D. LA COOPÉRATION PARLEMENTAIRE EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ DANS LA RÉGION DE LA MER NOIRE
M. Hendrik Daems (Belgique - Groupe libéral) présente son rapport. Il précise tout d'abord qu'à la demande de ses collègues grecs et turcs, la commission a accepté d'effectuer quelques modifications au texte initial.
Pendant longtemps, l'ampleur des risques issus de la région de la mer Noire a été sous-évaluée. Alors que la Bulgarie et la Roumanie ont intégré l'Union européenne le 1 er janvier 2007, la mer Noire est devenue une frontière de l'espace Schengen justifiant une attention renouvelée. Le rapport commence par énumérer les risques propres à la région de la mer Noire, susceptibles d'affecter la sécurité de toute l'Europe, avant de proposer des initiatives de coopération parlementaire sur ces questions.
Le premier risque est lié à l'approvisionnement de l'Union européenne en pétrole et en gaz, qui passera de plus en plus par cette région. Le second risque résulte de la pollution due au secteur de l'énergie, mais aussi au stockage d'armes remontant à l'ère soviétique, y compris des déchets nucléaires. Le troisième risque provient des trafics en tout genre qui fleurissent dans la région : marchandises, armes, drogues, mais aussi êtres humains avec l'immigration clandestine. Ce problème tend à s'aggraver avec la mondialisation. En outre, la criminalité organisée est favorisée par le haut degré de corruption qui affecte cette région. Le quatrième risque résulte de la menace terroriste . Le terrorisme moderne utilise, en effet, les réseaux du crime organisé pour préparer ses actions, notamment pour le blanchiment des fonds. Le cinquième risque est lié aux mouvements nationalistes et séparatistes . La région de la mer Noire concentre ainsi un grand nombre de conflits dits « gelés » : Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabagh et Transnistrie. Enfin, l'extrémisme religieux ne saurait non plus être mésestimé, tant il se développe dans la région.
Tous ces risques incitent le rapporteur à penser que ce qui se passe autour de la mer Noire est d'une importance vitale pour la stabilité de tous les pays européens. Le rapport formule quatre recommandations.
D'abord, il est proposé d'inviter les parlements de tous les pays riverains de la mer Noire à devenir membre de l'Assemblée de l'UEO . Cette perspective est possible grâce à la modification de la Charte et du règlement de l'Assemblée adoptée en mai 2008.
Ensuite, le rapporteur propose l'élaboration d'un protocole de coopération avec l'Assemblée parlementaire de la mer Noire, dotée d'une grande expertise économique.
De plus, le rapporteur propose la création d'une commission spéciale au sein de l'Assemblée de l'UEO, qui serait dédiée à l'analyse des enjeux de sécurité de la frontière orientale de l'Europe.
Enfin, ces initiatives pourraient précéder un dialogue interparlementaire avec les pays riverains de la mer Caspienne, car ces derniers ont aussi une influence sur la situation de la zone de la mer Noire.
Le débat qui a suivi la présentation du rapport a insisté sur l'importance vitale de la région de la mer Noire pour la sécurité et la stabilité de l'Europe. La plupart des intervenants étaient issus de pays riverains de la mer Noire. Alors que le débat aurait dû être consensuel, les nombreuses interventions de la délégation turque, pas toujours en lien direct avec le rapport, ont eu tendance à durcir le ton du débat.
Plusieurs membres de la délégation turque se sont en effet exprimés pour présenter les initiatives de la Turquie pour intensifier la coopération et la prospérité de la région. En outre, les intervenants turcs ont souhaité expliquer la teneur des modifications apportées au texte initial sur leur demande. Ils ont en effet voulu rétablir le PKK au titre des organisations figurant sur la liste des groupes terroristes, et refusé d'employer le mot de guérilla. Ils ont sollicité la coopération sans faille de leurs partenaires dans la lutte contre le terrorisme. Ils ont également évoqué l'isolement de l'Arménie par ses voisins de la mer Noire et déploré son manque d'ouverture pour résoudre la crise presque séculaire avec la Turquie, liée à la reconnaissance du génocide arménien. La Turquie a proposé la création d'un Comité d'historien pour avancer sur ce sujet, mais n'a reçu aucune réponse de la part de l'Arménie. Ils ont aussi évoqué la question chypriote, sans rapport avec le sujet. Enfin, la délégation turque a estimé qu'on ne peut séparer la question de la pollution à laquelle est sujette la mer Noire sans évoquer la Méditerranée, elle-même fortement polluée. Il convient donc selon elle de prendre en considération l'ensemble du bassin de la mer Noire et de la Méditerranée.
Mme Anca Petrescu (Roumanie) a présenté l'implication et les actions de son pays en faveur de la coopération dans la région de la mer Noire, en soulignant d'abord que la Roumanie a compris depuis bien longtemps que l'espace de la mer Noire est loin d'être une région périphérique. Au contraire, elle devient une région cruciale, comme en témoigne l'attention accrue que lui portent les pays non riverains depuis trois ans. La Roumanie est impliquée dans toutes les organisations et institutions ayant pour sujet la zone de la mer Noire. A ce titre, elle se pose comme un acteur fiable cherchant à promouvoir les bases d'une coopération multi niveaux dans cette région. Ainsi, la Roumanie a lancé plusieurs initiatives de coopération, comme la création de l'Euro région mer Noire et le Forum de la mer Noire . De plus, la Roumanie accorde une grande attention à l'encouragement et à l'aide au développement pour certains États dans l'Europe de l'Est et le Caucase, surtout en ce qui concerne la réforme des forces armées et la bonne gouvernance. Enfin, la Roumanie s'efforce d'aplanir ses propres divergences avec des voisins comme l'Ukraine ou la Moldavie, et a volontairement participé aux sessions du GUAM, organisation internationale de coopération à vocation régionale regroupant la Géorgie, l'Ukraine, l'Azerbaïdjan et la Moldavie.
M. Aristotelis Pavlidis (Grèce - Groupe fédéral) a insisté plus particulièrement sur les problèmes d'approvisionnement énergétique dont souffre la région de la mer Noire, avant d'évoquer la question chypriote, de façon peu opportune.
Le projet de directive a été adopté à l'unanimité.
Au total, alors qu'on s'attendait à un débat consensuel sur les défis auxquels est confrontée la mer Noire et sur les solutions éventuelles pour y faire face, la discussion a viré à l'affrontement entre plusieurs délégations sur des questions délicates qui ne concernaient pas directement le sujet. On peut le regretter.