II. LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT, DE PERSONNEL, D'INTERVENTION ET LA GESTION DES CENTRES

A. LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

1- L'imputation des crédits de fonctionnement

En 2006, les crédits de fonctionnement étaient pris en charge sur les programmes 176 de la « Police nationale » et 152 de la « Gendarmerie nationale ». Dans le cas de ce dernier programme, ils n'étaient pas individualisés. Une partie des CRA (huit d'entre eux) bénéficiaient de prestations hôtelières assurées par l'administration pénitentiaire.

En 2007, la police et la gendarmerie nationale ont repris en gestion, chacune pour les CRA qui les concernent, les dépenses de fonctionnement courant auparavant gérées par l'administration pénitentiaire.

Depuis 2008, ces crédits sont affectés au ministère de l'immigration et inscrits à l'action 3 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière du programme 303 «Immigration, asile ». Ce programme comprend en outre les crédits d'éloignement (frais de billetterie pour le transport aérien et maritime des personnes éloignées), gérés jusqu'à la fin 2007 par la PAF dans le programme 176, et les crédits d'intervention (cf. infra).

Les crédits concernant le fonctionnement hôtelier des CRA et LRA font l'objet de conventions respectivement avec la police et de la gendarmerie, qui en assurent la gestion

Les dépenses de personnels et de soutien de la police et de la gendarmerie (carburants, véhicules, frais de mission, salaires) restent supportées par les crédits du programme 152 et 176.

2- Une organisation budgétaire peu cohérente

Un BOP central gérant la plupart des crédits de rétention

Jusqu'en 2007, les crédits de rétention étaient gérés au niveau d'un BOP central tant par le ministère de l'intérieur que celui de la défense, qui en appréciaient la souplesse de gestion.

Lors du transfert de ces crédits au ministère de l'immigration, le schéma budgétaire a été maintenu. Or, cette situation présente plusieurs inconvénients qui empêchent une implication forte dans la gestion des services chargés du fonctionnement des CRA :

- l'absence d'un dialogue de gestion avec le responsable de programme;

- l'absence de connexion entre les objectifs opérationnels fixés au préfet (nombre d'éloignements), au chef de service en charge de la garde du CRA (taux moyen d'occupation, durée de rétention..) et le budget attribué pour répondre à ces objectifs ;

- l'absence d'un compte-rendu de gestion des préfectures sur le bon emploi des crédits alloués ;

- un suivi très léger de la « soutenabilité » et de l'exécution en cours d'année par le SGAP de rattachement ou la région de gendarmerie.

Un BOP ou des UO zonales offriraient d'une part, une déconcentration du dialogue de gestion et un suivi plus fin de l'exécution des crédits de rétention et permettraient d'autre part aux responsables locaux (préfet, police et gendarmerie) de mieux piloter les moyens budgétaires dont ils disposent pour répondre à leurs objectifs.

Des conventions de délégation de gestion ne permettant pas un pilotage des crédits par le responsable du BOP

Depuis le 1 er janvier 2008, les ministères de l'intérieur et de la défense sont chargés, dans le cadre d'une convention de délégation de gestion signée avec le ministère de l'immigration, de la gestion des crédits de fonctionnement des CRA. La DAPN et la DGGN continuent de déléguer aux SGAP, régions de gendarmerie et aux préfectures, sur leur demande, et conformément à leurs dépenses prévisionnelles, les crédits de rétention administrative.

Les centres de la police nationale sont gérés soit par un SGAP seul (CRA de la zone sud-ouest), soit par une préfecture seule, soit parfois, à la fois par un SGAP et une préfecture (Nice).

La répartition des compétences de gestion entre les SGAP et préfectures est historique mais ne semble pas correspondre à un critère précis qui identifierait le gestionnaire. Un début de clarification du service responsable des CRA est envisagé pour 2009, à la demande du ministère de l'intérieur, afin que les SGAP gèrent seuls l'ensemble des crédits des CRA.

En 2008, à titre expérimental, le SGAP de Bordeaux a géré les crédits des trois CRA de la zone sud-ouest alors que les préfectures de la zone ne suivent que les LRA. Cette gestion semble faciliter la remontée des données auprès de la DAPN.

