2. Une ambition louable

a) Un nouveau cadre d'organisation territoriale des compétences

Selon les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, l'objectif des dispositions de la loi du 13 août 2004 concernant les enseignements artistiques est de « clarifier le rôle respectif de chaque niveau de collectivités dans la constitution et le fonctionnement du réseau des écoles d'enseignement spécialisé de musique, de danse et d'art dramatique » .

Comme cela a déjà été souligné, cette ambition fait écho à des attentes et préoccupations anciennes.

Ce faisant, la loi du 13 août 2004 n'opère pas de nouveau transfert de compétences puisqu'elle ne fait que confirmer les dispositions déjà introduites en 1983, selon lesquelles les établissements d'enseignement artistique relèvent de l'initiative et de la responsabilité des collectivités territoriales. Mais cette loi procède, dans son article 101, à un aménagement de l'exercice de ces compétences, selon le « schéma » suivant :

- les communes et leurs groupements conservent les responsabilités déjà exercées en termes d'organisation et de financement des missions d'enseignement initial et d'éducation artistique des établissements ;

- le département est chargé d'adopter, dans un délai de deux ans à compter du 1 er janvier 2005, un schéma départemental de développement des enseignements artistiques dans les domaines de la musique, de la danse et de l'art dramatique ; ce schéma, « élaboré en concertation avec les communes concernées, a pour objet de définir les principes d'organisation des enseignements artistiques, en vue d'améliorer l'offre de formation et les conditions d'accès à l'enseignement » ; le département fixe, au travers de ce schéma, les conditions de sa participation au financement des établissements au titre de l'enseignement initial ; notons que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale avait adopté, lors de l'examen du projet de loi, un amendement visant à supprimer la référence à l'échelon départemental, considérant que cette intervention introduirait davantage de complexité et d'opacité dans l'organisation territoriale des enseignements artistiques et conduirait à alourdir la gestion de l'ensemble ; cet amendement a été rejeté en séance publique, l'échelon départemental apparaissant au contraire comme le plus pertinent pour définir, avec le recul nécessaire, les orientations du développement local et organiser la mise en réseau des établissements ;

- la région est, quant à elle, chargée d' organiser le cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI), dans le cadre du plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP) prévu à l'article L. 214-13 du code de l'éducation, et d' en assurer le financement ;

- l'État continue d'exercer ses prérogatives en matière de contrôle des établissements : il procède ainsi à leur classement « en catégories correspondant à leurs missions et à leur rayonnement régional, départemental, intercommunal ou communal » , assure l'évaluation de leurs activités et de leur fonctionnement pédagogique et détermine les qualifications requises pour le personnel enseignant ; il apporte, en outre, une aide technique à l'élaboration du plan régional et du schéma départemental ; il conserve , enfin, aux termes de l'article 102 de la même loi, l'initiative et la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur dans les domaines de la musique, de la danse, du théâtre et des arts du cirque dont la liste est détaillée dans l'encadré suivant.

LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ARTISTIQUE CONCERNÉS


Pour l'art dramatique :

- le conservatoire national supérieur d'art dramatique ;

- l'école supérieure d'art dramatique du théâtre national de Strasbourg ;

- les écoles intégrées aux centres dramatiques nationaux de Saint-Etienne et Rennes ;

- l'école régionale d'acteurs à Cannes ;

- l'école professionnelle supérieure d'art dramatique du Nord-Pas-de-Calais ;

- les classes professionnelles rattachées aux conservatoires nationaux de région de Bordeaux et de Montpellier ;

- l'institut supérieur de la marionnette de Charleville-Mézières


Pour la danse :

- les conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon ;

- l'école de danse de l'Opéra national de Paris ;

- l'école supérieure de danse de Cannes ;

- l'école nationale supérieure de danse de Marseille ;

- le centre national de danse contemporaine d'Angers ;


Pour la musique :

- outre les établissements précédemment cités, les centres de formation des enseignants de la musique et de la danse (CEFEDEM) d'Aquitaine, de Bourgogne, de Bretagne-Pays-de-Loire, d'Ile-de-France, de Lorraine, de Normandie, de Rhône-Alpes, du Sud ;

- les centres d'études supérieures de musique et de danse de Poitou-Charentes et de Midi-Pyrénées ;

- les centres de formation de musiciens intervenants (CFMI) d'Aix-en-Provence, de Lille, de Lyon, d'Orsay, de Poitiers, de Rennes, de Sélestat, de Tours et de Toulouse ;


Pour le cirque :

- le centre national des arts du cirque ;

- l'académie Fratellini ;

- l'école nationale des arts du cirque de Rosny.

Source : Rapport pour avis de M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, Sénat, n° 32 (2003-2004).

b) Un souci de rééquilibrage des financements

La répartition des responsabilités telle que définie par la loi s'accompagne d'une réorganisation des financements consacrés aux enseignements artistiques, censée déboucher sur un nouvel équilibre.

Comme le relevait très justement notre collègue Philippe Richert, alors rapporteur pour avis du projet de loi au nom de votre commission des affaires culturelles 5 ( * ) : « dans la pratique, prévaut aujourd'hui, d'une région à l'autre, une grande diversité de modalités de financement de ces établissements, qui fonctionnent souvent grâce aux contributions croisées de plusieurs collectivités territoriales », notamment en ce qui concerne les enseignements à finalité professionnelle.

Néanmoins, ce sont les communes ou leurs groupements qui assument une part prépondérante de ce financement . Comme l'ont indiqué des maires, cette prise en charge peut atteindre 90 %, voire parfois 100 % du budget de fonctionnement des écoles.

