II. PRÉSENTATION DES CARACTÉRISTIQUES ET DES PROBLÉMATIQUES SOULEVÉES PAR LE RÉGIME MICROSOCIAL DE L'AUTO-ENTREPRENEUR
M. Jean ARTHUIS, président . - La parole est maintenant à Monsieur Gérard Quévillon, président du régime social des indépendants RSI).
M. Gérard QUEVILLON, président du régime social des indépendants (RSI). - En écoutant le chef du bureau fiscal, je suis extrêmement inquiet. Je me demande s'il ne faut pas, en amont de l'auto-entrepreneur, sur le site Internet, mettre toute son intervention. En effet, on va créer ce qu'on n'avait pas vu en France depuis un certain nombre d'années, des mouvements protestataires par milliers. Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, je suis sur le terrain. Je suis moi-même commerçant et je pense que mes collègues artisans et commerçants vont vous le dire tout à l'heure : connaissant les services fiscaux quand une contestation est possible, cela va être catastrophique.
Comment va-t-on pouvoir prouver à un moment donné ce qu'on a payé ou ce qu'on n'a pas payé ? Il va falloir expliquer clairement si l'on parle ou non d'une année complète, ou alors il va falloir expliquer aux gens qu'ils sont auto-entrepreneurs, mais qu'ils risquent quand même une quantité de pénalités par la suite. Avant de faire mon intervention, je voulais souligner ce problème.
M. Jean ARTHUIS, président . - Cela pourrait freiner l'envie d'aller jusqu'au bout de son talent. C'est le problème des seuils.
M. Gérard QUEVILLON . - Étant indépendant depuis plus de 35 ans et sachant comment se passe un certain nombre de contrôles fiscaux, je crois qu'il faut être très clair et qu'il faut annoncer clairement aux futurs auto-entrepreneurs ce que vient de dire le représentant des services fiscaux, parce qu'on va avoir des déboires, des catastrophes et des gens qui seront dans un désarroi total. On souhaite les aider, mais ils vont se retrouver avec des problèmes.
J'en viens maintenant à mon intervention. La Loi de modernisation de l'économie a créé le 1 er janvier 2009 le statut de l'auto-entrepreneur. Je rappellerai tout d'abord que le conseil d'administration national du RSI avait émis un avis très majoritairement défavorable à ce statut. Aujourd'hui, nous avons une première année de gestion de ce dossier derrière nous. Hormis les aspects techniques, qui pourront être précisés, je souhaite pour ma part m'exprimer sur le statut de l'auto-entrepreneur en vous livrant les observations suivantes.
La réglementation a été modifiée et étend à trois ans la possibilité de garder le bénéfice du régime microsocial simplifié en cas de chiffre d'affaires ou de recette nul. Hormis le fait que cette disposition n'a pas été soumise à l'avis du conseil d'administration national du RSI, je m'interroge sur la réalité de la viabilité d'une activité d'auto-entrepreneur générant ainsi un chiffre d'affaires égal à zéro. Il faudra que l'on m'explique comment quelqu'un peut vivre trois ans avec rien. Hormis ceux qui ont une double activité, la majeure partie des auto-entrepreneurs ont une activité unique.
M. Jean ARTHUIS, président . - Il y a le revenu de solidarité active (RSA)...
M. Gérard QUEVILLON . - La prolongation à trois ans de la période de non-perception de recettes par un auto-entrepreneur accentue ma perplexité quant à la réalité socio-économique de cette situation.
C'est la raison pour laquelle il me semblerait particulièrement bienvenu pour une personne se trouvant dans cette situation de pouvoir bénéficier, à l'issue de sa première année d'exercice en tant qu'auto-entrepreneur, d'un accompagnement par les organismes consulaires, notamment pour l'analyse de ses résultats et des conditions d'exercice de son activité.
