ANNEXE - COMPTES-RENDUS DES AUDITIONS
Audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris
(12 mars 2009)
La commission des affaires étrangères et de la défense et la commission des affaires culturelles ont procédé à l'audition de MM. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, et Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris.
M. Josselin de Rohan, président, a remercié M. Paul de Quincey et M. Berthold Franke d'avoir accepté de venir présenter devant les deux commissions le statut, l'organisation et le fonctionnement du British Council et du Goethe Institut.
M. Paul de Quincey, directeur du British Council de Paris, a rappelé que le British Council avait été créé en 1934 et que le premier centre en France avait été fondé à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Bien que le statut du British Council soit celui d'une organisation d'utilité publique à but non lucratif (« registered charity ») et qu'il soit indépendant du Gouvernement, il travaille toutefois en relation étroite avec le ministère des affaires étrangères britannique. Ainsi, le directeur du British Council de Paris est également le conseiller culturel de l'ambassade du Royaume-Uni en France.
Le budget du British Council s'élève à près de 627 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 35 % proviennent de subventions du ministère des affaires étrangères britannique. Le taux d'autofinancement est donc de 65 %. Les revenus propres du British Council proviennent des cours de langue ou de la délivrance des diplômes (277 millions d'euros) et de financements publics et privés, comme l'administration des projets pour tierces parties et le mécénat (127 millions d'euros).
Le British Council dispose d'environ 220 implantations dans 109 pays. La tendance actuelle est une réorganisation du réseau à l'intérieur des onze grandes régions, avec une diminution du nombre des sites en Europe et un redéploiement en Asie et au Proche-Orient
En 2005, le British Council a publié un document sur ses objectifs et la stratégie qu'il compte mettre en oeuvre pour les réaliser, intitulé « Making a world of difference - Cultural relations in 2010 ». Ce document fixe trois grandes priorités : le dialogue interculturel, l'économie de la connaissance et le changement climatique.
Les priorités géographiques font l'objet, chaque année, de discussions avec le ministère des affaires étrangères. Le directeur d'un British Council rend compte de son programme à la direction régionale dont il relève ou à un directeur adjoint de Londres. Les ambassadeurs des pays concernés sont simplement consultés.
Le British Council met également en oeuvre des projets multilatéraux, par exemple sur les relations transatlantiques ou les communautés musulmanes en Europe.
Les centres du British Council sont exclusivement consacrés aux cours de langue. Aucune programmation culturelle n'y est organisée. Toutes les expositions, tous les spectacles, toutes les conférences sont organisées en partenariat avec des institutions françaises et se déroulent « hors les murs ».
M. Berthold Franke, directeur du Goethe Institut de Paris, a indiqué que l'Institut Goethe avait été fondé dans les années 1950.
Il s'agit d'un établissement à but non lucratif, qui est totalement indépendant du Gouvernement allemand.
M. Berthold Franke a rappelé que, en raison du passé, l'Allemagne était très réticente à l'idée d'une politique culturelle menée au niveau central et que la culture et l'éducation étaient des compétences exercées en priorité par les länder et les municipalités. L'État fédéral dispose toutefois d'une compétence en ce qui concerne l'action culturelle à l'étranger qu'il délègue au Goethe Institut.
La centrale du Goethe Institut, basée à Munich, est liée par un contrat-cadre au ministère des affaires étrangères à Berlin. Celui-ci délègue l'autorité à la centrale de Munich pour la gestion du réseau et la répartition du financement entre les différents instituts.
Le Goethe Institut poursuit trois grandes missions : la diffusion de la langue allemande, les échanges culturels et l'information sur l'Allemagne, la culture et la civilisation allemandes.
Le Goethe Institut est présent sur tous les continents avec, en 2009, 183 implantations dans 83 pays.
Son budget s'élève à 260 millions d'euros pour l'année 2008-2009, dont 17 % sont autofinancés essentiellement grâce aux cours de langue, le reste provenant d'une subvention du ministère des affaires étrangères allemand.
Le fonctionnement du réseau est largement décentralisé avec douze grandes régions et chaque institut dispose d'une très large autonomie de gestion, notamment en matière budgétaire et de personnels.
Chaque directeur d'un Goethe Institut est responsable de son programme, conçu néanmoins en accord avec une direction régionale. A la différence du British Council, le Goethe Institut est entièrement indépendant de l'ambassade d'Allemagne et son directeur n'est pas un diplomate.
En conclusion, M. Berthold Franke a considéré que l'on pouvait s'interroger sur la raison d'être d'un institut culturel en Europe, mais que, d'après lui, cette présence restait indispensable. Certes, le premier contact avec la culture d'un autre pays ne passe généralement pas par les centres culturels, mais par d'autres canaux, comme le cinéma, la télévision ou Internet. Mais, à son avis, la vocation première d'un centre culturel est d'offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent d'approfondir leur connaissance de la culture et de la langue d'un autre pays.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a fait part de sa préoccupation au sujet de la tendance actuelle à la réduction des centres et instituts culturels en Europe et au recul du multilinguisme, au regard notamment de l'approfondissement de la construction européenne.
M. Berthold Franke a estimé que si l'anglais était désormais la langue internationale, il était indispensable d'encourager l'apprentissage obligatoire d'au moins une deuxième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire. Il a cité à cet égard le cas de la Suède où les autorités avaient étudié la possibilité de supprimer l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue étrangère vivante dans l'enseignement scolaire, ce qui avait fait naître des inquiétudes en France et en Allemagne.
M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council travaillait actuellement avec le ministère de l'éducation britannique afin de renforcer l'enseignement d'une deuxième ou d'une troisième langue vivante étrangère dans l'enseignement scolaire au Royaume-Uni, et également avec le ministère de l'éducation nationale français, afin d'améliorer les méthodes d'apprentissage de la langue anglaise dans les établissements scolaires français.
Estimant que, désormais, l'action culturelle extérieure en Europe reposait moins sur l'implantation physique d'un centre ou d'un institut culturel que sur l'utilisation des nouvelles techniques de communication, notamment Internet, M. Paul de Quincey a indiqué que le British Council avait fortement développé ces dernières années l'offre de service en ligne et la mise à la disposition du public de méthodes d'apprentissage de l'anglais sur Internet.
M. Yves Dauge a souhaité obtenir des précisions sur les relations du British Council et du Goethe Institut avec le ministère des affaires étrangères et les ambassades de leurs pays respectifs, ainsi que sur le statut des personnels de ces deux institutions et la gestion des ressources humaines, notamment en matière de recrutement, de déroulement de carrière et de mobilité.
M. Paul de Quincey a indiqué que les relations entre les centres du British Council et les ambassades étaient étroites, même si chaque centre était indépendant. Si, dans environ 60 % des cas, le directeur du British Council est également le conseiller culturel de l'ambassade, il n'existe pas pour autant de relation hiérarchique. En mentionnant sa propre expérience, il a indiqué qu'il participait chaque semaine à une réunion, présidée par l'ambassadeur, des différents chefs de service de l'ambassade.
En ce qui concerne la gestion du personnel, le British Council emploie au total environ 6 500 personnes, qui ne sont pas des diplomates de carrière. Dans leur grande majorité, ces personnels sont recrutés localement et ne sont pas soumis à une obligation de mobilité. Seule une minorité d'environ 250 agents fait l'objet d'une mobilité, chaque agent restant en moyenne de quatre à cinq ans dans un poste. Ainsi, le British Council de Paris emploie environ soixante-dix personnes, dont une quarantaine de professeurs à temps partiel et à contrat à durée indéterminée recrutés localement. Seules deux personnes, dont le directeur, sont des expatriés permanents.
M. Berthold Franke a indiqué que le Goethe Institut était une institution privée indépendante du Gouvernement allemand et que les relations avec les ambassades étaient en général assez limitées, même si cela variait selon les pays.
Chaque centre dispose d'une très grande autonomie de gestion, en matière budgétaire et de personnels.
M. Robert del Picchia a souhaité obtenir des précisions au sujet du projet de coopération transatlantique mené par le British Council. Il a également regretté la diminution du nombre d'élèves français apprenant l'allemand. Il s'est interrogé au sujet de la coopération entre les différents instituts culturels européens, notamment avec les instituts Cervantès espagnols. Enfin, il a souhaité connaître l'opinion des deux intervenants sur le réseau culturel français à l'étranger.
M. Paul de Quincey a indiqué que le projet de partenariat transatlantique avait été lancé par le British Council afin de renforcer les relations entre les jeunes des deux côtés de l'Atlantique.
M. Berthold Franke a souligné que le renforcement de l'apprentissage de l'allemand dans l'enseignement scolaire en France était l'une de ses priorités et que cela passait notamment par l'amélioration de l'image de la langue allemande mais également par une politique plus volontariste.
Il a indiqué que l'un des obstacles au renforcement de la coopération avec les institutions françaises chargées de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger tenait à la dispersion des intervenants et à la difficulté d'identifier le bon interlocuteur. Il a cité l'exemple de la gestion, il y a quelques années, par le ministère de la coopération des centres et instituts culturels français en Afrique.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité avoir des précisions sur l'organisation régionale de chacune des deux institutions et sur l'évolution des financements publics destinés à l'action culturelle à l'étranger dans les deux pays.
M. Berthold Franke a estimé que la régionalisation présentait des avantages, notamment en matière de proximité, mais également des inconvénients, en particulier en termes de bureaucratie. Il a indiqué que le Goethe Institut avait traversé ces dernières années une période difficile marquée par une diminution de ses crédits mais que, récemment, les subventions publiques s'étaient accrues.
M. Paul de Quincey a indiqué pour sa part que la régionalisation fonctionnait assez bien au sein du British Council, même s'il est parfois difficile de concilier les niveaux national, régional et local, les grandes priorités thématiques et les différents secteurs des arts, des sciences ou de l'éducation.
Concernant les financements publics, le British Council a obtenu, au terme d'une convention pluriannuelle avec le ministère des affaires étrangères britannique, une enveloppe financière d'un montant satisfaisant sur trois ans. Toutefois, l'orientation générale étant de faire de l'Asie et du Proche-Orient des régions prioritaires. Il en est résulté, ces deux dernières années, une diminution d'environ 30 % des crédits destinés aux centres du British Council en Europe.
M. Louis Duvernois s'est demandé s'il existait une coopération entre les différents instituts et centres culturels européens et entre ceux-ci et les institutions de l'Union européenne. Il a souhaité également savoir si le British Council et l'Institut Goethe bénéficiaient de subventions de la part de l'Union européenne et s'ils menaient des actions de formation linguistique auprès des fonctionnaires communautaires.
M. Paul de Quincey a répondu qu'il existait localement diverses formes de coopération entre les centres et instituts culturels des différents pays membres de l'Union européenne, notamment en matière de co-localisation, c'est-à-dire de partage d'un même bâtiment entre deux instituts, à l'image du centre culturel commun au Royaume-Uni et à l'Allemagne en Ukraine. Il a également mentionné l'existence d'un réseau global des centres et instituts culturels, l'European Union National Institutes of Culture, EUNIC.
Il a ajouté que l'EUNIC bénéficiait de fonds communautaires pour le financement de certains projets multilatéraux. Enfin, il a indiqué que le British Council de Bruxelles offrait des cours d'anglais aux fonctionnaires communautaires.
M. Berthold Franke a indiqué qu'il avait eu lui-même l'occasion de diriger un Goethe Institut partageant ses locaux avec un Institut Cervantès espagnol. Il a également cité l'exemple des centres culturels franco-allemands de Ramallah et de Glasgow et il a mentionné le projet d'un centre culturel franco-allemand à Moscou.
Il a souligné que le Goethe Institut bénéficiait également de fonds européens pour certains projets multinationaux, mais que la lourdeur administrative imposée par la Commission européenne constituait un sérieux obstacle à ce mode de financement.
Enfin, il a indiqué que le Goethe Institut s'était porté candidat à un appel d'offre de l'Union européenne pour l'enseignement de l'allemand aux fonctionnaires communautaires, mais qu'une entreprise privée anglaise avait remporté cet appel d'offre.
Audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance
(12 mars 2009)
La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a tout d'abord rappelé que la commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères s'étaient mobilisées, dans la période récente, en faveur d'un sursaut de notre politique culturelle extérieure. Dans ce contexte, elles ont choisi d'organiser ensemble une série d'auditions consacrées à la réforme de l'action culturelle extérieure de la France. L'audition de M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, est ainsi l'occasion de faire le point sur les perspectives d'évolution statutaire de l'association CulturesFrance pour lui donner les moyens juridiques et financiers de redynamiser la politique de rayonnement culturel de la France. A ce titre, il a précisé que la commission des affaires culturelles s'est de longue date intéressée au sort de CulturesFrance : une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyant sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), a ainsi été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a indiqué, en préambule, que CulturesFrance était une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, issue de la fusion, opérée le 22 juin 2006, de deux associations : l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADFP), créées respectivement en 1922 et 1946. Chargée de la promotion de la création artistique contemporaine française à l'étranger, elle se caractérise par un vaste champ d'intervention, comprenant les arts visuels, les arts de la scène, l'architecture et le patrimoine, l'écrit et l'ingénierie culturelle, et qui s'est élargi au cinéma à la suite du transfert, le 1 er janvier 2009, de compétences auparavant assumées par la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères.
