PREMIÈRE PARTIE : REFONDER LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
AVANT-PROPOS
Nous vivons une crise de l'endettement, mais, derrière cette crise, c'est l'équilibre de la croissance économique qui est en cause.
Dans les interprétations de la crise en cours, le projecteur est souvent braqué sur le seul monde de la finance. On se désespère d'avoir poussé trop loin la dérégulation (anglicisme étonnant qu'il faudrait remplacer par ce qu'il recouvre, c'est-à-dire la déréglementation et le recul pris par l'Etat par rapport à la gestion privée) et l'on dénonce une crise morale, d'avidité.
Aux correctifs techniques - qu'il faut prendre garde de mesurer finement car le crédit est nécessaire à la croissance économique - et spirituels, il est pourtant nécessaire d'ajouter une réflexion de fond sur les équilibres macroéconomiques internes aux différents pays et internationaux.
Dans les deux chapitres qui suivent, c'est à l'équilibre domestique des sentiers de croissance suivi ces dernières années qu'on consacre les principaux développements.
Votre délégation a abordé dans un récent rapport sur la coordination des politiques économiques en Europe, les problèmes y résultant de la confrontation des « modèles économiques ». La coexistence antagonique de trois modèles - celui de l'endettement privé, celui de l'hyper-concurrence, celui de la préservation d'un modèle social - n'est pas viable.
Hors l'Europe, le jeu est aussi des plus périlleux. Des Etats-Unis en déficit, des émergents en excédents créent une configuration instable. Le Reste du Monde « tire » les émergents, comme le Reste de l'Europe « tire » l'Allemagne, et le Reste du Monde ne tire les émergents qu'au prix d'un endettement croissant auprès de ces pays.
Les situations des pays du Reste du Monde ne sont pas homogènes et les Etats-Unis occupent une place à part. Pôle incomparable d'attraction de l'épargne mondiale, ses ménages, ses entreprises et son Etat financent leurs consommations, leurs investissements, leurs projets en captant les richesses des pays tiers, ce qui, par parenthèse, crée des situations géopolitiques des plus cocasses.
Certains prétendent qu'au fond tout cet équilibre est optimal et que le Monde ne saurait se passer de distribuer ainsi ses richesses. L'attractivité des Etats-Unis ne serait que l'autre face de leur singulier dynamisme économique. A la réserve près qui, convenons-en, n'est pas mineure, de la soutenabilité de l'endettement des Etats-Unis, on pourrait répondre à ce point de vue que s'il décrit possiblement la réalité, rien n'oblige l'Europe à s'en satisfaire.
Plus que jamais celle-ci, pour reprendre le titre du précédent rapport consacré par votre délégation au moyen terme, se doit de cibler la croissance plutôt que ses dettes publiques.