M. EDWARD JOSSA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS LOCALES, ET M. FRÉDÉRIC IANNUCCI, CHEF DU SERVICE DES COLLECTIVITÉS LOCALES À LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES
La mission a enfin procédé à l'audition de MM. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales et Frédéric Iannucci, chef du service des collectivités locales à la direction générale des finances publiques.
M. Serge Larcher, président, a rappelé que la mission commune d'information avait notamment souhaité s'intéresser à la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales des DOM et qu'il lui avait paru utile, dans ce cadre, d'entendre conjointement des représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de la direction générale des finances publiques (DGFiP).
M. Edward Jossa a tout d'abord rappelé que le secrétariat d'État à l'outre-mer était pilote sur la question des finances des collectivités territoriales ultramarines, la DGCL n'intervenant qu'en second. Il a dressé un tableau des principales difficultés budgétaires rencontrées par les collectivités territoriales des DOM : faiblesse de la fiscalité directe locale perçue sur les ménages, corrigée par l'octroi de mer et les taxes sur les carburants ; moindre capacité de modulation des taux qu'en métropole ; dépenses par habitant plus élevées que dans l'hexagone. Il a parallèlement souligné l'importance des besoins résultant notamment du dynamisme démographique des DOM et a évoqué le haut niveau des dépenses de personnel. Enfin, il s'est inquiété de la situation de l'emploi dans les DOM, qui implique d'importantes dépenses sociales pour les collectivités territoriales, tout en observant que le niveau de compensation par l'État des dépenses de RMI était en proportion similaire à celui observé en métropole.
M. Edward Jossa a constaté que les collectivités disposaient dès lors de marges insuffisantes à consacrer à l'investissement et que deux d'entre elles devaient en particulier être surveillées : la Guyane, en raison de son dynamisme démographique et du retard qu'elle connaissait en matière d'investissement public, et Mayotte, dont la départementalisation constituait un sujet de préoccupation. Il a dressé un bilan positif de l'application du dispositif Cocarde de soutien aux collectivités en situation financière difficile et jugé que les efforts devaient prioritairement porter sur la mobilisation de la ressource fiscale locale.
Sur la question des spécificités des dotations de l'État aux collectivités territoriales des DOM, il a rappelé, concernant les communes, que plusieurs évolutions de la dotation forfaitaire avaient bénéficié aux DOM : réévaluations en 1993 et en 2000, introduction d'une part superficiaire plafonnée en 2005 et dispositif spécifique pour les communes situées dans des parcs naturels en 2006. Il a également observé que, en matière de dotations de péréquation, l'outre-mer bénéficiait de quotes-parts égales au rapport, majoré de 33 %, entre leur population et celle de la métropole, ce qui leur était très favorable. Concernant les départements, il a indiqué qu'ils bénéficiaient d'un ratio égal à deux fois leur rapport démographique avec la métropole, majoré de 10 %, et que ce ratio était porté au triple du rapport démographique avec l'hexagone pour les dotations aux régions.
M. Serge Larcher, président, a confirmé la nécessité d'accroître les ressources fiscales mais a jugé qu'un traitement spécifique de l'outre-mer en matière de dotations de l'État se justifiait, en particulier en raison de l'obligation de rémunérer davantage les fonctionnaires territoriaux et des risques naturels majeurs auxquels l'outre-mer était soumis. Il a reconnu l'importance des effectifs de fonctionnaires et estimé que l'État pourrait soutenir les collectivités territoriales en proposant des exonérations de cotisations sociales, en contrepartie de l'engagement des communes de limiter les recrutements. Il s'est par ailleurs fait l'écho des présidents de conseils généraux des DOM, qui déplorent la sous-compensation des transferts de compétence ainsi que les retards de versement de ces compensations. Enfin, il est convenu que la Guyane faisait face à une situation difficile, notamment en matière d'équipements scolaires, en raison de son accroissement démographique.
En réponse à M. Jean-Etienne Antoinette, qui s'était étonné de la contradiction apparente entre la diminution de la DGF par habitant de Guyane, dont avait fait état le directeur de l'Institution d'émission des DOM, et les déclarations de M. Edward Jossa , ce dernier a rappelé que l'augmentation de DGF de Guyane qu'il avait évoquée s'entendait en valeur absolue.
M. Jean-Etienne Antoinette a également déploré la différence de traitement entre les intercommunalités de métropole et celles des DOM en matière de dotation globale d'équipement et rappelé que l'accroissement démographique en Guyane appelait, pour les collectivités territoriales, des mécanismes de solidarité nationale. Enfin, il a souligné que les communes ne recevaient aucune compensation de l'obligation légale qui leur était faite de majorer les rémunérations des fonctionnaires.
M. Edward Jossa a affirmé que les dotations de l'État avaient été calibrées pour répondre à l'ensemble de ces impératifs. Il a relevé que le taux d'augmentation de la DGF en Guyane était cette année très important, en lien avec le taux d'accroissement démographique. Enfin, il a observé que l'importance des effectifs de fonctionnaires était la preuve que les majorations de rémunérations ne constituaient pas, pour les collectivités territoriales, un obstacle au recrutement.
M. Serge Larcher, président, a fait état des difficultés financières des collectivités territoriales des DOM qui rendaient plus difficiles qu'en métropole la nécessité d'assumer la sous-compensation par l'État des transferts de compétence.
M. Daniel Marsin a jugé qu'un des objectifs de la mission commune d'information devait être de fournir des éléments objectifs de mesure de la situation des DOM, qui serviraient par la suite dans le cadre des États généraux, et pris pour exemple l'action efficace du gouvernement en matière de clarification des modalités de fixation des prix des carburants. Il est par ailleurs convenu que l'idée, parfois avancée trop rapidement, de supprimer l'octroi de mer, serait « une folie ».
M. Frédéric Iannucci a souligné que la DGFiP partageait les éclairages apportés par la Cour des comptes et par la DGCL. Il a jugé, en matière de recettes fiscales, que les marges de manoeuvre étaient faibles sur les taux, déjà élevés, mais qu'elles étaient en revanche importantes sur les bases, dont la détermination restait lacunaire.
M. Jean-Etienne Antoinette s'est ému du fait que l'Agence française de développement et Dexia appliquent des taux d'intérêt plus élevés aux communes des DOM qu'à celles de métropole. Il a par ailleurs estimé que les services fiscaux avaient une part de responsabilité en matière d'identification des bases fiscales, rappelant que l'État avait été condamné à indemniser la Guyane pour des retards de mise à jour des matrices cadastrales.
Enfin, M. Frédéric Iannucci a relevé que les communes des DOM ne souffraient pas, globalement, d'un problème de surendettement mais d'une faible capacité de remboursement, ce que M. Edward Jossa a confirmé, ajoutant que les taux d'intérêt supportés par les communes avaient également beaucoup augmenté en métropole.