CulturesFrance dispose d'un budget évalué à 30 millions d'euros, reposant majoritairement sur une subvention du ministère des affaires étrangères de l'ordre de vingt millions d'euros ; le ministère de la culture y contribue à hauteur de deux millions d'euros, le reste de ses ressources consistant en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales et de partenaires privés. Son action s'oriente selon trois axes principaux :
- l'exportation et la mise en valeur à l'étranger de la création culturelle française dans toute sa diversité ;
- l'accueil et la diffusion des cultures étrangères en France, à travers l'organisation de « saisons culturelles » permettant à des pays partenaires d'exposer leur culture sur le territoire national ;
- le développement culturel via la mise en oeuvre de programmes de soutien à la création d'industries culturelles dans les zones de solidarité prioritaire, en particulier en Afrique et dans les Caraïbes.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a souligné la très grande multiplicité des acteurs de l'action culturelle extérieure de la France. CulturesFrance n'est ainsi qu'un opérateur parmi tant d'autres, désignés sous des appellations différentes, parmi lesquelles on peut citer les centres et instituts culturels français à l'étranger, les services de coopération artistique et culturelle des ambassades, et les organismes de promotion à caractère professionnel à l'image d'Unifrance dans le domaine du cinéma. L'extrême dispersion du réseau culturel français, particulièrement dommageable à la cohérence et à la lisibilité de la politique culturelle extérieure, tranche singulièrement avec le modèle rationalisé du British Council pour le Royaume-Uni ou du Goethe Institut pour l'Allemagne.
À ce morcellement du dispositif de l'action culturelle extérieure française, s'ajoutent des carences significatives en moyens de fonctionnement, tant en termes de personnels que d'infrastructures, dénoncées dès 2001 par M. Yves Dauge dans un rapport d'information consacré au réseau culturel français à l'étranger.
Déplorant l'absence d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a plaidé en faveur de la création, à partir de CulturesFrance, d'une grande agence du rayonnement culturel dont la structure et le fonctionnement s'inspireraient, idéalement, de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères. Il s'agit d'envisager l'action culturelle extérieure dans une logique transversale en y incluant l'action éducative et de coopération universitaire et l'action linguistique. Aussi a-t-il suggéré de regrouper, sous une même enseigne, les opérateurs préexistants en charge de la mobilité universitaire (CampusFrance), des échanges éducatifs et scientifiques (le Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux - EGIDE) ainsi que les établissements culturels à l'étranger. Dans une logique de labellisation de notre action culturelle extérieure, cette future agence culturelle devrait disposer à l'étranger de bureaux dénommés « Instituts français ».
M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a invité les pouvoirs publics à « sanctuariser » les crédits dévolus à l'action culturelle extérieure, soulignant à ce titre qu'il s'agissait là d'un enjeu crucial en termes de « soft power ».
Un large débat s'est ensuite engagé.
M. Josselin de Rohan, président, a observé que la diplomatie culturelle française se caractérisait par des phénomènes préoccupants de dispersion et d'attrition qui appellent une réforme structurelle d'envergure. Estimant que la politique culturelle extérieure était une composante essentielle de la diplomatie française, et qu'elle devait à ce titre continuer de relever du ministère des affaires étrangères pour la définition de ses orientations stratégiques, il s'est interrogé au sujet de la tutelle sur la nouvelle agence et au sujet de la place du ministère de la culture et du ministère de l'éducation nationale.
Il s'est également interrogé sur la marge d'autonomie qui serait réservée à la future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger vis-à-vis de ses tutelles ministérielles.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a estimé que le Quai d'Orsay était l'autorité la mieux placée pour exercer le pilotage principal en matière d'action culturelle extérieure, mais qu'il ne pouvait faire l'économie d'une coopération étroite dans ce domaine avec les ministères de la culture et de l'éducation nationale. Il a considéré qu'un grand établissement public culturel, doté de l'autonomie financière et responsable de sa gestion, constituait le format le plus approprié, en s'appuyant sur l'exemple de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).
Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée, tout d'abord, sur le statut juridique d'une grande agence culturelle et a souhaité savoir dans quelle mesure celui-ci s'inspirerait du modèle de l'AEFE. Elle a sollicité des précisions sur la responsabilité de la future agence en matière de recrutement et de gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure. À cet égard, elle a déploré la rotation trop rapide des agents du réseau culturel français à l'étranger, dont l'évolution des parcours professionnels n'obéit que très insuffisamment à des critères de compétences. Elle a également interpellé le directeur de CulturesFrance sur le type de relations que l'agence compte entretenir avec les alliances françaises et a estimé que ces relations pourraient, le cas échéant, s'inspirer des liens conventionnels que l'AEFE établit avec les lycées d'enseignement français de la Mission laïque. Elle s'est enfin inquiétée d'une absorption par la future agence culturelle de CampusFrance : cette dernière structure s'investit efficacement dans la mutualisation des moyens des universités françaises dans la conduite de leurs relations extérieures ; sa fusion éventuelle au sein de CulturesFrance risquerait de briser cette dynamique.
En réponse à ces interrogations, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a formulé les observations suivantes :
- la transformation de CulturesFrance en une grande agence dotée d'un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial s'inspirera très certainement du modèle de l'AEFE, dans le cadre d'une tutelle principale exercée par la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères. Le ministère de la culture sera associé au pilotage de cette agence comme le ministère de l'éducation nationale l'est à celui de l'AEFE ;
- le projet d'une grande agence culturelle vise à réunir au sein d'un même ensemble financier et juridique tous les acteurs de l'action culturelle extérieure travaillant aussi bien à Paris que dans le réseau culturel français à l'étranger. CulturesFrance sera ainsi responsable du recrutement, de la gestion et de la formation des professionnels de l'action culturelle extérieure, en préservant un équilibre entre les diplomates et les spécialistes des différents secteurs d'activités de l'Agence ;
- le système de partenariats et de conventions entre l'AEFE et les lycées de la Mission laïque pourra servir de modèle aux relations entre CulturesFrance et les alliances françaises ;
- l'action culturelle au sein des établissements culturels français à l'étranger doit être entendue dans son acception la plus large possible : cela suppose d'y inclure la promotion de l'enseignement supérieur français et la coopération linguistique afin de ne pas cantonner CulturesFrance à la mise en valeur de la seule création artistique. La fusion de CampusFrance au sein d'une grande agence culturelle serait probablement mieux accueillie par nos partenaires que la création d'un guichet unique de la mobilité universitaire internationale qui regrouperait les groupements d'intérêt public que sont France Coopération Internationale (FCI), CampusFrance et EGIDE.
Souscrivant à un scénario qui confierait à CulturesFrance le champ d'intervention le plus large possible, M. Yves Dauge a demandé des précisions sur le statut de ses personnels, notamment dans les pays d'accueil. Il a appelé à un renforcement de l'effort de professionnalisation en leur faveur. Il s'est ensuite interrogé sur les relations entre CulturesFrance et les collectivités territoriales investies dans la coopération décentralisée et des universités de plus en plus autonomes. Ces acteurs ont vocation à s'investir de façon croissante dans l'action culturelle extérieure, il serait donc pertinent qu'ils disposent de représentants au conseil d'administration de CulturesFrance.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu que la gestion des personnels devait être au coeur de la création d'un grand établissement public vecteur de l'influence culturelle française à l'étranger. Afin que l'ensemble des personnels se retrouvent et adhèrent aux projets de l'agence, le recrutement d'agents locaux doit s'opérer par étapes, sur une durée transitoire pouvant aller de trois à quatre ans. Dans un premier temps, l'effort portera principalement sur la professionnalisation des personnels, jusqu'ici ressentie comme insuffisante. Il a ajouté que CulturesFrance accorde déjà une grande importance à la coopération avec les collectivités territoriales. En outre, son conseil d'administration comprend un représentant du milieu universitaire. Il s'est prononcé en faveur de conseils d'orientation placés auprès des ambassades qui incluraient notamment des représentants des universités et des experts du tissu local afin de mettre en valeur le caractère transversal de l'action culturelle extérieure.
M. Robert del Picchia s'est inquiété de la multiplication d'initiatives non coordonnées en matière d'action culturelle extérieure qui instaurent la plus grande confusion auprès de nos partenaires étrangers, à la différence de structures telles que le British Council ou le Goethe Institut qui jouissent d'une notoriété exceptionnelle à l'étranger. Il a émis des doutes quant à la capacité d'une future grande agence à rendre plus lisible une politique culturelle extérieure dont les moyens demeurent très insuffisants.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, s'est déclaré convaincu de la nécessité de redonner de la visibilité à un réseau culturel à l'étranger morcelé, en faisant émerger un label de l'action culturelle extérieure de la France. Il a regretté que la politique de coopération culturelle et linguistique soit le seul domaine de l'action publique qui fasse l'objet de restrictions budgétaires aussi conséquentes. A cet égard, il a déploré que le transfert de la compétence en matière de promotion du cinéma français à CulturesFrance n'ait pas été accompagné des crédits correspondants.
M. Louis Duvernois a estimé que la création d'un établissement public culturel à caractère industriel et commercial a vocation à fédérer sous une même enseigne des actions dispersées et insuffisamment coordonnées, et non pas à se superposer aux structures existantes. Il a insisté sur la nécessité de respecter le sens des recommandations issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP) en matière de rationalisation de l'action culturelle extérieure, en prenant soin de ne pas dissocier action éducative extérieure et rayonnement culturel : cela suppose une concertation renforcée entre CulturesFrance et l'AEFE. Enfin, le périmètre des responsabilités ministérielles dans le pilotage de CulturesFrance doit être clairement défini. A ce titre, il a indiqué que la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance qu'il a défendue au Sénat en 2007 prévoyait explicitement de placer CulturesFrance sous la tutelle conjointe du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la culture.
M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu qu'il convenait d'établir une coopération étroite entre CulturesFrance et l'AEFE en matière d'échanges éducatifs. Il a également appelé à rompre avec le Yalta qui tend à réserver au ministère de la culture la culture en France et au ministère des affaires étrangères la culture à l'étranger.
Mme Catherine Tasca a fait observer que le contrat d'objectifs et de moyens entre CulturesFrance et l'État, qui constitue le principal outil de dialogue entre l'opérateur en charge de l'action culturelle extérieure et le ministère des affaires étrangères, devrait être le lieu de la concertation interministérielle dans ce domaine. Si elle a reconnu le manque criant de lisibilité de la politique française de coopération culturelle et linguistique, elle a cependant redouté qu'un pessimisme excessif ne conduise à occulter les points positifs du bilan de l'action du réseau culturel français à l'étranger. Elle a relevé que la politique du livre à l'étranger serait désormais gérée par CulturesFrance, regrettant au passage que la revue Esprit ne dispose plus du financement que lui consentait jusqu'à maintenant le Centre national du livre. Elle a dénoncé l'absence d'une direction générale spécifiquement en charge des affaires culturelles extérieures au Quai d'Orsay, doutant que la future direction générale de la mondialisation soit le cadre pertinent pour appréhender ces questions. En outre, elle a souhaité mettre l'accent sur l'importance des perspectives de carrière pour les personnels du réseau culturel à l'étranger, considérablement négligées par l'administration. Enfin, elle a mis en garde contre le risque de se cantonner à une simple politique d'exportation de la culture française à l'étranger, qui ne prendrait pas en compte la mise en valeur de la culture des pays d'accueil.
En réponse à ces remarques, M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a apporté les précisions suivantes :
- le contrat d'objectifs et de moyens constitue une plateforme de discussion stratégique essentielle ;
- l'action culturelle extérieure doit être au service non seulement de l'exportation et de la promotion de la création artistique française, mais également du dialogue interculturel. À ce titre, les lettres de mission transmises aux directeurs d'établissements culturels à l'étranger devront impérativement mentionner la nécessité de valoriser la création artistique locale ;
- les perspectives de carrière sont effectivement inexistantes pour la plupart des agents du réseau culturel à l'étranger, ce qui tend à démobiliser les personnels ;
- l'augmentation des ressources budgétaires de la politique culturelle extérieure française passe nécessairement par un redéploiement des crédits. La pression financière qui s'exerce sur l'action de CulturesFrance va croissant dès lors que ses frais de fonctionnement ont augmenté de près de 10 % en dix ans.