Les crédits des centres de la gendarmerie nationale sont gérés par les régions de gendarmerie. Une expression de besoin est formulée à la région de gendarmerie par le chef de centre pour son fonctionnement courant. Le groupement départemental n'intervient qu'a minima dans le dialogue relatif au budget du centre, celui-ci étant traité et suivi en direct par le bureau budgétaire de la région.

L'échelon régional effectue lui-même le suivi et l'engagement de la plupart des dépenses dans l'outil de gestion, sur la base des factures mensuelles, visées et certifiées par le chef de centre.

La reprise de la gestion hôtelière par la gendarmerie nationale en 2007 a entraîné la passation de divers marchés qui ont déterminés le montant global de l'enveloppe dédiée au CRA. En 2008, le montant de l'enveloppe relative à cette activité a été calculé sur la base des dépenses prévisibles au terme des marchés et contrats en cours.

Au total, le responsable du BOP au ministère de l'immigration ne dispose pas de remontées d'informations budgétaires précises lui permettant de suivre de manière fine l'utilisation des crédits. Les délégations de gestion n'ont pas été concluantes pour l'exercice 2008 et semblent - en dépit des améliorations apportées par la DAPN et la DGGN - ne toujours pas donner satisfaction au délégant.

Il serait souhaitable et il est, semble-t-il, prévu à partir de 2010, que le ministère de l'immigration garde la gestion directe de ces crédits.

Les difficultés de répartition des crédits de rétention entre trois programmes ministériels

La circulaire n° 06/0094 du ministre de l'intérieur du 2 mars 2006 distingue les crédits de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière en fonction de leurs natures et de leur gestionnaire. Ce texte n'a pas été modifié depuis le transfert des crédits au ministère de l'immigration. Selon ce dernier, une nouvelle circulaire est en cours de rédaction.

Dans cette circulaire, les dépenses d'alimentation, d'hébergement, de blanchisserie, de nettoyage des locaux, les travaux d'entretien, les marchés de transports collectifs, les frais de fonctionnement (énergie, eau, contrat de maintenance..), les abonnements au téléphone, le marché public d'interprétariat, les taxes des laissez-passer consulaires, les frais de photographie, certains frais médicaux et les produits d'hygiène et toilette sont financés à partir du programme 176/BOP1/UO3 (police nationale) ou 152/BOP1 (gendarmerie nationale) puis 303 (immigration) depuis le 1 er janvier 2008.

En revanche, les dépenses de téléphone et fax (communications), photocopie, carburant, péages sont imputées aux budgets des services de police ou de gendarmerie en charge de la garde des centres de rétention.

Pour ce qui concerne la police nationale, ces crédits sont imputés à l'UO de la PAF ou de la sécurité publique du BOP zonal ou du BOP de la préfecture de police de Paris.

Pour la gendarmerie nationale, les dépenses de fonctionnement, en 2007, ont été prises en totalité sur le programme 152. En 2008, la distinction a été faite entre le fonctionnement de la rétention (programme 303) et celui de l'escadron de garde et d'escorte (programme 152).

La distinction entre les trois programmes souffre au total d'une complexité très grande et son utilité est discutable.

Les dépenses de communication téléphonique et fax sont par exemple imputées sur les programmes 152 et 176 alors que les dépenses d'abonnement de ces mêmes supports sont imputées au programme 303

L'enquête a montré qu'elle était, de fait, parfois mal appliquée :

- à Bobigny, la plupart des dépenses du CRA s'imputent sur le budget de fonctionnement de la DDSP et non sur celui de la préfecture (programme 303). Cette situation s'explique notamment par la passation d'un marché multi-technique par la DDSP pour ses diverses implantations dont le commissariat central de Bobigny à l'intérieur duquel le CRA est installé. Il aurait donc du fallu isoler les dépenses inhérentes au CRA grâce à une clé de répartition, en fonction par exemple des surfaces;

- au Mesnil-Amelot, s'il y a bien deux compteurs EDF (un pour le centre, l'autre pour le bâtiment d'hébergement des gendarmes), mais les compteurs d'eau ne sont pas raccordés correctement, et c'est le programme 152 qui supporte l'intégralité des factures d'eau.

Des crédits d'éloignement rattachés aux dépenses de fonctionnement

Les données budgétaires liées aux dépenses de rétention ou de fonctionnement intègrent, à tort, des crédits d'éloignement, dans une proportion très importante (4 702 198€ en 2008, 5 670 242€ en 2007 et 6 934 083€ en 2006, soit en moyenne 40% de l'ensemble des crédits).

