2. Un risque de diminution durable à cause de la crise économique

Il est vraisemblable que le taux de prélèvements obligatoires diminue durablement, du fait de la crise économique.

a) Un taux de prélèvements obligatoires qui retrouverait en 2009 et en 2010 son niveau de 1981, selon le Gouvernement

Selon le Gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires serait de 40,7 % en 2009 et en 2010. Un niveau aussi faible n'avait pas été atteint depuis 1981, comme le montre le graphique ci-après.

Le taux de prélèvements obligatoires sur longue période

(en % du PIB)

Sources : Insee, projet de loi de finances pour 2010

b) L'impôt sur les sociétés : effondrement temporaire ou éclatement d'une « bulle » ?

Tout d'abord, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés devraient être nettement inférieures au cours des prochaines années à leur niveau de 2008, qui était de près de 50 milliards d'euros.

(1) Une implosion en 2009, partiellement rattrapée en 2010

Certes, l'effondrement spectaculaire des recettes observé en 2009 et, dans une moindre mesure, 2010, est par nature temporaire, et provient du mécanisme de cet impôt.

Le gouvernement prévoit actuellement des recettes nettes d'impôt sur les sociétés de 19 milliards d'euros en 2009 et 33 milliards d'euros en 2010, en nette baisse par rapport aux prévisions précédentes, comme l'indique le tableau ci-après.

Le produit d'impôt sur les sociétés net : l'évolution des prévisions du Gouvernement

(en milliards d'euros)

LFR d'avril 2009

Débat d'orientation des finances publiques (juillet 2009)*

Projet de loi de finances pour 2010

Scénario bas

Scénario haut

2009

37,4

20,4

25,4

19

2010

-

28,2

35,3

33

Pour mémoire : les recettes d'IS net ont été de 49,3 milliards d'euros en 2008.

* Ces chiffres n'ont pas été directement indiqués par le Gouvernement mais ont été calculées par la commission des finances en fonction des évolutions prévues par le Gouvernement par rapport à la LFR d'avril 2009.

Sources : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2010 ; projet de loi de finances pour 2010 ; calculs de la commission des finances

Ces ordres de grandeur sont vraisemblables.

Schématiquement, le produit de l'impôt sur les sociétés sera en 2009 la somme des éléments suivants :

- les quatre acomptes, reposant chacun sur le quart des bénéfices fiscaux de 2008 (à l'exception du dernier, qui dans le cas des grandes entreprises repose depuis 2005 sur les prévisions de bénéfices de l'année en cours) ;

- le solde de l'année 2008, correspondant à l'excédent d'impôt payé en 2008.

L'impôt sur les sociétés : quelques rappels

Les recettes nettes d'impôt sur les sociétés, de 45 milliards d'euros en moyenne depuis 2001, se décomposent entre :

- quatre acomptes de 10 milliards d'euros en moyenne (normalement payés les 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre), calculés en fonction des bénéfices de n-1 (ainsi que, dans le cas du dernier acompte et depuis 2005, des prévisions de bénéfices des grandes entreprises pour l'année en cours) ;

- le « solde » de l'année n-1 (en avril), dépendant de l'écart entre les bénéfices de l'année n-1 et de ceux de l'année de n-2 (de 5 milliards d'euros en moyenne).

Le graphique ci-après permet de mettre en évidence la forte augmentation du 4 e acompte consécutive à la réforme de 2005, alors que les bénéfices des entreprises étaient en augmentation.

La décomposition annuelle du produit de l'impôt sur les sociétés (net)

(en milliards d'euros)

NB : la décomposition a été effectuée de manière conventionnelle, en fonction des recettes perçues les 31 mars, 31 mai, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre.

Source : d'après les situations mensuelles du budget de l'Etat

Il faut également prendre en compte le coût du plan de relance de l'économie, qui devrait être plus élevé que prévu.

Le coût des allégements d'impôt sur les sociétés mis en oeuvre dans le cadre du plan de relance

Le cas de l'année 2009

Le plan de relance comprend, outre l'accélération des remboursements de trop-perçus en 2008 (qui n'aura pas d'impact sur le produit de l'année 2009), divers allégements, dont l'impact sur le solde budgétaire, initialement évalué à 5,6 milliards d'euros, était déjà de 7,5 milliards d'euros fin juillet, ce qui suggère qu'il pourrait atteindre les 10 milliards d'euros.