Mme Bernadette Bourzai a observé que l'exportation de la culture française à l'étranger devait s'appuyer sur la promotion de la culture francophone. A ce titre, elle s'est étonnée que le Festival international des Francophonies en Limousin ne soit pas assuré de continuer à bénéficier d'une aide de la part du ministère des affaires étrangères.
M. Oliver Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a reconnu que le transfert de la compétence en matière de soutien aux festivals internationaux à CulturesFrance ne s'est pas accompagné des crédits correspondants.
Mme Nathalie Goulet s'est interrogée sur la méthode qui préside à la réflexion sur la réforme de l'action culturelle extérieure ; elle a souhaité savoir si un état des lieux précis et actualisé de la situation était disponible. Elle a souligné la nécessité de définir des objectifs qui tiennent compte des spécificités des différentes zones géographiques concernées.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a indiqué que de nombreux rapports d'information avaient été rédigés sur la question de l'avenir du réseau culturel français à l'étranger. Il a reconnu qu'il était impératif de ne pas penser la réforme de l'action culturelle extérieure depuis Paris. Dans cette logique, le Quai d'Orsay doit avoir toute sa place dans le pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure dès lors que les personnels du réseau culturel à l'étranger sont les mieux à même de relayer les besoins exprimés localement. L'amélioration de la lisibilité de l'action culturelle extérieure française est fondamentale dans la perspective d'un renforcement de son financement via le mécénat d'entreprises.
M. Jack Ralite s'est déclaré préoccupé par la volonté affichée de l'entreprise culturelle unique qui semble répondre à l'obsession de l'idéologie de la marque. Il s'est ému du recul du réseau culturel français à l'étranger, en particulier en Europe où plus de la moitié des centres culturels devraient être supprimés, sans pour autant s'accompagner d'un redéploiement vers des pays émergents comme la Chine. Il a déploré l'insuffisante prise en compte, dans l'élaboration de la diplomatie culturelle de la France, de l'expérience de terrain des artistes et des industries créatives. Il s'est inquiété du risque de « désintégration » que la création d'une agence culturelle unique ferait peser sur l'identité culturelle et la fidélité de la France vis-à-vis de ses partenaires.
M. Olivier Poivre d'Arvor, directeur de CulturesFrance, a fait observer que, face à des budgets en constant déclin, il est impossible de faire l'impasse sur la création d'une grande agence culturelle qui garantirait la visibilité nécessaire auprès de nos investisseurs publics et privés dans les pays d'accueil.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souligné que l'extrême gravité de la situation du réseau culturel français à l'étranger appelle des réformes urgentes, trop longtemps différées. Réaffirmant son attachement à la création d'un grand établissement public culturel, il a, en outre, jugé indispensable la création d'un secrétariat d'État aux relations culturelles extérieures et à la francophonie, auprès du ministre des affaires étrangères, afin de regrouper, sous une même autorité, ces deux aspects fondamentaux de la diplomatie française d'influence culturelle et intellectuelle.
Audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française
(18 mars 2009)
La commission des affaires étrangères et de la défense et la commission des affaires culturelles ont procédé à l'audition de M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le rôle majeur joué par les Alliances françaises pour la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Il a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française concernant l'état actuel et les perspectives de réforme de l'action culturelle de la France à l'étranger et ses incidences sur le réseau des Alliances françaises.
Après avoir rendu hommage à l'intérêt manifesté à ce sujet depuis longtemps dans de nombreux rapports du Sénat, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a présenté le réseau des Alliances françaises comme un acteur profondément original du dispositif culturel extérieur et connaissant actuellement un fort développement.
Il a rappelé que l'Alliance française avait été créée à Paris en 1883 et qu'elle avait pour mission la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Sous l'appellation aujourd'hui de Fondation Alliance française, le siège parisien est la « tête de pont » du réseau des Alliances françaises dans le monde. Les Alliances françaises installées dans les États étrangers sont indépendantes, tant statutairement que financièrement, de la Fondation, même si elles entretiennent des liens étroits avec elle. Les Alliances françaises résultent le plus souvent d'initiatives locales et sont, en règle générale, constituées sous la forme associative. Il est d'ailleurs remarquable que la France, qui dispose pourtant d'une forte tradition jacobine, soit le seul pays au monde à avoir confié la mission de promouvoir le rayonnement de sa culture et de sa langue à un réseau s'appuyant sur les diverses sociétés civiles étrangères et des structures de droit privé locales.
Le réseau compte actuellement 1 070 Alliances, de taille et d'importance très variables, présentes dans 135 pays, sur tous les continents.
Les missions d'une Alliance française sont identiques à celles d'un institut ou d'un centre culturel, à savoir la promotion de la culture et de la langue françaises, les deux types de structures étant répartis selon une complémentarité géographique, puisque les Alliances françaises sont à peu près seules présentes en Amérique du Nord, en Amérique latine, en Asie et en Russie, alors qu'elles coexistent avec les centres et les instituts culturels en Europe, en Afrique et au Levant. Les « doublons » dans une même ville sont désormais rares. Mexico, qui compte à la fois une Alliance française et un centre culturel, est l'une des exceptions, mais présente un caractère particulier étant donné la dimension de cette ville.
Les objectifs, qui peuvent varier selon les Alliances françaises, sont fixés par le conseil d'administration de chaque Alliance, en tenant compte des orientations données par le service culturel de l'ambassade de France, lesquelles sont formalisées dans une convention d'objectifs et de moyens. Environ trois cents Alliances, sur plus d'un millier, sont dans ce cas, et bénéficient ainsi d'un soutien de l'État, sous forme de subventions et de mise à disposition de personnels de la part du ministère des affaires étrangères et européennes. Une convention générale, signée entre la fondation et le ministère, encadre les conventions locales de partenariat qui sont signées par les présidents d'Alliances et les ambassadeurs.
Les Alliances françaises sont sensibles aux aléas politiques, économiques et sociaux des pays où elles sont implantées, mais, en raison de leur statut privé et du fait qu'elles emploient majoritairement des personnels locaux, elles ne sont pas assimilées à une structure étrangère et disposent d'une grande légitimité locale, même si elles bénéficient du soutien de l'ambassade de France. Cela explique notamment la pérennité d'Alliances françaises dans des pays en crise ou encore le rôle qu'ont joué les Alliances françaises auprès de l'opinion publique aux États-Unis d'Amérique au moment de la campagne anti-française qui a suivi le refus de la France de participer à l'intervention militaire en Irak.
En 2008, les Alliances françaises ont assuré plus de trente-six millions d'heures de cours de français à plus de 461 000 étudiants dans le monde, ce qui fait de ce réseau la plus grande école de langue du monde.
Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement. Les fonds propres sont issus des cours de langue, de financements privés ou de dons et legs. Les Alliances françaises sont administrées par 8 000 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, en majorité des professeurs de langue recrutés localement.
Les statuts de l'Alliance française à Paris ont été modifiés à partir du 1 er janvier 2008. Désormais, l'Alliance n'est plus une association régie par la loi de 1901, mais une fondation reconnue d'utilité publique. Cette réforme avait pour objectif à la fois de renforcer la visibilité de l'Alliance française sur la scène internationale, le statut de fondation étant mieux compris à l'étranger, et de distinguer la coordination du réseau international des activités de gestion de l'école du boulevard Raspail à Paris, qui accueille 12 000 élèves.
La Fondation s'occupe désormais exclusivement du réseau. Elle compte douze collaborateurs et dispose d'un capital de 5 millions d'euros provenant du mécénat de grandes entreprises françaises, d'une dotation de l'État et de dons et legs privés. Elle poursuit une active campagne de levées de fonds, n'ayant pas encore atteint ses objectifs sur ce point.
La Fondation Alliance française et le ministère des affaires étrangères et européennes sont liés par un contrat d'objectifs et de moyens, renouvelé en 2009 pour une durée d'un an.
M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de l'Alliance française, a ensuite évoqué le fort développement que connaît le réseau des Alliances françaises.
Avec un taux de croissance de l'ordre de 3 à 5 % par an en moyenne, les effectifs des Alliances ont augmenté fortement ces dernières années, en particulier dans les grands pays du monde développé (États-Unis, Russie) et dans les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Mexique) ou encore dans des pays comme le Congo et l'Angola. Ainsi, il existe aujourd'hui quatorze Alliances françaises en Chine qui se sont créées en moins de dix ans et une dizaine en Russie.
La Fondation Alliance française s'efforce d'accompagner ce mouvement de trois manières.
Tout d'abord, elle exerce une importante mission en matière de professionnalisation des personnels des Alliances françaises, notamment en assurant des formations à la gestion et au management. A cet égard, la suppression de la moitié des postes d'expatriés détachés par le ministère des affaires étrangères et européennes sur les quinze dernières années rend plus que nécessaires ces formations.
Ensuite, l'Alliance française mène des actions en matière de gouvernance. Ainsi, une révision générale des statuts est en cours et un cadre de référence a été publié. La Fondation est également étroitement associée à la procédure de sélection des directeurs d'Alliances françaises.
Enfin, la Fondation s'efforce de renforcer la coordination du réseau, dans le respect de l'indépendance et de l'autonomie de chacune des Alliances.
En définitive, le réseau des Alliances françaises, qui bénéficie d'une forte notoriété et d'une bonne image à l'étranger, aborde avec confiance son avenir.
Après avoir remercié M. Jean-Claude Jacq pour son exposé et relevé son optimisme qui contraste avec le constat plus réservé dressé par d'autres intervenants, M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a souhaité connaître ses motifs d'insatisfaction ou d'inquiétude concernant l'action culturelle de la France à l'étranger.
M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a indiqué que, en ce qui concerne le réseau des Alliances françaises, le principal défaut, inhérent à toute structure décentralisée, pouvait être une homogénéité insuffisante concernant la qualité des prestations offertes au public entre les différentes Alliances françaises. On peut répartir grossièrement celles-ci en trois cercles. Un premier tiers est constitué d'environ trois cents Alliances françaises, qui bénéficient en général d'un soutien financier du ministère des affaires étrangères et européennes. Ces Alliances françaises sont assez homogènes et leurs prestations linguistiques et culturelles de très bonne qualité. Le deuxième tiers est composé d'Alliances qui dispensent des cours de langue et organisent quelques activités culturelles plus modestes (conférences, réunions). Enfin, un troisième cercle comprend des Alliances qui s'apparentent davantage à des clubs ou à des cercles d'amitiés. La Fondation a pour objectif de faire passer le plus grand nombre d'Alliances possible du troisième au deuxième cercle, et du deuxième au premier.
Si les Alliances sont indépendantes et s'il n'existe pas de lien hiérarchique entre elles et la Fondation, celle-ci est toutefois garante du nom « Alliance française » et elle peut le retirer en cas de dysfonctionnement, le cas se présentant au pire une ou deux fois par an.
La Fondation organise également des actions de formation destinées aux directeurs des Alliances françaises, aux membres du conseil d'administration et aux personnels.
La deuxième difficulté, qui n'est pas propre au réseau des Alliances françaises, mais qui touche l'ensemble de l'action culturelle de la France à l'étranger, tient à la forte diminution des financements de l'État, de l'ordre de 10 % en 2007 comme en 2008 et de 20 % en 2009. Certes, le recul des crédits consacrés à l'action culturelle de la France à l'étranger n'est pas nouveau mais elle atteint aujourd'hui une telle ampleur qu'elle touche désormais le coeur même de l'action culturelle extérieure.
En outre, la recherche de financements extérieurs auprès de partenaires privés donne lieu désormais à une forte concurrence entre les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, les directeurs de centres ou d'instituts culturels et les directeurs des Alliances françaises, comme on peut l'observer à New York ou en Inde.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité connaître le sentiment du secrétaire général de la Fondation Alliance française sur la création éventuelle d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger. Elle lui a notamment posé des questions sur l'exercice de la tutelle et le pilotage stratégique, la gestion des ressources humaines, la fusion des services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels et la relation entre les nouveaux établissements issus de cette fusion et les ambassades.