Ces dépenses concernent le CRA de Marseille pour un marché de transport maritime des retenus reconduits en Afrique du Nord (824 866 € en 2008) et le reliquat pour les CRA d'outre-mer où les SATPN passent des marchés de transports maritimes et aériens.

Ce constat appelle deux remarques :

- les crédits dits de rétention intègrent une partie des crédits d'éloignement qui pourtant sont gérés et suivis différemment sur le plan budgétaire (DCPAF), ce qui nuit à la lisibilité de ces dépenses ;

- la passation du marché national de billetterie n'intègre pas l'outre-mer, y compris pour les LRA. Cette situation n'est pas pertinente en matière de transparence budgétaire et de mise en concurrence, dans le cadre d'un marché public qui pourrait comprendre un lot spécifique à l'outre-mer.

Cette situation n'est pas pertinente en matière de transparence budgétaire et de mise en concurrence dans le cadre d'un marché public qui pourrait comprendre des lots spécifiques pour chaque DOM et collectivité d'outre-mer.

***

Au total, l'ensemble de cette situation a pour conséquence de limiter fortement la fiabilité des données consolidées puisque, de facto, les dépenses correspondantes du programme 303 ne correspondent pas exclusivement et intégralement au coût de fonctionnement de la rétention.

3- Les caractéristiques et l'évolution des dépenses

Les chiffres globaux en matière de fonctionnement des lieux de rétention n'ont pas grande signification compte tenu notamment des problèmes d'imputation analysés supra. Ils sont néanmoins indiqués, mais en étant complétés d'une analyse de détail.

Les données globales

En 2006 , les dépenses de fonctionnement ne sont pas individualisées pour la gendarmerie nationale et l'administration pénitentiaire. Elles s'élèvent à 12,7 M€ pour les CRA de la police nationale (21,4 M€ pour l'ensemble des lieux de rétention, y compris les LRA et les zones d'attente).

En 2007 , elles se montent à 17,4 M€ pour les CRA gérés par la police nationale (24,1 M€ pour l'ensemble des lieux de rétention gérés par la police), et 4,1 M€ pour les CRA gérés par la gendarmerie nationale, soit un total de 21,5 M€ pour l'ensemble des CRA.

En 2008 , la LFI prévoit, dans le cadre du nouveau programme 303, des crédits de 27,61 M€ pour le fonctionnement des lieux de rétention et de 39,6 M€ pour les crédits d'éloignement. Les CP consommés pour les crédits d'éloignement, non examinés spécifiquement dans le cadre de cette enquête, se montent à 33,6 M€ (36,3 M€ en 2007, 41,5 M€ en 2006).

Les CP consommés pour les crédits de fonctionnement des lieux de rétention imputés sur le programme 303 s'élèvent au total à 29,9 M€, soit un montant supérieur aux prévisions de la LFI. La consommation s'élève à 18,5 M€ pour les CRA des services de police (26,8 M€ pour l'ensemble des lieux de rétention) à 3,1 M€ pour les CRA (et le LRA de Cercottes) gérés par les services de gendarmerie.

Le détail des dépenses pour les CRA « police »

Le tableau-ci-dessous donne le détail des dépenses de fonctionnement pour les principales lignes budgétaires.

Tableau n° 5 :   dépenses de rétention des CRA « police nationale » en CP

Postes de dépenses ( €)

2006

2007

2008

Restauration - Alimentation

1 715 336

4 899 981

4 806 473

Nettoyage des locaux

720 926

1 557 026

2 109 070

Blanchisserie, hygiène

303 797

1 095 419

1 446 121

Maintenance, entretien (1)

1 688 680

3 236 807

3 929 019

Autres dépenses (2)

937 741

923 277

1 511 135

TOTAL

5 366 480

11 712 510

13 801 818

Source : Cour des comptes à partir des données MIOMCT/DAPN

(1) Y compris les dépenses de location dans le cadre de contrats prévoyant
la prise en charge de la maintenance

(2) Toutes les autres dépenses (fluides, mobilier,...)

L'accroissement des dépenses en 2007 s'explique pour l'essentiel par l'intégration de celles gérées par l'administration pénitentiaire jusqu'à la fin 2006. En 2008, l'essentiel de l'augmentation, plus modérée, porte sur les dépenses de nettoyage et de maintenance.