Je m'explique. Les organismes consulaires sont de droit des artisans et des commerçants connaissant bien les métiers. Un « parrain » serait nommé pour vérifier la véracité de l'absence de chiffre d'affaires et peut-être aussi pour réorienter cet auto-entrepreneur vers une autre cible, parce que son projet n'est peut-être pas fiable tout de suite. Un véritable professionnel situé à ses côtés pourrait-il alors lui faire prendre une route un peu différente pour la deuxième année. Je juge pour ma part suicidaire de le laisser trois ans comme cela, car cela consiste à « lui faire croire que... »
Une telle démarche d'accompagnement contribuerait ainsi à permettre à la personne exerçant une réelle activité avec le statut d'auto-entrepreneur d'accéder le plus rapidement possible à un rythme de croisière, lui permettant alors d'exercer en tant que travailleur indépendant à part entière, relevant du RSI dans des conditions classiques.
L'évocation de ce point m'amène à m'interroger sur la pertinence d'inclure les auto-entrepreneurs sans chiffre d'affaires dans les effectifs pris en compte pour déterminer les montants des compensations démographiques. Si je regarde l'année en cours, un certain nombre d'auto-entrepreneurs n'ont pas généré de chiffre d'affaires, mais je dois payer la compensation pour ces gens qui n'ont rien rapporté au régime. Il en résultera de plus un accroissement de la C3S nécessaire pour couvrir les besoins de financement de notre régime.
Enfin, si la mise en place du statut de l'auto-entrepreneur s'inscrit dans une stratégie de lutte contre la fraude et, pour dire plus communément, « pour éviter le travail au noir », une telle motivation ne peut bien sûr qu'être acceptable et considérée comme opportune. Mais quels sont alors les véritables moyens de contrôle de la réalité du travail, dissimulé ou non ?
Je vais prendre quelques exemples. Un auto-entrepreneur non sédentaire, sur un marché, doit normalement, pour obtenir l'octroi d'une place, être à jour de cotisations. S'il n'a aucun chiffre d'affaires, comment va-t-on lui octroyer une place sur un marché ? Il doit être à jour de cotisations. Or il n'en a pas payé. Il n'a donc pas d'attestation selon lequel il est à jour de cotisations. Il n'est pas sûr qu'il obtienne une place sur un marché.
Pour bien connaître ce milieu, je peux vous dire que l'on risque de rentrer dans des conflits, à partir de cet été, parce qu'il va y avoir une chasse effrénée de ce type d'auto-entrepreneurs, car cela pollue des métiers extrêmement difficiles.
Il m'apparaît essentiel et déterminant de distinguer, parmi les auto-entrepreneurs se trouvant dans une catégorie d'âge correspondant à l'exercice d'une activité professionnelle, les personnes qui, en fait, exercent une activité selon ce statut dans le but de se procurer des revenus complémentaires. Pour ces personnes, en effet, l'absence de protection sociale supplémentaire, notamment en termes de retraite, conduit bien sûr à s'interroger sur l'intérêt qu'elles auraient à déclarer leur activité génératrice de revenus complémentaires. Si une personne déclare des revenus, en effet, elle va payer des charges, qui ne vont pas lui donner en échange de prestations. Elle va s'inscrire, elle va peut-être générer des revenus, mais tant qu'elle n'est pas « prise », pourquoi va-t-elle payer ? Monsieur le Ministre, il faut nous donner les moyens de contrôler ces gens. Je suis pour leur existence, mais il faut qu'ils soient contrôlables.
M. Hervé NOVELLI . - Vous faites un procès sur le thème de la fraude. Que se passait-il avant l'auto-entrepreneur ? Personne ne fraudait ?
M. Gérard QUEVILLON . - Ils fraudaient sans que l'État ne soit complice. Aujourd'hui, on est complice avec eux.
M. Hervé NOVELLI . - Quand on fait rentrer 200 millions d'euros de cotisations, on est moins complice que lorsqu'on ne faisait rien rentrer. Expliquez-moi pourquoi vous parlez de vertu. Nous faisons rentrer des cotisations et nous rendons vertueux ce qui ne l'était pas, à minima bien sûr.