S'agissant des établissements classés (conservatoires nationaux de région et des écoles nationales de musique), et ainsi que le montre le graphe suivant, elles assument en moyenne plus des trois quarts de dépenses de fonctionnement de ces établissements.

L'objectif est donc de rééquilibrer la charge, en suscitant une plus grande implication des autres niveaux de collectivités territoriales.

Ainsi que l'a souligné le directeur du conservatoire de Lille, la loi a le mérite de réduire les « charges de centralité » que supportent les grandes villes, pour les cycles préprofessionnels notamment, en plaçant ces enseignements sous la responsabilité des régions. Il s'agit ainsi de dégager des marges de manoeuvre afin que les villes puissent redéployer leurs financements sur l'enseignement initial et les actions d'éducation artistique, en lien avec les établissements scolaires.

Toutefois, la loi n'opère pas de transfert de charge : ainsi, l'article 101 prévoit le transfert par l'État aux départements et régions des concours financiers qu'il accorde jusqu'alors aux communes ou leurs groupements pour le fonctionnement des 36 conservatoires nationaux de région et des 101 écoles nationales de musique, de danse et d'art dramatique.

Ce transfert se fait par voie de convention et sur le fondement des plans régionaux et des schémas départementaux prévus par ce même article.

La note adressée le 16 octobre 2006 par la DMDTS aux préfets de région rappelle que ce transfert vise deux objectifs :

- d'une part, les CEPI, désormais de la responsabilité des régions ;

- d'autre part, l'aménagement culturel du territoire dans le domaine des enseignements artistiques, sous la forme du schéma départemental.

Cette même note précise que « le montant total des crédits à transférer est à répartir entre les différentes collectivités territoriales, en fonction des circonstances locales et de leur engagement respectif. »

c) Un rappel des missions de service public des établissements
(1) La définition de missions larges : de l'éveil artistique à la formation de l'amateur et du futur professionnel

En même temps qu'il tend à clarifier les responsabilités des collectivités territoriales et les règles de financement à l'égard des établissements d'enseignement public de la musique, de la danse et de l'art dramatique, l'article 101 de la loi du 13 août 2004 définit, pour la première fois dans un texte de nature législative, les missions de ces établissements.

Ces missions sont très larges puisqu'elles vont de l'éveil artistique à la formation préprofessionnelle. Ainsi, les établissements :

- « dispensent un enseignement initial, sanctionné par des certificats d'études, qui assure l'éveil, l'initiation, puis l'acquisition des savoirs fondamentaux nécessaires à une pratique artistique autonome » ;

- « participent également à l'éducation artistique des enfants d'âge scolaire » ;

- enfin, « ils peuvent proposer un cycle d'enseignement professionnel initial, sanctionné par un diplôme national. »

Cette définition fait écho à celle donnée, en 2001, dans le cadre de la Charte de l'enseignement artistique spécialisé en danse, musique et théâtre : celle-ci rappelle, en effet, que ces établissements « ont pour mission centrale la sensibilisation et la formation des futurs amateurs aux pratiques artistiques et culturelles ; certains d'entre eux assurent également la formation préprofessionnelle. »

Ces missions ainsi reprécisées traduisent une certaine volonté de recentrage sur la formation des musiciens, danseurs ou comédiens amateurs, qui est corrélée au souci de favoriser la démocratisation des établissements et leur ouverture sur la diversité des pratiques artistiques et des publics.

(2) La volonté de favoriser l'égal accès à ces enseignements

Ainsi que cela avait été souligné à l'occasion des débats parlementaires, la nouvelle « gouvernance territoriale » proposée par le texte de loi dans le domaine des enseignements artistiques répond au souci légitime de favoriser l'accès à ces enseignements.

Cela s'entend à plusieurs niveaux :

- mettre en place, tout d'abord, une politique d'aménagement du territoire en faveur des enseignements artistiques, afin de corriger les déséquilibres territoriaux liés à l' inégale répartition géographique de ces établissements ;

- assurer, en parallèle, une représentation plus équilibrée des différents champs disciplinaires ; en effet, si tous les établissements proposent un enseignement de musique, seuls 58 CRR et CRD, sur un total de 137, disposent d'un département d'art dramatique ; la danse contemporaine et les musiques nouvelles sont également inégalement représentées ;

- remédier, enfin, à l' insuffisante démocratisation de ces enseignements, qui ne concernent qu'un faible nombre de jeunes.

A cet égard, s'il faut regretter l'absence d'études récentes sur la sociologie des publics des conservatoires, les données relatives au profil des étudiants des établissements d'enseignement supérieur artistique et culturel montrent une surreprésentation des jeunes issus de milieux favorisés : selon une étude de l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE) parue en décembre 2006, plus de 55 % de ces étudiants (55,1 % dans le domaine du spectacle vivant, 56,7 % dans le domaine du patrimoine) ont un parent appartenant aux classes dites supérieures (cadre, profession libérale ou intellectuelle supérieure, chef d'entreprise).

Comme cela ressort du « vademecum » sur l'élaboration des schémas départementaux, édité par le ministère de la culture et de la communication et la Fédération « Arts vivants et départements », cet objectif d'égal accès aux enseignements artistiques est la vocation première de ces schémas . Ces derniers répondent, selon ce vade-mecum, à quatre finalités principales :

- contribuer au développement de la cohésion territoriale en structurant rationnellement les enseignements artistiques ;

- diversifier l'offre d'enseignement et élever son niveau qualitatif ;

- faciliter et encourager l'accès du public à l'enseignement artistique ;

- rendre cet enseignement plus lisible et plus attractif pour le public et les acteurs de la vie locale.

* 5 Rapport n° 32 (2003-2004).

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