C. UN LIEN RENFORCÉ ENTRE L'OPÉRATEUR ET LE RÉSEAU CULTUREL À L'ÉTRANGER
La future agence doit avoir les moyens de décliner son action dans les pays d'accueil, et doit donc logiquement pouvoir disposer d'antennes locales.
Vos deux commissions estiment nécessaire que la future agence puisse s'appuyer, en tant que de besoin, sur le réseau culturel français à l'étranger.
Ce lien pourrait aller, progressivement, jusqu'au rattachement des établissements culturels à autonomie financière à l'agence, rattachement qui s'accompagnerait du transfert de la gestion de leurs personnels.
À l'heure où notre réseau culturel fait l'objet d'un redéploiement afin d'éviter tout doublon avec le réseau des Alliances françaises, et au moment où les efforts pour renforcer la lisibilité et la visibilité de notre action culturelle extérieure se multiplient, il n'est, à l'évidence, pas souhaitable de développer un réseau distinct d'antennes locales de la future agence qui n'introduirait qu'une confusion supplémentaire au sein de notre réseau diplomatique .
À l'appui du rattachement du dispositif culturel français à l'étranger à l'opérateur en charge du rayonnement culturel, on peut rappeler le souhait de la révision générale des politiques publiques de voir enfin émerger un label unique de l'action culturelle extérieure . De plus, la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France s'est clairement prononcée en faveur du rattachement de la gestion du réseau culturel à la future agence culturelle :
Extraits du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France « Si, par principe, la gestion par opérateur paraît préférable dès lors qu'il s'agit de la fourniture de services au public, une condition indispensable de son efficacité est que cet opérateur soit pleinement responsable de la mise en oeuvre de la politique qui lui est confiée. Cela suppose notamment que le réseau culturel et le personnel qui le compose relèvent du futur opérateur , ce qui n'est pas envisagé actuellement. En outre, il n'existe pas aujourd'hui de structure qui puisse jouer le rôle d'un opérateur de plein exercice, CulturesFrance n'ayant ni la taille ni les capacités de gestion nécessaires. Enfin, les différents statuts aujourd'hui concevables pour un éventuel opérateur de la politique culturelle extérieure ne permettent que difficilement de combiner le caractère régalien qu'elle a dans notre tradition (et qui rend peu transposable à la France la délégation à une structure privée comme le British Council) et une gestion réellement assouplie, sauf à recourir à un EPIC, comme cela a été suggéré . Au total, la Commission encourage le MAEE à poursuivre le regroupement amorcé des services d'action culturelle et des centres, à en évaluer les résultats et, dans l'intervalle, si l'orientation - que la Commission juge souhaitable en principe - en est confirmée, à travailler à la constitution d'un opérateur capable effectivement de prendre en charge la gestion du réseau . En tout état de cause, une telle réforme pour être efficace devrait impérativement préserver trois atouts du système existant : - la prise en compte de la demande locale, qui est favorisée par la déconcentration du système et permet de différencier l'offre et les modes de gestion selon les pays ; - l'autonomie financière dont bénéficient localement les centres et instituts et qui les encourage à s'autofinancer ; - et l'articulation de leur action avec les priorités politiques dont l'ambassadeur a la charge. » |
La mise à la disposition d'un établissement public à caractère industriel et commercial de services déconcentrés de l'État à l'étranger a connu un précédent dans la mise en oeuvre, progressive, du transfert du réseau commercial des missions économiques à l'étranger du ministère de l'économie à l'opérateur Ubifrance chargé de la politique de soutien au développement international des entreprises françaises. Ce transfert s'accompagne notamment du rattachement, échelonné sur trois ans de 2009 à 2011, des équipes commerciales des missions économiques et de leurs moyens de fonctionnement à l'EPIC Ubifrance.
