C. VERS UNE BAISSE SPONTANÉE DU TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES ?
1. La stabilisation attendue du taux de prélèvements obligatoires au niveau de 43,2 points de PIB, de 2008 à 2012
Selon le gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires, de 43,3points de PIB en 2007, se maintiendrait à 43,2 points de PIB à compter de 2008, comme l'indique le graphique ci-après.
Le taux de prélèvements obligatoires : exécution et programmation du gouvernement
(en points de PIB)
Sources : Insee, projet de loi de programmation des finances publiques
Cette projection repose sur l'hypothèse que les allégements de prélèvements obligatoires devant être décidées seraient de l'ordre de seulement 0,1 à 0,2 point de PIB, c'est-à-dire suffisamment modestes pour être compensés par le dynamisme spontané des prélèvements obligatoires. Le gouvernement suppose en effet que les prélèvements obligatoires tendront spontanément à augmenter légèrement plus rapidement que le PIB, comme l'indique le tableau ci-après.
Les hypothèses d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB retenues par le gouvernement
2008 |
2009 |
2010-2012 |
|
Ensemble des prélèvements obligatoires |
1,3 |
1 |
« élasticité quasiment unitaire » |
Recettes fiscales |
1,5 |
0,8 |
« élasticité au PIB légèrement supérieure à 1 » |
Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques
2. Un risque réel de voir les prélèvements obligatoires augmenter à nouveau moins rapidement que le PIB
a) Une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB qui tend à être faible en période de croissance ralentie
La prévision du gouvernement peut cependant sembler optimiste au regard de la tendance à long terme de l'élasticité des recettes fiscales au PIB retracée dans le tableau ci-après.
Croissance du PIB et élasticité des recettes fiscales au PIB
Sources : Insee, ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi
Schématiquement, la situation est la suivante :
- l'élasticité des cotisations sociales au PIB varie peu, et est à peu près égale à l'unité ;
- l'élasticité des recettes fiscales au PIB varie fortement d'une année sur l'autre (entre -1 et 2, pour une moyenne de 1) ;
- en conséquence, l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est à peu près égale à la moyenne de 1 et de ce dernier coefficient, et connaît des fluctuations significatives.
L'élément essentiel pour la prévision est donc l'élasticité des recettes fiscales au PIB. Celle-ci est fortement liée à la croissance du PIB, comme l'indique le graphique ci-avant.
La courbe inférieure représente l'élasticité, c'est-à-dire la « sensibilité » des recettes fiscales au PIB nominal. On constate que cette élasticité a été nettement supérieure à 1, et donc que les recettes fiscales ont spontanément eu tendance à augmenter nettement plus vite que le PIB, en 1987, de 1999 à 2001, et de 2004 à 2007.
On constate par ailleurs qu'en règle générale, l'élasticité des recettes fiscales est à peu près égale à la moitié de la croissance du PIB en volume. La forte élasticité constatée de 2004 à 2007 constitue donc une exception remarquable.
Corrélation entre croissance du PIB réel et élasticité des recettes fiscales au PIB nominal
Sources : Insee, ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi
Si les prévisions d'élasticité des recettes fiscales au PIB retenues par le gouvernement sont a priori cohérentes avec ses prévisions de croissance du PIB, les premières sont cependant fortement tributaires des secondes. Une croissance du PIB plus faible que prévu (on rappelle que les prévisions du gouvernement sont de 1 % en 2008 et en 2009, et 2,5 % de 2010 à 2012) se traduirait par une élasticité d'autant plus faible.
b) Un dynamisme spontané des prélèvements obligatoires qui trouve en partie son origine dans la « bulle » financière
Par ailleurs, il convient de s'interroger sur les causes concrètes du dynamisme des recettes constaté ces dernières années. Comme votre rapporteur général le soulignait dans son rapport d'information relatif au débat d'orientation budgétaire pour 2008 3 ( * ) , ce dynamisme des recettes fiscales résulte pour l'essentiel de phénomènes conjoncturels, susceptibles de s'inverser à court terme.
En particulier, le dynamisme des impôts assis sur les revenus du capital et les plus-values (impôt sur le revenu, CSG, droits de mutation, impôt de solidarité sur la fortune) provient de la hausse cyclique des prix des actifs financiers et immobiliers, qui vient précisément de s'inverser.
Une analyse analogue peut être faite au sujet de l'impôt sur les sociétés. La Cour des comptes, dans son rapport de juin 2007 sur la situation et les perspectives des finances publiques, attribue les fortes recettes d'impôt sur les sociétés aux « résultats très élevés en 2006 des sociétés du secteur financier et de l'énergie ».
Or, les bons résultats du secteur de l'énergie et du secteur financier s'expliquaient alors largement, respectivement, par le niveau élevé du prix du pétrole, et par la situation favorable des marchés boursiers. La crise financière actuelle devrait donc avoir des répercussions importantes sur les recettes de l'impôt sur les sociétés. On peut rappeler à cet égard que le secteur financier correspond, à peu près, au quart des recettes d'impôt sur les sociétés.
Le graphique ci-après montre un dynamisme particulièrement important de l'impôt sur les sociétés depuis 2004. Le « point bas » de 1992, qui avait vu le produit de cet impôt, de plus de 2 points de PIB en moyenne, descendre à 1,3 point de PIB, montre que celui-ci peut connaître des diminutions importantes.
La part dans le PIB des principaux impôts
(en points de PIB)
Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2009
3. Les scénarios envisageables
Le taux de prélèvements obligatoires pourrait donc bien encore diminuer de manière importante, contrairement à ce que prévoit le gouvernement.
En l'absence de mesure significative prévue sur les prélèvements obligatoires, ceux-ci évolueraient en fonction de la croissance du PIB et de l'élasticité des recettes fiscales au PIB, elle-même fortement dépendante de la croissance du PIB.
Par convention, on suppose que la prévision du gouvernement pour 2008 est vérifiée.
Dans le scénario reposant sur le scénario économique du gouvernement (croissance de 1 % en 2009, puis de 2,5 %), le fait de supposer que l'élasticité des recettes fiscales au PIB dépend fortement de la croissance du PIB a pour effet d'entraîner une légère diminution du taux de prélèvements obligatoires en 2009, celui-ci descendant jusqu'à 42,8 points de PIB. Le taux de prélèvements obligatoires en 2012 est cependant égal à celui prévu par le gouvernement, la forte croissance du PIB à partir de 2010 suscitant un dynamisme des recettes fiscales supérieur à celui prévu par le gouvernement.
Dans les deux autres scénarios en revanche, qui supposent une croissance nulle en 2009, et une croissance qui n'est ensuite qu'à peine supérieure à 2 %, le taux de prélèvements obligatoires diminue jusqu'à 42,4 % ou 42,1 %, selon que la reprise se produit plus ou moins rapidement.
Le taux de prélèvements obligatoires : différents scénarios
(en points de PIB)
On suppose que l'élasticité des recettes fiscales au PIB nominal est égale à la moitié de la croissance du PIB réel.
* Soit une croissance annuelle de 0 % en 2009, 1,5 % en 2010 et 2,2 % en 2011 et 2012.
** Soit une croissance annuelle de 0 % en 2009 et en 2010, 1,5 % en 2011 et 2,1 % en 2012.
Sources : Insee, calculs de votre commission des finances
Ce phénomène est préoccupant : une faible croissance du PIB pourrait réduire la part des prélèvements obligatoires dans le PIB d'environ 1 point. Comme par ailleurs elle augmenterait la part des dépenses publiques dans le PIB, le déficit public s'en trouverait considérablement accru.
* 3 Rapport d'information n° 400 (2006-2007).