 32 de la mission :

Rendre obligatoire la révision des documents d'urbanisme communaux en cas d'approbation, de mise en application par anticipation ou de modification d'un PPR.

Votre mission a considéré que ces modalités de révision, bien que relativement autoritaires, pouvaient valablement être retenues dans la mesure où la procédure décrite plus haut est déjà applicable aux projets d'intérêt général (et, comme on l'a vu, les PPR peuvent d'ores et déjà être considérés comme tels), où l'importance de l'enjeu de protection des vies humaines impose de garantir une révision rapide des documents d'urbanisme qui ne tiennent pas compte des risques, et où la préservation de la sécurité publique fait partie des missions régaliennes de l'État, ce qui justifierait que des prérogatives importantes soient confiées aux préfets.


* 39 Article R. 121-13 du code de l'urbanisme. Le juge administratif considère d'ailleurs qu'un projet de PPR peut valablement être considéré comme un projet d'intérêt général et être, en conséquence, opposé aux documents d'urbanisme élaborés par les communes (CE, 29 juin 2001, SA Blan). De même, un atlas des zones inondables peut être vu comme un PIG et le respect de ses prescriptions peut être imposé aux communes par ce biais (CAA de Lyon, 3 mai 2005).

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