En réponse, M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, a apporté les précisions suivantes :
- à ce jour, la Fondation n'a jamais été consultée par le ministère des affaires étrangères et européennes sur la réforme en cours, ni sur le projet plus particulier de création d'une agence chargée de la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger ; elle ignore ce que pourraient en être les compétences, l'organisation, les financements et l'articulation avec la direction générale, en particulier la direction de la coopération culturelle et du français. Elle ne peut donc avoir d'avis sur la question ;
- si une telle agence venait à être créée, il faudrait s'interroger sur sa tutelle et sur son pilotage stratégique. À cet égard, il semble préférable d'avoir une seule tutelle, de préférence celle du ministère des affaires étrangères et européennes, car l'expérience montre que l'existence de plusieurs tutelles ministérielles aboutit en réalité à une absence de tutelle. Cela n'empêche pas pour autant de renforcer l'implication d'autres ministères, comme au premier chef le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi le ministère du commerce extérieur, en instituant, par exemple, un conseil d'orientation interministériel chargé de définir les orientations stratégiques. Il serait même possible d'étudier la présence au sein de ce conseil d'orientation d'un ministère comme celui de la défense, compte tenu des enjeux stratégiques de l'action culturelle extérieure.
La meilleure formule, claire et simple, serait une direction générale chargée de traduire les grandes orientations ainsi retenues en stratégies, de piloter l'ensemble du dispositif et d'assurer l'évaluation des actions menées, la mise en oeuvre étant confiée à quelques grands opérateurs tels que par exemple l'agence française de développement, l'agence pour l'enseignement du français à l'étranger, l'Alliance française et CulturesFrance.
- une réforme de la gestion des ressources humaines au sein du réseau culturel apparaît nécessaire, que ce soit en matière de recrutement, de formation ou de déroulement de carrière, laquelle semble aujourd'hui inadaptée aux besoins d'un réseau culturel moderne. À cet égard, l'idée de créer un corps spécifique, sur le modèle de l'Institut Goethe, mériterait d'être étudiée, de même que celle d'un renforcement de la formation initiale et continue. Il serait également envisageable d'adopter une certaine souplesse en matière de durée de mission dans les postes, qui serait variable selon les pays, allant, par exemple, de trois ans en Europe à six ans dans un pays demandant un fort investissement linguistique et culturel comme la Chine ;
- l'idée de fusionner les services de coopération et d'action culturelle des ambassades avec les centres et les instituts culturels n'est pas une nouveauté puisqu'avaient été instaurés naguère les centres de coopération culturelle (CCC), de même inspiration. Cependant, sa mise en oeuvre dans toutes les villes où n'existent que des Alliances françaises et non des centres culturels semble problématique. Il résulte d'entretiens avec un auditeur de la Cour des comptes qu'il conviendrait de mieux séparer associatif et administratif dans le réseau culturel extérieur français et de donner une plus large autonomie aux directeurs d'Alliances. La Fondation Alliance française a donné mandat à des délégués généraux pour coordonner l'action dans une quarantaine de pays ; à cette fin, elle a ouvert des comptes bancaires sur lesquels sont versées, afin de leur permettre de remplir cette mission, des subventions du ministère des affaires étrangères inscrites dans la programmation des postes. Dans deux ou trois cas, les services culturels ont été tentés de bénéficier de la souplesse et de la rapidité permises par le mode associatif (celui de la Fondation, en l'occurrence) pour mettre en oeuvre plus efficacement leur propre programmation culturelle, ce qui, selon les règles de la comptabilité publique, pourrait s'apparenter à une « gestion de fait » dans laquelle il sera mis bon ordre. Il n'en reste pas moins que, d'une façon plus générale, une clarification des relations entre les ambassades et les opérateurs semble nécessaire, dans le respect, pour ce qui concerne l'Alliance française, des conventions signées avec les ambassades, par lesquelles ces dernières fixent les priorités.
M. Yves Dauge a fait part de son inquiétude au sujet de la forte baisse des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure et s'est interrogé sur la possibilité pour l'État d'exercer dans ce contexte un véritable pilotage stratégique.
Mme Monique Papon s'est interrogée sur la reconnaissance des diplômes délivrés par les Alliances françaises, au regard de ceux décernés par le British Council.
M. Jean-Claude Jacq a indiqué que les diplômes de langue délivrés par les Alliances françaises étaient les diplômes officiels (Delf-Dalf) du ministère de l'éducation nationale et reconnus à ce titre à l'étranger.
M. Jack Ralite a souhaité revenir sur la fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, en rappelant que la moitié des centres et instituts culturels français en Allemagne avaient été fermés ces dernières années, ce qui constitue un réel motif de préoccupation. Il s'est demandé si l'interprétation éventuelle de la Cour des comptes d'une « gestion de fait » concernant certaines délégations générales n'entraînait pas des effets pervers en limitant à l'avenir les possibilités pour les services des ambassades de mener des actions de coopération culturelle par l'intermédiaire des Alliances françaises. Enfin, il a fait part de son inquiétude au sujet de la création éventuelle d'une agence et il a regretté que le mot « culture » n'apparaisse pas dans la dénomination de la nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.
M. Jean-Claude Jacq a rappelé que la suppression du terme « culture » datait de la création de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) et qu'elle avait déjà à l'époque provoqué un certain émoi au sein des milieux culturels.
Il s'est également déclaré préoccupé par un mouvement de fermeture des centres et des instituts culturels en Europe, si celui-ci devait se faire trop rapidement et sans étude préalable des possibilités de relève par une Alliance française. En effet, si une Alliance française peut prendre de manière tout à fait satisfaisante la suite d'un centre ou d'un institut culturel, comme récemment à Gênes, à Porto ou à Nairobi, cela ne peut s'appliquer partout en Europe de la même manière. Ainsi, au Luxembourg par exemple, le remplacement du centre culturel existant par une Alliance française n'apparaît guère possible, étant donné que les autorités locales offrent gratuitement aux adultes, dans un centre de langues public, des cours de langues étrangères, ce qui prive une Alliance française d'une possibilité essentielle de financement.
M. Jean-Pierre Plancade, président, ayant fait observer que la question centrale restait celle du financement, M. Jean-Claude Jacq, a confirmé que, malgré un poids très modique de l'action culturelle extérieure au sein du budget de l'État, la forte baisse des crédits consacrés à la promotion de la langue et de la culture françaises à l'étranger, qui résulte sans doute d'un manque de véritable volonté politique dans ce domaine depuis des décennies, créait une situation préoccupante pour l'avenir du rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde.
Audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel
(18 mars 2009)
La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'audition de M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a indiqué en préambule qu'il avait été chargé par le ministère des affaires étrangères de mener une étude comparative entre les dispositifs culturels extérieurs de la France et ceux de ses principaux partenaires européens, à savoir le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne. A la demande de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère, sa mission s'est élargie à la formulation de préconisations sur la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l'étranger.
Si les quatre réseaux culturels concernés par l'étude consacrent une place centrale à la promotion de la langue et de la civilisation de leur pays d'origine, il a pu néanmoins constater combien la conception du rayonnement culturel pouvait varier en fonction des différents pays. Les réseaux culturels espagnol et britannique, s'appuyant respectivement sur l'Institut Cervantès et le British Council, enregistrent les meilleures performances dans le domaine de l'enseignement linguistique. Le British Council apparaît comme la structure adoptant l'horizon stratégique le plus vaste dans la mesure où sa politique culturelle extérieure recouvre aussi bien le dialogue interculturel et le soutien à la promotion des industries culturelles britanniques que la lutte contre le réchauffement climatique.
Dans le cas français, le ministère des affaires étrangères intègre traditionnellement l'action culturelle extérieure dans des problématiques plus larges de soutien au développement économique et politique. C'est précisément cette logique d'une diplomatie d'influence envisagée dans sa globalité qu'illustre le rapprochement de la DGCID et de la direction des affaires économiques du Quai d'Orsay au sein d'une future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. La manière d'appréhender le lien entre culture et développement continue de susciter de nombreux débats en France. De l'équilibre entre une diplomatie culturelle au service d'une politique de coopération plus large et une politique culturelle extérieure qui met en avant l'autonomie et la spécificité de la sphère artistique dépendent le poids relatif et les compétences des différentes administrations en matière d'action culturelle extérieure.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a relevé ensuite la très grande complexité de l'organisation des tutelles du réseau culturel français à l'étranger, un réseau qui s'illustre principalement par sa dualité. Une grande partie de ce réseau repose, en effet, sur des initiatives locales de création d'alliances françaises dont certaines, bien qu'autonomes sur le plan de la gestion, sont subventionnées par le ministère des affaires étrangères dans le cadre de conventions. Quant aux centres et instituts culturels français à l'étranger, établissements publics disposant de l'autonomie financière, ils sont appelés à fusionner très prochainement avec les services de coopération artistique et culturelle (SCAC) des ambassades au sein des futurs « EspacesFrance ». Ces derniers demeureront soumis à l'autorité hiérarchique directe des postes diplomatiques français.
A titre de comparaison, les rapports entre le British Council et le ministère britannique des affaires étrangères (« Foreign Office ») obéissent au principe de la gouvernance dite à « longueur de bras » (« arm's length ») qui permet de concilier gestion décentralisée de l'action culturelle extérieure et coopération étroite sur le plan stratégique.
La situation matérielle des différents réseaux culturels extérieurs est extrêmement variable, notamment en termes de personnels et d'infrastructures. Se développe progressivement la notion de programmation « hors les murs » qui vise à privilégier l'investissement dans les équipes plutôt que dans les bâtiments. Dans le domaine de la formation des personnels, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a fait observer que les réseaux du Royaume-Uni et de l'Allemagne offraient de bien meilleures perspectives de carrière à leurs agents culturels à l'étranger.
Il a ensuite formulé trois principales préconisations dans la perspective d'une réforme de l'action culturelle extérieure de la France :
- afin de combattre la méconnaissance qu'a l'opinion publique française de son réseau culturel à l'étranger, il est impératif de renforcer l'effort en matière de communication, en s'appuyant notamment sur le pôle audiovisuel extérieur de la France ;
- la question de la formation et de l'amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l'étranger doit être une préoccupation centrale ;
- insuffisamment présente et compétitive dans le domaine des appels d'offre européens en matière de développement culturel, la France doit mettre l'accent sur la constitution de véritables équipes d'ingénierie culturelle au service d'une diplomatie d'influence.
Un large débat s'est ensuite engagé.
M. Josselin de Rohan, président, s'est tout d'abord interrogé sur le vaste périmètre d'intervention qui devrait être consenti au futur opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure de la France et sur l'accueil qui lui serait réservé dans les milieux culturels. S'agissant de sa tutelle, si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence doit être préservé, la réflexion devrait se poursuivre sur la place à accorder aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il a sollicité des précisions sur l'articulation sur le terrain entre les futurs établissements issus de la fusion des centres et instituts culturels et des SCAC et les ambassades, notamment en matière de promotion des industries culturelles.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a cité l'exemple du British Council qui fonctionne en grande partie comme un opérateur au service d'autres administrations que le ministère des affaires étrangères : près d'un tiers de son budget est ainsi constitué de subventions affectées à la réalisation de commandes spécifiques sollicitées par des organismes tiers investis dans la coopération technique. Or, en France, la coopération technique relève d'une agence spécifique, l'Agence française de développement (AFD). Le périmètre d'intervention d'une future grande agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger devrait comprendre la coopération universitaire et scientifique, qui constitue une des faiblesses de l'action culturelle extérieure de la France. Il a notamment souligné que les espaces « CampusFrance », en charge de la promotion de l'enseignement supérieur français et des échanges éducatifs, partagent déjà bien souvent des locaux avec les centres culturels français à l'étranger.
En matière de pilotage stratégique de la politique culturelle extérieure française, l'administration du ministère des affaires étrangères semble redouter qu'un système de co-tutelles ne dilue les responsabilités et n'entrave la définition de lignes directrices claires. En conséquence, il a estimé qu'un compromis satisfaisant résiderait dans la mise en place, au sein d'une agence placée sous la tutelle unique du Quai d'Orsay, de programmes spécifiques qui seraient cogérés par le ministère des affaires étrangères et d'autres ministères tels que le ministère de la culture.
La fusion des établissements publics culturels français et des SCAC au sein des « EspacesFrance » devrait être l'occasion de transformer le lien hiérarchique traditionnel avec les ambassades en un lien de tutelle qui réserverait à ces nouvelles structures une plus grande marge d'autonomie de gestion sur le terrain.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité des éléments d'information complémentaires sur les perspectives en matière de recrutement, de formation et de gestion des carrières au sein du réseau culturel française à l'étranger. Elle s'est également interrogée sur les obstacles susceptibles d'entraver l'émergence d'une grande agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que la formation des personnels en poste à l'étranger constituait le point noir du réseau culturel français. A titre d'exemple, les personnes appelées à diriger les centres culturels ne se voient offrir qu'un droit à une formation de cinq jours, réservé du reste aux primo-entrants, et ne bénéficient pas d'une formation spécifique à la gestion d'un établissement à autonomie financière. Dans ces conditions, les nouveaux arrivants s'appuient en grande partie sur les seuls conseils prodigués par leurs prédécesseurs et les personnes les plus expérimentées du réseau. Il a également souligné que la durée d'immersion des agents dans le pays d'accueil demeurait relativement courte, trois ans en règle générale, alors qu'elle est de cinq ans dans le cas des réseaux britannique, allemand et espagnol.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a insisté en particulier sur la nécessité de permettre à nos personnels en poste à l'étranger de renouer régulièrement le contact avec le milieu culturel français, le cas échéant en participant à des manifestations culturelles et des festivals organisés sur le territoire national, notamment en région. A ce titre, il a fait observer que les parcours professionnels au sein du Goethe Institut permettent aux agents de suivre au départ une formation de six mois au siège de Munich, suivie d'une formation de six mois en poste à l'étranger préalablement à la titularisation. Ils se voient ensuite régulièrement proposer de se replonger directement dans la culture allemande en participant à un grand événement culturel en Allemagne. Il revient donc à la France de concentrer ses efforts sur la formation continue de tous les personnels susceptibles d'intervenir dans la mise en oeuvre de sa politique culturelle extérieure, y compris les personnels en charge des affaires culturelles dans les collectivités territoriales et les personnels déconcentrés de l'État.
