CONCLUSION
M. Philippe MARINI, rapporteur général. - En quelques mots sans prétention, je voudrais dire que j'ai beaucoup apprécié cette table ronde. Pour l'ensemble des nombreux collègues qui y ont participé, je vous remercie vivement pour cette initiative. Les échanges ont été directs, plusieurs interventions ont été franches et tout cela est de nature à faire avancer les choses.
L'auto-entrepreneur, est-ce un excès de liberté dans un monde excessivement réglementé voire corporatiste ? S'agit-il d'un phénomène de « cent fleurs », dont certaines seulement seront durables ? S'agit-il plutôt d'un dispositif de transition et d'incitation à l'esprit d'entreprise ? On l'aura compris, c'est plutôt ainsi que nous avons tendance à interpréter ce nouveau dispositif.
Il est vrai que l'auto-entrepreneur est le premier stade de l'entreprise individuelle. Il y a deux formes d'exercice d'une activité professionnelle, la forme individuelle et la forme sociétale. Nous allons y revenir dans quelques jours avec un projet de loi que nos amis de l'artisanat soutiennent depuis des lustres, sur le patrimoine d'affectation, avec l'EIRL. À ce sujet, notre souci sera également d'éviter les effets d'aubaine et les distorsions de concurrence. Nous aurons d'ailleurs peut-être une discussion à fronts renversés, sur certains aspects fiscaux et sociaux relatifs à ce patrimoine d'affectation.
Je retiendrai pour ma part que du point de vue fiscal, il n'y a pas de cadeau et de faveur particulière. Il y a un enchaînement différent. Sans doute quelques points d'interprétation seront-ils encore à clarifier. L'intervention du représentant de la DLF a eu le mérite de mettre l'accent sur ces aspects.
L'intervention du président du RSI nous a permis de toucher du doigt, en particulier, la question de la durée d'inscription de l'auto-entreprise inactive. Dès lors, nous avons pu progresser dans le sens d'une meilleure analyse de la population des auto-entrepreneurs. Comme Jean-François Bernardin nous y incitait à la fin, il faut que nous connaissions mieux - nous serons aidés pour cela par les associations de MM. Hurel et Leclercq - les différents cas de figure : l'auto-entrepreneur à plein temps, l'auto-entrepreneur à temps partiel, enfin la structure disponible pour mener une activité éventuelle. Ce sont trois cas de figure différents.
Plusieurs intervenants ont évoqué la crise, en particulier le président de l'UPA. Il est vrai que la crise est pour beaucoup dans cette floraison d'entreprises individuelles. La crise crée beaucoup problèmes de reclassement et de détresse et conduit des couples à voir disparaître un salaire sur deux et à avoir de la peine à faire face à leurs charges. Les élus locaux, dans leurs différentes fonctions, connaissent bien ces situations. Or la crise peut tout à fais rendre légitime la création d'activités à temps partiel. Beaucoup de nos concitoyens vont devenir, qu'ils l'aient voulu ou qu'ils y aient été conduits, des pluriactifs. Il faut donc que nos systèmes puissent s'adapter à cette nouvelle réalité sociale.
Je crois que l'un des mérites du régime de l'auto-entrepreneur est de se couler dans tous ces cas de figure particuliers. C'est aussi de permettre, en quelque sorte, la création d'entreprises à l'essai.
Je vais vous raconter une histoire qui date de quelques jours. Un jeune est employé municipal dans une cyber base. Ce dispositif a été aidé par la Caisse des Dépôts. C'est une bonne chose, qui est mise à disposition des gens qui veulent utiliser des outils informatiques, mais n'ont pas d'ordinateur chez eux. Ce jeune va voir son Maire et lui dit : « J'ai le sentiment que je peux créer mon auto-entreprise, acceptez-vous le cumul avec mon emploi ? » La réponse est « oui », bien entendu. « Quel est votre objectif ? Que voulez-vous faire ? » Le jeune explique son projet de manière assez claire et déjà assez convaincante. S'il n'avait pas la possibilité de cumuler, il ne franchirait évidemment pas le pas. Ce sera peut-être un succès, ce sera peut-être un échec. Il reviendra peut-être à sa situation antérieure, mais il réussira peut-être, et s'il réussit, il libérera un emploi qui pourra être proposé à un autre jeune. Cela sera naturellement positif.
