DEUXIÈME PARTIE : LES INTERVENTIONS PUBLIQUES
AU DÉFI DE LA CROISSANCE
AVANT-PROPOS
Dans ses rapports sur les perspectives à moyen terme des finances publiques, votre délégation a constamment appelé à prendre très au sérieux la situation de l'endettement public. Cela suppose, en particulier, de considérer la soutenabilité des stratégies de désendettement public autant sous l'angle de leurs effets de court terme que sous celui de leur impact sur la croissance potentielle de l'économie française.
Les politiques de consolidation budgétaire exercent a priori un effet déprimant sur l'activité économique.
Les arguments théoriques qui fondent l'opinion contraire ne sont pas validés, sauf circonstances exceptionnelles, par les constats empiriques. Ainsi, lorsque l'environnement économique appelle des politiques économiques de soutien de l'activité, il n'est pas recommandable de privilégier des orientations restrictives. On ne fait alors qu'aggraver les problèmes, et le coût économique de la « guérison budgétaire » en excède les bénéfices.
En cette période de crise économique, l'urgence est de mettre en oeuvre une politique économique « contra-récessive ».
Ce constat n'équivaut pas à une recommandation de négliger la situation financière de l'Etat. Comme pour tout autre agent économique, même si c'est dans des conditions bien différentes, il existe pour l'Etat une contrainte de soutenabilité financière. Et ce n'est pas parce que l'actualité montre que celle-ci est, par nature, infiniment moins rigoureuse que celle supportée par les agents privés qu'il faut la mésestimer. Mais, on entre dans une impasse regrettable quand on réfléchit à la situation financière de l'Etat en omettant la question essentielle, de son rôle économique et social. C'est cette tendance qui serait à l'oeuvre si l'on appliquait aux finances publiques les instruments purement financiers dont la situation des agents privés est justiciable.
Cette banalisation de l'Etat obéit sans doute à la crainte que peuvent à bon droit inspirer ses possibles abus. Pourtant, elle peut entraîner des erreurs stratégiques si elle repose sur l'idée, fausse, que l'Etat est un agent économique comme les autres 52 ( * ) . S'il manque à nos savoirs une doctrine vraiment élaborée de la place de l'Etat dans l'économie et des moyens de s'assurer que celle-ci ne sera ni désertée, ni le socle d'excès, les progrès considérables apportés par les économistes de la seconde moitié du XX ème siècle autour de la théorie des externalités et des biens publics, le renouveau des approches empiriques sur la rentabilité des différentes catégories de dépenses publiques - qui appellent des développements, des approfondissements - doivent inspirer notre gestion publique.
C'est pourquoi votre délégation a toujours abordé avec nuances le problème de la soutenabilité financière de l'Etat. Qu'il lui soit permis de poursuivre son travail dans cet esprit.
La coexistence d'une surveillance de la position financière des Etats extrêmement rigoureuse puisque le niveau d'endettement toléré est plafonné en données brutes - donc indépendamment de la considération des actifs détenus par les Etats que leur endettement a pu financer - à 60 points de PIB et d' une « supervision » du système financier privé , qu'on peut juger, à l'aune de la montée de l'endettement privé, plus que « défaillante » , représente une composante structurelle de l'organisation économique de l'Europe dont la justification repose sur des présupposés contestables et dont la cohérence est, en conséquence, pour le moins douteuse.
Cette supervision financière partielle conduit à des erreurs de diagnostic sur la situation réelle des Etats et, surtout, à des recommandations de politique économique qui pénalisent une action publique dont la conception doit être assez libre pour offrir les conditions d'une croissance structurellement supérieure et promouvoir l'objectif d'égalité choisi.
* 52 Le rapport de notre collègue Bernard Angels consacré à l'économie des dépenses publiques l'a utilement rappelé. Rapport n° 441 « Retour sur l'économie des dépenses publiques ». Délégation pour la planification. 2 juillet 2008.