D. LES PRINCIPALES OPTIONS À TRANCHER

En dehors de la dénomination de la future agence, quatre principales questions restent en suspens.

1. Le statut juridique de l'agence

Plusieurs formules sont envisageables :

- Une agence de service public :

Dans leur rapport provisoire en date du 4 mars 2008, MM. Yves Doutriaux et Thierry Le Roy, conseillers d'État chargés par le ministre des affaires étrangères de faire des propositions sur les relations entre la future direction générale de la mondialisation et ses opérateurs, envisageaient dans un premier temps l'hypothèse de la création d'une « agence de service public » qui serait responsable de la mise en oeuvre, au sein du Quai d'Orsay, de la politique de rayonnement culturel de la France.

Le projet d'agence de service public, sur le modèle des agences établies au Royaume-Uni et en Suède, poursuit l'objectif principal de réintégrer au sein des services de l'État les fonctions opérationnelles jusqu'ici traditionnellement déléguées à des organismes sous tutelle, qui ont eu tendance à proliférer de façon excessive au risque d'établir un paysage administratif confus, et, en contrepartie, de les assortir d'une autonomie de gestion substantielle.

Dans cette configuration, l'agence pourrait directement s'appuyer sur les services déconcentrés du ministère, c'est-à-dire les SCAC et les instituts et centres culturels français à l'étranger regroupés en établissements à autonomie financière placés sous l'autorité de l'ambassadeur.

Le directeur de l'agence se verrait confier, par délégation du ministre, un pouvoir de nomination et de mutation des agents servant sous son autorité, l'agence étant également susceptible de recruter et de gérer des agents contractuels de droit public pour une durée indéterminée.

Il pourrait être simultanément responsable d'un programme LOLF, et ainsi bénéficier de l'autonomie de gestion, notamment au moyen de la fongibilité asymétrique, voire d'une autonomie élargie si le ministre en décidait ainsi par une délégation de pouvoir. L'agence serait également en mesure de percevoir des recettes et d'être soutenue par la voie du mécénat.

L'option d'une agence de service public apparaît ainsi séduisante, dès lors qu'elle organise la reprise en main, par le ministère, des orientations stratégiques de notre politique culturelle extérieure, en s'appuyant sur une structure d'administration centrale d'un nouveau type qui se verrait aménager une marge d'autonomie de gestion et financière substantielle, sans toutefois disposer d'une personnalité juridique.

Elle semble néanmoins , selon vos deux commissions, devoir être écartée pour deux raisons principales :


• après vérification faite auprès de la direction générale de la modernisation de l'État, la formule de l'agence de service public n'offrirait pas d'avancées significatives en termes de souplesse de gestion, ni de possibilité de contrats de droit privé (une telle possibilité nécessitant en l'espèce une disposition législative dérogatoire). Cette interprétation est du reste sans doute le résultat de résistances de la part du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;


• le fait d'intégrer totalement l'opérateur en charge du rayonnement culturel extérieur de la France au sein des services du Quai d'Orsay maintient le déséquilibre traditionnel qui tend à minimiser la participation d'autres ministères, en particulier le ministère de la culture, dans la définition et la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure.

- Une fondation :

Aux termes de l'article 18 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, « la fondation est l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif ». À première vue, ce statut pourrait convenir à la future agence culturelle, avec comme idée sous-jacente de promouvoir le mécénat en sa faveur.

Mais la jurisprudence du Conseil d'État ne tolère généralement la participation financière de l'État dans les fondations que dans la limite d'un seuil déterminé de façon très empirique. C'est ainsi que, lors de l'examen de la création d'une « fondation pour l'intégration », le Conseil d'État a rendu un avis négatif car la dotation proposée était constituée à 40 % par des fonds publics. Le ministère de l'intérieur, responsable du classement en fondation reconnue d'utilité publique, estime quant à lui que les fonds publics ne sauraient dépasser 20 % du total de la dotation.

La situation de CulturesFrance, dont le budget est composé à plus de 70 % de subventions publiques, exclut donc clairement le recours au statut de fondation.

- Un groupement d'intérêt public :

Les groupements d'intérêt public (GIP) sont des personnes morales de droit public, qui associent, soit des personnes publiques entre elles, soit des personnes publiques avec des personnes privées, pour des actions menées en commun dans l'intérêt général et pour une période déterminée.

L'article 22 de la loi n° 87-571 du 24 juillet 1987 sur le développement du mécénat a permis la constitution de GIP dans le domaine de la culture.

Il serait donc juridiquement possible de créer un GIP CulturesFrance. Toutefois, la doctrine reconnaît que les différences entre les GIP et les établissements publics sont rares et tiennent essentiellement à la convention constitutive qui est à l'origine du GIP, et au statut du personnel, qui est normalement composé d'agents publics en position de détachement ou de mise à disposition, et en dernier recours, de contractuels.

Un GIP CulturesFrance serait ainsi conçu comme la fédération de moyens entre l'État et l'association CulturesFrance pour une période déterminée, ce qui n'est pas le but recherché en l'espèce. L'autonomie de l'opérateur, qui du reste à vocation à être une structure pérenne, par rapport à l'État est en effet nécessaire pour lui assurer souplesse et réactivité face aux demandes, mais aussi pour permettre à la tutelle d'assurer un réel contrôle des objectifs fixés. En outre, CulturesFrance est très majoritairement composée de contractuels.

- Un établissement public à caractère industriel et commercial :

Rappelons que l'établissement public est une personne morale de droit public ayant une compétence spéciale et disposant d'une autonomie administrative et financière.

La proposition de la loi du M. Louis Duvernois a opté pour cette formule. En effet, le statut de droit privé qui caractérise l'ensemble des salariés de CulturesFrance est plutôt considéré comme un facteur de souplesse en termes de gestion des ressources humaines, du fait notamment de la spécificité des missions exercées par l'association ; il a donc été proposé de transformer l'association en un établissement public à caractère industriel et commercial qui serait soumis aux règles du code du travail pour la gestion de son personnel .

En outre, sur le plan financier, une plus grande souplesse est accordée à l'établissement public industriel et commercial (EPIC).

La commission des affaires culturelles du Sénat avait estimé que ce statut permettait effectivement de répondre aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son audit de la gestion de CulturesFrance en 2006. La commission avait relevé au demeurant que de nombreux EPIC existaient déjà dans le domaine culturel , comme la Cité de la musique ou la Comédie française.

En conséquence, le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial apparaît effectivement comme la formule la plus adaptée aux yeux de vos deux commissions.

Le Sénat s'est d'ailleurs clairement prononcé en faveur de cette option, en votant à l'unanimité, le 13 février 2007, la proposition de loi de M. Louis Duvernois tendant à transformer CulturesFrance en EPIC.

La création d'un EPIC nécessite en l'espèce l'intervention d'une loi.

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