IV. LES EFFETS DE LA RÉFORME DE L'URBANISME COMMERCIAL
A. LES DISPOSITIONS DE LA LME EN MATIÈRE D'URBANISME COMMERCIAL
1. Les raisons de la réforme
a) Les règles d'urbanisme commercial avant l'entrée en vigueur de la LME
Avant la LME, la régulation des implantations commerciale reposait sur un outil et une méthode :
- l'outil : les CDEC (commissions départementales d'équipement commercial) délivraient les autorisations d'installation pour les projets d'équipement les plus importants, mentionnés à l'article L. 752-1 du code de commerce : projets de création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m², d'extension d'un magasin faisant déjà plus de 300 m² ou devant les dépasser à cause de cette extension... (8 cas au total) ;
- la méthode : les CDEC appuyaient leurs décisions sur les critères exposés à l'article L. 752-6 du code de commerce; ces critères soumettaient le projet à une évaluation de son impact sur l'aménagement du territoire (impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ; qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ; capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises) mais aussi à un test économique (densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce, impact en termes d'emplois salariés et non salariés, etc.).
b) Les critiques adressées à ces règles
(1) Une incompatibilité avec le droit européen
Les règles d'urbanisme commercial héritées de la loi Royer contreviennent, selon la Commission européenne, à :
- l'article 43 du Traité CE relatif à la liberté d'installation : « si [la Commission] reconnaît que les objectifs de protection de l'environnement et de l'urbanisme, ou l'aménagement du territoire, sont des raisons d'intérêt général de nature à justifier des restrictions aux libertés fondamentales garanties par le Traité CE, elle considère que la procédure française, qui se fonde pour une grande part sur des considérations de nature économique telles que l'impact de l'implantation sur les commerces existants, qui prévoit des critères insuffisamment précis et objectifs, devant faire l'objet d'une évaluation par le demandeur, et permet enfin la participation dans la prise de décision de représentants des intérêts économiques déjà présents, n'est pas justifiée et proportionnée aux objectifs d'intérêt général poursuivis » ;
- la directive 2006/113/CE sur les services dans les marchés intérieurs indique à son article 14 : « Les États membres ne subordonnent pas l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de (...) l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande de marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente ».
(2) Une limitation de la concurrence accusée de freiner les baisses de prix
Avant la LME, la critique des règles d'urbanisme commercial s'inscrit aussi dans le cadre d'une politique économique ambitionnant de redonner du pouvoir d'achat aux ménages. Le raisonnement est le suivant : les règles d'urbanisme commercial, en freinant l'installation de nouveaux équipements commerciaux, placent les grandes surfaces déjà installées dans une situation de concurrence monopolistique , cela leur permet de pratiquer des niveaux de prix supérieurs à ce qui prévaudrait dans le cadre d'une concurrence plus vive ; il faut donc faire disparaître ces rentes en levant les freins à l'installation.