ÉCLAIRAGE SUR LA MISE EN oeUVRE ET LE CONTRÔLE DU RÉGIME FISCAL ET SOCIAL DE L'AUTO-ENTREPRENEUR
M. Jean ARTHUIS, président . - La première table ronde a pour objet d'apporter un éclairage sur la mise en oeuvre et le contrôle du régime fiscal et social de l'auto-entrepreneur. Nous entendrons d'abord Monsieur Cyril Sniadower, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » à la direction de la législation fiscale (DLF), qui évoquera le régime fiscal spécifique de l'auto-entrepreneur. Ensuite, nous entendrons Messieurs les Présidents Quévillon et Escourrou. Enfin, nous ferons un débat très bref, car le vrai débat viendra avec le deuxième thème, le bilan du statut de l'auto-entrepreneur, après avoir entendu les représentants des auto-entrepreneurs et les organismes consulaires et professionnels.
I. RAPPEL DU RÉGIME FISCAL DE L'AUTO-ENTREPRENEUR
M. Cyril SNIADOWER, chef du bureau B1 « Fiscalité directe des entreprises » à la direction de la législation fiscale (DLF) . - Merci. Il me paraît d'abord important de vous rappeler d'où l'on est parti, pour voir l'évolution réalisée. Il ne faut pas oublier que les régimes qui existaient avant l'instauration du régime de l'auto-entrepreneur continuent d'exister et sont tout à fait ouverts, sur le plan fiscal, aux personnes qui par ailleurs se seraient placées sous le régime de l'auto-entrepreneur pour ses autres volets.
Quand on crée son entreprise individuelle, le premier des régimes - je le dis pour ne pas l'oublier, tellement il paraît, en pratique, disproportionné - est le régime réel, selon lequel on comptabilise son chiffre d'affaires et ses charges et selon lequel on constate un bénéfice réel. Évidemment, il comprend des contraintes de gestion, de comptabilité et de suivi. Cependant, ce régime ne doit pas être écarté d'un revers de main, notamment dans sa version simplifiée, puisque c'est le seul régime qui permette de constater un déficit. Or l'on ne peut pas exclure qu'un auto-entrepreneur puisse ne pas constater immédiatement un bénéfice. Il ne faut pas oublier ce régime. Régime de référence, il offre le plus de contraintes de gestion, mais aussi la plus grande finesse dans la détermination du résultat.
À côté, pour les entrepreneurs individuels qui ont un chiffre d'affaires faible - je préciserai d'ailleurs ce qu'il faut entendre par chiffre d'affaires faible -, il existe depuis maintenant une bonne dizaine d'années le régime des micro-entreprises. Il s'applique aux indépendants imposés en bénéfices industriels ou commerciaux (BIC) et aux libéraux imposés en bénéfices non commerciaux (BNC). Ce régime consiste à appliquer un abattement sur son chiffre d'affaires, de 71 % pour les commerçants, de 50 % pour les prestataires de services et de 34 % pour les professions libérales. On aboutit à un bénéfice forfaitaire que l'on injecte dans le barème de l'impôt sur le revenu. Cela veut dire que pour ce régime intermédiaire de simplification qu'est le régime des micro-entreprises, j'ai bien une détermination forfaitaire du bénéfice, mais je vais avoir un paiement l'année suivante par injection de ce bénéfice dans le barème, soit une déclaration en n+1 pour les revenus de l'année n .
En application de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, il existe, depuis le 1 er janvier 2009, un régime supplémentaire : c'est le régime fiscal de l'auto-entrepreneur, qui est aussi calé que possible sur le régime micro, puisque pour pouvoir être dans ce régime fiscal, il faut déjà être dans le régime des micro-entreprises.
Ce régime fiscal se matérialise par le fait que fiscalement, l'impôt sur le revenu qui est dû en tant qu'entrepreneur individuel sera réputé payé et définitivement payé par le versement d'un pourcentage de chiffre d'affaires en guise d'impôt sur le revenu. Ce pourcentage dépend de l'activité, de la même façon que l'abattement du régime des micro-entreprises. Le taux est de 1 % pour les commerçants, de 1,7 % pour les prestataires de services et de 2,2 % pour les professions libérales. Cela veut dire que lorsque je suis auto-entrepreneur et que j'opte pour le régime fiscal des auto-entrepreneurs, je peux m'acquitter une fois pour toutes de mon impôt sur le revenu en versant un pourcentage de mon chiffre d'affaires aux organismes de sécurité sociale.
