MME CLAIRE BAZY-MALAURIE, RAPPORTEUR GÉNÉRAL, PRÉSIDENT DE CHAMBRE À LA COUR DES COMPTES

Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes .

Après avoir rappelé que la mission commune d'information souhaitait s'intéresser à la situation budgétaire, comptable et financière des collectivités territoriales ultramarines, M. Serge Larcher, président , a indiqué que, outre l'audition des présidents des chambres régionales des comptes programmée lors des déplacements de la mission, cette dernière avait jugé utile d'entendre la Cour des comptes afin d'obtenir un éclairage global sur la situation des collectivités territoriales des quatre départements d'outre-mer.

Après avoir indiqué qu'elle serait le porte-voix des présidents des deux chambres régionales des comptes des départements d'outre-mer (Guadeloupe-Guyane-Martinique et Réunion), la Cour des comptes n'exerçant aucune compétence directe sur les collectivités territoriales d'outre-mer, Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes, a relevé que la Cour des comptes évoquait régulièrement l'outre-mer dans le cadre de son rapport public, mais aussi lors des travaux menés en commun avec les chambres régionales des comptes de ces départements, à la manière de l'évaluation lancée cette année sur la situation des collectivités territoriales ultramarines.

S'agissant des difficultés rencontrées outre-mer, elle a relevé certains éléments communs aux départements français d'Amérique (DFA) et à La Réunion, comme des charges de fonctionnement par habitant plus élevées qu'en métropole, notamment les charges de personnel, du fait des régimes spécifiques de rémunération et de politiques locales de recrutement plus ambitieuses. Elle a souligné par ailleurs la faiblesse relative de l'autofinancement et du niveau d'emprunt par habitant, cette dernière caractéristique étant liée à la double réticence des banques à prêter aux collectivités territoriales en difficulté et des collectivités elles-mêmes à recourir à l'emprunt.

Mme Claire Bazy-Malaurie a ensuite évoqué plus précisément les situations locales. S'agissant des DFA, elle a salué l'amélioration progressive de la situation, malgré quelques difficultés persistantes, notant en particulier la situation difficile des quatre grandes agglomérations de ces départements (Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, Cayenne). Elle a souligné la situation financière saine de la région Martinique, l'amélioration de la situation de la région Guadeloupe, et relevé que la région Guyane faisait aujourd'hui l'objet d'une procédure de vigilance.

S'agissant de La Réunion, elle a souligné la vulnérabilité de la situation des vingt-quatre communes, du fait notamment de l'absence d'autofinancement : tous les programmes d'investissement connaissent ainsi aujourd'hui des difficultés.

Plus globalement, elle a fait part de son inquiétude quant à l'évolution de la situation des collectivités territoriales ultramarines sous l'emprise de la crise économique, avec une augmentation, comme en métropole, des dépenses d'aide sociale et une diminution des recettes fiscales (notamment la taxe professionnelle et l'octroi de mer). Elle a également observé que le protocole de sortie de crise conduirait en Guadeloupe à de moindres recettes et à des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales.

S'agissant du contrôle budgétaire, Mme Claire Bazy-Malaurie a salué l'amélioration de la situation dans les DFA, notant que les saisines des chambres régionales des comptes connaissaient une nette décrue depuis 2003, la juridiction de Guadeloupe-Guyane-Martinique demeurant cependant la première juridiction française pour le nombre de saisines (20 % du nombre de saisines). S'agissant des travaux d'audits, elle a souligné la récurrence de certaines observations formulées par la chambre, telles que le défaut de fiabilité ou de transparence des comptes, mais aussi le manquement des collectivités à leurs obligations sociales ou fiscales, ou encore les retards dans la production des comptes, des amendes étant régulièrement prononcées.

S'agissant de La Réunion, elle a relevé un nombre de saisines comparable à la métropole et un taux satisfaisant de suivi des observations de la chambre.

Après avoir salué la bonne coopération des chambres avec les services de l'État dans les départements d'outre-mer, Mme Claire Bazy-Malaurie a noté que les relations étaient parfois crispées avec les élus locaux, les chambres n'ayant pas le pouvoir de demander à l'État d'intervenir en soutien pour rétablir l'équilibre financier des collectivités territoriales rencontrant des difficultés.

S'agissant des solutions recherchées pour améliorer la situation financière des collectivités territoriales ultramarines, elle a évoqué l'audit en cours, par les chambres régionales des comptes, du dispositif mis en place entre l'État et l'Agence française de développement (AFD) afin d'enclencher des mécanismes plus vertueux de redressement financier. Elle a indiqué que les présidents des deux chambres régionales soulignaient par ailleurs les besoins importants en matière d'encadrement et de soutien à la formation à la maîtrise de la gestion, d'importantes marges de progrès existant en effet en matière d'application des règles budgétaires et comptables.

Mme Claire Bazy-Malaurie s'est également inquiétée de la capacité des collectivités ultramarines à faire face à des investissements importants, notamment en matière d'environnement et de déchets.

Elle a enfin souligné qu'une des difficultés en matière de contrôle était liée au fait que la Cour des comptes était compétente pour contrôler l'administration centrale et les établissements nationaux tandis que les chambres régionales des comptes exerçaient leur compétence sur les collectivités territoriales. Afin de réaliser les contrôles nécessaires, des montages administratifs complexes doivent donc être mis en oeuvre, à l'image de l'enquête lancée sur la situation des collectivités territoriales pour laquelle les chambres régionales des comptes s'appuient sur la Cour des comptes. Les compétences séparées de la Cour et des chambres constituent ainsi aujourd'hui un carcan, une solution étant la mise à disposition croisée, sujet qui pourrait être évoqué dans le cadre du projet de réforme de la Cour.

En réponse à une question de M. Serge Larcher, président , Mme Claire Bazy-Malaurie a souligné la diversité des situations des conseils généraux des départements d'outre-mer, ceux-ci étant par ailleurs confrontés, comme ceux de métropole, à l'augmentation des transferts de solidarité et à une diminution des ressources fiscales.

M. Serge Larcher, président , a regretté que la compensation des différents transferts de compétences réalisés par l'État ne soit pas toujours assurée, conduisant les collectivités à recourir à l'emprunt. Il a également rappelé le rôle de « buvard social » des communes, résultant de la forte proportion d'emplois publics.

M. Daniel Marsin a souligné que la comparaison de la situation des collectivités territoriales ultramarines avec celles de la métropole devait être nuancée, relevant qu'elles n'étaient pas soumises aux mêmes contraintes du fait de taux de chômage différents. Il a relevé que ces contraintes variaient d'un département à l'autre, la quasi-totalité des agents publics territoriaux bénéficiant de la surrémunération en Guadeloupe, contre une minorité à la Réunion.

Mme Claire Bazy-Malaurie a confirmé que les collectivités territoriales ultramarines n'avaient souvent pas les moyens de faire face à certaines obligations, comme en matière d'environnement, et a rappelé que le protocole de sortie de crise en Martinique comprenait l'application de la surrémunération aux agents publics, ce qui devrait aggraver la situation des collectivités territoriales de ce département.

M. Jean-Etienne Antoinette a souligné à son tour le poids des obligations qui pèseraient à l'avenir sur les collectivités territoriales ultramarines en matière de déchets ou d'assainissement. Il a également souligné les difficultés auxquelles se trouvaient confrontées des collectivités guyanaises, dans l'incapacité de réaliser certains investissements comme la construction de groupes scolaires supplémentaires, du fait des frais de fonctionnement induits, et qui risquaient ainsi de se voir infliger des pénalités.

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