M. Gérard QUEVILLON . - Je souscris à vos propos. Je dis qu'il faut accompagner ces entrepreneurs. Si je suis autour de cette table, et puisque la commission des finances du Sénat nous a invités, c'est pour essayer de parler de toutes les subtilités du terrain. Vous vous rendez bien compte que, dans la vie de tous les jours, j'évite de dire ce que j'ai dit. Cependant, je crois qu'il faut attirer l'attention des politiques que vous êtes pour faire bien attention à ce que l'auto-entrepreneur ne crée pas une concurrence déloyale. Comme on le dit depuis le début de ce débat, il faut un moyen très précis pour les contrôler et savoir ce qui se passe.
En conclusion, j'insiste sur la nécessité d'une analyse des causes d'obtention d'un chiffre d'affaires ou de recettes nulles au bout d'un an d'activité en tant qu'auto-entrepreneur. Si l'auto-entrepreneur bénéficie de droits à une protection sociale, il doit aussi en assumer les devoirs et les obligations. La possibilité d'exercer avec un statut d'auto-entrepreneur doit être considérée comme un élément opérationnel de lutte contre la fraude et plus précisément comme l'offre d'une solution alternative au dispositif de sanctions prévues dans la politique de lutte contre le travail au noir.
Je voudrais préciser que le RSI, dans son offre services, prévoit un chapitre sur l'accompagnement de l'auto-entrepreneur pour que celui-ci, dès qu'il commence à générer des revenus, soit accompagné et soit amené à changer de statut pour devenir un véritable entrepreneur. Notre but n'est pas de tout casser, mais de dire qu'il y a des points difficiles qu'il faut éclaircir avec vous. En revanche, nous sommes prêts à les accompagner pour qu'ils deviennent de véritables entrepreneurs.
M. Jean ARTHUIS, président . - Il faut aussi les accompagner pour que le franchissement du seuil ne soit pas un saut qualitatif dans la complexité et dans des contraintes excessives. Nous avons compris que la réussite de ce statut était la réussite de la simplicité, mais que celle-ci ne doit pas faire obstacle à un minimum de contrôles, afin de veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérives. La même question pourrait être posée aux conseils généraux, qui assurent le RSA. Il serait trop simple d'être auto-entrepreneur, de ne rien faire et de bénéficier du RSA.
M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Il me semble qu'il faut noter un point particulier de l'intervention de Monsieur Quévillon, qui méritera une expertise complémentaire. Il s'agit de la durée du chiffre d'affaires nul. C'est la question des trois années maximum de maintien dans ce régime avec un chiffre d'affaires nul. Ce point mérite certainement d'être regardé de plus près, même si l'on doit rappeler - comme l'a fait Monsieur le Ministre dans son intervention introductive - que ce régime peut s'adresser à des personnes, soit en fin d'activité, soit ayant une activité salariée, soit bénéficiaires d'un minimum social. Cela peut permettre de comprendre que des activités puissent rester à l'état latent ou être intermittentes, en quelque sorte. Cela étant dit, rester trois ans avec un chiffre d'affaires nul constitue une situation qui nécessite une attention.
M. Jean ARTHUIS, président . - Vous êtes plusieurs à avoir demandé la parole. Je vous suggère d'écouter d'abord Monsieur Escourrou. Ensuite, je vous promets de vous donner la parole.
M. Jacques ESCOURROU, président de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAV-PL) . - Je suis le président de la CNAVPL, qui regroupe dix caisses de retraite des professions libérales, dont les médecins, les pharmaciens, les infirmières et les kinésithérapeutes. Je suis aussi le président de la CIPAV, qui accueille les auto-entrepreneurs. Je suis heureux de pouvoir m'exprimer ici pour vous faire part de l'extrême mécontentement des libéraux que je représente, ainsi que des soucis importants que nous avons concernant l'avenir de nos caisses.
Je veux vous faire part du mécontentement que nous observons. Cela fait deux ans ou trois ans que nous parlons de ces auto-entrepreneurs et que nous savons qu'il y a des problèmes extrêmement précis. Nous sommes heureux de pouvoir nous exprimer ici.