Il est aussi important de retenir que cela se fait pour solde de tout compte, c'est-à-dire que c'est un paiement libératoire de l'impôt sur le revenu. Je vais le payer au rythme où j'encaisse mon chiffre d'affaires, donc tous les trimestres ou tous les mois, et l'année suivante, au moment où je ferai ma déclaration d'impôt sur le revenu, on ne reviendra plus sur ces revenus.
Vous voyez que ce régime de l'auto-entrepreneur a des avantages, puisqu'il est simple et puisque le taux forfaitaire est connu d'avance. Cependant, il a aussi des inconvénients. Je ne peux pas constater de déficit et je vais payer mon impôt plus tôt que si je n'avais pas opté pour ce régime, puisque je vais payer au rythme de l'encaissement de mes recettes et non pas l'année d'après. On voit que ce régime, qui permet une modalité de paiement simplifié de l'impôt, présente des avantages et des inconvénients.
C'est ce qu'on aime retenir quand on parle du régime fiscal de l'auto-entrepreneur : un chiffre d'affaires ; un taux applicable à ce chiffre d'affaires ; un montant payé, après lequel on ne parle plus de l'impôt sur le revenu.
Cependant, il ne faut pas oublier - et l'on constate que c'est parfois oublié - qu'il y a des conditions pour pouvoir bénéficier de ce régime. Dans la deuxième partie de mon intervention, j'aimerais donc mettre l'accent sur ces conditions, parce que c'est souvent à leur sujet que l'on constate l'existence de malentendus et de déceptions.
En premier lieu, pour pouvoir bénéficier du régime fiscal de l'auto-entrepreneur, il faut être éligible au régime des micro-entreprises. Ce régime va s'appliquer en-dessous d'un chiffre d'affaires, qui est en 2010, puisque les seuils sont maintenant actualisés, de 80 300 euros pour les commerçants et artisans et de 32 100 pour les prestataires de services et les professions libérales. Si je constate en fin d'année que j'ai fait plus qu'un certain chiffre d'affaires, je ne peux donc pas bénéficier du régime de l'auto-entrepreneur, et si je constate que l'année d'avant, j'ai fait plus qu'un certain chiffre d'affaires, je ne pouvais pas bénéficier du régime de l'auto-entrepreneur. Il existe donc un seuil inhérent au régime des micro-entreprises qui fait que l'on est sûr que ce régime s'appliquera uniquement aux plus petits des entrepreneurs individuels, puis que les montants que je viens d'indiquer ne sont quand même pas excessivement élevés.
Je rappelle également que pour bénéficier du régime des micro-entreprises, il existe une condition encore supérieure : il faut être franchisé de la taxe sur la valeur ajoutée, donc ne pas s'acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée sur ses prestations et ses livraisons de biens et également ne pas déduire la taxe sur la valeur ajoutée sur ses propres achats. Cela veut dire que cette condition sur la taxe sur la valeur ajoutée fait qu'il y aura un surcroît de valeur ajoutée, par exemple si mes clients sont principalement des industriels qui, eux, déduisent la TVA. Je ne rentre pas dans le détail. Tout cela me sert à dire que si je peux avoir l'impression de gagner sur un impôt, je peux également avoir une charge fiscale supplémentaire sur un autre impôt. Tout cela est donc un équilibre global.
La deuxième condition pour pouvoir bénéficier du régime fiscal des auto-entrepreneurs est d'avoir opté pour le régime microsocial, c'est-à-dire de payer ses charges sociales de manière forfaitaire, proportionnellement au chiffre d'affaires. Cela veut dire qu'autant je peux être au régime du microsocial sans être au régime fiscal des auto-entrepreneurs, autant je ne peux pas être au régime fiscal des auto-entrepreneurs sans être au régime microsocial.
Cela veut dire également autre chose : comme le régime microsocial est uniquement ouvert aux personnes qui vont adhérer à certaines caisses de Sécurité Sociale, toutes les activités d'entrepreneur individuel ne pourront donc pas bénéficier du régime fiscal de l'auto-entrepreneur, si l'activité n'est pas rattachée au RSI ou à la CIPAV. On peut par exemple penser aux activités qui sont considérées comme agricoles sur le plan social et industrielles sur le plan fiscal, qui ne peuvent pas en bénéficier.
Je ne rentre pas dans le détail, mais cela permet d'insister déjà sur le fait qu'il y a certaines conditions. Il faut que je sois franchisé de TVA, il faut que j'aie un chiffre d'affaires inférieur à un certain seuil, il faut que j'aie opté pour le régime microsocial avant de pouvoir opter pour le régime fiscal des auto-entrepreneurs.
