B. UNE AUTONOMIE FINANCIÈRE MENACÉE ?
En matière d'autonomie financière, la situation des collectivités territoriales françaises, comparée à celle des collectivités territoriales de nos voisins européens, doit être distinguée selon que l'on considère l'autonomie des recettes ou l'autonomie des dépenses.
1. Une autonomie en matière de recettes encore préservée
Malgré les insuffisances de la révision constitutionnelle du 25 mars 2003, les collectivités territoriales françaises disposent d'une autonomie financière en matière de recettes relativement importante par rapport aux autres collectivités territoriales européennes.
Ainsi, comme l'a indiqué M. Stanislas Boutmy, lors de son audition devant votre commission des finances, « l'accès libre à l'emprunt [pour les collectivités territoriales] ne se retrouve pas dans les autres Etats de l'Union européenne ». Or, cette liberté du recours à l'emprunt pour financer les dépenses d'investissement est un élément essentiel de l'autonomie financière des collectivités territoriales françaises .
Par ailleurs, si l'on s'en tient à la définition de l'autonomie financière posée par la loi organique précitée du 29 juillet 2004, la situation des collectivités territoriales en France se trouve dans la moyenne européenne . D'après les chiffres fournis par Mme Cécile Moyon, la part des recettes fiscales propres des collectivités territoriales dans le total des recettes se situe à 43,1 % en moyenne dans l'Union européenne et à 45,4 % en France. L'Allemagne et l'Espagne présentent des taux élevés de respectivement 61 % et 53,5 %, tandis que le Royaume-Uni présente un taux particulièrement faible de 13,2 %. Selon la même étude, entre les années 2000 et 2006, les ressources fiscales destinées en France à l'échelon central se sont réduites de 4,4 %, tandis que celles bénéficiant aux collectivités territoriales se sont accrues de 1,4 %, soit une évolution favorable aux collectivités territoriales françaises.
2. Un risque qui pèse davantage sur l'autonomie des dépenses que sur celle des recettes
L'autonomie financière en matière de dépenses peut être définie comme la capacité, pour chaque collectivité dans son domaine de compétence, de disposer librement des ressources financières qui sont les siennes.
Ce principe d'autonomie des dépenses fonde largement l'autonomie financière des collectivités territoriales françaises . L'article 9 de la Charte européenne de l'autonomie locale met d'ailleurs l'accent sur le montant des ressources, d'une part, et sur l'autonomie des dépenses, d'autre part, pour préciser la notion d'autonomie financière. Elle dispose en effet que « les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences ».
Toutefois, à l'inverse de l'autonomie des recettes, qui paraît encore aujourd'hui relativement préservée, l'autonomie des dépenses est de plus en plus contrainte par l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales sur lesquelles elles n'ont que peu de marges de manoeuvre .
Ainsi, par exemple, les dépenses sociales à la charge des départements pèsent sur les budgets des conseils généraux et réduisent d'autant leurs capacités d'action, même si, en principe, ils disposent d'une liberté totale d'utilisation de leurs moyens financiers dans le cadre de leurs compétences. De même, le contexte de crise économique ou le vieillissement des populations entraînent nécessairement des dépenses qui grèvent la liberté d'action des collectivités territoriales.
A terme, un risque existe que les collectivités territoriales françaises soient confrontées à la nécessité de réduire, en valeur absolue, les dépenses correspondant aux services publics les moins essentiels, afin d'être en capacité de financer les dépenses obligatoires qui sont à leur charge. C'est donc paradoxalement en matière d'autonomie des dépenses et non d'autonomie des recettes que la situation financière des collectivités territoriales paraît la plus fragile .