M. JÉRÔME FOURNEL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS ET MME ANNE CORNET, CHEF DU BUREAU DE LA FISCALITÉ, DES TRANSPORTS ET DES POLITIQUES FISCALES COMMUNAUTAIRES

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et des droits indirects et de Mme Anne Cornet, chef du bureau de la fiscalité, des transports et des politiques fiscales communautaires.

M. Serge Larcher, président, a rappelé en préambule l'importance des ressources fiscales indirectes, notamment de l'octroi de mer, dans les budgets des collectivités territoriales des départements d'outre-mer (DOM).

M. Jérôme Fournel a tout d'abord indiqué que, au-delà de l'octroi de mer, la compétence de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) s'exerçait sur d'autres taxes, portant sur les carburants et sur le tabac, qui constituent également des ressources importantes pour les collectivités territoriales des DOM.

Revenant sur l'historique de l'octroi de mer, il a souligné que cet impôt visait initialement un objectif de protection douanière des productions locales et que ce n'était que tardivement, à partir des années 1980, puis avec la réforme de 2004, que sa justification avait évolué. Il a relevé que, sous la pression de l'Union européenne, l'octroi de mer était devenu une imposition portant à la fois sur les biens importés et sur les productions locales, mais que des exonérations spécifiques permettaient de conserver son caractère protecteur des économies domiennes. Il a signalé que cette évolution résultait d'un « durcissement » de la position de l'Union européenne, exigeant des listes plus limitatives de produits exonérés et un encadrement plus strict des modulations de taux.

M. Jérôme Fournel a par ailleurs fait remarquer que l'accès de Mayotte au statut de DOM poserait, à moyen terme, la question de l'avenir de l'octroi de mer, cet impôt pouvant soit être étendu à cette collectivité soit laisser place à un régime fiscal alternatif. Il a en outre déclaré qu'il n'entrait pas dans les compétences de la DGDDI de juger de l'efficacité économique du dispositif de l'octroi de mer ni de la pertinence des secteurs exonérés.

M. Éric Doligé, rapporteur, a jugé intéressant de faire un point sur l'octroi de mer, à mi-chemin de la période d'application du régime issu de la loi de 2004. Il s'est interrogé sur les pistes d'évolution envisagées, en lien avec Bruxelles, ainsi que sur les effets de l'octroi de mer sur le niveau des prix et son impact sur la préservation des productions locales exonérées.

M. Jérôme Fournel a relevé que, à la différence de la TVA, l'octroi de mer ne pesait que sur les marchandises, non sur les services, et qu'il ne constituait donc pas un impôt général sur l'activité économique. Il a estimé que le produit de l'octroi de mer en 2008, 1,36 milliard d'euros, était considérable et serait difficile à remplacer par une autre imposition et a jugé que l'alternative la plus pertinente à l'octroi de mer serait une hausse de la TVA, alternative qui se heurtait néanmoins à plusieurs problèmes : d'une part, l'absence de TVA en Guyane ; d'autre part, le risque de renchérissement du prix des services de proximité. Il a rappelé que le produit de la TVA outre-mer s'élevait à environ 900 millions d'euros en 2008. Il a par ailleurs estimé qu'il serait plus facile d'obtenir de la Commission européenne le maintien du régime de l'octroi de mer que l'adaptation à l'outre-mer du régime de la TVA. Enfin, il a affirmé qu'aucun élément probant ne permettait de conclure au caractère inflationniste de l'octroi de mer et que, par conséquent, le maintien du régime actuel paraissait la solution la plus pertinente.

Mme Catherine Procaccia est convenue de ce que la complexité de l'adaptation des réglementations européennes à l'outre-mer plaidait pour un maintien en l'état de l'octroi de mer.

M. Jean-Paul Virapoullé a constaté qu'un consensus se dégageait pour le maintien du régime de l'octroi de mer. Il s'est interrogé sur l'inclusion ou non de l'octroi de mer dans le prix sur lequel les commerçants calculaient leur marge, ainsi que sur l'existence d'une directive européenne spécifique relative à l'application de la TVA outre-mer.

M. Jérôme Fournel a rappelé qu'un régime de TVA particulier était effectivement applicable outre-mer mais que cela n'impliquait pas la possibilité de l'aménager librement. Il a relevé que la Commission européenne encadrait strictement la possibilité pour les régions de moduler les taux de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Mme Anne Cornet a précisé que l'octroi de mer s'imputait sur la valeur du produit déclaré en douane, ce qui ne permettait pas de contrôler les marges appliquées par le distributeur final du produit. Elle a ajouté que les exonérations protectrices des productions locales n'avaient pas eu d'effet négatif sur les flux commerciaux ou la concurrence, ce qui constituait un argument pour le maintien de ces exonérations.

