CONTRIBUTION DE L'AGENCE POUR LA CRÉATION D'ENTREPRISE (APCE)
CONTRIBUTION DE L'ASSEMBLÉE PERMANENTE DES CHAMBRES DE MÉTIERS (APCM)
Table ronde sur les problématiques de l'auto-entrepreneur Audition du 24 mars 2010 |
I - RAPPEL DU RÉGIME FISCAL DE L'AUTO-ENTREPRENEUR
Les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale ou artisanale sont soumis au régime du micro BIC (Bénéfice Industriels et Commercial) qui est également appelé régime fiscal de la micro-entreprise.
L'imposition est calculée à partir chiffre
d'affaires auquel est appliqué un abattement forfaitaire (71% pour les
ventes, 50% pour les prestations de services).
Le résultat obtenu
équivaut alors au bénéfice net de l'entreprise. Ce
régime s'accompagne de plein droit d'une franchise de TVA, ainsi
l'entreprise ne facture pas de TVA sur les livraisons de marchandises... ou les
prestations de services à destination du consommateur final (donc elle
ne récupère pas la TVA). Les obligations comptables et
déclaratives sont allégées.
Au 1er janvier 2010, pour choisir ce régime fiscal, le chiffre d'affaires hors taxes ne doit pas dépasser :
- 80 300 euros hors taxe pour de la vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fourniture de logement ;
- 32 100 euros hors taxe pour les prestations de services.
Le seuil à ne pas dépasser est
proratisé en fonction de la date de début d'activité.
En cours d'activité, il y a deux types de
dépassement :
1) Dépassement entre 80 300 € et 88 300 € (pour les ventes) ou 32 100 € et 34 100 €
(pour les services) :
- au niveau fiscal, l'auto-entrepreneur bénéficie toujours du régime fiscal de la micro-entreprise (et si elle a été exercée, de l'option pour le prélèvement libératoire) pendant les deux années qui suivent celle du dépassement. Ceci n'est possible que si pendant ces deux années le chiffre d'affaires ne dépasse pas 88 300 € ou 34 100 €.
- au niveau social, le régime du micro-social s'applique également pendant les deux années qui suivent celle du dépassement.
2) Dépassement au-delà de 88 300 € (pour les ventes) ou 34 100 € (pour les services) :
- au niveau fiscal, l'auto-entrepreneur doit choisir un nouveau régime fiscal (réel simplifié ou réel normal). L'auto-entrepreneur perd le bénéfice du régime fiscal de la micro-entreprise au 1er janvier de l'année de dépassement et il doit facturer la TVA dès le 1er jour du mois de dépassement.
Dès la fin du bénéfice du régime de la micro-entreprise, afin de continuer l'activité indépendante, l'auto-entrepreneur doit dans un délai de deux mois, s'immatriculer à un registre public (au niveau social, l'auto-entrepreneur reste au régime micro-social pendant l'année du dépassement.)
Depuis le 1er janvier 2010, le créateur auto-entrepreneur (comme tout autre entrepreneur) peut opter pour un versement libératoire mensuel ou trimestriel de l'impôt sur le revenu, s'il remplit trois obligations :
- être soumis au régime fiscal du micro BIC ;
- avoir opté pour le régime du micro-social ;
- avoir un revenu fiscal n'excédant pas, pour une part du quotient familial, la limite supérieure de la 3ème tranche du barème de l'impôt sur le revenu (25 926 € pour 2008), majorée par une demi-part supplémentaire de 50% et par quart de part supplémentaire de 25%. Le revenu de référence, déterminé par les services fiscaux sur la base du chiffre d'affaire et après abattement, est celui de l'année précédant celle pour laquelle l'option est demandée.
Pour les ventes le taux appliqué au chiffre d'affaires sera de 1 %, pour les prestations de services de 1,7 % et pour les activités libérales dépendant de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) de 2,2%.
La déclaration fiscale
professionnelle
se résume à compléter la
déclaration de revenus pour les points suivants : la nature du revenu
(BIC), le montant du chiffre d'affaires, l'adresse du principal
établissement, le numéro SIRET et le nombre de
salariés.