Les professionnels libéraux que nous représentons ont la chance d'avoir une caisse de retraite, la CNAVPL, qui a toujours été bénéficiaire au niveau de ses comptes. Cependant, avec l'arrivée massive d'auto-entrepreneurs, nous allons être déficitaires pour la première fois de notre existence.
Il est vrai qu'il n'est pas question de s'élever contre le régime des auto-entrepreneurs. Nous sommes contre la façon dont cela a été fait et mis en place. Surtout, dans le cas des professionnels libéraux, que je représente, 100 000 ou 120 000 auto-entrepreneurs dit libéraux vont intégrer la CNAVPL ou la CIPAV, pour les années 2009 et 2010. Parmi ces 100 000 ou 120 000 auto-entrepreneurs, environ la moitié ne fait aucun chiffre d'affaires. En moyenne, les 50 % restants vont faire entre 4 000 et 6 000 euros de chiffre d'affaires annuel. Nous considérons donc que ce sont des pseudo-professionnels libéraux et que leur travail ne se compare en aucune mesure avec le travail des professionnels libéraux que nous représentons. Je ne représente pas que des nantis. Je vous rappellerai qu'à la CIPAV, sur environ 200 000 personnes, hors auto-entrepreneurs, 25 % des gens gagnent moins de 4 000 euros par an. Ce sont donc des gens qui ont des métiers accessoires.
M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Vous avez dit que 50 % déclaraient un chiffre d'affaires s'élevant en moyenne à 4 000 à 6 000 euros. Cela fait en moyenne 500 euros par mois. Il y a des personnes pour qui c'est vraiment beaucoup, pour une activité complémentaire.
M. Jacques ESCOURROU . - Certainement, mais on ne peut pas dire que c'est une véritable activité. On pense que c'est plutôt une activité secondaire.
Nous avons un autre problème. Dans le cadre de la compensation démographique nationale, nous payons une compensation de 1 700 euros par inscrit, et nous sommes solidaires. Cette compensation nous coûte 500 millions d'euros, que nous donnons à des caisses déficitaires. L'arrivée de 100 000 ou 120 000 auto-entrepreneurs coûtant chacun 1 700 euros donne donc quelque chose d'important. Ces gens, pour un chiffre d'affaires de 6 000 euros, vont payer, avec la cotisation de l'Etat, 340,56 euros. Nous allons payer pour eux 1 700 euros. Les professionnels libéraux disent donc « nous sommes d'accord pour être solidaires avec les auto-entrepreneurs, mais il faut qu'à un moment donné, il y ait un véritable métier. »
Il y a, par ailleurs, un petit bémol. Je remercie d'ailleurs Monsieur le Ministre. Une commission a été créée pour travailler sur la définition du professionnel libéral. Dans le cadre de cette définition, je pourrais vous dire le nombre et le type de personnes qui sont à la CIPAV en tant que professionnels libéraux. C'est assez surprenant. Nous avons fait une contribution assez importante. Le rapport a été déposé. Maintenant, nous attendons effectivement qu'il y ait une loi et que l'on puisse savoir qui relève du libéral et qui n'en relève pas. Des professions libérales sont véritablement réglementées. Il y a aussi des travailleurs indépendants libéraux, mais il y a aussi des travailleurs indépendants qui peuvent n'être ni libéraux ni commerçants ni artisans. C'est dans ce cadre qu'il y a un problème.
M. Jean ARTHUIS, président . - Cela peut être un salarié qui effectue une activité de conseil.
M. Jacques ESCOURROU . - Des conseils sont vraiment structurés. Il y a, par exemple, les conseillers en finances. Le problème est qu'il y a des hommes qui parlent aux chevaux, des plieurs de parachutes, etc.
M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Il faut peut-être parfois faire confiance au client qui paie avec son argent et qui trouve le service utile.
