N° 579
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juillet 2009 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur la réforme des finances locales et de la taxe professionnelle ,
Par M. Jean ARTHUIS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. |
Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains !
Arthur Rimbaud, Poésies 1872
Mesdames, Messieurs,
L'année 2009 a été marquée par l'engagement de deux réformes d'envergure concernant les collectivités territoriales : la quasi suppression de la taxe professionnelle, lancée par le Président de la République en février, et la modernisation de l'organisation territoriale, alimentée par les conclusions du comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Edouard Balladur, dont le rapport a été rendu public en mars.
Ces deux initiatives doivent faire l'objet de débats au Parlement au cours de l'automne et, pour ce qui est de la réforme de la taxe professionnelle, la commission des finances aura directement à s'y attacher dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.
Dans cette perspective, elle a donc décidé d'ouvrir en son sein une réflexion préalable sur les modalités d'une réforme de la fiscalité locale des entreprises et, plus globalement, sur les ambitions d'une refonte des finances locales.
Cette réflexion a trouvé appui sur un nombre volontairement limité d'auditions, laissant à d'autres instances - au premier rang desquelles la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales mise en place le 15 octobre 2008 et présidée par notre collègue Claude Belot - le soin d'effectuer une analyse exhaustive des différents points de vue, exprimés notamment par les représentants des associations d'élus locaux.
Quatre séries d'auditions ont donc été organisées dans ce cadre. Elles ont permis d'entendre :
- le 7 avril 2009, M. Edouard Balladur sur les aspects financiers et fiscaux du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales ;
- le 13 mai 2009, M. Stanislas Boutmy, Mme Céline Moyon, de l'agence Public Evaluation System et M. Jean-Thomas Lesueur de l'Institut Thomas More, sur l'application du principe d'autonomie fiscale et financière en Europe ;
- le 20 mai 2009, M. François Calvarin, président directeur général de Souriau, membre du conseil des prélèvements obligatoires, et M. Michel Taly, ancien directeur de la législation fiscale, sur la réforme de la taxe professionnelle ;
- le 10 juin 2009, M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale, président du comité des finances locales et M. Yves Fréville, ancien sénateur, sur la réforme de la fiscalité locale et la péréquation.
Votre commission a bénéficié également des contributions régulières de nos collègues MM. Charles Guené, Edmond Hervé et Albéric de Mongolfier, membres du groupe de travail sur la réforme de la taxe professionnelle placé auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui l'on tenue informée de l'évolution des scénarii de la réforme de la taxe professionnelle et des étapes de la concertation.
Le travail engagé a eu pour objectif, sur un nombre limité de sujets (la taxe professionnelle, la réalité de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, la péréquation), de fixer quelques éléments de doctrine permettant de les appréhender avec la spécificité propre à votre commission de finances, liée à sa vocation d'examen et de suivi des finances publiques, considérées dans leur globalité.
Il s'inscrit dans la continuité du rapport d'information publié en 2003 qui s'intitulait : « Fiscalité locale : quelles pistes pour la réforme ? » 1 ( * ) , dans lequel votre commission avait « exprimé les principes devant guider la réforme, non seulement de la fiscalité locale, mais également de l'ensemble des finances locales ».
Ces principes ont été revisités au vu de l'actualité et confrontés aux nouvelles réalités d'une mondialisation de plus en plus prégnante et d'un déséquilibre de nos comptes publics qui s'est considérablement accru. Votre commission a conduit sa réflexion en s'efforçant d'écarter les tabous et les réflexes conservateurs dont l'expérience a démontré qu'ils sont particulièrement présents dans le domaine des finances locales. Le présent rapport s'efforce de présenter le résultat de cette ambition.
I. TAXE PROFESSIONNELLE : UNE RÉFORME SOUS PRESSION
A. UN SCÉNARIO EN VOIE DE FINALISATION
1. Un engagement présidentiel
La suppression de la taxe professionnelle a été annoncée par le Président de la République le 5 février 2009 lors d'une intervention télévisée avec l'objectif clairement exprimé de soutenir l'activité industrielle nationale : « On supprimera la taxe professionnelle en 2010 parce que je veux qu'on garde les usines en France. Je veux qu'on arrête les délocalisations ».
Rapidement, l'ampleur effective de cet engagement a été précisée comme ne visant que la part de l'assiette correspondant aux équipements et biens mobiliers (EBM) et non la part foncière, soit 80 % du total des bases actuelles de la taxe professionnelle.
Sur la base des données 2007, cette réforme représente donc une perte de produit voté de 22,2 milliards d'euros pour les collectivités territoriales et un gain fiscal net de 6,8 milliards d'euros pour les entreprises.
A compter de cette annonce, le gouvernement a engagé une large concertation en vue de présenter un scénario de mise en oeuvre qui réponde aux trois objectifs suivants : maintenir le niveau des recettes des collectivités locales, trouver une solution avantageuse pour les entreprises, notamment les entreprises délocalisables du secteur industriel, et limiter au maximum le coût pour l'Etat.
Conduite par les ministres de l'économie et de l'intérieur, cette concertation a été ouverte aux associations d'élus locaux et aux représentants des entreprises. Elle a associé les parlementaires au sein d'un groupe de travail 2 ( * ) ainsi que le comité des finances locales.
* 1 Rapport n° 289 (2002-2003).
* 2 Les sénateurs membres du groupe de travail sont MM. Charles Guené, Edmond Hervé et Albéric de Montgolfier.