Audition de M. Jacques RASTOUL, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) - (27 mai 2008)
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Nous vous accueillons dans le cadre de notre mission qui réunit des sénateurs de diverses tendances politiques et traite de la politique de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.
Mes collègues vous interrogeront après votre exposé.
M. Jacques RASTOUL - Merci de m'avoir invité. Nous collaborons déjà avec le Sénat dans le cadre du Conseil national de lutte contre l'exclusion. L'existence de telles instances permettant de réunir des élus, des associations, des administrations, ainsi que des organisations syndicales, constitue un phénomène nouveau et, selon nous, profondément utile dans la mesure où il permet une approche multidimensionnelle des politiques de lutte contre l'exclusion et la pauvreté, comme celle adoptée par le Conseil économique et social et le Conseil national de l'insertion par l'activité économique.
Un tel sujet est cependant, du fait de son étendue même, parfois difficile à appréhender pour les organisations syndicales. A l'image des expérimentations que nous menons sur le terrain, nous devons initier des actions spécifiques, mais en les intégrant au sein d'une politique globale. Ce principe doit valoir pour l'ensemble partenaires sociaux, pour le gouvernement comme pour les organisations syndicales. Je pourrais fournir, à l'appui de cette démonstration, de nombreux exemples de négociations que nous avons menées afin de favoriser l'accès aux droits, qui représente une dimension essentielle des politiques de lutte contre l'exclusion et la pauvreté. Le plan d'action de retour à l'emploi, la couverture maladie universelle et la garantie du risque locatif constituent des dispositifs particuliers d'aide aux personnes en difficulté, et dont nous considérons qu'ils peuvent être encore améliorés.
Par ailleurs, nous sommes favorables, sur l'ensemble de ces sujets, à de nouvelles méthodes de fonctionnement, plus concertées. Ainsi, avec le soutien du Ministère de l'emploi, nous expérimentons déjà nous-mêmes, dans sept bassins d'emploi, des collaborations avec les entreprises, les collectivités locales et les associations. Nous devons ainsi collectivement dépasser les représentations datées et erronées que nous pouvons avoir sur de tels thèmes. Tout le monde peut aisément se déclarer opposé à la pauvreté et l'exclusion. Il est, en revanche, plus complexe de déterminer la manière la plus adaptée d'agir concrètement contre elles, que l'on soit citoyen ou syndicaliste. La pauvreté est souvent, pour des salariés, une source de honte profonde qui les pousse à la cacher.
Nous saluons l'approche globale, et pas seulement monétaire, du RSA qui vise à améliorer les situations individuelles, ainsi que le principe qui l'anime de permettre aux personnes qui travaillent de bénéficier d'une rémunération supérieure à celle de ceux qui ne travaillent pas. Des procédures doivent cependant l'accompagner pour limiter le risque d'effet d'aubaine et favoriser le retour à l'emploi de manière plus efficace qu'il ne l'est aujourd'hui au travers de la prime de retour à l'emploi actuelle. La dynamique qu'il initie pour retour à un emploi durable et de qualité nous paraît ainsi bénéfique. C'est pourquoi nous avons apporté un vote favorable à l'avis du COE sur le RSA, avec les critiques qu'il intégrait.
Nous avons conscience cependant que la réduction de la pauvreté ne passe pas seulement par un retour au travail, mais également par la mise en place de politiques salariales qui réduisent la précarité, et de politiques de prévention des risques professionnels au sein des entreprises. La dégradation des conditions de travail est telle qu'elle nuit parfois à l'employabilité des salariés qui se trouvent alors exclus du marché de l'emploi. Il est de notre responsabilité, organisations syndicales, de traiter de ces sujets avec une démarche non exclusivement caritative. Nous pouvons ainsi agir à plusieurs niveaux : au moment du recrutement, par l'accueil des personnes en difficulté, ou par la lutte contre leur stigmatisation. Si l'ensemble des partenaires, des employeurs aux salariés, s'impliquent dans ce domaine, les résultats obtenus seront tout à fait bénéfiques.