M. Jacques ESCOURROU . - Quand les gens gagnent 4 000 euros par an, c'est que leur activité est vraiment accessoire et qu'il ne s'agit pas véritablement d'un professionnel libéral. Ensuite, cela pose un problème de gestion. Chez nous, le turn-over de ces gens est de 10 %. Depuis l'ouverture de la CIPAV à toutes ces professions non réglementées, nous sommes passés de 100 000 à 300 000 professionnels libéraux en 2010 avec les auto-entrepreneurs. S'il y a 200 000 auto-entrepreneurs de plus, nous allons donc être 500 000. C'est affolant. De plus, comme nous l'avions expliqué, les exceptions confirment la règle. Nous sommes tout à fait d'accord pour aider les véritables professionnels libéraux à démarrer. Pour une fois qu'en France, on arrive à faire quelque chose de simple, mais c'est complètement dévoyé.
Ensuite, nous pensons qu'à un certain moment, il peut y avoir des CDI déguisés. Par exemple, je suis architecte et j'ai des difficultés à trouver des dessinateurs. J'emploie donc des dessinateurs auto-entrepreneurs. C'est gagnant pour moi. Je ne paie pas de charges.
M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Vous n'êtes donc pas si mécontent que cela.
M. Jacques ESCOURROU . - Je ne dis pas que je suis mécontent. Je dis que c'est un détournement. C'est de la concurrence déloyale. J'aurais pu avoir un salarié qui m'aurait coûté très cher. J'ai un auto-entrepreneur qui me coûte moins et qui paie des charges réduites. Ensuite, je reçois souvent des stagiaires. Si je veux les garder un mois, on me dit qu'il faut les payer le SMIC. Maintenant, je peux leur demander d'être auto-entrepreneurs. Ils me coûtent 300 euros et c'est terminé. Excusez-moi, nous avons donc un véritable problème.
M. Jean ARTHUIS, président . - Nous vous remercions, Monsieur le Président, pour votre témoignage. La difficulté est quelquefois de faire la différence entre les professions libérales et les prestataires de services. On sait ce qu'est une profession régie par un ordre professionnel. En revanche, vous avez les prestataires de service. Qu'est-ce qu'une profession libérale ? Qu'est-ce qu'un prestataire de service ? Qu'est-ce qu'un professionnel libéral dans une société anonyme qui emploie, sous le statut de salarié, des professionnels libéraux ? Je pense qu'il y a probablement matière à reconfigurer et à redéfinir ce qu'on entend par « profession libérale ».
M. Jacques ESCOURROU . - C'est en cours.
M. Jean ARTHUIS, président . - Le Ministre souhaiterait intervenir à ce stade de la table ronde.
M. Hervé NOVELLI . - Je souhaite répondre de manière un peu plus complète à Monsieur Escourrou, qui disait que ses affiliés étaient mécontents. Je voudrais les rassurer en disant d'abord qu'il est exclu pour le Gouvernement d'augmenter les cotisations des régimes de retraite des professionnels libéraux du simple fait de la question de la compensation démographique. C'est un premier point.
Sur cette question de la compensation, je voudrais rappeler une évidence. Il est normal qu'un régime spécial de retraite qui voit son nombre de cotisants augmenter voie également ses charges de compensation démographique au système de retraite augmenter. C'est le contraire qui, de mon point de vue, serait choquant.
Je voudrais dire aussi que le Gouvernement exclut de neutraliser l'ensemble des auto-entrepreneurs affiliés à la CNAVPL pour le calcul de la compensation démographique. Ce serait injuste.
Quant au chiffrage de compensation démographique que vous avez mentionné dans la presse en février, il n'est malheureusement pas exact. En effet, votre calcul ne tient pas compte des cotisations acquittées par les auto-entrepreneurs qu'encaissent la CNAVPL et la CIPAV. Votre calcul ne tient pas plus compte du fait que même sans la loi de modernisation de l'économie, qui a créé l'auto-entrepreneur, une part des entrepreneurs concernés se seraient créés et affiliés de toute manière à la CNAVPL.
Par contre, je voudrais vous indiquer deux choses. Monsieur Escourrou, je voudrais vous annoncer aujourd'hui que le Gouvernement n'exclut pas un ajustement du régime de compensation démographique, pour que tous les auto-entrepreneurs ne soient pas inclus dans ce calcul de compensation. Comme vous le savez, une réunion aura lieu le 26 mars avec le ministère du travail. Vous y avez fait allusion. Vous voyez que nous sommes attentifs et que nous tenons compte de vos préoccupations.