Il a ajouté que, si la création d'une agence culturelle en charge de l'influence culturelle française à l'étranger pouvait susciter un certain nombre de craintes de la part des administrations centrales concernées, le problème principal demeurait l'insuffisance des moyens consentis à l'action culturelle extérieure, notamment face à la nécessité de financer une programmation « hors les murs » en pleine croissance.
M. Yves Dauge a souhaité s'assurer que la gestion des personnels en charge de l'action culturelle extérieure relèverait désormais de la compétence de la future agence culturelle, y voyant là une rupture fondamentale. Il s'est interrogé sur la réelle marge de manoeuvre dont disposeraient les futurs « EspacesFrance » par rapport aux ambassades. Il a émis le souhait que la nouvelle agence en charge du rayonnement culturel puisse s'inspirer du modèle de gestion décentralisée du British Council et du Goethe Institut afin de décliner au mieux une stratégie nationale en fonction des spécificités régionales. Il a regretté l'absence de « gouvernail » stratégique dans la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France et a plaidé en faveur de la création d'un conseil d'orientation, en charge de la réflexion stratégique, auprès de la future agence.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que le rapprochement des conseillers de coopération et d'action culturelle (COCAC) et des SCAC au sein des « EspacesFrance » sous l'autorité hiérarchique des ambassadeurs devrait s'accompagner du maintien, voire du renforcement de l'autonomie de gestion des établissements publics culturels à l'étranger. Il a évoqué la possibilité que la future grande agence culturelle dispose d'antennes locales placées sous la tutelle des ambassades. Il a jugé que l'organisation décentralisée du British Council et du Goethe Institut se fondait sur un échelon régional de coordination intéressant, permettant d'appréhender plus précisément les problématiques propres à certains sous-ensembles géographiques. Il a également déploré que la France ait trop souvent tendance à naviguer à vue dans la conduite de sa diplomatie culturelle alors que ses principaux partenaires européens font un effort significatif de réflexion stratégique dans ce domaine. A titre d'exemple, le Royaume-Uni accorde une place importante à la promotion de ses industries culturelles en mettant en avant la dimension commerciale d'activités artistiques telles que le cinéma ou la musique. A cet égard, il s'est félicité de la volonté récemment manifestée par le ministère français de la culture de doubler le nombre des bureaux de soutien aux exportations de biens culturels.
M. Ivan Renar a souligné le développement significatif des échanges culturels entre les collectivités territoriales françaises et leurs homologues à l'étranger dans le cadre de la coopération décentralisée. Il a regretté que ce levier de l'influence culturelle française à l'étranger soit insuffisamment soutenu par l'administration centrale. Il a déploré la dimension culturelle relativement pauvre de notre chaîne internationale qui devrait multiplier les coups de projecteur sur les activités du réseau culturel français à l'étranger. Il a en outre plaidé en faveur d'un renforcement des partenariats entre la France et ses partenaires européens dans le domaine de l'action culturelle extérieure. Enfin, il s'est interrogé sur le statut juridique d'une grande agence culturelle, rappelant à ce titre qu'une proposition de loi, présentée par M. Louis Duvernois, prévoyait déjà sa transformation en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et avait été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.
M. Jean-Claude Étienne a considéré que l'insuffisante coordination des initiatives culturelles des collectivités territoriales françaises constituait une forme de gâchis et a regretté le manque d'intérêt des administrations centrales pour le levier majeur que constitue la coopération décentralisée. Il a fait observer que l'Espagne était à la pointe de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement de la langue espagnole à l'étranger. Il en résulte une relative modicité des coûts pour des actions phares de la politique culturelle extérieure de l'Espagne.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a regretté le manque de souplesse des parcours professionnels des agents culturels français à l'étranger et s'est interrogée sur les perspectives de carrière qui leur seraient ouvertes à l'avenir dans le cadre de la future agence culturelle.
En réponse à ces interrogations, M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a apporté les précisions suivantes :
- les échanges culturels menés dans le cadre de la coopération décentralisée connaissent une croissance significative, notamment au niveau des régions depuis 1992. La DGCID comprend une délégation pour l'action extérieure des collectivités locales dont le budget reste cependant insuffisant pour exercer un véritable effet de levier sur le développement des actions internationales des collectivités territoriales. Il a reconnu, par ailleurs, que le réseau culturel français à l'étranger était très peu sollicité dans la mise en oeuvre de projets de coopération décentralisée. Il a également déploré l'absence d'une plateforme d'information commune et centralisée qui permettrait de mieux identifier et coordonner les multiples initiatives lancées par les collectivités territoriales dans le domaine culturel ;
- une grande opération de communication sur le dispositif culturel de la France à l'étranger devrait mobiliser des chaînes internationales telles que France 24 ou Arte afin de médiatiser le parcours d'artistes formés et portés par le réseau culturel français ;
- grâce à des initiatives privées, des équipes internationales composées de professionnels européens de la culture ont été créées pour mener des opérations de formation en direction des futurs responsables culturels et directeurs de festivals européens ; il s'agit là d'un signe encourageant en faveur de l'émergence d'une véritable ingénierie culturelle de dimension européenne ;
- l'Espagne a en effet un temps d'avance dans l'enseignement de la langue via les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce qui témoigne d'un très haut niveau d'ambition en matière de promotion linguistique, notamment auprès de pays émergents à fort potentiel tels que le Brésil ; à l'heure actuelle, la France n'a pas les moyens de rattraper son retard dans ce domaine ;
- la forme juridique que pourrait prendre la future agence en charge de l'influence culturelle française à l'étranger fait encore l'objet de nombreuses réflexions et devrait être précisée par le ministre des affaires étrangères à l'occasion d'une prochaine communication ;
- il est impératif d'améliorer la fluidité des trajectoires professionnelles de nos personnels culturels, notamment entre les conseillers auprès des directions régionales des affaires culturelles et les directeurs d'établissements publics culturels français à l'étranger. Dans cette logique, le ministère de la culture pourrait être mieux associé à la politique de recrutement des personnels du réseau culturel français.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a fait remarquer que les postes de conseiller culturel des ambassades étaient en règle générale réservés à des fonctionnaires d'État disposant d'une formation en matière de diplomatie, certes de haut niveau mais peut-être trop classique. Il a noté, en outre, que les attachés culturels, bien souvent issus des personnels de l'éducation nationale, se voient offrir peu de possibilités de formation dans ce domaine. Il a donc plaidé en faveur d'un renouvellement de la politique de formation des personnels du réseau culturel français à l'étranger.
M. Bernard Faivre d'Arcier, consultant culturel, a reconnu que les diplomates de carrière ont généralement tendance à suivre une conception de l'influence culturelle en décalage avec les réalités locales du pays d'accueil. Il a également regretté que les personnels relevant du ministère de la culture soient insuffisamment sollicités pour animer le réseau culturel français à l'étranger.
Audition de M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles
(25 mars 2009)
La commission des affaires culturelles et la commission des affaires étrangères et de la défense ont procédé à l'audition de M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a rappelé en préambule que le contexte général de la répartition des compétences ministérielles en matière d'action culturelle extérieure de la France était marqué par l'héritage de la prépondérance du ministère des affaires étrangères. Le Quai d'Orsay conserve, en effet, un rôle quasi-exclusif dans la coopération avec les régions du monde relevant de l'ancienne zone de compétence du ministère de la coopération, devenue la zone dite de solidarité prioritaire, et de la francophonie, c'est-à-dire principalement l'Afrique, l'Océan Indien, les Caraïbes et l'ancienne Indochine. En outre, l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France reposent sur une division traditionnelle des tâches entre un ministère des affaires étrangères responsable du rayonnement de la culture française à l'étranger, dans une logique d' « export », et un ministère de la culture compétent pour l'accueil des cultures étrangères en France, dans une logique d' « import ». Ce « Yalta » qui structure de longue date l'organisation de l'action culturelle française internationale, ne rend toutefois plus compte de l'évolution des compétences respectives de chaque ministère liée aux mutations de l'environnement extérieur.
En matière de rayonnement culturel à l'étranger, le ministère de la culture intervient traditionnellement à quatre niveaux :
- l'accueil des cultures étrangères et l'accueil et la formation des professionnels culturels étrangers, via notamment le soutien aux festivals et aux événements culturels, dont l'accueil des cultures étrangères est l'objet premier, et le financement de CulturesFrance pour l'organisation de saisons culturelles étrangères en France, conjointement avec le Quai d'Orsay ;
- une fonction d'expertise, notamment en matière patrimoniale ;
- la coopération dans le domaine cinématographique conduite par le Centre national de la cinématographie ;
- la coopération dans le domaine du livre conduite par le Centre national du livre, le Bureau international de l'édition française et la Centrale de l'édition, coopération chiffrée à près de six millions d'euros dans le récent rapport sur la politique de soutien au livre français à l'étranger de MM. Olivier Poivre d'Arvor et Marc-André Wagner.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a ensuite expliqué que la montée en puissance du ministère de la culture dans la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure était moins le résultat d'une redistribution des rôles avec le ministère des affaires étrangères que le fait de l'européanisation et de la mondialisation des enjeux de politique et d'économie culturelles. Dans ce contexte, le ministre de la culture s'est vu reconnaître, dans les décrets d'attribution du 15 mai 2002 puis du 25 mai 2007, un rôle important en matière de rayonnement international de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie. Ce champ d'intervention élargi a été confirmé par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture et de la communication le 1 er août 2007.
Par ailleurs, cet élargissement de compétences est aussi le résultat de l'extension progressive des missions du ministère de la culture, comme l'adjonction à son périmètre de différents secteurs, anciennement le livre, la lecture et l'architecture, ou, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le rattachement de la direction du développement des médias, en charge de la gestion budgétaire de l'audiovisuel extérieur.
La participation croissante du ministère de la culture à la mise en oeuvre de l'action culturelle extérieure découle très largement de l'européanisation et de la mondialisation des questions culturelles qui ne sont plus exclusivement envisagées comme de stricts enjeux diplomatiques. A ce titre, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné que l'expertise du ministère de la culture était de plus en plus régulièrement sollicitée à l'occasion de négociations internationales portant sur les droits d'auteur et le piratage, la mise en oeuvre de la diversité culturelle qui se traduit par une réciprocité nécessaire entre l'accueil des cultures étrangères et le rayonnement international de la culture française, la circulation et la mobilité des collections, la coopération internationale en matière de lutte contre les vols et les trafics d'oeuvres culturelles, ou encore la mobilité des artistes.
Il a relevé, par ailleurs, le poids croissant de la dimension internationale de l'activité des opérateurs culturels, désormais indispensable à leur équilibre budgétaire et financier. Le rapport précité a en effet chiffré la part des revenus tirés de l'exportation pour les éditeurs de livres à 25 %.
Il a également fait observer que les ministères de la culture dans les autres pays s'investissent de plus en plus dans des activités à caractère diplomatique, aussi bien bilatérales que multilatérales, comme en témoigne l'implication des ministres de la culture dans le processus qui a conduit à l'adoption par l'UNESCO en 2005 de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné en outre l'implication accrue du ministère de la culture dans le soutien aux industries culturelles, premier vecteur d'accès à la culture, en particulier chez les jeunes. Le rôle des organismes de promotion des exportations de biens culturels à l'étranger, gérés directement par les professionnels concernés et fonctionnant principalement grâce au soutien du ministère de la culture, est à cet égard essentiel. Au nombre de ces structures figurent notamment TV France International pour l'exportation de programmes télévisuels français, UniFrance pour la promotion des films français à l'étranger, le Bureau export de la musique, l'AFEX (« Architectes français à l'export ») dans le domaine de l'architecture et de l'urbanisme et le Bureau international de l'édition française.
