D. LA COOPÉRATION ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET L'OTAN
Discours de M. Jaap de Hoop Scheffer, Secrétaire général de l'OTAN
L'Assemblée a souhaité entendre M. Jaap de Hoop Scheffer, qui quittera ses fonctions de Secrétaire général de l'OTAN début août, afin qu'il présente un bilan de son action depuis cinq ans et qu'il commente à l'Assemblée, dont il est un ancien membre, les défis à venir de l'Organisation, notamment l'avenir des relations avec l'Union européenne et l'action de l'OTAN en Afghanistan.
Au cours de son mandat de cinq ans et demi, M. de Hoop Scheffer a présidé à une période de changement radical pour l'OTAN . On peut citer à cet égard l'engagement accru des États membres et non membres dans la Force Internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS), l'établissement de sept plans d'action individuels pour le partenariat, ou encore l'entrée à l'OTAN de neuf États, les derniers en date étant l'Albanie et la Croatie, en avril 2009. Européen et atlantiste convaincu, M. de Hoop Scheffer s'est également efforcé de développer les relations entre l'Union européenne et l'OTAN.
Le Secrétaire général de l'OTAN a souligné l'importance qu'il attachait à la coopération entre assemblées internationales, telles que l'Assemblée européenne de sécurité et défense et l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Cette coopération est pour lui indissociable du rôle vital que doivent jouer les parlementaires dans l'agenda global de défense et de sécurité.
Le Secrétaire général a ensuite dressé un bilan des activités de l'OTAN en 2009, et des défis qui l'attendent. L'année 2009 a été marquée par la réintégration de la France au sein des structures de l'Alliance, mais aussi et surtout par le sommet du soixantième anniversaire de l'OTAN, au cours duquel les États ont abordé quatre dossiers fondamentaux.
Tout d'abord, il a été question de la stratégie de l'OTAN en Afghanistan. Le sommet de Strasbourg-Kehl a ainsi permis de souligner qu'un Afghanistan stable et sûr est essentiel pour la sécurité européenne et internationale. En outre, le sommet a exhorté les États de l'Union européenne à étoffer la mission EUPOL et à la déployer plus rapidement, dans la mesure où elle joue un rôle primordial pour aider l'Afghanistan à mettre en place des dispositions nécessaires dans le domaine de la police, permettant de dégager ainsi des ressources militaires susceptibles d'être mieux utilisées ailleurs. En outre, le sommet a conclu à la nécessité de renforcer le soutien civil et d'adopter une approche globale. Enfin, les chefs d'Etat de l'OTAN ont reconnu le rôle important des pays voisins de l'Afghanistan dans la pacification du pays et de sa région. C'est pourquoi ils ont décidé de renforcer leur collaboration avec le Pakistan.
Ensuite, le sommet a consacré des discussions aux Balkans , réaffirmant l'engagement de l'OTAN à l'égard de cette importante région et en faveur de l'intégration de ces pays dans la grande famille euro-atlantique. A cette occasion, les chefs d'Etat ont évoqué la question délicate de l'avenir de la KFOR (force de maintien de la paix de l'OTAN au Kosovo, sous mandat de l'ONU), sans parvenir à une décision.
De plus, le sommet de Strasbourg-Kehl s'est concentré sur les relations entre l'OTAN et la Russie , l'un des dossiers les plus importants actuellement, dans un contexte de tension accrue depuis le conflit d'août 2008 qui a opposé la Russie et la Géorgie. Tous les États ont reconnu que, si l'OTAN et la Russie ne sont pas toujours d'accord, leurs relations sont essentielles pour la sécurité européenne, voire mondiale. Il s'agit donc d'instaurer un véritable partenariat avec la Russie, fondé sur la confiance.
Enfin, le sommet a abouti à la décision de lancer le processus d'élaboration d'un nouveau concept stratégique de l'Alliance . Cette décision trouve son origine dans le constat que le concept actuel, qui date de 1999, ne prend pas en compte les événements essentiels survenus depuis, tels que les attentats du 11 septembre 2001 ou l'engagement de l'OTAN en Afghanistan, ni les nouvelles menaces à la sécurité, telles que le réchauffement climatique, la cybercriminalité ou l'interdépendance énergétique. Le nouveau concept stratégique devra permettre une compréhension claire de la défense collective et du nouvel environnement stratégique. En outre, il devra prendre en compte la transformation de l'environnement militaire, ce qui impliquera en particulier un renforcement de la coopération multinationale. Enfin, le nouveau concept stratégique devra confirmer la construction européenne, moderniser les relations avec la Russie et mettre l'accent sur une approche globale de la sécurité.
