2. L'évolution des prix

a) L'évolution des prix en cinq ans

Avant l'adhésion, l'écart des prix du lait entre la Communauté et les pays candidats était très important. En 1994, la moyenne des prix en vigueur dans les PECO ne représentait que 40 % du prix communautaire (30 % en Pologne). La préparation de l'adhésion s'est accompagnée d'un rattrapage progressif, au point qu'en 2004, les prix en Slovénie et en Hongrie étaient même légèrement supérieurs au prix communautaire. Un phénomène isolé puisque, à la même période, la Pologne, premier pays producteur, connaissait un bond de + de 50 % en un an !

Ainsi les écarts de prix entre anciens et nouveaux membres se sont rapidement estompés. En moins de cinq ans, les prix ont augmenté pour se hisser au niveau des prix moyens européens. Au premier trimestre 2007 par exemple, le prix moyen en Pologne ne présentait qu'un écart d'un centime par litre par rapport aux prix en Allemagne, en Irlande et aux Pays-Bas.

Il convient d'observer le régime encore particulier de la Roumanie qui dispose d'une grille tarifaire différenciée selon qu'il s'agit de lait dit « de qualité européenne » (c'est-à-dire aux normes sanitaires communautaires), à 250 € par tonne en 2008, et du lait dit « de qualité roumaine » payé entre 155 € et 200 € par tonne. Ce régime dérogatoire est prévu jusqu'au 31 décembre 2009, mais la Roumanie a demandé sa prolongation pour une année supplémentaire.

La crise a stoppé ce rapprochement. Déjà, un début de différenciation avait commencé lors de la flambée des cours de la fin 2007. L'augmentation avait été rapide mais légèrement en deçà des performances de certains pays (+ 50 % en Allemagne, + 64 % aux Pays-Bas contre + 30 % en Pologne, entre le début et la fin 2007). Mais c'est surtout au début 2009 qu'une sorte de décrochement est apparue par rapport aux autres États membres.

Ainsi, si la crise est générale en Europe, dans les PECO, elle est aussi particulièrement brutale. Les prix avaient moins augmenté que dans le reste de l'Union européenne pendant la flambée des cours, et ont plus diminué pendant la crise qui lui a succédé. Les comparaisons sont difficiles car tout dépend des mois comparés (pics mensuels, moyenne trimestrielle, moyenne annuelle) et de la monnaie considérée. Car si la baisse est généralisée dans les NEM comme ailleurs, les écarts sont accentués quand les prix nationaux sont convertis en euros en raison de la dévaluation généralisée des monnaies par rapport à l'euro. Ainsi, pour la Pologne, la baisse - calculée sur le cours moyen des premiers trimestres 2008 et 2009 - est de - 27 % en zlotys et de - 42 % en euros. La baisse entre le point haut de 2007 et février 2009 est de - 34 % en zlotys et - 49 % en euros.

Cette crise a des conséquences particulièrement fâcheuses dans ces nouveaux États membres. D'une part, elle intervient au plus mauvais moment, cinq ans seulement après l'adhésion et alors que les frais de production ont beaucoup augmenté après les programmes de modernisation des exploitations. La stratégie d'exportation largement inspirée par les industriels internationaux qui se sont implantés s'est avérée risquée, puisque plus un pays est ouvert et plus il est vulnérable à la crise.

D'autre part, elle contribue à un sentiment d'iniquité, latent depuis la négociation d'adhésion, et réactivé à cette occasion. Le graphique ci-dessous, réalisé par le ministère de l'agriculture et du développement rural polonais, montre clairement que les nouveaux États membres ont été davantage pénalisés que les anciens, en particulier, les plus importants d'entre eux (pour la production laitière), l'Allemagne et - surtout - la France (pays sélectionnés par le ministère à partir des données de la Commission sur les 27 États membres). Les écarts réels en monnaie locale n'auraient pas été aussi importants. Mais c'est en euros que la comparaison est faite.

Prix d'achat du lait de ferme en EUR/100 kg

b) Les effets de la baisse des prix

La Pologne profite-t-elle de ses prix compétitifs ?

Le marché du lait évolue en Pologne de façon de plus en plus libéralisée. La concurrence est forte pour trouver le meilleur prix, entraînant de nouvelles relations commerciales. Le lait polonais est à la fois abondant et l'un des moins chers d'Europe centrale. Ainsi, certains gros éleveurs laitiers du nord-ouest de la Pologne auraient été démarchés en avril par des opérateurs allemands pour fournir leur lait dans des usines situées en Allemagne. Des contacts similaires se sont produits entre éleveurs polonais et tchèques. À l'inverse, le cours du lait en Lituanie étant encore plus bas, certains transformateurs du nord-ouest de la Pologne ont pu se fournir en Lituanie. L'idée a été émise d'échanges comparables avec les Pays-Bas. Cette hypothèse paraît peu probable, en tout cas pour le lait frais, peu transportable (en revanche, les importations de poudre de lait sont toujours possibles).

Qu'en est-il avec la France ?

Les importations de lait de Pologne ?

Y a-t-il, en France, des importations de lait et de produits laitiers de Pologne, afin, bien entendu, de bénéficier du différentiel de prix ? Cette question est évidemment très sensible, tout particulièrement dans le contexte actuel. Les industriels expliquent que leur investissement est un investissement de marché pour être présent sur un marché régional en expansion et non un investissement de délocalisation pour bénéficier de prix inférieurs aux prix français.

Les statistiques douanières sont, in fine , l'arbitre neutre de ce débat et conduisent à trois conclusions :

- les importations en Pologne sont tout à fait marginales et ne représentent que moins de 1 % des importations totales ;

- il y a, depuis la crise, une baisse des importations de produits laitiers ;

- il y a également, depuis la crise, hausse des importations de lait.

Les montants en jeu restent tout à fait marginaux mais l'évolution mérite d'être notée.

Les importations françaises de produits laitiers de Pologne
(en millions d'euros)

1 er trimestre 2007

2007

1 er trimestre
2008

2008

1 er trimestre
2009

Lait de Pologne

0,08

2,17

0,16

1

1,16

Lait total

72,7

400,00

100,00

387,00

92,00

Produits laitiers de Pologne

7,36

37,03

8,27

33,74

4,28

Produits laitiers Total

495,00

2573,00

582,00

4847,00

506,00

Source : douanes

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