Le rôle de soutien de l'État aux exportations culturelles, qui se traduit notamment par une démarche de « lobbying » auprès de la Commission européenne et dans le cadre de négociations commerciales, est d'une nature profondément différente de celle de la coopération culturelle traditionnelle. Même si ces deux logiques participent d'une finalité commune qui justifie l'engagement de la puissance publique, à savoir le rayonnement de la culture française, il s'agit bien de deux métiers distincts qui doivent relever d'opérateurs différents.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a souligné l'interdépendance croissante des politiques culturelles internes avec des sujets européens transversaux tels que la fiscalité, les fonds structurels, les télécommunications ou encore les échanges universitaires. Il a insisté, en outre, sur le développement de l'activité internationale des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture, qui représentent près de 85 % de ses effectifs. Parmi ces établissements publics de plus en plus sollicités au titre de la coopération culturelle et de l'exportation du savoir-faire français, il a retenu les cas emblématiques des musées du Louvre et du Quai Branly.
Il a souligné le fait que la contribution de chacun des ministères à la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France est plus équilibrée qu'il n'y paraît : des synergies continuent à se développer entre un ministère des affaires étrangères gérant un réseau culturel à l'étranger dense et universel et un ministère de la culture disposant d'un vaste réseau d'opérateurs publics et d'associations professionnelles dont il est le partenaire privilégié.
Sur le plan administratif, l'action culturelle internationale ne pourrait être mieux traitée par un ministère unique, dont elle ne serait pas fonctionnellement la première priorité, dans la mesure où :
- au sein du ministère des affaires étrangères, la diplomatie politique et les questions stratégiques constituent le coeur de métier, de même que les questions de coopération économique et de développement au sens strict ;
- au sein du ministère de la culture, le poids des nombreux métiers de la culture et les enjeux de politique culturelle ne permettent pas à l'administration d'avoir toujours une pleine conscience de l'impact de la mondialisation sur les questions culturelles internes.
En conclusion, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que le ministère de la culture, dans l'élaboration d'une stratégie globale au service de la diplomatie française d'influence, devait porter ses efforts principalement sur les trois axes suivants :
- la poursuite du travail de regroupement budgétaire des crédits affectés à son action internationale. Au sein de la nomenclature budgétaire issue de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), l'action n° 6 « Action culturelle internationale » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » a ainsi permis de conférer aux crédits internationaux une meilleure visibilité et de faciliter les arbitrages au sein de cette enveloppe budgétaire. Néanmoins, cet exercice de rationalisation budgétaire est inachevé, dans la mesure où la coopération en matière d'archives, d'arts plastiques ou de livres n'est toujours pas prise en compte dans l'action n° 6 ;
- le recensement des priorités géographiques de ses opérateurs, la coordination de l'action internationale de ses établissements publics et la synthèse par zones géographiques de l'action du ministère, ce qui implique de doter les services qui en sont responsables des compétences et de la légitimité politique et administrative pour le faire ;
- l'articulation, dans un cadre interministériel, de son action avec celle du Quai d'Orsay afin de mieux prendre en compte les priorités stratégiques définies par ce dernier, ses capacités d'action sur le terrain à l'étranger, en même temps que les logiques économiques et les ambitions artistiques dont est porteur le ministère de la culture. Cette coopération interministérielle devrait comprendre un volet stratégique, soit dans un cadre de travail strictement bilatéral, soit dans le cadre plus formel d'un conseil interministériel, ainsi qu'un volet plus opérationnel au niveau d'un opérateur unique en charge de l'action culturelle extérieure placé sous la cotutelle effective des deux ministères.
Un large débat s'est ensuite engagé.
M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord voulu recueillir le sentiment personnel de l'inspecteur général sur l'inclusion de la coopération universitaire, technique et scientifique, dans le périmètre d'intervention de la future agence en charge du rayonnement culturel de la France à l'étranger, et sur l'accueil qui serait réservé à un champ de compétences aussi vaste dans les milieux culturels. Puis il s'est demandé si le rôle directeur du Quai d'Orsay dans le pilotage stratégique d'une telle agence devait être préservé, ou si des responsabilités pourraient être consenties aux ministères de la culture, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'éducation nationale. Enfin, il s'est interrogé sur l'opportunité de mettre à la disposition de cette agence les futurs établissements « EspacesFrance », issus de la fusion des instituts et centres culturels et des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades, et sur les conséquences que cela pourrait avoir pour le rôle de l'ambassadeur en matière culturelle.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que l'association CulturesFrance, à partir de laquelle devrait être créée la future grande agence culturelle, reposait sur des missions stratégiques précises principalement de trois ordres :
- la promotion de la création artistique française contemporaine et de la culture française à l'étranger ;
- la réponse à la « demande de France » exprimée à l'étranger ;
- la valorisation de la culture comme outil d'influence au service de la diplomatie française.
Il a jugé, à titre personnel, qu'intégrer la coopération universitaire, scientifique et technique dans le périmètre d'intervention de l'agence présenterait l'inconvénient principal d'affaiblir sa vocation culturelle première.
Placer le futur opérateur en charge de l'influence culturelle française à l'étranger sous la tutelle du seul ministère des affaires étrangères conduirait à maintenir le cloisonnement qui caractérise traditionnellement la conduite de la diplomatie culturelle française. Étant donné l'interconnexion croissante des enjeux politiques, économiques et culturels dans le cadre de la mondialisation, les ministères de la culture et des affaires étrangères doivent travailler conjointement.
Il a ajouté que le ministère de la culture est un « client » traditionnel du réseau culturel français à l'étranger, tant au titre de son rôle de facilitateur et de point de contact auprès des professionnels de la culture que pour les capacités d'influence des postes à l'étranger auprès des autorités de leurs pays de résidence sur des sujets de politique culturelle tels que, par exemple, les droits d'auteur ou les échanges commerciaux de biens culturels. À titre personnel, M. Benoît Paumier a considéré que le réseau culturel français à l'étranger pourrait utilement être mis à la disposition de la future agence, il s'est déclaré convaincu qu'il était en tout état de cause nécessaire qu'un expert des questions culturelles soit en mesure d'exercer une fonction de conseil direct auprès de l'ambassadeur.
Considérant avant tout l'action culturelle extérieure comme le vecteur privilégié de la promotion de la langue et de la culture françaises, M. Louis Duvernois a insisté sur la nécessité d'opérer un rapprochement entre les ministères des affaires étrangères et de la culture dans le pilotage stratégique de la présence culturelle française à l'étranger. Il a estimé indispensable de dépasser la logique d'affichage développée autour de l'annonce de la création d'une future agence en charge du rayonnement culturel extérieur, pour répondre plus concrètement aux problèmes de financement auxquels se trouve confronté le dispositif culturel français à l'étranger, qui ne peut plus désormais remplir ses objectifs sur le terrain et répondre de façon convaincante à une concurrence croissante.
Il a exprimé le souhait que l'opérateur unique de l'action culturelle extérieure soit placé sous la cotutelle effective du Quai d'Orsay et du ministère de la culture, comme le prévoit déjà explicitement la proposition de loi, dont il est l'auteur, qui vise à transformer CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et qui a été adoptée à l'unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007.
Il s'est ensuite interrogé sur l'équilibre optimal à privilégier entre les responsabilités des deux ministères dans le cadre d'une cotutelle, en rappelant la nécessité d'établir un dialogue stratégique interministériel constant, afin de ne pas répéter les erreurs commises dans la gestion de l'audiovisuel extérieur de la France.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a jugé que le passage de CulturesFrance d'un statut associatif à celui d'établissement public à caractère industriel et commercial permettrait en effet d'assurer une gestion à la fois souple et responsable de l'opérateur, dans le cadre de règles claires de la comptabilité publique, sous l'autorité directe de l'État. La cotutelle lui garantirait la possibilité de développer des synergies avec les autres opérateurs et établissements publics rattachés aux deux ministères. Il a ajouté que la coopération interministérielle devrait intervenir non seulement au niveau du pilotage opérationnel de l'agence, mais également au niveau du pilotage stratégique et de la définition des priorités diplomatiques.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a relevé qu'un modèle fréquemment avancé dans la réflexion sur la création de la future agence culturelle est celui de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Cet établissement public administratif est placé sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères sans que cela empêche une coopération très étroite avec le ministère de l'éducation nationale. Elle s'est dès lors interrogée sur l'articulation entre une diplomatie au service de la diffusion de la culture française et une action culturelle extérieure au service des intérêts diplomatiques dans le cadre d'une tutelle unique. Elle s'est inquiétée, en effet, des lourdeurs de fonctionnement qu'occasionnerait un système de cotutelle, comme l'a démontré l'expérience de la gouvernance de Radio France Internationale (RFI). Elle a suggéré que la participation d'autres ministères se traduise plutôt dans la composition du conseil d'administration ou dans le cadre d'un comité interministériel consultatif auprès de l'établissement.
Elle a souligné que le problème principal du réseau culturel de la France à l'étranger résidait dans la gestion de ses ressources humaines. Elle a proposé de lancer une réflexion sur la création d'un corps d'animateurs culturels de haut niveau, commun aux ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, afin de mettre à la disposition du réseau culturel des agents aux profils universitaires et culturels variés, qui pourraient poursuivre une carrière transversale sur la base de passerelles entre les structures des différents ministères. Ces « officiers » culturels pourraient ainsi voir l'expérience acquise au sein du réseau culturel validée et valorisée, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas des personnels mis à disposition par les corps des différents ministères.
Elle a estimé que l'impossibilité de distinguer l'action culturelle extérieure et l'accueil des étudiants étrangers en France plaidait pour l'intégration de la coopération universitaire et scientifique dans le champ d'intervention de la future agence.
Elle a insisté enfin sur la nécessité d'associer, le cas échéant au sein de la future agence en charge du rayonnement culturel extérieur de la France, le pôle audiovisuel extérieur à la mise en oeuvre de la politique d'influence culturelle, linguistique, scientifique et technique.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a rappelé que la culture représentait aussi un secteur dynamique de l'économie qui doit avoir son importance propre. Il a indiqué que le ministère de la culture était déjà conduit à collaborer régulièrement avec les organismes de coopération universitaire EGIDE et EduFrance qui s'imposent comme des prestataires de service incontournables pour l'accueil des étudiants spécialisés dans la culture et des artistes et professionnels étrangers. Dans le cas où la coopération universitaire, scientifique et technique serait intégrée dans le champ d'intervention de la future agence culturelle, il a exprimé, à titre personnel, la crainte que les arbitrages entre l'enseignement supérieur et la culture se fassent au détriment de cette dernière.
Partageant le constat selon lequel il convient de trouver une meilleure adéquation entre les profils professionnels et les postes occupés, il a toutefois insisté sur la nécessité que les agents occupant les postes culturels à l'étranger soient suffisamment en synergie avec les milieux culturels et la création française. Cela semble a priori peu compatible avec la constitution d'un corps spécifique d'animateurs culturels à l'étranger qui suppose une gestion des carrières sur le long terme. La véritable valeur ajoutée de la coopération culturelle doit être recherchée dans l'interactivité entre les postes relevant des différents ministères impliqués, aussi bien en interne en France qu'à l'étranger. Il a estimé que le ministère de la culture devrait être davantage sollicité pour la formation des agents du réseau culturel français à l'étranger mis à disposition par l'éducation nationale pour la plupart d'entre eux. Il a regretté, par ailleurs, que la durée d'immersion des agents culturels dans le pays d'accueil demeure aussi courte, trois ans en règle générale. C'est pourquoi il a jugé qu'une réflexion statutaire s'imposait, afin de garantir la continuité des parcours professionnels.
L'expérience de cotutelle dans le fonctionnement de RFI n'est certes pas une réussite ; toutefois, il existe des exercices positifs de cotutelle de certains établissements publics, notamment entre le ministère de la culture et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche comme c'est le cas du musée du Quai Branly ou de la Cité des sciences et de l'industrie. Il a estimé que les inconvénients qu'il y aurait à cloisonner les actions des ministères des affaires étrangères et de la culture en matière de rayonnement culturel extérieur seraient plus importants que les lourdeurs administratives découlant d'un système de cotutelle.
Néanmoins, dans l'hypothèse où la tutelle du futur opérateur en charge de l'action culturelle extérieure serait réservée au seul ministère des affaires étrangères, il a jugé indispensable la mise en place de comités de pilotage conjoints ou la participation du ministère de la culture à des conférences régionales de discussion stratégique afin de garantir un espace de dialogue interministériel. Cependant, il a fait observer que ce type d'enceinte, moins formalisé que la cotutelle, a tendance à s'essouffler dans le temps.