M. Philippe MARINI, rapporteur général . - C'est une bonne nouvelle.
M. Hervé NOVELLI . - Oui, c'est une bonne nouvelle, mais c'est une nouvelle qui nous amène à poser le problème du régime de compensation et non du statut de l'auto-entrepreneur. Vous voyez que nous réglons des problèmes connexes et très importants. Ils mettent une lumière assez crue sur la complexité des régimes des professionnels libéraux, sur leurs cloisonnements et aussi, comme vous l'avez indiqué, sur la nécessité de définir, dans un pays moderne, ce qu'est une activité libérale.
Je pense pour ma part que les règles d'affiliation des travailleurs non salariés, qu'ils soient commerçants, artisans ou surtout libéraux, sont aujourd'hui trop complexes et trop peu lisibles. Elles devraient être simplifiées, en concertation bien sûr avec les différentes caisses. Nous venons donc de commencer à travailler avec le ministre en charge du budget.
Je pense en tout cas que cette réflexion sur l'auto-entreprenariat m'a amené à considérer aujourd'hui que s'il y a bien des réformes à porter, elles concernent les règles d'affiliation des professionnels libéraux et la définition des activités libérales. Il y a aujourd'hui une complexité et un cloisonnement qui sont néfastes. Monsieur le Président, je peux vous dire que je partage votre conscience de cette nécessité de simplification que vous portez.
Je vais maintenant devoir vous quitter. Je vous remercie.
M. Jean ARTHUIS, président . - Je crois que le Président Quévillon voulait faire une observation ou poser une question.
M. Gérard QUEVILLON . - Monsieur le Ministre, je pense qu'il va de soi que le RSI va être concerné par la compensation que vous avez proposée pour les professions libérales. Vous ne l'avez pas dit, mais je pense pouvoir considérer que c'est aussi acquis pour le RSI.
M. Hervé NOVELLI . - C'est une question directe.
M. Gérard QUEVILLON . - Je suis concerné. Je vais demander un rendez-vous rapidement.
M. Hervé NOVELLI . - Nous en parlerons un autre jour. Je vous précise que vous êtes invité à la réunion du 26 mars.
M. Jean ARTHUIS, président . - C'était aujourd'hui le « tour de chauffe ». Merci encore, Monsieur le Ministre. La parole est maintenant à Fabienne Keller.
Mme Fabienne KELLER . - J'avais simplement une remarque et une question. Vous vous plaignez qu'il y ait beaucoup d'auto-entrepreneurs sans activité. Cependant, et franchement, nous connaissons tous des jeunes retraités ou des personnes ayant une activité qui prennent ce statut, qui n'est pas cher, faute de pouvoir commencer à démarcher leurs futurs clients. Cela a ensuite du succès ou cela n'en a pas. Je trouve donc que ce n'est pas choquant qu'il y ait beaucoup de personnes ayant peu d'activité. Il serait intéressant d'avoir une analyse fine de ces professionnels. En plus, nous sommes en phase de démarrage. Avec un grand enthousiasme, des personnes ont donc pris ce statut pour voir et qui, finalement, n'en font rien. Je pense donc qu'une analyse un peu fine, peut-être sur la base d'un échantillon de cent ou mille auto-entrepreneurs sans activité, pourrait permettre de parler de choses plus concrètes.
Ensuite, je voulais avoir une réponse à une question très simple, car je ne connais pas bien le dispositif. Demander le statut donne-t-il d'office une couverture sociale maladie et/ou retraite ? Si oui, dans quelles proportions ? En effet, il y a peut-être là une explication du succès remporté par ce régime. Cela peut permettre, dans un entre-deux, d'assurer, une couverture.