Le coût des allégements d'IS du plan de relance en 2009 : prévision du Gouvernement et exécution

(en milliards d'euros)

Prévision initiale

28-févr.

31-mars

30-avr.

31-mai

30-juin

31-juil.

Prévision actualisée

Crédit d'impôt recherche (CIR)

3,8

1

1,9

2,4

3,1

3,4

3,7

3,8

Report en arrière

1,8

0,6

0,9

1,1

1,5

2,2

3,8

4,5

Total ayant un impact sur le solde de 2009

5,6

1,6

2,8

3,5

4,6

5,6

7,5

8,3

Pour mémoire : remboursements anticipés des excédents de versement d'IS

3,9

6,4

Dans ses prévisions actualisées, le Gouvernement retient cependant un coût total de « seulement » 8,3 milliards d'euros.

Le cas de l'année 2010

Ces mesures consistant en l'anticipation de remboursements, elles seront suivies d'un contrecoup en 2010. Selon le Gouvernement, à l'allégement de 8,3 milliards d'euros en 2009 succéderait un alourdissement de 10,1 milliards d'euros en 2010 (7,6 milliards d'euros après prise en compte de la prorogation de la mesure relative au CIR par le présent projet de loi de finances).

Le coût des allégements d'IS du plan de relance, selon le Gouvernement

(en « mesures nouvelles » et en milliards d'euros)

Prévisions initiales

PLF 2010

2009 (1)

2010 (2)

(1)+
(2)

2009 (1)

2010 (2)

(1)+
(2)

Remboursement du crédit d'impôt recherche (CIR)

3,8

-4,8

-1

3,8

-4,8

(-2,3*)

-1

(-1,5*)

Remboursement des crédits d'impôt de retour en arrière des déficits

1,8

-2,1

-0,3

4,5

-5,3

-0,8

Total

5,6

-6,9

-1,3

8,3

-10,1

(- 7,6*)

-1,8

(0,7*)

* Y compris la prorogation de la mesure par le présent projet de loi de finances, qui doit coûter 2,5 milliards d'euros en 2010.

Sources : dossier de presse relatif au plan de relance (janvier 2009) ; rapport sur les prélèvements obligatoires annexé au présent projet de loi de finances

Comme en 2008 les bénéfices fiscaux des entreprises ont fortement baissé, le produit diminue par nature fortement par rapport à celui de 2008 (de l'ordre de 50 milliards d'euros).

Pourquoi les recettes nettes d'impôt sur les sociétés s'effondrent en 2009

Dans le cas de l'année 2009, on peut faire le raisonnement simplifié suivant (en retenant des chiffres volontairement arrondis ) :

- les bénéfices de 2008 correspondent à un produit de l'ordre non de 50 milliards d'euros, comme ceux de 2007, mais (si l'on retient l'hypothèse d'une diminution de 25 % du bénéfice fiscal en 2008, comme le suppose le Gouvernement) de 75 % de ce montant, soit 37,5 milliards d'euros ;

- en 2009, les quatre acomptes, chacun égal au quart de ce montant, seront donc au total de l'ordre de 37,5 milliards d'euros ;

- par ailleurs, les entreprises ont trop payé d'impôt en 2008, puisqu'elles l'ont payé sur la base de bénéfices correspondant à une imposition de l'ordre de 50 milliards d'euros, alors qu'elles n'auraient dû payer que 37,5 milliards d'euros, d'où en 2009 le versement par l'administration fiscale de 12,5 milliards d'euros aux entreprises ;

- à cela s'ajoute que les divers allégements mis en oeuvre dans le cadre du plan de relance devraient être de l'ordre de 10 milliards d'euros en 2009.

Au total, le produit d'impôt sur les sociétés en 2009 serait donc de l'ordre de 37,5-12,5-10=15 milliards d'euros.