Nous devons, à un autre niveau, réformer le système de retraite afin que les personnes ayant connu un accident dans leur trajectoire professionnelle et se trouvant en situation d'insécurité professionnelle et sociale ne soient pas pénalisées à l'excès, dans la mesure où elles ont cotisé pour la protection sociale. Le niveau des seuils d'heures de travail effectuées doit ainsi être révisé, notamment dans le cas des services à la personne (pour lequel le seuil est fixé à 200 heures par trimestre). Nous devons, suivant la même logique, revoir les minima sociaux, et particulièrement les mécanismes de l'indemnité journalière dont certaines personnes en situation très précaire ne peuvent pas bénéficier lorsqu'elles sont malades.
D'autres réformes sont par ailleurs nécessaires, comme celle de la formation professionnelle ou celle, étudiée dans le cadre du Grenelle de l'insertion et relative à l'accord de janvier 2008, sur la modernisation du marché du travail, dont nous espérons qu'elle puisse être reprise dans la loi, qui viserait à permettre à toute personne capable de travailler et le souhaitant, d'être inscrite comme demandeur d'emploi, et ainsi de sortir de l'exclusion et de la stigmatisation.
Nous pensons que la notion de handicap social représente une notion trop restrictive. Pour nous, en effet, une personne, même en très grande difficulté psychique ou physique, ne saurait être considérée comme inemployable à vie.
Par ailleurs, les initiatives du Grenelle de l'insertion concernant la mise en place de référents uniques et de guichets uniques pour simplifier le fonctionnement des politiques sociales nous semblent très intéressantes. Nous sommes tout à fait prêts à participer à une démarche favorisant la concertation et la coordination entre les différents acteurs, à l'échelle nationale comme à l'échelle des bassins d'emploi et des différentes collectivités locales, à l'image de ce qui a été mis en place au travers des politiques de l'emploi.
Nous nous étions ainsi prononcés, dans le cadre du Grenelle de l'insertion, pour un recensement exhaustif, réalisé en partenariat avec les villes, les communautés d'agglomération, les Départements, les Régions et les partenaires sociaux, des différentes aides sociales connexes, afin d'optimiser leur combinaison et leur mutualisation tout en respectant les prérogatives des différents acteurs. Celles relatives au transport ou à la garde d'enfant pourraient ici être citées comme exemples.
En préalable au Grenelle de l'insertion, nous nous sommes réunis, chaque mois, avec les organisations patronales, les organisations syndicales et le collectif ALERTE, regroupant 37 fédérations spécialisées dans l'insertion et la lutte contre l'exclusion, pour recenser l'ensemble des freins à l'emploi, qu'ils soient liés à la société ou aux représentations que nous pouvons avoir sur les chômeurs. Dans ce contexte, nous souhaitons que l'Etat tienne son rôle de garant des politiques sociales, mais que dans le même temps, chacun des acteurs assume sa responsabilité dans la mise en oeuvre cohérente des politiques.
Je pense que nous vivons un moment charnière, comme le parlementaire M. Pierre Cardo l'a noté dans le cadre du Grenelle de l'insertion en affirmant que, pour la première fois depuis 25 ans, une dynamique nouvelle se met en place dans les domaines de la formation professionnelle et plus généralement de la pauvreté et de l'exclusion. L'action prioritaire à mener doit, selon nous, permettre à l'individu d'être en situation de travail ou d'avoir une activité éventuellement subventionnée, comme c'est d'ailleurs le cas dans d'autres pays.
Dans un contexte démographique particulier, nous devons également réorienter les fonds de la formation professionnelle en priorité vers les publics les plus en difficulté et ouvrir le contrat de professionnalisation à des personnes peu ou pas qualifiées.
Je conclurai mon propos en notant que le principal défi auquel nous devons faire face en matière d'exclusion et d'insertion est de réussir à faire participer l'éducation nationale à nos réflexions. Tous les acteurs du Grenelle de l'insertion partagent ce constat. Certains demandant même la mise en place d'un Grenelle de l'éducation. Cette absence d'implication de l'éducation nationale nous paraît tout à fait inappropriée dans un contexte de reproduction des inégalités, et alors que nous pensons que l'égalité des chances doit être réellement mise en place afin de compenser les différentes inégalités qui deviennent, par la suite, sources de discrimination.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Nous vivons actuellement un paradoxe, avec un pouvoir politique qui semble reconnaître son impuissance à définir l'intérêt général pour notre société et s'en remettre aux entreprises et aux partenaires sociaux pour mettre en place les politiques en matière d'emploi et d'insertion. M. Rastoul me redonne heureusement, à chaque fois que je le rencontre, une forme d'espoir, grâce à la confiance et à la ténacité qui l'animent.