Proposition n° 6 : Rattacher à l'agence le réseau culturel en faisant, à terme, des établissements culturels à autonomie financière les représentations locales de l'agence. |
Vos deux commissions considèrent qu'un tel transfert doit s'opérer dans le strict respect de la recommandation du Conseil de modernisation des politiques publiques, en date du 4 avril 2008, qui prône un renforcement de l'autorité de l'ambassadeur sur toutes les composantes de l'État : « sur le terrain, l'ambassadeur a vocation à animer et diriger les différentes composantes de l'action extérieure de l'État ».
Vos deux commissions estiment qu' il n'y a pas d'obstacle, a priori , à ce que l'ambassadeur exerce son autorité sur les agences locales dépendant d'un EPIC . À titre d'exemple, le décret n° 2004-103 du 30 janvier 2004 modifié relatif à Ubifrance précise, dans son article 2-1, que l'action des services à l'étranger d'Ubifrance (qui continuent, du reste, à faire partie des missions diplomatiques) s'exerce dans le strict respect de la mission de coordination et d'animation assurée par l'ambassadeur conformément à l'article 3 du décret n° 79-433 du 1 er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l'organisation des services de l'État à l'étranger. L'ambassadeur se voit notamment reconnaître un droit de regard sur l' affectation des agents dépendant de l'opérateur Ubifrance à l'étranger.
Comme cela sera le cas à Paris entre un Quai d'Orsay stratège et une agence opératrice, un équilibre doit être trouvé au niveau de chaque « EspaceFrance » entre le rôle de stratège et de tutelle politique incombant à l'ambassadeur et les activités opérationnelles relevant de la seule agence.
Dans cette hypothèse, le lien entre l'ambassadeur et l'opérateur sur le terrain pourrait utilement s'inspirer du pragmatisme des solutions, qui varient selon les situations locales, pour les établissements de l'AEFE. Pour ces derniers, la participation de l'ambassadeur et du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) aux conseils d'administration ou aux commissions de bourses des établissements scolaires se passe, en général, de façon satisfaisante, le chef de poste diplomatique n'ayant pas le sentiment que les affaires de l'AEFE lui échappent, même s'il ne dispose pas d'un droit de regard sur la gestion quotidienne des établissements qui conservent une marge d'autonomie significative.
Afin d'articuler au mieux les responsabilités stratégiques de l'ambassadeur et les responsabilités opérationnelles de l'agence, on peut envisager la mise en place, auprès de chaque antenne locale, d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé sous la présidence de l'ambassadeur, celui-ci intervenant très en amont de la réflexion stratégique, sans se livrer par la suite à du micro-management.
Proposition n° 7 : Consacrer le rôle de l'ambassadeur dans la déclinaison de notre action culturelle extérieure au niveau local, en lui confiant le cas échéant la présidence d'un comité d'orientation stratégique et de programmation placé auprès de chaque établissement culturel. |
Cette nouvelle configuration suppose également de repenser le rôle du conseiller de coopération et d'action culturelle. Dans certains pays, il est effectivement envisageable de placer les « EspacesFrance » en tant qu'antennes locales de l'EPIC sous la direction du conseiller culturel. Toutefois, dans d'autres pays, il apparaît nécessaire de dissocier les fonctions de conseiller culturel et de directeur d'établissement culturel à autonomie financière : dans ce cas, le directeur de l'antenne locale de l'agence devra toujours rendre compte de ses activités devant l'ambassadeur, ne serait-ce qu'au titre du contrat d'objectifs et de moyens liant l'agence à l'État.
Enfin, le système de partenariats et de conventions entre l'AEFE et les lycées de la Mission laïque pourra servir de modèle aux relations entre l'EPIC CulturesFrance et les Alliances françaises . Aujourd'hui, malgré leur autonomie et leur statut de droit local, les Alliances françaises sont très étroitement associées à la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure, dans le cadre de conventions-cadres signées avec le ministère des affaires étrangères. Ce type de relations conventionnelles a vocation à se poursuivre après la mise en place du futur établissement public en charge de la coopération culturelle et linguistique.
Proposition n° 8 : Associer les Alliances françaises à la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure sur un mode partenarial. |