Au cours du débat, les parlementaires ont notamment interrogé M. de Hoop Scheffer sur le dialogue avec l'Iran à propos de l'Afghanistan ; sur l'avenir des Balkans au sein des structures euro-atlantiques ; sur les relations entre l'Assemblée de l'OTAN, l'Assemblée de l'UEO et le Parlement européen ; et sur une révision éventuelle du traité fondateur de l'OTAN, alors que ses missions actuelles n'ont plus grand-chose à voir avec son coeur de mission historique.
Sur l'Iran, le Secrétaire général a confirmé qu'un dialogue était effectivement engagé et que ce pays avait été invité à la réunion sur l'Afghanistan qui se tiendra prochainement à Trieste, dans le cadre du G8.
S'agissant des Balkans, M. de Hoop Scheffer a souligné que les relations entre l'OTAN et les États des Balkans occidentaux avaient atteint des stades différents, rendant difficile une appréciation générale. Il a cependant émis sa conviction que la sécurité et la stabilité de cette région ne serait totalement assurée que si ces pays adhèrent à terme à l'Union européenne.
Sur la collaboration interparlementaire, le Secrétaire général a réitéré ses propos liminaires et a recommandé à l'Assemblée de faire entendre sa voix sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN. Il a précisé qu'il avait récemment rencontré tous les groupes politiques du Parlement européen à ce sujet, et a donc appelé l'Assemblée à travailler en étroite collaboration, non seulement avec l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, mais également avec le Parlement européen.
Enfin, sur le traité de l'OTAN et l'idée d'une éventuelle révision, M. de Hoop Scheffer a exprimé son indissoluble attachement à la clause de solidarité définie par l'article 5, tout en précisant que l'OTAN ne peut être le gendarme du monde et qu'elle reste sous le mandat de l'ONU.
Mme Françoise Hostalier (Nord - UMP) a quant à elle interrogé M. de Hoop Scheffer sur l'Afghanistan, en tant que rapporteur de la commission de défense sur la situation en Afghanistan :
« M. le Secrétaire général, je m'associe aux compliments qui vous ont été adressés. Je vous remercie pour la précision et la transparence de votre intervention.
Le théâtre majeur de l'engagement de l'OTAN est aujourd'hui l'Afghanistan. Après sept années d'intervention dans ce pays, les États-Unis viennent de décider de changer de stratégie et de ne plus miser sur le tout militaire. Il s'agit peut-être de ce que vous appeliez tout à l'heure « l'approche globale ».
Je vous interrogerai succinctement sur le rôle de l'OTAN dans cette nouvelle stratégie. Quelle a été la contribution de l'OTAN dans cette prise de conscience et dans la mise en place de ce nouveau positionnement des États-Unis ? Quel est maintenant le rôle de l'OTAN dans cette stratégie ? De votre point de vue, l'OTAN doit-elle détenir le leadership, en tant que représentation militaire, dans l'engagement de la communauté internationale, ou bien doit-elle jouer un rôle de soutien à cette nouvelle politique conçue par et pour les États-Unis ?
Dernière question, peut-être un peu plus compliquée : peut-on envisager, Monsieur le Secrétaire général, une action de soutien de l'OTAN, peut-être militaire, au Pakistan, afin de rétablir la sécurité à l'intérieur du pays et à ses frontières ? ».
En réponse, le Secrétaire général de l'OTAN a déclaré qu'il ne lui semblait pas que la responsabilité principale d'une approche globale de la sécurité en Afghanistan revienne à l'OTAN. Au contraire, le leadership doit revenir en premier lieu aux Afghans puis aux Nations-Unies. Si l'OTAN joue bien entendu un rôle important pour créer les conditions de sécurité et de stabilité en Afghanistan, elle ne peut pas faire seule la différence, et il appartient notamment aux autres organisations internationales d'organiser la dimension civile de l'aide. Enfin, au sujet du Pakistan, M. de Hoop Scheffer pense qu'il serait délicat d'y envoyer des militaires sous la bannière de l'OTAN, et que d'autres organisations, à commencer par l'ONU, auraient davantage de légitimité pour le faire.