Je voudrais, M. Rastoul obtenir des précisions sur les modalités de participation des personnes exclues elles-mêmes des débats sur les problématiques qui les concernent. J'ai en effet moi-même invité, dans le cadre du CNLE, des associations de chômeurs et précaires. Mais cette démarche suscite parfois la contestation. Une vision orthodoxe pourrait ainsi considérer que les organisations syndicales se consacrent à la défense exclusive des salariés disposant d'un contrat de travail.
La volonté, exprimée à l'occasion du Grenelle de l'insertion, de prendre en compte la parole des usagers me semble ainsi louable, mais se heurte à différentes contraintes. L'idéal que constituerait le fait, comme nous l'avons observé lors d'un déplacement récent en Pologne, de partager le sort des plus démunis, (comme ATD Quart Monde peut également le pratiquer), ne peut être généralisé.
Je constate que le système dont les personnes en difficulté sont exclues n'est jamais lui-même l'objet d'une réflexion critique portant sur ses fondements et ses principes.
J'aimerais donc, en premier lieu, connaître des initiatives qui, selon vous, pourraient présenter un fort potentiel pour améliorer la situation des exclus à l'échelle des entreprises, des bassins d'emploi et des collectivités locales.
Egalement, je voudrais savoir si nous devons attendre, de ces initiatives concrètes et pragmatiques, une organisation plus cohérente de la société ou si celle-ci doit être le fruit d'autres démarches, par exemple de l'instauration d'une politique des revenus, que les excès récents de la rémunération de certains chefs d'entreprise ou la réflexion plus fondamentale sur les inégalités de notre société ne peuvent nous faire négliger.
M. Jacques RASTOUL - Il est, de notre point de vue, essentiel de traiter des sujets ayant trait aux inégalités fondamentales, à la répartition des revenus et à la fiscalité, comme nous l'avons démontré récemment par les critiques que nous avons formulées envers le bouclier fiscal notamment.
Il existe, selon nous, une manière différente de distribuer la richesse, qui contribuerait à réduire la pauvreté et l'exclusion. Nous sommes confrontés, en effet, dans une certaine mesure, à une situation explosive, alimentée parfois par une économie parallèle, de la drogue notamment dans certains quartiers, et des phénomènes de marginalisation.
Nous devons traiter à la fois les causes profondes et les conséquences de ces situations, mais, dans le même temps, apporter les preuves, ou les résultats démontrant qu'une amélioration est possible, afin de mobiliser, comme nous le faisons nous-mêmes, un ensemble d'acteurs dans le cadre de projets communs. Or, en matière de lutte contre la pauvreté, les résultats et les réussites ne sont jamais mis en lumière, au contraire de la détresse, certes réelle, des personnes qui en souffrent. Nous devons, au-delà de la stigmatisation ou de la compassion, adopter sur le sujet une attitude pragmatique qui vise à parler des résultats positifs et des moyens de les atteindre, afin de ne pas risquer le repli sur soi et la désespérance généralisée.
Ainsi j'ai découvert sur le terrain, au-delà du clivage droite-gauche, des réussites exemplaires dans le cadre des contrats aidés.
Nous sommes, par ailleurs, engagés, avec l'ensemble des associations comme ATD Quart Monde et Emmaüs, dans une démarche consistant à écouter les usagers eux-mêmes, dans la mesure où certains membres de nos syndicats sont impliqués dans le règlement des problèmes en matière d'emploi ou parfois eux-mêmes au chômage. Des actions concrètes doivent cependant être menées pour donner plus encore la parole à ces usagers, afin d'obtenir de leur part des informations plus complètes sur les services publics, les services sociaux et la protection sociale.
Agir sur la représentation que nous pouvons avoir de ces populations nécessite, de notre part, une réflexion plus aboutie et la formulation de propositions. Les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et l'Etat en ont la responsabilité. La définition de critères spécifiques de représentativité de ces populations devrait notamment être mise en place.
Nous allons ainsi, très bientôt, organiser avec une vingtaine de personnes que nous avons suivies, un rassemblement au cours duquel elles auront l'occasion de s'exprimer. Leur participation à un processus de négociation se révèle, en revanche, plus problématique. Dans le cadre du Grenelle de l'insertion, nous avons, par exemple, entendu des membres d'Emmaüs exprimer des réflexions contradictoires avec celles de leur fédération.