Dans le cas de l'année 2010, si le bénéfice fiscal des entreprises diminue de 10 % en 2009, les différences seront que le solde de 2009 ne sera négatif que de moins de 5 milliards d'euros, et que les mesures d'allégement mises en oeuvre dans le cadre du plan de relance auront quasiment disparu (seule subsistant la prorogation de la mesure relative au crédit impôt recherche, pour un montant de 2,5 milliards d'euros). Le produit sera donc de l'ordre de 15+12,5-5+10-2,5=30 milliards d'euros.

Les calculs avec les chiffres non arrondis conduisent à un produit de respectivement 16 et 31 milliards d'euros (cf. ci-après).

(a) Selon une approche « graphique » : des recettes de l'ordre de 16 milliards d'euros en 2009

Une première approche pour évaluer le produit d'impôt sur les sociétés, valable pour la seule année 2009, consiste à extrapoler les recettes perçues depuis le début de l'année.

Les recettes d'IS net étaient, le 10 septembre 2009 (date de la dernière situation hebdomadaire transmise à la commission), de seulement 2,95 milliards d'euros, contre 27,43 milliards d'euros l'année dernière à la même date.

Les recettes d'IS net en 2008 et 2009

(en milliards d'euros)

Source : situations hebdomadaires

On observe que le montant moyen des 1 er et 2 e acomptes a été de l'ordre de 8 milliards d'euros en 2009.

Dans ces conditions, une manière simple d'estimer les recettes d'IS en 2009 consiste :

- à considérer qu'aux 2,95 milliards d'euros de recettes nettes au 10 septembre s'ajoutent des 3 e et 4 e acomptes de 8 milliards d'euros ;

- à retrancher le coût du plan de relance restant à venir, estimé ici à 2,5 milliards d'euros (aux 7,5 milliards d'euros constatées fin juillet s'ajouteraient 2,5 milliards d'euros destinés à atteindre le coût total, estimé ici, par convention, à 10 milliards d'euros).

Selon cette approche « graphique », les recettes d'IS seraient donc de l'ordre de 16 milliards d'euros en 2009 .

(b) Des simulations simples conduisent à des recettes de 16 milliards d'euros en 2009 et 31 milliards d'euros en 2010

Une approche complémentaire consiste à réaliser des simulations simples, à partir de certaines hypothèses d'évolution du bénéfice fiscal des entreprises. Selon le Gouvernement, le bénéfice fiscal a diminué de 25 % en 2008, et devrait diminuer de 3 % en 2009. En retenant ces hypothèses, et en supposant, de manière conventionnelle, que les bénéfices fiscaux augmentent ensuite de 5 % par an, on parvient aux résultats indiqués par le tableau ci-après.

Le produit net de l'impôt sur les sociétés de 2009 à 2012 : une simulation simplifiée par la commission des finances

(en milliards d'euros)

Formule

Exécution

Prévision

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Hypothèse d'évolution du bénéfice fiscal

(en %)

-25

-3

5

5

5

A

1 er acompte (mars)

J n-1 /4

9

12

9

9

9

10

B

Solde de n-1 (avril)

J n-1 - (A n-1 +C n-1

+D n-1 +E n-1 )

4

3

-10

-1

2

2

C

2 e acompte (juin)

A n

13

13

9

9

9

10

D

3 e acompte (septembre)

A n

11

10

9

9

9

10

E

4 e acompte (décembre)

A n +F n

14

11

9

9

9

10

F

Dont supplément dû aux grandes entreprises (hypothèse)

4

0

0

0

1

2

G

Total avant plan de relance

A n +B n + C n +D n +E n

51

49

26

34

38

40

H

Plan de relance (hypothèse)

0

0

-10

-2,5

0

0

I

Total après plan de relance

G n +I n

51

49

16

31

38

40

Pour mémoire : prévision du Gouvernement

19

33

-

-

J

Produit (hors plan de relance) reposant sur les bénéfices de l'année concernée

48

36

35

37

38

40

Cf. ci-contre

Moyenne (A 2007 +C 2007 +D 2007
+E 2007 +B 2008 ; A 2008 +C 2008 +D 2008 +E 2008 )

J 2007 *0,75

J 2008 *0,97

J 2009 *1,05

J 2010 *1,05

J 2011 *1,05

Sources : situations mensuelles du budget de l'Etat, hypothèses et calculs de la commission des finances

Selon cette approche, le produit net de l'impôt sur les sociétés serait de l'ordre de 16 milliards d'euros en 2009 et 31 milliards d'euros en 2010 (contre respectivement 19 et 33 milliards d'euros selon le Gouvernement). Cela confirme l'exactitude des ordres de grandeur retenus par le Gouvernement.