Enfin, je voudrais témoigner sur ce qu'a dit à l'instant Monsieur Escourrou. Je connais de nombreux cabinets d'architectes, à Strasbourg. L'activité et les investissements ont baissé dans l'agglomération. Plusieurs ont donc demandé à des collaborateurs de quitter le cabinet et de continuer à travailler, mais à temps beaucoup plus partiel. C'est moins cher pour tout le monde. Au passage, cela permet au cabinet de survivre, parce que s'il avait la rigidité d'un licenciement sans accord, ce serait très difficile. Cette fonction, qui n'était peut-être pas prévue, devient donc une sorte de modalité d'ajustement à l'économie, qui est devenue assez efficace, puisque l'on fait baisser les charges globales de l'entreprise. C'est seulement inquiétant pour les dispositifs qui restent en place.
M. Gérard QUEVILLON . - Des droits sont ouverts en protection sociale dès que vous vous inscrivez en tant qu'auto-entrepreneur. Vous avez des cas particuliers, par exemple si vous sortiez du chômage. Je vais vous donner l'exemple d'un cas qui peut nous poser, pour le RSI, un véritable problème. Il s'agit des indemnités journalières. Cette partie de l'activité de la protection sociale doit s'autofinancer. Si jamais ces gens ne paient pas de cotisations et qu'ils ont des indemnités journalières, ce sont ceux qui paient des cotisations et qui ne perçoivent pas d'indemnités journalières qui vont être touchés.
Nous sommes tous favorables à la solidarité, parce que je crois c'est la base de notre pays d'être solidaires. Notre protection sociale est vraiment un fondement qu'il faut garder. Cependant, à un moment donné, on ne pourra plus demander à des gens de payer pour d'autres qui ne payent rien, et ce, pendant trois ans. Au bout d'une année, il faut donc instaurer un contrôle ou un conseil, qui seraient faits, selon les professions, par les chambres consulaires ou par les chambres des professions libérales. On contrôlerait le motif de la non-cotisation.
M. Jean ARTHUIS, président . - Un directeur d'organisme de sécurité sociale que j'interrogeais, pas plus tard qu'il y a deux semaines, m'expliquait qu'il n'existe pas d'obligation formelle de déclaration quand on n'a pas de chiffre d'affaires. On ne sait donc pas ce qui s'est passé. On ne sait pas si c'est une omission ou une dissimulation. Il faudrait donc pour le moins qu'il y ait une obligation de déclaration, quel que soit le chiffre d'affaires.
M. Gérard QUEVILLON . - Il faudrait qu'au bout d'une année, il y ait un « parrain » professionnel.
M. Jean ARTHUIS, président . - Oui, il ferait une évaluation. Nous vous entendons parfaitement. La parole est maintenant à Alain Vasselle.
M. Alain VASSELLE, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Je voudrais poser une question qui s'apparente à celle de Fabienne Keller et à laquelle nous avons eu une réponse partielle. J'aimerais bien que Monsieur Escourrou puisse nous répondre, car j'ai cru comprendre, à sa réaction, qu'il n'avait pas bien compris la question de Madame Keller. Le statut d'auto-entrepreneur ouvre-t-il automatiquement des droits à toutes les prestations ?
Vous comprendrez, Monsieur le Président de la Commission des finances, que le rapporteur général des lois de financement de la Sécurité Sociale que je suis, qui est en train d'auditionner actuellement sur la réforme des retraites, s'inquiète de voir que le dispositif mis en oeuvre, à travers ses modalités, peut avoir des conséquences non négligeables sur l'équilibre des régimes du RSI et de la CNAVPL. En effet, une cotisation de 1 700 euros, pour des cotisations faibles, va certes alimenter d'un autre côté les régimes insuffisamment financés, mais va provoquer un déséquilibre des comptes du RSI ou de la CNAVPL. Ceux-ci vont servir des droits ou des prestations qui vont s'ajouter à la compensation. Cela va poser un problème. Il est donc important que ce point soit revu.
Sur le fond, si le statut de l'auto-entrepreneur n'est pas condamnable en tant que tel, ce sont ses modalités de mise en oeuvre et d'application qui méritent d'être révisées. Sachez qu'à la commission des affaires sociales, nous y sommes sensibles.
M. Jean ARTHUIS, président . - Je vous propose de passer maintenant au bilan du statut de l'auto-entrepreneur.