Nous avons proposé, dans ce domaine, de réaliser des enquêtes systématiques sur les attentes et le degré de satisfaction de ces usagers, afin de disposer de données régulières sur leur situation. L'essentiel en ce domaine sera de procéder de manière organisée.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Pourriez-vous nous citer des exemples d'initiatives novatrices au sein des entreprises ?
M. Jacques RASTOUL - Le fait même de réussir à convaincre des employeurs de la possibilité d'embaucher sur la base de critères nouveaux peut constituer une réelle avancée.
Pour tenir notre rôle de syndicat, nous avons la responsabilité d'interpeller les employeurs sur un ensemble de points. En effet, entre 20% et 30% des personnes en difficulté qui ont réussi à être embauchées voient leur contrat rompu dès les premières semaines. Il est indispensable que nous soyons vigilants dans ce domaine, en lien avec les tuteurs et les employeurs. Il est dramatique pour une personne, ayant espéré pendant très longtemps un emploi, de le perdre à peine quelques semaines après l'avoir trouvé.
En Loire-Atlantique, au Havre, à Bordeaux, à Montbéliard et à Maubeuge, par exemple, des personnes dont on ne pensait pas qu'elles pourraient être employées ont réussi à trouver un emploi grâce à l'action collective des salariées et des sections syndicales.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Comment cette action est-elle menée à une échelle supérieure, au niveau de la branche d'activité ?
M. Jacques RASTOUL - Nous menons le plus souvent cette action à l'échelle des territoires dans la mesure où les maisons de l'emploi constituent un cadre permettant d'instaurer un dialogue social entre les employeurs et les syndicats sur des sujets spécifiques liés à chaque métier. A Melun-Sénart, par exemple, des entreprises, du fait d'un déficit d'image et d'attractivité, reçoivent moins de demandes d'emplois qu'elles n'en offrent. C'est pourquoi nous menons, dans ce cas précis, des actions en partenariat avec des IUT, des chercheurs, mais également des chômeurs et des retraités qui enquêtent dans les entreprises.
Ce type d'initiative, conjointe, est conduit en partenariat avec les entreprises et les organisations syndicales, la communauté d'agglomération et le Conseil général.
Les GEC constituent un autre type d'initiatives innovantes. Ainsi, en Champagne-Ardenne, nous menons des actions en direction des femmes en difficulté, lesquelles pourront ensuite être généralisées. A ce sujet, nous souhaitons, comme le COE, que le RSA ne constitue pas une incitation pour les femmes à rester au foyer.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Il me paraît très intéressant de constater que de telles initiatives peuvent rencontrer le succès et permettre d'initier des progrès de manière collective.
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE - Je souhaiterais revenir sur les remarques de M. Bernard Seillier concernant l'absence de réflexion critique sur le système en place et les inégalités et injustices à l'oeuvre dans la société. La spéculation à laquelle nous assistons actuellement à l'échelle mondiale sur les produits de première nécessité alors que de plus en plus de personnes manquent de ces denrées vitales illustre toute l'acuité de la problématique.
Je voudrais savoir si les actions que vous menez au sein des entreprises pour favoriser le retour à l'emploi de personnes qui en étaient éloignées sont géographiquement très localisées ou si, au contraire, elles sont généralisées. Dans le prolongement de cette question, ne considérez-vous pas que les entreprises évoluant dans le domaine de l'insertion, qui sont les principaux employeurs des personnes en difficulté, puissent jouer un rôle de transition, par la formation et l'acquisition de compétences, pour ces personnes, vers l'emploi ?
M. Jacques RASTOUL - Nous menons une multitude d'expériences innovantes. Celle du GEC que j'ai évoqué représente une expérience pluriannuelle. Notre démarche est volontariste et peut effectivement impliquer les entreprises évoluant dans le secteur de l'insertion comme à Bordeaux ou à Maubeuge, une association intermédiaire et la mission locale. Dans tous les cas, les jeunes en difficultés dans les quartiers, par exemple, sont contactés par l'intermédiaire de l'IAE ou de la mission locale, ce qui permet de rassurer l'employeur, ainsi que l'équipe syndicale qui se refuse à une approche clientéliste.
Les résultats de ces expériences sont analysés afin de généraliser un mode de fonctionnement tripartite, regroupant employeur, organisation syndicale et acteur de l'insertion (mission locale ou structure d'insertion).
