(2) Un développement encore limité au regard de son potentiel
Si le nombre d'exploitations pratiquant l'agritourisme a augmenté de 13 % entre 1988 et 2000, il demeure un secteur d'activité encore en devenir . Le dernier recensement général de l'agriculture, qui a eu lieu en 2000, a en effet mesuré que sur 650.000 exploitations :
- 2 % proposent un hébergement touristique : 150.000 lits sont ainsi disponibles, soit autant que ceux exploités par les villages de vacances et les résidences de tourisme ;
- 0,4 % ont une activité de restauration ;
- 0,92 % proposent des services et activités touristiques tels que la visite d'exploitations ou des activités équestres ;
- 0,12 % réalisent une activité d'artisanat (tannerie, vannerie, fleurs séchées ...).
En revanche, 15 % des exploitations françaises pratiquaient la vente directe, un chiffre toutefois en baisse par rapport à 1988, où le quart d'entre elles proposait un service de ce type.
D'un point de vue géographique, on constate une plus grande variabilité selon les régions , l'agritourisme étant plus développé dans la moitié sud de la France et, au nord, en Alsace et sur le littoral. Dans certains départements, tels que l'Ardèche, la Dordogne, l'Isère et la Savoie, l'agritourisme représente une activité aussi importante que l'activité agricole originelle de l'exploitation.
(3) Un secteur à exploiter pleinement dans l'intérêt de l'ensemble des acteurs ruraux
L'agritourisme constitue en lui-même un outil de développement privilégié pour le monde rural à condition que celui-ci l'exploite de façon résolue et réfléchie.
La qualité , tant de l'accueil que des prestations et des produits proposés, doit tout d'abord être améliorée pour susciter et pérenniser la demande. Les populations attirées par cette forme récente de tourisme sont en effet plutôt aisées et attendent des prestations et un confort élevés, notamment celles d'origine étrangère.
S'agissant en premier lieu des équipements d'accueil (chambres ou aires de camping, parties communes, salles de restauration...), ceux-ci doivent voir leur qualité standard rehaussée, comme le prévoit le plan qualité tourisme pour l'hôtellerie. Il est indéniable, en effet, qu'un gîte n'ayant qu'un, voire deux épis, se louera moins facilement et pour un prix moins rémunérateur que ceux de gamme supérieure. D'une façon générale, les standards de qualité de l'agritourisme ne doivent pas être inférieurs à ceux du tourisme traditionnel, faute d'être perçus comme une forme dégradée de ce dernier.
En ce qui concerne les prestations , l'agritourisme ne doit pas être pensé comme une activité accessoire et peu contraignante, mais au contraire faire l'objet d'un investissement réfléchi et organisé. Qu'il s'inscrive dans une logique commerciale ou dans un désir plus personnel de partage d'un patrimoine ou de savoir-faire, il ressort souvent d'un projet de couple, voire de famille, exigeant sens de l'accueil, gestion d'un emploi du temps et conciliation des vies professionnelles et privées. Les comités départementaux et régionaux du tourisme doivent, à cet égard, inciter les prestataires à participer à des programmes de formation de nature à professionnaliser leur accueil (convivialité, maîtrise de langues étrangères, connaissance du territoire...). L'adhésion à une charte de qualité ou à un label, synonyme du respect d'un certain standard régulièrement contrôlé en termes de prestation, ne peut qu'être à cet égard encouragée.
Pour ce qui est des équipements collectifs , l'action des communes et intercommunalités semble décisive. Le développement de l'agritourisme ne se fera pas, en effet, sans celui des activités dont il peut constituer le support pour une clientèle venant chercher sur le littoral ou dans l'arrière pays des prestations sans doute autres que celles qu'elle trouverait dans des grands ensembles touristiques ou dans les villes, mais pas moins modernes et récréatives. Pistes de randonnée ou de VTT, parcours d'escalade, parcs et réserves naturels... doivent voir leur développement initié ou soutenu par les collectivités, en collaboration étroite avec les acteurs privés du développement rural. A cet égard, les partenariats public-privé sont un instrument d'action devant prendre toute sa mesure, tout comme les pôles d'excellence rurale qui, à 40 %, sont liés au secteur du tourisme.
Par ailleurs, l'agritourisme doit faire l'objet d'un investissement plus important de la part de ceux auxquels il devrait profiter au premier chef : les agriculteurs. Or, ces derniers, qui ne sont que 2 % à pratiquer des activités d'hébergement et de restauration - de façon marginale pour celle - ci - , détiennent 1 % seulement de la capacité d'accueil. Le manque d'informations, de moyens ou de temps expliquerait cette faible implication, ainsi que la difficulté à trouver l'interlocuteur adéquat.
A cet égard, une meilleure organisation de l'offre doit être recherchée dans un secteur où les initiatives individuelles se superposent davantage qu'elles ne font l'objet d'un projet commun. Prestataires, mais également élus ruraux, organismes consulaires, offices de tourismes, associations ... doivent apprendre à travailler en réseau pour mutualiser les ressources, faire connaître les produits et proposer la meilleure offre selon le profil de chaque client.
Comme pour toute autre activité de service, l'offre produit doit faire l'objet d'une réflexion approfondie. Trop souvent encore, celle-ci est parcellaire (seules une ou deux des trois activités type - hébergement, restauration et activité - étant proposées) ou bien insuffisamment adaptées (il n'existe pas un, mais des publics : jeunes, seniors, étrangers, sportifs, hédonistes...). Les évolutions sociologiques les plus récentes doivent, dans cette optique, être intégrées. Ainsi, l'augmentation des courts séjours, due à la réduction de la durée du travail hebdomadaire et à la stagnation du pouvoir d'achat, et l'appétence pour des produits « clefs en main », doivent conduire à privilégier des « packages » proposant, pour des durées de deux ou trois jours, une offre harmonieuse alliant hébergement, restauration et activités de sport ou de loisirs sur un territoire cohérent d'un point de vue touristique.
Une fois bâtie en fonction des besoins réels de la population touristique, cette offre doit être portée à la connaissance de cette dernière, et ce par les moyens les plus modernes. Le média Internet, qui constitue aujourd'hui un outil essentiel dans la construction par les consommateurs de leur projet touristique, doit être à cet égard sollicité autant que faire se peut. Ceci tant de façon individuelle, de la part de chaque prestataire (constitution de sites, blogs...), que de manière organisée, à travers les réseaux fédérateurs que sont par exemple les gîtes de France et les centrales de réservation qui y sont éventuellement liées. Afin de « sortir des sentiers battus », gagneraient à être mis en avant des produits réellement innovants propres à surprendre le touriste potentiel et déclencher son désir de séjour.