La caractéristique du régime fiscal
du micro simplifié étant le prélèvement
libératoire
de l'impôt, aucun revenu de l'activité
exercée en tant qu'auto-entrepreneur n'est à déclarer sur
la déclaration de revenus n°2042C. En effet, le paiement de
l'impôt se fait mensuellement ou trimestriellement (selon l'option
retenue) lors de la déclaration du chiffre d'affaires sur un
imprimé spécial.
Caractéristique du régime
micro-social
Lors de la création de l'entreprise il est possible d'opter optez pour le bénéfice du micro-social pour l'année en cours lors de la déclaration au CFE ou dans les 3 mois qui suivent.
Le régime du micro-social permet de cotiser aux charges
et contributions sociales, une fois un chiffre d'affaires
réalisé. L'auto-entrepreneur est obligatoirement soumis à
ce régime.
Chaque mois ou trimestre, il faut déclarer son chiffre
d'affaires hors taxe réalisé. Les charges et contributions
sociales sont calculées en fonction d'un pourcentage du chiffre
d'affaires.
Le taux est pour les ventes de 12%, pour les prestations de services commerciales, artisanales ou libérales relevant du Régime Social des Indépendants (RSI) de 21,3 % et pour les activités libérales relevant de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse (CIPAV) de 18,3%.
En cas de cumul d'activités différentes, le taux est appliqué pour chaque montant de chiffre d'affaires selon la nature de l'activité. Toutefois, une exception lorsqu'il y a cumul d'une activité libérale avec une activité artisanale ou commerciale, le taux appliqué est celui de l'activité principale.
L'auto-entrepreneur est exonéré de la
cotisation à la formation professionnelle. Les auto-entrepreneurs ne
sont plus soumis au régime du micro-social lorsqu'ils y renoncent ou
lorsqu'ils cessent d'être soumis au régime fiscal de la
micro-entreprise.
Validation trimestres de retraite : pour obtenir la validation de 4 trimestres, le revenu minimum à réaliser est de 24 040€ pour les ventes, pour les prestations de services commerciales ou artisanales 13 936 € et pour les professions libérales 11 554 €. (Source : RSI)
II - IMPACT SUR LE SECTEUR DE L'ARTISANAT ET LE RÉSEAU DES CMA
Le régime de l'auto-entrepreneur répond manifestement à une aspiration des français à créer une activité professionnelle mais il occulte tous les fondamentaux authentiques de l'artisanat.
Les CMA ont constaté les effets préoccupants engendrés par ce dispositif. Certains futurs auto-entrepreneurs ont une méconnaissance totale des conditions d'application de ce régime. Beaucoup n'ont pas réellement conscience de créer une entreprise et choisissent ce régime sans savoir s'il est réellement adapté à leur situation.
Contournement d'interdiction ou d'incapacité de gérer
Les CFE reçoivent des déclarations d'AE de la part de personnes condamnées à une interdiction de gérer et n'ont pas le pouvoir de refuser ces déclarations.
Déclaration Urssaf
La possibilité de déclarer l'activité auprès de l'URSSAF, qui n'est pas un organisme spécialisé pour les activités artisanales, aggrave ces conséquences. L'URSSAF n'est en mesure ni d'informer, ni de conseiller, ni de refuser une déclaration non conforme ou illégale. Elle n'informe pas non plus sur les obligations qui découlent de ce régime comme la mention spéciale sur les factures pour l'information des clients, la tenue d'une comptabilité et l'obligation d'une assurance adaptée au métier exercé.
Fausse sous-traitance
Il est proposé à des demandeurs d'emploi de choisir le régime AE et de percevoir une somme brute mensuelle sur laquelle ils cotisent au micro-social. Certains salariés se voient proposer un licenciement « à l'amiable » par leur employeur dans le but de s'inscrire comme auto-entrepreneur . Ils continuent à travailler pour le même « donneur d'ordre » et perçoivent une rémunération nette plus importante sur laquelle ils cotisent au micro-social plutôt qu'au régime général (cotisations salariales et patronales).