D'autres exemples, de sous-traitance ou d'implication dans le cadre de fondations d'entreprise, pourraient être cités ici. Mais l'essentiel consiste toujours à assurer ce croisement des compétences qui rassure et permet de mobiliser dans la mesure où chaque acteur s'appuie sur sa légitimité et apprend des autres. Dans le cadre de ces actions, les acteurs se rencontrent mensuellement afin d'effectuer des bilans d'étapes.
Nous soutenons vivement l'insertion par l'activité économique et l'épargne salariale solidaire qui offre aux personnes le plus en difficulté l'opportunité d'obtenir un emploi classique.
Une réforme a ainsi été annoncée ce matin par le Premier ministre dans le domaine de l'insertion par l'activité économique, avec une suppression des contrats aidés (mais pas en volume) dans ce secteur pour aller vers une aide au poste. Je signale à ce sujet que le MEDEF vient d'éditer un guide pratique pour les entreprises souhaitant travailler avec le secteur de l'insertion. Nous sommes nous-mêmes en train de finaliser des guides très précis sur cette approche de la solidarité qui nécessite des initiatives innovantes.
M. Guy FISCHER - La perspective d'avoir un spectre trop étendu de bénéficiaires potentiels du RSA nous inquiète, dans la mesure où il s'agit d'un dispositif d'une grande complexité. Ne pensez-vous pas nécessaire de déterminer précisément ces futurs bénéficiaires pour réellement mettre à leur disposition l'ensemble des moyens prévus? A quelles conditions pensez-vous que la politique de gestion de l'exclusion et de la pauvreté actuelle pourra être remplacée par une politique de retour à l'emploi ne favorisant pas, pour autant, la généralisation de la précarité ?
M. Jacques RASTOUL - Nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur ce sujet, et nous nous efforcerons de faire attention à ce que le dispositif traite bien de la même façon les personnes qui trouvent pour la première fois un emploi que les anciens travailleurs pauvres, et n'entraîne pas d'effet d'aubaine. Nous attendons des effets positifs de la mise en place du RSA sur les finances publiques, mais souhaitons, dans le même temps, que des négociations préalables soient menées dans les secteurs marqués par la pauvreté et la précarité afin de les faire reculer. Le Grenelle de l'insertion s'avère, dans ce contexte, fort opportun en permettant de déterminer des mesures d'accompagnement vers l'emploi pour compléter l'approche monétaire du RSA.
Les associations et les syndicats travaillent depuis plus de 6 mois sur le sujet, ce qui nous permet, au-delà de l'apparente complexité du dispositif, de mieux faire apparaître la véritable simplification qu'il induit en se substituant aux nombreux autres dispositifs d'aide. Nous souhaitons cependant que la disparition de la PPE ne se fasse pas au détriment de certains de ses bénéficiaires actuels, mais que celle-ci contribue, d'une part, au financement du RSA et, d'autre part, à une forme de redistribution fiscale. Des processus de transition adaptés devront ainsi être imaginés. La loi créant le RSA devra également traiter du sujet de l'insertion professionnelle.
M. Guy FISCHER - Quand cette loi interviendra-t-elle ?
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - A l'automne.
M. Guy FISCHER - Vous avez affirmé la nécessité de recenser les droits connexes existants dans chaque département. Cette démarche ne conduira-t-elle pas à une mise en oeuvre individualisée du RSA dans chacun de ces départements ?
M. Jacques RASTOUL - Nous nous sommes prononcés, pour notre part, pour une généralisation du dispositif. Des domaines très spécifiques à un département, concernant les transports ou l'aide à la petite enfance, par exemple, devraient cependant pouvoir bénéficier d'une réponse adaptée par l'action mutualisée de la protection sociale, des collectivités territoriales et de l'Etat. Des progrès en termes d'efficacité pourraient ainsi être obtenus, de même que des améliorations dans les domaines du logement ou de la formation professionnelle.
En guise de conclusion, le Grenelle de l'insertion pourrait constituer une occasion de clarification des rôles des différentes collectivités locales, des partenaires sociaux et de l'Etat, dans le cadre des bassins d'emploi. Le fait que les conseils généraux traitent des politiques sociales sans les déconnecter de l'emploi nous semble ainsi particulièrement prometteur, comme notre expérience sur le terrain nous le démontre depuis plusieurs années.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Nous vous remercions pour votre exposé et particulièrement pour son caractère très innovant.