M. Jean-Etienne Antoinette s'est félicité du travail des douanes en Guyane. Il s'est toutefois interrogé sur le dispositif douanier prévu pour le futur pont reliant la Guyane au Brésil et, plus largement, sur les moyens humains disponibles. Concernant l'octroi de mer, il a rappelé que Mme Anne Bolliet avait, la veille, conclu à l'absence d'impact de l'octroi de mer sur l'augmentation des prix. Enfin, il s'est interrogé sur la faisabilité d'une taxation spécifique des services en outre-mer ainsi que sur celle des satellites en Guyane.

M. Jérôme Fournel a jugé que, techniquement, ces taxations étaient envisageables et, concernant les satellites, que le problème était davantage politique que technique. Il a par ailleurs souligné que la DGDDI s'investissait pleinement dans la modernisation de l'organisation des douanes. Il a annoncé que vingt à vingt-cinq douaniers seraient affectés au bureau des douanes du pont reliant la Guyane au Brésil. Il s'est félicité de l'efficacité des nouvelles méthodes de contrôle ciblé de la douane, qui avaient permis d'atteindre un montant record de redressements en 2008. Enfin, il a jugé que l'application de la TVA en Guyane était techniquement possible mais qu'elle serait complexe à mettre en oeuvre.

Mme Anne Cornet a précisé que l'octroi de mer était recouvré selon deux modalités : d'une part, l'octroi de mer externe, assis sur la déclaration en douane et, d'autre part, l'octroi de mer interne, portant sur les déclarations trimestrielles des entreprises, dispositif nécessairement plus coûteux pour l'administration fiscale.

En réponse à Mme Catherine Procaccia , qui cherchait une justification à une mention figurant sur une facture d'eau relative à l'octroi de mer, M. Jean-Etienne Antoinette a expliqué que cette ligne devait correspondre à l'impôt applicable aux produits introduits dans l'eau pour assurer sa potabilité .

Sollicité par M. Serge Larcher, président , sur les alternatives envisageables à l'octroi de mer, M. Jérôme Fournel a estimé que l'alternative la plus crédible était une hausse de TVA mais a rappelé qu'une telle hausse serait nécessairement très lourde si elle devait produire un montant équivalent à celui de l'octroi de mer.

Mme Anne-Marie Payet s'est interrogée sur deux points : la possibilité d'expérimenter la TVA sociale dans les DOM et la légitimité des justifications avancées concernant les spécificités ultramarines en matière de taxes sur le tabac.

Concernant la TVA sociale dont l'objectif est la réduction des charges sociales sans pertes de recettes pour rendre l'emploi plus attractif, M. Jérôme Fournel a souligné le risque d'une répercussion violente sur le niveau des prix. Il a par ailleurs rappelé que le monopole de distribution du tabac visait initialement à lutter contre la contrebande, l'objectif de santé publique n'étant apparu que dans un second temps. Jugeant que la fraude en cette matière n'était pas aujourd'hui un sujet majeur outre-mer, il a toutefois reconnu qu'un encadrement plus strict des ventes pouvait être envisagé ainsi qu'une modulation de la fiscalité applicable.

M. Daniel Marsin a relevé que le remplacement de l'octroi de mer par la TVA pouvait être une idée séduisante, mais que la TVA ne pourrait, comme lui, constituer un outil de la politique de développement économique. Tout en récusant l'idée de l'impact inflationniste de l'octroi de mer, aucune étude n'ayant permis d'étayer cette thèse, il s'est interrogé sur la possibilité de placer l'intégralité de l'octroi de mer sous le régime de la déclaration afin de réduire la tentation, pour les distributeurs, d'inclure l'impôt dans l'assiette utilisée pour le calcul de leur marge.

Du fait du jeu des anticipations et des rattrapages qui joue un grand rôle en matière économique, M. Jérôme Fournel a exprimé son scepticisme sur la possibilité de « leurrer » les acteurs économiques en modifiant les modalités d'application de l'octroi de mer pour le rendre invisible et l'extraire de la chaîne de formation des prix. En outre, il a estimé qu'il fallait prendre garde à ne pas compliquer à l'excès les circuits de perception de l'impôt.

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