Il ne faut pas accorder d'importance particulière au léger écart constaté par rapport à ses prévisions. Il s'explique en effet essentiellement par le fait que l'on suppose ici que les allégements du plan de relance coûteront 10 milliards d'euros, contre 8,3 milliards d'euros selon le Gouvernement. Par ailleurs, compte tenu des sommes en jeu, il ne s'agit que de l'« épaisseur du trait ».

La baisse de l'IS en 2009, de l'ordre de 35 milliards d'euros, se décomposerait donc entre :

- environ 10 milliards d'euros dus au plan de relance (au lieu de 5,6 milliards d'euros initialement prévus) ;

- plus de 25 milliards d'euros dus à la crise.

(2) L'éclatement d'une « bulle » de recettes de 10 milliards d'euros ?

Les simulations ci-avant permettent de mettre en évidence que si la très forte diminution du produit de l'impôt sur les sociétés en 2009 ne sera pas pérenne, il semble en revanche peu probable que celui-ci retrouve rapidement son niveau d'avant la crise, comme l'indique le graphique ci-après.

Les recettes nettes d'IS

(en milliards d'euros)

Sources : situations mensuelles, calculs de la commission des finances

En fait, on observe que de 2006 à 2008 les recettes nettes d'impôt sur les sociétés ont été de l'ordre de 50 milliards d'euros, contre 40 milliards d'euros habituellement. Par ailleurs, c'est ce niveau de 40 milliards d'euros qu'elles devraient retrouver en 2011.

Les prévisions relatives aux prélèvements obligatoires doivent donc vraisemblablement intégrer une perte pérenne de recettes d'impôt sur les sociétés de l'ordre de 10 milliards d'euros.

c) Un taux de prélèvements obligatoires structurellement réduit par la crise ?

Le principal risque pesant sur le taux de prélèvements obligatoires n'est pas toutefois celui que les recettes d'impôt sur les sociétés demeurent durablement inférieures à leur niveau de 2008, mais celui que, du fait d'une perte de PIB définitive due à la crise, les prélèvements obligatoires ne retrouvent pas spontanément la part dans le PIB qu'ils avaient avant celle-ci.

Schématiquement, on peut distinguer trois grands scénarios en termes de croissance :

- dans le scénario 1, la crise actuelle ne serait qu'un « accident de parcours », qui serait intégralement rattrapé en termes de PIB par une croissance de 3 % par an de 2011 à 2017 ;

- dans le scénario 2, la croissance retrouverait son rythme tendanciel (de l'ordre de 2 %) après la crise, qui correspondrait à une perte définitive de PIB de l'ordre de 7 points (l'écart par rapport au rythme tendanciel dû à la crise n'étant jamais rattrapé) ;

- dans le scénario 3, après la crise la limitation du recours à l'endettement réduirait la croissance structurelle à 1 % par an.

Les principaux scénarios de croissance envisageables après la crise

(PIB en volume, 2002=100)

Source : commission des finances du Sénat

Ces scénarios ont des implications importantes en termes de taux de prélèvements obligatoires. En effet, le scénario 2 correspond à un taux de prélèvements obligatoires qui (malgré le « ressaut » de 2011, correspondant au contrecoup de la suppression de la taxe professionnelle) se stabiliserait à moins de 42 % (contre 43 % avant la crise). Le scénario 3, correspondant à une « décennie perdue » de croissance durablement faible, le ramènerait à 40 %, si l'on suppose que les recettes fiscales obéissent à leurs déterminants habituels, et, du fait de la faible croissance, augmentent donc moins vite que le PIB.

Les taux de prélèvements obligatoires associés aux différents scénarios

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat

Pour ramener d'ici 2013 le taux de prélèvements obligatoires à son niveau d'avant la crise, il faudrait en 2011-2013 une croissance du PIB nettement supérieure à son potentiel.

Ces scénarios sont purement illustratifs, mais ils montrent bien le risque de diminution durable du taux de prélèvements obligatoires.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page