La dernière condition limite également, par nature, le nombre des personnes qui peuvent en bénéficier. Il faut que mon revenu imposable par part de l'antépénultième année soit inférieur à un certain seuil, en l'occurrence le seuil de la troisième tranche de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire de l'ordre de 25 700 euros. Les personnes qui rempliraient les trois premières conditions - franchise de la TVA, être éligible au régime des micro-entreprises, adhésion au régime microsocial - ne pourraient donc pas être au régime fiscal des auto-entrepreneurs s'ils appartiennent par exemple à un foyer qui gagne beaucoup d'argent, puisque dans ce cas, le revenu par part serait supérieur à 25 700 euros.
Si je résume mon intervention, le régime fiscal des auto-entrepreneurs est d'abord un régime fiscal parmi d'autres, une manière pour eux de s'acquitter de leurs obligations fiscales, avec ses avantages et ses inconvénients. La deuxième chose à retenir est que c'est un régime qui est fortement conditionné, puisque pour pouvoir en bénéficier, il y a des critères de taille et des critères de rattachement à des caisses sociales. Voilà, en quelques mots, le résumé du régime fiscal des auto-entrepreneurs.
M. Jean ARTHUIS, président . - J'ai juste une question. Quand on franchit le plafond en cours d'année, que se passe-t-il ?
M. Cyril SNIADOWER . - Si je le franchis fortement, la première chose qui va se passer est que je vais être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Or c'était la première des conditions.
M. Jean ARTHUIS, président . - Dans ce cas, j'ai payé l'impôt sur le revenu pendant les premiers mois.
M. Cyril SNIADOWER . - Je l'ai payé, mais je l'ai payé à tort. J'ai bénéficié du régime de l'auto-entrepreneur sans avoir le droit d'en bénéficier. L'année suivante, je serai un contribuable comme les autres, je devrai faire ma déclaration d'impôt sur le revenu comme les autres. Évidemment, ce que j'ai déjà payé, je ne le repayerai pas.
M. Philippe MARINI, rapporteur général . - Si j'ai bien compris votre réponse, ce franchissement de seuil n'aura donc de conséquence qu'au 1 er janvier de l'année suivante. Parfois, nous avons des problèmes de traduction du français fiscal au français courant.
M. Cyril SNIADOWER . - En fait, si je le franchis en cours d'année, c'est que pendant une partie de l'année, je croyais être dans le régime de l'auto-entrepreneur. Je suis de bonne foi. Je ne dissimule pas mon chiffre d'affaires, mais je pensais qu'au rythme que je suivais, je n'allais pas franchir le seuil. J'ai donc commencé à acquitter mon 1 % d'impôt tous les mois ou tous les trimestres. Ce chèque, je l'ai donné au RSI. En revanche, lors de ma déclaration d'impôt sur le revenu de l'année suivante, je vais constater que j'ai appliqué à tort ce régime de l'auto-entrepreneur. Dans ce cas, je vais calculer mon impôt sur le revenu comme si je n'avais jamais été auto-entrepreneur et on me rendra ce que j'ai donné, ce sera à valoir.
M. Jean ARTHUIS, président . - Pour la TVA, comment cela se passe-t-il ?
M. Cyril SNIADOWER . - Tout dépend du niveau du franchissement. La TVA est due au premier jour du mois où je franchis le seuil. Pour tous les mois passés où je n'ai pas facturé de TVA, c'était normal, c'était légal. Si je franchis le seuil le 2 du mois, je n'ai qu'un jour à rattraper. Si je franchis le seuil le 29 du mois, j'ai 29 jours à rattraper, mais je n'ai jamais plus que cela.
M. Jean ARTHUIS, président . - Si j'ai acheté une machine pendant un mois où j'étais auto-entrepreneur, j'étais franchisé et je n'avais pas le droit de récupérer de la TVA sur l'investissement. Si le mois suivant je suis à la TVA, ai-je perdu le crédit ?
M. Cyril SNIADOWER . - Je vois que je n'aurais pas dû hésiter à rentrer dans la complexité des régimes. En fait, vous bénéficiez de ce qu'on appelle d'un crédit de départ, en TVA, c'est-à-dire que l'on va vous permettre de déduire, sur une machine qui est en réalité un investissement, un certain pourcentage de votre TVA. Si vous aviez été à la TVA, cela aurait été 100 %. Comme vous ne l'avez pas été depuis le début, ce sera 80 %.
M. Jean ARTHUIS, président . - Merci pour toutes ces précisions.