Mme Catherine Tasca a rappelé que l'intérêt de la culture ne tient pas prioritairement à son poids économique et commercial mais réside bien plus dans les enjeux de société auxquels elle est associée. Elle a ensuite souligné que la rénovation du dispositif français d'action culturelle extérieure s'inscrivait dans une réforme plus globale du ministère des affaires étrangères à travers la création de grandes directions générales d'administration centrale puissantes. Elle s'est alors interrogée sur la place de l'action internationale du ministère de la culture dans le cadre de cette nouvelle configuration administrative du Quai d'Orsay. Elle s'est également inquiétée de la diminution constante des moyens financiers consacrés à la politique culturelle extérieure. S'agissant du pilotage stratégique, elle a jugé indispensable qu'un espace de négociation interministérielle soit aménagé à l'extérieur de l'agence, sur le modèle de l'ancien Conseil de l'action audiovisuelle extérieure de la France. Elle a ajouté que la coopération entre ministères en matière de rayonnement culturel pouvait également reposer sur un système de conventions. En outre, elle a sollicité des précisions sur l'implication du ministère de la culture dans la conduite de la politique francophone de la France. Enfin, elle a souhaité connaître l'avancée de la réflexion au sein du ministère de la culture sur la mise en place de passerelles entre différents ministères dans les parcours professionnels des agents publics spécialisés dans la culture.
En réponse à ces observations, M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a apporté les précisions suivantes :
- les biens et services culturels se caractérisent par leur double nature intrinsèque, qui repose tant sur leur dimension commerciale que sur leur importance en tant que vecteurs d'identité des sociétés humaines, spécificité consacrée par la convention de l'UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ;
- les activités internationales du ministère de la culture relevaient initialement du seul département des affaires européennes et internationales, placé jusqu'en 2003 sous la responsabilité du cabinet. En vue de développer des synergies avec les services de l'administration centrale du ministère de la culture, il a été rattaché à la délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI) créée en 2003. Afin de conférer plus de légitimité administrative et politique à l'action internationale du ministère de la culture, en particulier par rapport au Quai d'Orsay, le département des affaires européennes et internationales est appelé à devenir, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, une sous-direction des affaires internationales intégrée au sein d'un service des affaires juridiques et internationales, lui-même relevant d'un secrétariat général. Cette sous-direction devrait avoir la charge de coordonner l'action internationale des différentes directions administratives comme celle des multiples établissements publics placés sous la tutelle du ministère ;
- en ce qui concerne les relations avec le ministère des affaires étrangères, la mise en place d'un conseil d'orientation stratégique auprès de la future agence en charge du rayonnement culturel, soit dans un cadre bilatéral, soit ouvert à des personnalités extérieures, serait une bonne solution. La pratique de la coopération avec d'autres ministères sur la base de conventions, dans des domaines tels que la santé ou encore la justice, a produit des résultats satisfaisants, à la condition que les parties travaillent dans un esprit de réelle égalité ;
- la politique francophone de la France continue de relever principalement du service des affaires francophones du Quai d'Orsay, appelé à être intégré à la future direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats. Le ministère de la culture intervient cependant également en matière de promotion de la langue française à l'étranger, notamment dans le cadre de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) et du soutien à certaines opérations de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) en faveur de la diversité culturelle.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a rappelé que la DGLFLF était, à l'origine, un service interministériel rattaché au Premier ministre avant de relever désormais du ministère de la culture. Il s'est félicité de sa future transformation en une délégation interministérielle placée directement auprès du ministre de la culture, dans le cadre de la réorganisation du ministère.
M. Michel Thiollière a regretté que l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique culturelle extérieure de la France prennent insuffisamment en compte les attentes des agents culturels et des partenaires sur le terrain à l'étranger. Il a souligné, en particulier, le manque préoccupant de moyens du dispositif culturel français à l'étranger, notamment en termes de biens culturels comme des livres ou des films français. Il a, dès lors, appelé à réunir au sein d'une même instance les collectivités territoriales, les associations et les partenaires privés afin de démultiplier leur capacité à soutenir les acteurs du réseau culturel français à l'étranger à travers le mécénat.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a indiqué que les postes culturels à l'étranger ont régulièrement recours au mécénat au niveau local, auprès d'entreprises françaises comme d'entreprises locales francophiles, mais que cet exemple ne pouvait être généralisable à tous les pays. Il a ajouté que la coopération décentralisée constituait un levier potentiellement très dynamique de l'action culturelle extérieure de la France.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga a précisé que la proposition évoquée précédemment de constitution d'un corps d'agents spécifiquement dédié à l'animation culturelle, scientifique et technique à l'étranger devrait concerner des personnels travaillant aussi bien à l'étranger qu'en France, en aménageant des passerelles entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture, comme par exemple entre les postes culturels à l'étranger et les directions régionales des affaires culturelles en France. En tout état de cause, il importe que ces agents soient non seulement conscients des tendances de la création artistique contemporaine, mais disposent également de compétences spécifiques en matière de gestion d'établissements publics.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a rappelé que les commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères et de la défense partageaient le souhait de voir consacrée la présence culturelle française à l'étranger comme vecteur de la diplomatie française d'influence et du dialogue interculturel dans le monde. Il a dès lors appelé au renforcement de la concertation interministérielle entre les ministères des affaires étrangères, de la culture, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment en matière de francophonie et de diversité linguistique et culturelle. En ce qui concerne la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger, il a toutefois regretté que la France n'ait pas été suffisamment attentive et réactive face à la concurrence accrue sur le marché mondial de la formation universitaire et professionnelle.
M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense, a souligné que l'attractivité de l'enseignement supérieur français était tributaire de la qualité de l'accueil et des enseignements au sein des universités françaises, déplorant à cet égard le retard inquiétant accusé par la France par rapport à ses principaux concurrents comme le Royaume-Uni et l'Allemagne. Il a ensuite sollicité des précisions sur la conduite de l'action culturelle extérieure par des pays ne disposant pas de ministère de la culture à proprement parler, comme les États-Unis.
M. Benoît Paumier, inspecteur général des affaires culturelles, a fait observer que le nombre de pays ayant créé un ministère de la culture en charge de la promotion de l'identité culturelle et des industries culturelles nationales, inspiré du modèle français, avait considérablement augmenté, et que le ministère de la culture et de la communication avait démontré son utilité en matière de diplomatie culturelle, sur des sujets aussi divers que la mise en oeuvre de la présidence française de l'Union européenne, le combat pour la diversité culturelle, ou encore l'accord sur le Louvre d'Abu Dhabi. Si les États-Unis ne possèdent pas de département ministériel à part entière en charge de la culture, la réalité économique et commerciale est telle que la diffusion de la culture américaine, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, est extrêmement dynamique.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a estimé que la diplomatie culturelle française ne trouverait un nouveau souffle qu'à la condition de répondre au « désir de France » exprimé localement dans les différents pays d'accueil. Il a rappelé que les commissions des affaires culturelles et des affaires étrangères et de la défense seraient particulièrement attentives aux objectifs de réforme prochainement annoncés par le Quai d'Orsay et qu'elles s'efforceraient de participer étroitement à la réflexion sur la réorganisation du dispositif culturel de la France à l'étranger.
Audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats
(12 mai 2009)
La commission des affaires étrangères et de la défense et la commission des affaires culturelles ont procédé à l'audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère des affaires étrangères et européennes.
Accueillant M. Christian Masset, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre des auditions conjointes des deux commissions portant sur l'action culturelle extérieure de la France. Il a souhaité revenir sur la réforme du ministère des affaires étrangères et européennes, présentée par le ministre M. Bernard Kouchner, le 25 mars dernier, et sur ses implications en matière de diplomatie culturelle, concernant notamment la création prochaine d'une nouvelle agence, dénommée « Institut français », chargée de l'action culturelle extérieure.
M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes, a indiqué, en préambule, que la crise économique mondiale avait à la fois pour conséquence une reconfiguration de la planète autour d'un monde multipolaire mais également une forte volonté d'affirmation des identités nationales et un retour aux racines, comme l'illustrait le fait que la culture soit le secteur le plus épargné par cette crise.
Estimant que la question essentielle était de savoir si cette reconfiguration du système international serait conflictuelle ou bien facteur de progrès, il a considéré que la culture avait un rôle essentiel à jouer pour favoriser la seconde solution et que la France avait une carte à jouer dans ce domaine, comme en témoignait son action au service de la diversité culturelle, consacrée par la convention adoptée dans le cadre de l'UNESCO.
Il a souligné que la création, au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, d'une direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats avait pour double objectif, d'une part, d'encourager une mondialisation mieux régulée et plus solidaire et, d'autre part, de faire en sorte que la France soit une référence dans ce nouveau monde multipolaire, non pas en imposant son propre modèle, mais en offrant une réelle alternative, qu'il s'agisse de la culture, de la création artistique, du cinéma et de l'audiovisuel, du livre ou encore de la langue française.
Pour ce faire, il a estimé indispensable de croiser différentes dimensions, comme la culture et le développement, par exemple en apportant un soutien au cinéma africain, la culture et l'économie, comme l'illustrent les saisons culturelles croisées, la culture et l'enseignement ou encore la culture et les enjeux globaux, tels que l'environnement ou les migrations.
Il a également souligné que la mise en place d'une direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats, aux côtés d'une direction générale chargée des affaires politiques et stratégiques et d'une direction générale chargée de l'administration, reposait sur l'idée que l'action culturelle faisait pleinement partie du coeur de métier des diplomates du Quai d'Orsay, au même titre que le service des relations internationales.
Il a indiqué que, si le terme de culture ne figurait pas dans la dénomination de cette nouvelle direction générale, comme c'était d'ailleurs déjà le cas dans l'appellation de l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement, une des quatre directions de la direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats était spécifiquement chargée de la culture et du français.
M. Christian Masset a ensuite rappelé que la création de cette nouvelle direction générale, qui s'inscrivait dans le cadre de la réforme globale du ministère des affaires étrangères et européennes, issue du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France et des travaux de la révision générale des politiques publiques et présentée par le ministre, M. Bernard Kouchner, le 25 mars dernier, constituait une première étape et qu'une seconde étape serait réalisée avec la mise en place de nouveaux opérateurs, parmi lesquels un nouvel opérateur chargé de la mobilité et de l'expertise internationale, issu du rapprochement entre CampusFrance, EGIDE et France Coopération Internationale, et une agence dénommée « Institut français » chargée de l'action culturelle extérieure, qui seraient regroupés au sein d'une « maison des opérateurs ».
Il a indiqué qu'un comité de préfiguration de cette future agence, regroupant différentes personnalités du monde de la culture, des représentants des administrations concernées et des parlementaires avait été institué et qu'il devrait remettre ses conclusions en juin, dans la perspective de la réunion des États généraux de l'action culturelle extérieure, qui devraient se dérouler en juillet.
Il a également précisé qu'un projet de loi relatif à la création de cette agence, serait déposé au Parlement, vraisemblablement à l'automne, afin que celle-ci puisse commencer à fonctionner l'an prochain.
M. Christian Masset a estimé que les trois principaux sujets sur lesquels devraient se prononcer les membres du comité de préfiguration seraient le périmètre de la future agence, étant entendu qu'un autre opérateur serait chargé de la mobilité et de l'expertise internationale, les liens de l'agence avec le réseau culturel et la question de la tutelle ministérielle sur cet organisme.
Il a considéré également que, en dehors de ces trois sujets importants, quatre autres questions essentielles mériteraient d'être évoquées.
La première question porte sur les relations avec le ministère de la culture et de la communication. Quelle que soit la formule retenue pour la tutelle de la future agence chargée de l'action culturelle, avec notamment la question d'une tutelle unique ou d'une co-tutelle, il est, bien entendu, indispensable que le ministère des affaires étrangères et européennes entretienne des relations étroites avec le ministère de la culture et de la communication, notamment afin d'assurer une cohérence entre l'action culturelle nationale et internationale. Il est donc nécessaire de trouver la bonne manière de renforcer la coopération avec le ministère de la culture et de la communication.
La seconde interrogation concerne le réseau culturel.
À cet égard, le débat ne porte pas tant sur l'intérêt de conserver les centres ou instituts culturels et une action culturelle « hors les murs », étant donné que cela dépend largement de la situation de chaque pays, le continent européen se prêtant davantage à une action culturelle « hors les murs » que le continent africain, où le centre culturel français représente souvent le seul accès à la culture. Il s'agit plutôt de renforcer la visibilité et la lisibilité du réseau, notamment en fusionnant, au sein d'un établissement unique, les services de coopération et d'action culturelle des ambassades et les centres ou instituts culturels, et, à cet égard, l'idée d'un label unique, sur le modèle du Goethe Institut ou du British Council va dans le bon sens. Il s'agit également de trouver la bonne articulation avec le réseau des Alliances françaises, qui ont vocation à demeurer autonomes et qui, par leur nature même, témoignent de la forte attente étrangère à l'égard de la France. Sur ce point, il convient de préciser qu'il n'y a plus aujourd'hui de « doublons » entre les alliances françaises et les centres ou instituts culturels. Enfin, le réseau doit « respirer », avec à la fois des fermetures et des ouvertures, comme en Irak, en Chine, dans les territoires palestiniens ou les pays d'Europe orientale.