Le détail des dépenses pour les CRA « gendarmerie »

Le tableau-ci-dessous présente le détail des dépenses de fonctionnement pour les principales lignes budgétaires.

Tableau n° 6 :   dépenses de rétention des CRA « gendarmerie » en CP

Postes de dépenses ( €)

2007

2008

Restauration - Alimentation

937 495

1 131 091

Nettoyage des locaux

255 559

356 140

Prestations de service (1)

745 198

1 247 830

Maintenance, entretien

403 940

82 234

Autres dépenses (2)

526 264

278 754

TOTAL

2 868 456

3 096 049

Source : Cour des comptes à partir des données DGGN

(1) contrats multi-services ne permettant pas d'identifier les dépenses par catégories

(2) Toutes les autres dépenses (fluides, mobilier,...)

L'augmentation des dépenses en 2008 est plus modérée que pour les CRA gérés par la police nationale.

Les autres dépenses de fonctionnement imputées sur les programmes 176 (police) et 152 (gendarmerie)

Celles-ci portent pour l'essentiel sur les dépenses de fonctionnement des escortes (carburant, péages, frais de mission et d'alimentation des personnels).

Elles ne sont pas individualisées par la police nationale.

Pour la gendarmerie, elles représentent, d'après la DGGN, 1 235 724 € en 2007 et 2 065 472 € en 2008, mais il n'est pas sûr que ces montants regroupent l'intégralité des dépenses effectuées.

4- Les marchés pour les dépenses de fonctionnement

Les marchés portent sur l'alimentation, le nettoyage, les produits d'hygiène, la blanchisserie et dans certains cas la maintenance et l'accueil. Le respect de règles de passation des marchés, en particulier des conditions de mise en concurrence a été vérifié.

Les marchés sont négociés localement par des services de préfecture, les SGAP ou les services régionaux de gendarmerie. Ceux-ci ne sont pas nécessairement spécialistes du domaine concerné, en particulier pour la restauration collective et ne traitent pas toujours des quantités suffisantes pour pouvoir négocier en bonne situation. Il pourrait être étudié de centraliser la conclusion de ces marchés, soit au plan national (ce qui n'interdit pas de faire appel à des fournisseurs locaux), soit au niveau des SGAP.

Plusieurs points particuliers méritent en outre d'être relevés pour la mise en oeuvre des marchés de restauration :

- le prix du repas par retenu est différent d'un CRA à l'autre même quand la même entreprise de restauration est titulaire du marché. Ainsi, la société Avenance facture le repas 12,23€ à Lyon, 12,92€ à Marseille et 11,74€ à Palaiseau ;

- au Mesnil-Amelot , la gestion des contrats apparaît parfois incertaine. Ainsi, un contrôle effectué sur un mois de 2007 a fait apparaître des discordances substantielles, avec un nombre de repas servis (sur la base d'une fiche annotée par le personnel servant les repas) inférieur à celui qui est transmis à la société et donc facturé par elle.

Le système utilisé qui consiste à commander deux jours à l'avance autant de repas que de retenus n'est à l'évidence pas satisfaisant puisqu'il génère un nombre non négligeable de repas facturés mais non consommés ;

- à Mayotte , le contrôle de la corrélation des factures avec le bordereau des prix est aléatoire. En effet, le repas pris le dimanche consiste en un plat surgelé livré en semaine. Cette prestation n'est pas prévue dans les trois lots du marché. Elle est facturée 6,50 €, par assimilation au tarif du repas chaud composé de deux plats en barquette individuelle du lot 1, alors que le surgelé est un plat unique.

5- Des crédits de fonctionnement utilisés à d'autres fins

Des dépenses d'assignation à résidence à l'encontre d'étrangers ayant troublé ou pouvant troubler l'ordre public ont été, en 2008, imputées à tort par quelques préfectures sur les crédits de reconduites à la frontière.

Le ministère de l'immigration a rappelé au ministre de l'intérieur qu'il assure la prise en charge des personnes retenues mais que les dépenses d'assignation qui assortissent des décisions d'expulsion relèvent du budget du ministère de l'intérieur - programme 108 (administration territoriale).

Page mise à jour le

Partager cette page