Audition de Michel
YAHIEL,
président de l'association nationale des directeurs
des
ressources humaines
(mercredi 20 janvier 2010)
Puis la mission a entendu Michel Yahiel, président de l'association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH).
Gérard Dériot , rapporteur, a souhaité connaître l'analyse de l'ANDRH sur le mal-être au travail : les suicides récemment médiatisés révèlent-ils une aggravation du phénomène ? Des entreprises ou des secteurs sont-ils davantage concernés ? Les méthodes actuelles de management peuvent-elles être considérées comme un facteur explicatif du mal-être au travail ?
Il s'est également interrogé sur les solutions permettant de remédier à la situation : comment les services des ressources humaines pourraient-ils mieux repérer les salariés en souffrance et leur apporter une aide ? Quels sont les principaux outils - comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), médecine du travail, préventeurs ou psychologues... - qui peuvent être mobilisés pour réduire le mal-être au travail ? Faut-il renforcer l'indépendance des médecins du travail vis-à-vis des employeurs? Enfin, d'une manière générale, comment recréer du lien social dans les entreprises et promouvoir un management plus respectueux des salariés sans nuire à la compétitivité des entreprises ?
Michel Yahiel, président de l'association nationale des directeurs des ressources humaines de l'ANDRH , a d'abord indiqué que l'ANDRH, fondée en 1947 sous le nom d'association nationale des directeurs et chefs du personnel (ANDCP), compte aujourd'hui plus de cinq mille adhérents, dont 85 % sont salariés du secteur privé. En 2007, elle a conduit une réflexion sur le stress au travail dont les résultats ont été rendus publics.
Il est effectivement difficile de déconnecter la généralisation de certaines techniques de management de l'intensification de la souffrance au travail, dont les récents suicides représentent un symptôme dramatique. Cette souffrance semble provenir d'un manque croissant de reconnaissance des salariés : chez France Telecom par exemple, ceux qui ont mis fin à leurs jours étaient, pour la majeure partie, très investis dans leur travail. Le management doit évoluer pour mieux prendre en compte ce problème, qui ne se limite pas à la question de la rémunération. L'implication des gestionnaires de terrain est donc essentielle : ce sont eux qui sont en situation de repérer le malaise de leurs collaborateurs et d'y apporter une première réponse. Des méthodes solides reposant sur une approche pluridisciplinaire, qu'il faut distinguer de celles, souvent dénuées de fondement, qui sont inventées uniquement dans le but de tirer un profit financier des problèmes actuels, permettent d'identifier les signaux, même faibles, du mal-être des salariés.
La médecine du travail joue également un rôle central. En ce sens, lui donner davantage d'indépendance vis-à-vis des employeurs peut apparaître comme une bonne idée, mais il faut se garder d'en surestimer l'impact : les salariés préfèrent consulter et se confier à leur médecin de famille, qu'ils connaissent bien, souvent depuis plusieurs années. L'évolution du statut du médecin du travail ne changera sans doute rien à cette situation.
D'une manière plus générale, l'augmentation du stress au travail ne peut être découplée de l'intensification de la concurrence économique mondiale qui oblige les entreprises à accroître leur effort de productivité. C'est ce qui explique sans doute que le malaise des salariés soit plus important dans les grandes entreprises qui ont connu un statut public protecteur et doivent, depuis quelques années, s'adapter à ce nouveau contexte.
Annie David a souhaité connaître les pistes proposées par l'ANDRH pour remédier au problème du mal-être au travail. Comment aider, en particulier, les salariés des entreprises qui ne disposent pas de CHSCT ? L'instauration de CHSCT interentreprises est-elle envisageable ?
Michel Yahiel est convenu que l'absence de CHSCT est préjudiciable à la prévention de la souffrance au travail dans les petites entreprises, ce qui rejoint le problème plus général du manque de dialogue social dans ces structures. On pourrait effectivement le pallier en renforçant la négociation sociale territoriale, ce qui permettrait de protéger l'ensemble des salariés d'un bassin d'emploi, quelle que soit la taille de l'entreprise à laquelle ils appartiennent.
Jean-Pierre Godefroy , président , a regretté le manque de vigilance, jusqu'à une période récente, des CHSCT sur les situations de mal-être au travail.
Michel Yahiel a reconnu que ce sujet est relativement nouveau pour les partenaires sociaux.
Alain Gournac s'est demandé dans quelle mesure l'obligation de mobilité instaurée par France Telecom explique la détresse actuelle de beaucoup de ses salariés et les drames qui s'y sont produits. Par ailleurs, comment l'ANDRH peut-elle aider les entreprises qui connaissent de telles tragédies ?
Michel Yahiel a considéré que la souffrance au travail, dans le cas de France Telecom comme dans celui d'autres grandes entreprises, peut être liée, d'une part, à la disqualification du moyen terme, qui empêche le salarié de se projeter dans l'avenir, d'autre part, à l'instauration de relations de type client/fournisseur à l'intérieur même de l'entreprise, qui fissurent le sentiment d'appartenir à une même communauté poursuivant des objectifs partagés.
L'ANDRH est une association décentralisée qui préserve une grande autonomie de ses structures locales. Ceci étant, tous ses membres sont amenés, sur l'ensemble du territoire, à intervenir dans des colloques, dans des grandes écoles ou des universités pour sensibiliser les directeurs des ressources humaines et, plus largement, les futurs cadres au problème de la souffrance au travail.
Sylvie Desmarescaux a souhaité savoir dans quelle mesure le télétravail peut constituer une réponse au phénomène du mal-être au travail.
Marc Laménie s'est interrogé sur les solutions à apporter aux entreprises qui ne disposent pas de directeur des ressources humaines.
Michel Yahiel a jugé ambivalentes les caractéristiques du télétravail : d'un côté, il représente incontestablement une opportunité pour les salariés dont le domicile est éloigné de leur lieu de travail ; d'un autre côté, il accentue l'isolement, qui est aussi une des causes du mal-être au sein des entreprises. Par ailleurs, l'absence de DRH dans les petites structures est effectivement regrettable : le chef d'entreprise est en charge de toutes les tâches de gestion, ce qui lui laisse peu de temps pour développer une politique des ressources humaines.