La venue de M. de Hoop Scheffer devant l'Assemblée était particulièrement opportune, en cette année charnière pour l'OTAN (soixantième anniversaire, retour de la France dans les structures militaires de l'Alliance, changement de Secrétaire général), qui se caractérise aussi par le renouveau propice des relations transatlantiques.
Les nouvelles perspectives de coopération
La commission politique a consacré l'un de ses rapports aux nouvelles perspectives de coopération en matière de politique étrangère et de sécurité entre l'Union européenne et les États-Unis. Ce rapport analyse les changements positifs survenus dans la politique étrangère américaine depuis l'accession au pouvoir du Président Barack Obama, qui a suscité un immense espoir. Le rapport examine les implications pour l'Europe de cette nouvelle politique américaine ouverte au dialogue.
Le rapport constate tout d'abord que les États-Unis ont renoncé à l'unilatéralisme, réaffirmant au contraire l'importance du multilatéralisme. Le nouveau président américain a en effet compris combien il importait de restaurer la réputation et l'image de l'Amérique dans le monde. En contrepartie, il s'agit pour l'Europe d'assumer les responsabilités nouvelles qui en découlent. Ainsi, chaque inflexion dans la politique étrangère américaine appelle une implication accrue de l'Europe comme corollaire.
Parmi les décisions les plus importantes de la politique étrangère de l'administration Obama, on soulignera la volonté de privilégier un dialogue bilatéral avec la Russie, par le biais du renouvellement des traités STAR-I ; la poursuite du retrait des troupes américaines d'Irak ; la décision de fermer Guantanamo ; la priorité accordée au règlement du conflit israélo-palestinien ; la main tendue à l'Iran ; l'intérêt accordé aux Balkans et l'infléchissement de la position vis-à-vis de Cuba. De même, le nouveau président américain reconnaît la menace que fait peser le changement climatique sur la sécurité globale, et a commencé à imprimer à son pays une orientation plus consciente de l'environnement. De ce point de vue, le sommet de Copenhague, en décembre 2009, sera déterminant.
Toutes ces décisions créent de nouvelles obligations pour l'Europe. Ainsi, elle devra s'associer davantage aux efforts de reconstruction civile de l'Irak, renforcer ses effectifs militaires en Afghanistan, défendre sa position sur le conflit israélo-palestinien, adopter une réponse commune sur le cas iranien, imposer ses vues dans les négociations de Copenhague, ou encore poursuivre l'intégration européenne des Balkans.
Au total, les États-Unis invitent l'Europe à participer à un nouveau multilatéralisme dans lequel elle devra assumer ses responsabilités et prendre des risques.
Le rapport estime que l'Assemblée doit se féliciter des opportunités créées par l'élection du Président Obama et encourager les gouvernements européens à exploiter ce moment sans précédent de l'histoire transatlantique. Il appartient donc aux Européens de répondre de manière plus concertée, plus efficace et plus résolue à la dynamique lancée par la nouvelle administration américaine.
Au cours du débat, les parlementaires ont approuvé les grandes orientations du rapport et du projet de recommandation, tout en mettant en garde contre l'excès d'optimisme engendré par l'élection de Barack Obama. Certains ont relevé que l'administration américaine était encore bien ignorante des positions européennes et qu'elle se montrait encore trop condescendante avec l'Europe. Il est vrai que l'on ne sait pas toujours à quel interlocuteur s'adresser, comme le disait déjà Henri Kissinger (« l'Europe, quel numéro de téléphone ? »). Sur ce point, le traité de Lisbonne, s'il est ratifié, devrait permettre à l'Europe de s'imposer comme un partenaire incontournable pour les États-Unis.
Le projet de recommandation a été enrichi de plusieurs amendements, la plupart portant sur le conflit israélo-palestinien et la question iranienne.
Le rapport analyse avec lucidité et réalisme les enjeux d'une coopération accrue avec les États-Unis, en soulignant que l'Europe a la lourde responsabilité d'offrir aux Américains le partenariat qui permettra de relever les défis de la sécurité globale. A cet égard, on peut regretter qu'il n'aborde pas frontalement la question de la coopération entre l'OTAN et la PESD.