Une troisième question essentielle concerne la gestion des ressources humaines. Le principal enseignement de l'étude comparative menée par M. Bernard Faivre d'Arcier tient, en effet, à la mise en lumière des insuffisances du système français en matière de formation. On peut penser, d'autre part, que la future agence aura un rôle important à jouer dans ce domaine. Il est également nécessaire de trouver le juste équilibre en ce qui concerne la durée d'affectation, afin qu'elle ne soit ni trop courte ni trop longue. Enfin, se pose aussi la question du statut des personnels et de l'égalité de traitement avec les autres personnels détachés du ministère des affaires étrangères et européennes ou de l'État.
Enfin, la dernière interrogation porte sur le financement. À cet égard, malgré une relative stabilité des crédits du ministère des affaires étrangères et européennes, on constate toutefois un déséquilibre entre les contributions multilatérales, qui sont en progression, au détriment des actions bilatérales, ce qui se traduit par d'importantes baisses de subventions dans certains postes. Or, la question du financement est essentielle au moment où il est question d'engager une réforme ayant pour objectif de constituer une agence et un réseau culturels ambitieux.
À cet égard, le ministre des affaires étrangères et européennes a obtenu du Président de la République et du Premier ministre un financement supplémentaire de 40 millions d'euros spécifiquement destiné à l'action culturelle extérieure, dont 20 millions d'euros pour 2009 et 20 millions d'euros pour 2010, ce qui permettra de financer certaines actions conduites par les postes et de leur offrir une meilleur visibilité à moyen terme.
Sur ce point, il n'existe pas de véritable corrélation entre l'existence d'une agence et les financements consacrés à l'action culturelle extérieure, puisque, si on se réfère aux modèles étrangers, tels que le British Council, le Goethe Institut ou l'Institut Cervantes, on constate que les financements versés à ces organismes dépendent surtout de la situation des finances publiques des pays concernés. A cet égard, le rôle de l'ambassadeur est souvent fondamental concernant la levée de fonds privés pour financer des actions culturelles, comme on peut le constater à Rome, aux États-Unis d'Amérique ou à Singapour.
En conclusion, se référant au dernier numéro du magazine The Economist , qui vante les mérites du modèle français par rapport aux modèles allemand ou britannique, M. Christian Masset a indiqué que la France n'avait pas à rougir de son propre modèle culturel, qui est d'une valeur exceptionnelle et qui doit être préservé même s'il nécessite d'être réformé, chaque modèle national ayant par ailleurs ses qualités et la diversité étant dans ce domaine une richesse.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a rappelé que la France avait été à l'origine de l'invention de la diplomatie culturelle, avec la création, à la fin du XIX e siècle, des Alliances françaises, qui avaient servi de modèles au British Council et au Goethe Institut, et qu'il ne fallait donc pas nourrir de complexes.
Il a également estimé que, avant d'étudier les structures, il fallait au préalable s'interroger sur les objectifs assignés à l'action culturelle extérieure.
Rappelant les nombreux travaux déjà réalisés et l'intérêt manifesté de longue date par les sénateurs, il a indiqué que le Sénat serait très vigilant et actif dans ce débat.
Relevant que M. Christian Masset était plutôt favorable à l'idée d'une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes sur la future agence chargée de l'action culturelle extérieure, mais qu'il souhaitait dans le même temps associer davantage le ministère de la culture et de la communication, il s'est interrogé sur la manière de renforcer la place du ministère de la culture et de la communication et celle des autres ministères, comme celui de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Christian Masset a répondu que le ministère des affaires étrangères et européennes avait la volonté d'établir un véritable partenariat avec l'ensemble des ministères intéressés, et, en premier lieu, avec le ministère de la culture et de la communication, en matière d'action culturelle extérieure, mais que la question se posait sur le moyen de concilier ce souhait avec le souci de garantir l'efficacité du dispositif.
À cet égard, il a estimé que la co-tutelle était un système qui fonctionnait moins bien qu'une tutelle unique, mais que cela ne voulait pas dire pour autant que les autres ministères ne devaient pas être associés, par exemple en étant représentés au sein du conseil d'administration ou bien en créant un conseil d'orientation stratégique, qui associerait différents ministères, sur le modèle de ce qui existe pour l'aide publique au développement.
Il a également jugé qu'il serait souhaitable d'associer les professionnels et d'autres personnalités du monde de la culture, par exemple au sein d'un conseil scientifique.
Soulignant que toute réforme imposée d'en haut serait vouée à l'échec si elle n'associait pas étroitement les personnels du réseau culturel, M. Louis Duvernois s'est interrogé sur le choix de la dénomination de la future agence.
Estimant que la question de la gestion des ressources humaines était un point clef, il s'est également interrogé sur les responsabilités qui pourraient être confiées à la future agence en ce qui concerne le recrutement et la formation des agents ou la gestion des carrières.
En réponse, M. Christian Masset a indiqué que la réforme du ministère des affaires étrangères avait fait l'objet d'une vaste consultation des personnels, notamment dans le cadre des travaux préparatoires du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.
Il a précisé que la consultation des agents du réseau avait conduit le ministre à proposer de dénommer « Institut français » la future agence, alors que, au départ, ce dernier avait plutôt exprimé sa préférence pour le nom d'un grand écrivain français. Il a indiqué que la décision finale quant au choix de la dénomination de l'agence serait prise par le ministre, sur la base des propositions qui seront formulées par le comité de préfiguration.
Convenant que la gestion des ressources humaines était un point essentiel, il a estimé que la question de savoir si cette tâche devait être confiée à la future agence dépendait étroitement du contrôle qu'elle exercerait ou non sur le réseau culturel.
Il a indiqué qu'il avait personnellement le sentiment que les inconvénients d'un rattachement du réseau culturel à l'agence l'emportaient sur ses avantages. Le réseau est celui de tous les opérateurs et non d'un seul.
Il a donc jugé personnellement préférable de conserver une distinction entre l'agence, d'une part, et le réseau, d'autre part, qui serait rationalisé par la création d'un établissement unique, sous l'autorité de l'ambassadeur, issu du regroupement des services de coopération et d'action culturelle et des centres ou instituts culturels.
M. Yves Dauge s'est demandé si la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, le périmètre réduit à l'action culturelle proprement dite de la future agence et l'absence de contrôle de l'agence sur le réseau n'aboutiraient pas à vider de sa substance la réforme et même à un recul par rapport à la création de CulturesFrance. Il s'est interrogé sur l'avenir de CampusFrance, dans l'hypothèse où la future agence ne serait pas chargée de la mobilité des étudiants et des professeurs.
Il a estimé indispensable, y compris dans l'hypothèse où le ministère des affaires étrangères conserverait la tutelle sur la future agence, de renforcer la place du ministère de la culture et celle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, de développer des partenariats avec les grands établissements culturels français et avec les collectivités territoriales.
Rappelant que l'action culturelle extérieure avait fait l'objet d'une forte baisse de ses crédits, de l'ordre de 10 % en 2009, et que, selon le document de programmation triennale, cette diminution devrait se poursuivre en 2010 et en 2011, ce qui avait été unanimement dénoncé par le Sénat lors de la discussion de la dernière loi de finances, M. Yves Dauge a fait part de ses préoccupations au sujet du calendrier de la réforme et de son articulation avec la discussion de la prochaine loi de finances.
Il a également rendu hommage à l'action des agents du ministère et du réseau culturel qui, malgré cette diminution drastique des financements et du manque de soutien de leur administration, réalisent un travail remarquable et s'efforcent de maintenir une présence culturelle de la France à l'étranger.
Enfin, au sujet de la convention sur la diversité culturelle adoptée dans le cadre de l'UNESCO, il a regretté que la France, après avoir joué un rôle majeur lors de son adoption, ne soit pas assez impliquée dans sa mise en oeuvre concrète.
M. Christian Masset a indiqué qu'il était sensible à l'hommage rendu aux agents du ministère et du réseau culturel, qui réalisent un travail remarquable malgré des conditions souvent difficiles, avec une forte diminution des crédits dans certains postes.
Il a ensuite précisé que le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, avait depuis longtemps manifesté son vif intérêt pour l'action culturelle extérieure, qu'il s'était personnellement beaucoup investi sur ce volet dans le cadre de la réforme du ministère, la plus importante engagée au cours de ces vingt dernières années, et qu'il avait réussi à obtenir du Président de la République et du Premier ministre une enveloppe supplémentaire de 40 millions d'euros spécifiquement destinée à la coopération culturelle extérieure.
Ces 40 millions d'euros supplémentaires, dont une moitié sera versée en 2009 et l'autre en 2010, devraient servir à financer quelques grands projets sélectionnés à partir des propositions des différents postes, en particulier dans le domaine de la numérisation, où la France accuse un retard par rapport à ses partenaires, notamment l'Espagne, ou encore pour la formation des agents.
S'agissant du périmètre de la future agence, il a rappelé que les conseils de modernisation, à l'issue des travaux de la révision générale des politiques publiques, avaient décidé la création d'un nouvel opérateur chargé de la mobilité internationale, à partir du rapprochement entre CampusFrance, EGIDE et le GIP France coopération internationale (FCI). Il a jugé nécessaire de centrer l'action de chaque opérateur sur son coeur de métier.
Dans le prolongement des propos de M. Yves Dauge, Mme Catherine Tasca a également fait part de sa préoccupation au sujet du calendrier de cette réforme et insisté sur la nécessité d'accélérer sa mise en oeuvre, compte tenu de l'inquiétude qui pèse sur les agents du réseau culturel à propos du contenu précis de cette réforme.
Elle a également fait part de son étonnement, à la lecture des documents de présentation de la réforme, quant à l'absence de référence à la politique culturelle dans les missions du ministère des affaires étrangères et européennes et dans la définition des attributions de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats.
Relevant que le nom d' « Institut français » provenait sans doute de la transposition du « Goethe Institut », alors que le terme d' « institut » n'a pas la même signification en français et en allemand, elle a fait par de ses doutes sur le choix de cette appellation.
En réponse, M. Christian Masset a confirmé que le terme d'« Institut français » était celui utilisé en Allemagne pour qualifier les instituts ou centres culturels français, tout en précisant qu'aucune décision définitive n'avait été prise à ce stade.
Il a indiqué que, si la direction générale chargée de la mondialisation, de la culture et des partenariats regroupait des services et des agents d'horizons très variés, puisqu'ils étaient issus à la fois de l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement et de la direction des affaires économiques et financières, la culture y occupait une place à part entière, au sein d'une direction autonome, dont il avait d'ailleurs souhaité qu'elle soit située à proximité immédiate du directeur général dans le nouveau bâtiment situé dans le quartier de la Convention.
M. Jack Ralite a évoqué son récent déplacement en Bosnie-Herzégovine, avec le groupe interparlementaire d'amitié du Sénat, et a dit avoir été frappé à cette occasion par le cas du centre culturel André Malraux, situé à Sarajevo, dont les crédits seraient en diminution et qui semble faire l'objet d'un conflit entre son directeur et les services de l'ambassade. Il a estimé que cette situation pouvait porter préjudice à la présence culturelle de la France dans ce pays, qui tente, non sans difficultés, de se rapprocher de l'Union européenne.
Il a également fait part de son extrême préoccupation au sujet de la négociation par la Commission européenne des accords économiques avec certains partenaires, comme la Corée, l'Inde et le Canada, pour lesquels la direction générale du commerce se substitue à celle chargée de la culture pour négocier certains aspects de ces accords qui relèvent pourtant de la culture.
En réponse, M. Christian Masset a déclaré partager l'inquiétude de M. Jack Ralite au sujet de la prise en compte des aspects relatifs à la culture dans les négociations sur les accords commerciaux de l'Union européenne et il a précisé qu'il avait saisi la directrice générale de la culture de la Commission européenne de cette question.
Concernant le centre André Malraux, il a précisé qu'il s'agissait d'un centre privé, mais que le ministère des affaires étrangères et européennes lui apportait un soutien et qu'il avait même décidé récemment de mettre à sa disposition un assistant technique. Il a indiqué ne pas avoir connaissance d'un éventuel conflit entre la direction du centre et les services de l'ambassade, mais qu'il demanderait à ses services d'étudier plus attentivement la situation sur place.