Absence de qualification
Des personnes se déclarent AE et expliquent leur choix par le fait qu'ils ne sont pas titulaires de la qualification nécessaire sachant parfaitement que le contrôle sera quasiment impossible à faire lorsqu'ils seront installés. Autres zones d'ombre : les questions d'assurance responsabilité civile et de garantie décennale.
Incompatibilité du régime
Auto-entrepreneur et affiliation Mutualité Sociale Agricole
Beaucoup de formalités faites directement en ligne mentionnent des activités « entretiens parcs et jardins » alors que le dispositif AE ne s'applique pas aux activités agricoles et assimilées.
Absence de déclaration d'établissement secondaire
Un artisan déjà immatriculé au RM, déclare une activité en AE à une autre adresse. Cet établissement secondaire n'est pas mentionné au RM ce qui est en contradiction avec les dispositions réglementaires relatives à l'information des créanciers.
Ces dysfonctionnements qui, dans certains cas pourraient
avoir des conséquences graves, notamment pour les consommateurs, sont
très largement dus à l'absence de conseils adaptés pour
les auto-entrepreneurs qui par définition aujourd'hui ne
bénéficient pas d'un accompagnement préalable.
Impact financier du nouveau régime auto-entrepreneur sur le réseau
Depuis janvier 2009, des porteurs de projet d'activité artisanale font le choix du régime de l'auto-entrepreneur, sans s'immatriculer au répertoire des métiers (RM) et sans suivre le stage préalable à l'installation (SPI), stage obligatoire avant immatriculation.
L'évaluation de son impact sur le budget du réseau des CMA portent sur les trois postes les plus directement affectés :
- la redevance pour l'immatriculation au répertoire des métiers (RM),
- le SPI,
- la taxe pour frais de chambre à partir de 2010, année suivant l'instauration de ce nouveau régime.
Ce régime aura également un impact significatif, qui reste à évaluer, sur d'autres prestations payantes proposées pour l'accompagnement des porteurs de projet et des chefs d'entreprise nouvelle.
En 2010, le phénomène de substitution vers le régime de l'auto-entrepreneur devrait se poursuivre, tel que constaté en 2009. Les mesures correctives à compter du 1 er avril 2010 pourraient cependant enrayer ce phénomène bien qu'il soit trop tôt pour le confirmer.
Suite au franchissement de seuils de chiffre d'affaires, certains auto-entrepreneurs devraient en théorie rejoindre le statut d'artisan traditionnel, mais il est difficile d'en évaluer l'importance.
Enfin, ce nouveau régime a eu pour conséquence d'affaiblir le fonctionnement et l'équilibre budgétaire des Chambres de métiers et de l'artisanat.
III - PISTES DE RÉFLEXION
L'APCM et les chambres de métiers et de l'artisanat ont donc proposé que le dispositif d'auto-entrepreneur, hors les très petits chiffres d'affaires relatifs à un complément d'activités :
- soit limité dans le temps ;
- et que les auto-entrepreneurs exerçant dans le secteur de l'artisanat soient immatriculés au répertoire des métiers pour s'assurer de leur qualification, de leur environnement professionnel et de leur développement.
Les plafonds de chiffre d'affaires qui s'imposent aux auto-entrepreneurs font courir un double risque :
- soit le statut d'auto-entrepreneur ne se pérennisera qu'au prix d'une percée dans l'économie clandestine, et le risque semble particulièrement important ;
- soit l'auto-entrepreneur renoncera à développer son activité pour rester en deçà du plafond, et c'est directement contraire à l'objectif du Gouvernement.
Même en dehors de ces considérations, les auto-entrepreneurs, parce qu'ils sont exonérés d'un certain nombre d'obligations, échappent aux conditions d'une concurrence loyale aux yeux des artisans, qui sont, eux, sur le terrain, soumis à toutes les contraintes afférentes à l'exercice de leur activité.
Une telle situation ne saurait durer indéfiniment, sauf à voir bientôt l'auto-entrepreneuriat se substituer progressivement à des pans entiers de l'économie de proximité.