II. LE RETARD DES PROJETS ANRU : FAIRE LA PART DES CHOSES
Dans l'appréciation des retards pris par les projets de rénovation urbaine, trois notions doivent être distinguées : le retard dans l'élaboration des conventions, lié à la maturation nécessaire des projets et aux processus de concertation entre les différents acteurs, et deux retards subis, celui qui découle des aléas techniques incompressibles lors de leur réalisation (appels d'offres infructueux, incidents de chantiers, ...) et celui qui résulterait de contraintes extérieures imposées et inutiles et qu'il serait, de ce fait, possible d'imputer directement à l'ANRU, et plus particulièrement à ses procédures complexes et changeantes .
Afin d'établir la répartition des responsabilités entre ces causes de retards , votre rapporteur spécial s'est tout d'abord adressé à l'ANRU afin de connaître, par son intermédiaire, les collectivités où les plus grandes difficultés avaient été rencontrées.
Curieusement, l'agence s'est révélée ne pas disposer de retour d'appréciation qualitative de son action par les porteurs de projets, ce qui laissait supposer une procédure peu formalisée de suivi des réclamations.
Après avoir rencontré directement, sur sa recommandation, les maires des villes d' Epernay et de Goussainville , votre rapporteur spécial a souhaité disposer d'éléments plus complets et diversifiés sur le jugement porté par les porteurs des projets de rénovation urbaine afin de pouvoir les confronter aux informations fournies par l'ANRU, naturellement réticente à faire état de ses propres défaillances.
A. L'ENQUÊTE MENÉE PAR VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Votre rapporteur spécial a adressé en octobre 2009 un questionnaire à l'ensemble des porteurs de projet ANRU, maires ou présidents d'EPCI.
Il avait pour objectif de connaître l' appréciation directe des élus , porteurs des projets, sur les différents aspects de l'action de l'ANRU et de ses délégués territoriaux et sur le sujet controversé des délais de paiement.
Les jugements portés sur l'action de l'agence étant souvent contradictoires et assez peu fondés sur une connaissance réelle des difficultés rencontrées dans l'avancement des projets, il était utile de s'adresser directement à ceux qui sont les plus proches de la réalité du terrain pour connaître leur appréciation et en tirer les conséquences en terme de recommandations éventuelles sur la gouvernance de l'ANRU.
155 porteurs de projets ont répondu au questionnaire , permettant ainsi de disposer d'un échantillon très représentatif de l'ensemble des projets ANRU correspondant à environ 350 conventions signées.
1. Des résultats qui révèlent un certain malaise
a) Un constat partagé sur le retard global de réalisation des projets
Le constat d'un retard global de réalisation des conventions est fait par la quasi-totalité des porteurs de projet . Par rapport à une durée théorique des projets de cinq années, 20 % de ceux qui ont répondu au questionnaire ont déjà constaté un dépassement de délai de leur projet estimé à moins d'un an, 46 % l'estiment entre un et deux ans, et 34 % estiment que leur projet prendra, en définitive à l'arrivée, plus de deux ans de retard.
Parmi ceux qui se plaignent le plus de ces retards, et qui constatent dès à présent un retard supérieur à deux années (soit 6 % des réponses), on retrouve des villes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur : La Seyne-sur-Mer et Marseille, des communes de l' Ile-de-France (Montfermeil, Bagneux, Montereau) mais aussi la ville de Tours.
Toutefois, ces porteurs de projet qui s'estiment le plus en retard (plus de deux ans de retard), classent en premier obstacle à la réalisation de leur projet, les difficultés de relogement avant l'instabilité des règlements financiers de l'ANRU et la complexité des procédures. C'est le cas, notamment, de la ville de Bagneux qui donne l'exemple d'une « opération de relogement lancée en 2003 pour laquelle des financements de l'Etat ont été obtenus en 2003 et 2004 mais pour laquelle aucune notification ou versement n'était encore reçu en décembre 200 9 ».