Il est vrai que parfois, des craintes ont été émises, ce qu'on peut tout à fait comprendre. Ce sont notamment les craintes du président de la CNAVPL en matière de compensation démographique. Je crois que ce sujet a été bien perçu et compris par le secrétaire d'État. J'espère que la rencontre à laquelle vous allez participer, ainsi que Monsieur Quévillon, sera une rencontre fructueuse. En tout cas, nous nous tiendrons informés, comme nos collègues de la commission des affaires sociales, dont vous avez vu la grande vigilance à ce sujet. Néanmoins, il est vrai qu'il y a encore un certain nombre d'ajustements à faire.
Plus spécialement, on peut se demander si l'auto-entreprise est une transition ou un état durable. Sans doute la réponse dépend-elle de la nature de l'auto-entreprise et du positionnement de l'auto-entrepreneur. Après tout, celui qui va cumuler l'auto-entreprise avec une autre activité peut s'installer dans cette situation. Tout à l'heure, j'ai réagi lorsque l'on faisait le calcul que le chiffre d'affaires moyen d'une auto-entreprise active pouvait représenter 500 euros par mois. Certes, c'est sensiblement moins que le SMIC et c'est moins que le RSA. Néanmoins, quand il y a des charges en face, c'est extrêmement précieux lorsque cela tombe à peu près tous les mois. Sans doute faut-il bien mesurer l'intérêt de ce type d'apport, notamment en période de crise.
Pour notre part, nous serons donc très ouverts aux évolutions sans doute nécessaires, mais en faisant très attention à ne pas nuire au dynamisme de ce régime. En effet, dans cette période, c'est l'un des rares sujets qui ait été encouragé par un bon marketing. C'est assez rare. Il faut reconnaître que ce n'est pas toujours le cas.
En effet, il ne faut pas que ce soit une méprise et il ne faut pas qu'il y ait trop d'ambiguïtés. Cependant, il faut aussi que nos amis les anciens acceptent de comprendre qu'il y a des transitions et que cela ne menace en rien leurs positions et leurs institutions.
Voilà, Monsieur le Président, les quelques éléments de conclusion que je me permettrais de livrer en remerciant tous les participants à cette table ronde, qui nous ont vraiment beaucoup éclairés et avec qui le travail doit manifestement se poursuivre.
M. Jean ARTHUIS, président . - Je remercie surtout chacun d'entre vous, Messieurs, d'avoir répondu à notre invitation, facilitant ainsi notre travail d'évaluation. Nous avons organisé cette table ronde, vous l'avez compris, pour accompagner ce statut d'auto-entrepreneur et pour contribuer, aussi puissamment que possible, à encourager nos concitoyens à entreprendre.
Au-delà des statistiques officielles, il ne faut pas se méprendre sur l'ampleur du mouvement qui s'accomplit. Il faut être conscients des craintes que peuvent éprouver ceux qui entreprennent et respectent l'ensemble des lois. Il faut qu'ils n'aient pas le sentiment d'être déstabilisés par ce phénomène nouveau. Il faut au contraire que ce soit un enrichissement pour la communauté entrepreneuriale, qu'il s'agisse des commerçants, des artisans, des industriels ou des prestataires de services, parmi lesquels les professions libérales. Nous avons d'ailleurs bien vu qu'il faut redéfinir les contours des professions libérales et des prestations de services.
Nous avons aussi vu que ce statut particulier peut être pour certaines personnes l'occasion de se constituer un revenu complémentaire, parce qu'elles sont retraitées ou étudiantes.
Vous avez eu la délicatesse de nous communiquer une note sur vos interventions respectives. Vous pourrez les compléter si vous le souhaitez. Avec tout ce qui a été dit, un compte-rendu sera réalisé. Je pense que nous pourrions autoriser et encourager le rapporteur général, s'il le veut bien, à publier un rapport reprenant l'ensemble des propos tenus cet après-midi. Ce serait une contribution à l'évaluation de l'auto-entreprise, avec l'esquisse de quelques pistes de réflexions, parmi lesquelles l'obligation faite à tout auto-entrepreneur de déclarer à la fin de l'année son chiffre d'affaires et de donner quelques indications sur ce qu'a été son activité.
A l'issue de la table ronde, la commission a autorisé M. Philippe Marini, rapporteur général, à publier une synthèse et le compte-rendu de la réunion sous la forme d'un rapport d'information.