2. Le rôle d'impulsion et de soutien du département
a) Un acteur majeur pour le lancement et la réalisation des grands projets
(1) L'exemple du développement numérique du territoire
Au même titre qu'un axe routier ou ferroviaire, le haut débit joue un rôle structurant pour le développement rural et constitue désormais un enjeu stratégique pour une « participation normale à la société » 119 ( * ) , et ce pour quatre raisons principales :
- il facilite l'accueil et le maintien de la plupart des activités économiques rurales . En effet, la possibilité d'accéder au haut débit facilite les relations des entreprises avec les fournisseurs et les clients , par exemple pour la mise en ligne de catalogues de produits, pour le suivi des commandes ou encore pour la localisation des marchandises dans la chaîne de production. Elle autorise aussi l'externalisation de certaines fonctions telles que la gestion et la comptabilité et la mise en oeuvre d'une stratégie commerciale, en permettant aux entreprises de mieux se faire connaître et d'accéder à de nouveaux marchés, en particulier à l'exportation. Un secteur tel que l' agriculture se développe de plus en plus autour de flux d'informations (marchés, traçabilité, gestion, communication avec les autorités de tutelle ...) qui requièrent une connexion haut débit ;
- le haut débit favorise également l'accueil des particuliers, soit dans le cadre d'un séjour touristique, soit dans celui d'une installation. Dans le premier cas, les représentants de la DIACT comme Mme Danièle Küss, secrétaire générale de la Conférence permanente du tourisme rural, ont mis en avant, lors de leur audition, l'importance du haut débit pour le développement du tourisme rural , tant pour la réservation touristique que pour l'attractivité des espaces, de nombreuses personnes, en particulier les jeunes générations, ne pouvant concevoir un séjour dans une zone qui en est dépourvue. Compte tenu de la multiplication de ses usages (loisirs, commerce en ligne, documentation, services courants...), son absence est encore plus susceptible de décourager l'installation permanente de particuliers ;
- il garantit des services publics plus accessibles (dans le cadre du développement de la cyberadministration) et de meilleure qualité . La France a engagé un vaste chantier de dématérialisation pour les particuliers comme les entreprises. Les nouvelles technologies facilitent les démarches administratives des entreprises (en leur permettant, par exemple, de télécharger de nombreux formulaires), mais également celles des particuliers (déclaration et paiement des impôts, demande d'actes d'état civil, extrait de casier judiciaire...) ;
- enfin, le haut débit permet aux collectivités de renforcer l'efficacité de leur action, à travers l'amélioration de leur gestion interne (par exemple par un réseau intranet), mais également dans leurs relations avec les autres administrations (comptabilité publique ou contrôle de légalité).
La couverture numérique du territoire constitue une nouvelle compétence pour les collectivités territoriales et leurs groupements. Parce que le haut débit représente un enjeu essentiel pour l'attractivité des territoires ruraux, le Sénat, relayant la demande de nombreux élus locaux, a permis à ces derniers de devenir acteurs à part entière du développement du haut débit sur leur territoire au travers de l'article 50 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Cet article introduit dans le code général des collectivités territoriales un article L. 1425-1 qui permet aux collectivités territoriales et à leurs groupements de :
- construire ou acquérir des réseaux de communications électroniques , c'est-à-dire des infrastructures rendues actives par des équipements tels que des antennes et des routeurs, permettant l'émission et la réception de signaux, et ce afin de créer les maillons manquants des réseaux à haut débit 120 ( * ) ;
- mettre ces réseaux à la disposition des opérateurs, dès lors que cette intervention « se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique, garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises (...) et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques » (article L. 1425-1 précité).
Si ces initiatives ne suffisent pas et que l'exercice normal du jeu du marché ne permet pas d'attirer les opérateurs professionnels, le législateur a prévu deux autres possibilités d'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements. Ces derniers peuvent :
- soit fournir, à partir de ces réseaux, des services aux utilisateurs finals , et donc devenir opérateurs de services . Cette dernière faculté n'est possible qu'en cas d'une « insuffisance d'initiatives privées » constatée par un appel d'offres infructueux. Autrement dit, ce n'est que dans le cas où elles ne trouvent pas d'opérateurs pour gérer leurs réseaux que les collectivités peuvent devenir opérateurs elles-mêmes. L'article L. 1425-1 précise toutefois que l'intervention des collectivités territoriales s'effectue « dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées » ;
- soit apporter aux opérateurs une aide financière , en louant leurs infrastructures ou leurs réseaux de télécommunication à un prix inférieur à leur coût de revient, selon des modalités transparentes et non discriminatoires, ou en versant des subventions au titulaire d'une délégation de service public ou d'un marché public afin de compenser les obligations de service public qui lui sont imposées.
Une compétence principalement exercée par les départements. Quatre ans après son entrée en vigueur, le bilan du dispositif décrit plus haut apparaît satisfaisant , comme l'a déclaré M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat chargé de l'aménagement du territoire, le 4 juin 2008 : « Les collectivités ont, depuis 2004, la possibilité d'intervenir directement dans les réseaux ou dans la fourniture de services quand le marché fait défaut. L'expérience semble montrer que c'était la bonne solution [...]. Les collectivités locales ont, je crois, largement fait la preuve de leur légitimité sur ce sujet ».
L'intervention des collectivités territoriales qui souhaitaient se doter d'un réseau s'est faite en général en construisant des réseaux dont elles devenaient propriétaires, loués ensuite à un ou des opérateurs sur la base d'une délégation de service public.
En septembre 2007, 53 projets couvrant chacun plus de 60.000 habitants étaient délégués, pour un montant cumulé de 1,32 milliard d'euros, et 19.141 km de réseau de fibres déployés . Il faut comparer ce réseau public à ceux des opérateurs, qui ne sont pas exclusivement composés de fibres : le réseau total de France Télécom représente 200.000 km, et celui du premier opérateur alternatif 20.000 km.
Ce tableau montre que les départements ont été les fers de lance des grands projets de couverture numérique du territoire.
* 119 Expression utilisée par la commission européenne à propos du haut débit.
* 120 Les réseaux concernés sont des « réseaux de collecte ». Rappelons que l'architecture des réseaux de télécommunications comprend trois composantes. La première est celle des grandes artères structurantes, que l'on appelle les dorsales ou « backbones » : implantées le long des grandes voies de communication (autoroutes, voies ferrées importantes, canaux), elles constituent l'ossature du système. La deuxième est celle des réseaux de collecte qui maillent un territoire depuis les dorsales jusqu'au central téléphonique. Enfin le dernier segment, connu sous le nom de « boucle locale », va du central jusqu'à l'abonné final.