N° 486

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juin 2009

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur les titres sécurisés et l' Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ,

Par Mme Michèle ANDRÉ,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La délivrance des titres d'identité, comme leur contrôle sur le territoire national et à son entrée, correspondent à l'une des prérogatives essentielles d'un Etat régalien exerçant pleinement sa souveraineté . Elle touche non seulement aux notions d'ordre et de sécurité mais renvoie aussi, pour tout Etat moderne, à un service rendu au citoyen envisagé sous l'angle de l'usager.

L'approche classique de la question de la production et de la délivrance des titres d'identité s'est toutefois trouvée profondément renouvelée, au cours de la période récente, sous l'effet conjugué des événements survenus sur la scène internationale et de l'évolution technologique. D'une part, les attentats du 11 septembre 2001 ont eu pour contrecoup une élévation très significative des exigences en matière de sécurité intérieure de la plupart des Etats occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis. D'autre part, les progrès réalisés dans le domaine des technologies de l'information, de la communication et de la reconnaissance ont considérablement élargi le champ des possibles concernant la conception des titres d'identité et les conditions de leur délivrance.

A lui seul, le règlement européen CE n° 2252 / 2004 du 13 décembre 2004 1 ( * ) cristallise bien la convergence de ces deux tendances de fond et leurs répercussions concrètes, pour les Etats, sur l'activité de délivrance des titres d'identité. En effet, ce règlement, adopté sous l'influence de l'évolution des normes de sécurité aux Etats-Unis, impose aux Etats membres de l'Union européenne (UE) de délivrer désormais des passeports dotés d'un composant électronique (une « puce ») contenant non seulement la photographie faciale du porteur, mais aussi des empreintes digitales numérisées du détenteur du document. Il fixait la date limite de passage à ce type de passeports au 28 juin 2009 au plus tard.

La présence d'une photographie du détenteur du passeport ainsi que de ses empreintes digitales justifie le terme de « passeport biométrique » utilisé pour qualifier ce nouveau titre. Celui-ci marque une étape importante dans l'histoire des titres d'identité, puisqu'il ouvre ni plus ni moins la voie à une nouvelle génération de titres (visas, carte nationale d'identité, carte grise...), dits « biométriques » ou « sécurisés ». L'objectif visé est de franchir un nouveau palier en matière de sécurisation de ces titres, en luttant encore plus efficacement contre leur contrefaçon et leur falsification.

Afin de relever ce défi organisationnel et technologique, l'Etat français a fait le choix de fonder une agence : l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) . Créée par le décret n° 2007-240 du 22 février 2007 2 ( * ) , modifié par le décret n° 2008-1285 du 9 décembre 2008 3 ( * ) , l'ANTS s'est vue confier la responsabilité d'assurer le passage à cette nouvelle génération de titres d'identité et s'est immédiatement imposée comme le pôle d'expertise de référence dans ce domaine, en coordonnant les différents acteurs parties prenantes au processus.

Le présent rapport d'information se propose de porter un éclairage d'ensemble sur les enjeux de l'émergence des titres biométriques , encore fort mal connus de nos concitoyens. Il s'attache, en particulier, à mesurer l'impact économique et budgétaire de la transition en cours, sans omettre les considérations nécessaires en matière de protection et de sauvegarde des libertés publiques. Il tend, enfin, à dégager les lignes d'avenir et les questions restant, à ce jour, en suspend au regard du développement de cette nouvelle génération de titres d'identité.

I. LES ENJEUX DU DÉVELOPPEMENT D'UNE NOUVELLE GÉNÉRATION DE TITRES D'IDENTITÉ : LES TITRES DITS « SÉCURISÉS » ET LA BIOMÉTRIE

Le développement d'une nouvelle génération de titres d'identité, via le recours à la biométrie, correspond avant tout à la volonté d' accroître le niveau de sécurisation de ces titres avec, pour corollaire, de nouvelles avancées en matière de simplification administrative .

Pour autant, les enjeux de cette révolution dans l'approche des documents d'identité vont bien au-delà et ils renvoient également à la capacité de coordonner efficacement l'émergence de nombreux projets connexes (passeport, carte nationale d'identité, carte grise, visa...). Par contrecoup, cette modernisation des titres induit aussi l'opportunité de clarifier les relations entre l'Etat et les communes sur un terrain trop longtemps source de contentieux et de conflits entre les élus locaux et le pouvoir central.

Enfin, il est impossible de faire abstraction des considérations économiques liées à la conception et à la production de ces nouveaux titres : la France dispose d'atouts substantiels dans ce secteur d'activité et doit chercher à les valoriser pour préserver son leadership dans un contexte de compétition internationale exacerbée. Cette dimension économique n'est d'ailleurs pas totalement déconnectée d'une stratégie d'influence pouvant être déployée par notre pays dans les relations qu'il entretient avec d'autres Etats.

A. LA SÉCURISATION ACCRUE DES TITRES D'IDENTITÉ : LUTTER CONTRE LA FALSIFICATION ET LA CONTREFAÇON

Au regard du droit national en vigueur ou en cours d'adoption, la notion de titres sécurisés recouvre aujourd'hui, en France, une gamme relativement large de documents : le passeport 4 ( * ) , la carte nationale d'identité5 ( * ), le certificat d'immatriculation des véhicules 6 ( * ) , le visa 7 ( * ) .

