2. Les responsabilités des parlements nationaux
L'arrêt de la Cour constitutionnelle est une invitation à tirer pleinement parti des avancées démocratiques opérées par le traité de Lisbonne.
Celui-ci accroît très largement les pouvoirs du Parlement européen, tant dans le domaine législatif que dans le domaine budgétaire, poursuivant et amplifiant sur ce point une évolution lancée par les traités précédents.
En même temps, le traité de Lisbonne accorde pour la première fois un rôle spécifique aux parlements nationaux dans le processus de décision européen, où ils sont chargés de veiller au respect du principe de subsidiarité.
Les parlements nationaux ont ainsi, à plusieurs niveaux, une responsabilité importante dans la légitimation démocratique de l'Union.
• Ils sont, tout d'abord, les législateurs de base de celle-ci lorsqu'ils adoptent les traités et se prononcent sur les décisions qui, aux termes des traités, doivent être approuvés par les États membres « conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». L'arrêt « Lisbonne » souligne que la légitimation ainsi obtenue serait fragilisée si les parlements nationaux n'exerçaient pas également un contrôle suffisant sur l'utilisation des souplesses prévues par le traité. La législation d'accompagnement garantit un tel contrôle dans le cas de l'Allemagne. Mais le raisonnement de la Cour a une portée plus générale, puisque les principes sur lesquels il s'appuie sont largement communs aux États membres. L'appel à un plein exercice de la responsabilité dans l'intégration est ainsi susceptible d'intéresser l'ensemble des parlements nationaux, chacun dans le cadre du contexte institutionnel de son État.
• Le rôle des parlements nationaux en matière de subsidiarité est une autre forme de responsabilité dans la légitimation de l'Union. L'arrêt « Lisbonne » souligne que la légitimité de l'Union repose en partie sur le fait qu'elle s'en tienne à ses attributions. C'est d'abord une question de respect des compétences que lui attribuent les traités, mais c'est aussi une question d'exercice de ces compétences conformément au principe de subsidiarité.
L'arrêt « Lisbonne » trahit toutefois un certain scepticisme sur l'efficacité du contrôle qu'exerceront les parlements nationaux en matière de subsidiarité.
Il est vrai que, dans le délai réduit de huit semaines, les parlements nationaux devront analyser de nombreux textes, se prononcer sur eux, et se concerter pour essayer d'atteindre les seuils (suivant les cas, un quart, un tiers ou la moitié des parlements nationaux) nécessaires pour obtenir le réexamen d'une proposition, voire son retrait.
Par ailleurs, la possibilité de saisir la Cour de justice pour faire constater la violation du principe de subsidiarité par un acte législatif européen, dans les deux mois suivant son adoption, ne prendra sa portée que si la Cour de justice renonce à sa réticence à aller au-delà d'un contrôle minimum dans ce domaine.
Cependant, quelles que soient les incertitudes entourant la nouvelle procédure de contrôle, il entre dans la responsabilité démocratique de tous les parlements nationaux de s'efforcer de la mettre en oeuvre.
• Enfin, l'arrêt « Lisbonne » souligne que le contrôle exercé sur les gouvernements est également un aspect de la légitimation de l'Union par les parlements nationaux. De l'étendue et de l'intensité de contrôle dépend la légitimité démocratique des décisions du Conseil et du Conseil européen, qui demeurent des institutions essentielles dans le fonctionnement de l'Union. Il s'agit donc d'une exigence valable pour tous les parlements nationaux.
• Ainsi, l'arrêt « Lisbonne » met en évidence la responsabilité propre des parlements nationaux dans la légitimation de l'Union . Ils sont invités à exercer effectivement leur rôle, au lieu de céder à la tentation de s'en défausser, quitte à se servir ensuite de la construction européenne comme d'un alibi.