Les deux titres « phares » du programme de la nouvelle génération de titres sécurisés restent toutefois le passeport et la carte nationale d'identité, eu égard à leur rôle central en matière de sécurité intérieure et de contrôle des flux migratoires. Du reste, ce sont ces deux titres qui ont, jusqu'à présent, concentré une part importante des ressources consacrées aux nouveaux documents sécurisés. Leur étude illustre bien la problématique de lutte contre la falsification et la contrefaçon à laquelle l'Etat français répond, comme nombre de ses partenaires, par la mise en oeuvre de la biométrie.

1. Le système de délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité

La carte nationale d'identité est régie par le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 modifié instituant la carte nationale d'identité. Le passeport est, pour sa part, régi par le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 .

Ces deux titres certifient l' identité de leur titulaire et sont une preuve de nationalité . Ils sont délivrés sans condition d'âge, par les préfets et les consuls.

Le passeport constitue le document de voyage reconnu par tous les Etats. La carte nationale d'identité est reconnue, pour sa part, comme document de voyage en vertu d'accords bilatéraux et de l'accord européen sur le régime de circulation des personnes entre pays membres du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1957, pour des séjours égaux ou inférieurs à trois mois, et sous réserve de sa validité 8 ( * ).

Leur demande est accompagnée, outre les justificatifs d'identité, de nationalité et de domicile, de la production de deux photographies. S'agissant de la seule carte nationale d'identité, il est procédé au relevé d'une empreinte digitale conservée dans le dossier papier archivé par le service gestionnaire de la carte, et ces dernières données (photo et empreintes) ne sont conservées que sous forme papier.

La réception des demandes se fait en mairie 9 ( * ). La comparution personnelle du demandeur au guichet est exigée.

Les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier de demande d'un passeport ou d'une carte nationale d'identité

Afin de constituer une demande de passeport ou de carte nationale d'identité, l'usager doit fournir les pièces suivantes :

- un document type « Cerfa » dûment renseigné ;

- un recueil de la signature ;

- un relevé de l'empreinte digitale (dans le cas de la carte nationale d'identité) ;

- un justificatif d'identité ;

- une justification de domicile ;

- une photographie d'identité ;

- un justificatif de nationalité, le cas échéant.

Source : ANTS

Le dossier complet est transmis par la mairie à la préfecture, cette dernière étant chargée de l'instruction de la demande. A ce stade, les données personnelles, à l'exception de la photographie (et de l'empreinte pour la carte nationale d'identité), sont enregistrées dans deux applications informatiques :

- Delphine , pour le passeport (électronique) ;

- le fichier national de gestion (FNG) pour la carte nationale d'identité.

La remise du titre a, ensuite, lieu dans la mairie où a été déposée la demande. Le demandeur doit se présenter en personne.

Il convient de relever que le passeport a connu une première étape de sécurisation avec le déploiement du passeport électronique à compter d'avril 2006, conformément au premier volet du règlement européen précité du 13 décembre 2004. Ce passeport électronique incorpore un composant électronique, une « puce », dans laquelle sont stockées les informations figurant sur le passeport « matériel » (nom, prénom, date et lieu de naissance, photo...).

La carte nationale d'identité n'a, en revanche, plus connu d'évolution depuis 1988. Jusqu'alors présentée sur un support cartonné, qui pouvait être falsifié, elle a été remplacée, à cette date, par une carte nationale d'identité ayant vocation à être infalsifiable.

* 1 Reproduit dans l'annexe 2 au présent rapport.

* 2 Reproduit dans l'annexe 3 au présent rapport.

* 3 Reproduit dans l'annexe 4 au présent rapport.

* 4 L'arrêté NOR : INTD0700159A du 27 février 2007 fixe au 1 er mars 2007 la date à partir de laquelle l'ANTS exerce ses missions concernant le passeport électronique, c'est-à-dire le passeport incorporant une puce électronique. L'arrêté NOR : IOCD0754115A du 30 mai 2007 fixe, quant à lui, au 1 er juin 2007 la date à partir de laquelle l'ANTS devient compétente en matière de passeport biométrique.

* 5 L'arrête NOR : IOCD0754117A du 30 mai 2007 fixe au 1 er juin 2007 la date à partir de laquelle l'ANTS exerce ses missions relatives à la carte nationale d'identité électronique, c'est-à-dire la carte nationale d'identité incorporant une puce électronique.

* 6 L'arrête NOR : IOCD0818575A du 5 septembre 2008 fixe au 1 er janvier 2009 la date à partir de laquelle l'ANTS exerce ses missions concernant le certificat d'immatriculation des véhicules.

* 7 L'ANTS est compétente, depuis le 1 er janvier 2009, pour l'acquisition des vignettes du visa (arrêté NOR : IMIK08292994 du 11 décembre 2008). Les textes sont en cours d'élaboration concernant le reste des attributions en matière de visa et de titre de séjour des étrangers.

* 8 Une vingtaine de pays l'acceptent actuellement.

* 9 A Paris, la demande peut également s'effectuer auprès de la préfecture de police.

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