Audition de Mme Marie-Laure MEYER, conseillère régionale d'Ile-de-France, membre de la commission formation professionnelle et apprentissage de l'Association des régions de France (ARF) - (29 avril 2008)
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marie-Laure Meyer, conseillère régionale d'Ile-de-France. Nous sommes réunis ici en Mission commune d'information sur les politiques en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Cette assemblée réunit des sénateurs qui cherchent les causes de la pauvreté et de la précarité. Nous allons vous demander de vous présenter, ainsi que votre association. Après quoi, nous vous poserons des questions.
Mme Marie-Laure MEYER - Je représente donc l'Association des régions de France, laquelle, contrairement aux deux autres associations de collectivités territoriales, joue un rôle de plus en plus important, la Région constituant la collectivité la plus récente. Je suis, par ailleurs, conseillère régionale d'Ile-de-France et, à ce titre, secrétaire de la commission de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Je représente le conseil régional d'Ile-de-France au conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. J'ai coprésidé, en lien avec les partenaires sociaux, le groupe de travail sur la sécurisation des parcours professionnels par la formation. Je représente également l'Association des régions de France au conseil national de l'insertion par l'activité économique au Grenelle de l'insertion. Je n'ai pas la prétention de savoir pourquoi on devient pauvre. Mon ambition est de déterminer la manière d'aider les gens à sortir de la précarité.
Enfin j'exerce un mandat municipal et suis présidente déléguée de la maison de l'emploi et de la formation de Nanterre, après avoir été pendant des années maire adjoint de cette ville, en charge de l'économie, de l'emploi et de la formation.
Les régions de France ont une position ambiguë sur les problématiques d'exclusion et de pauvreté. Il est évident qu'elles sont concernées, comme tous les niveaux de démocratie, par ces sujets. C'est le cas notamment de la Région Ile-de-France qui, si elle représente le territoire le plus riche de France, abrite aussi des endroits de très grande pauvreté que nous cherchons à gommer par un certain nombre de politiques de droit commun visant à leur désenclavement, à la construction de logement social et de transports et au soutien des réseaux associatifs.
La position ambiguë des régions sur les problématiques d'exclusion et de pauvreté s'explique aussi par le fait que les lois de décentralisation leur ont confié la formation professionnelle des demandeurs d'emplois, mais sans préciser la façon dont celle-ci s'articule avec la formation professionnelle des bénéficiaires du RMI, laquelle relève de la responsabilité des Départements, et la formation professionnelle des demandeurs d'emplois financée par d'autres acteurs que les Régions comme les Assedic. De plus, la coordination de l'insertion par l'activité économique est effectuée au niveau départemental, une compétence que ne possède pas le comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle. Il s'agit d'une carence majeure et nous sommes en train de voir, dans le cadre du Grenelle de l'insertion, comment il nous est possible, éventuellement par une modification des textes législatifs relatifs à la formation professionnelle - en particulier la loi sur la réforme de la formation professionnelle -, d'y remédier. Il s'agit de savoir comment nous pouvons construire des passerelles, de manière à ce qu'à l'exclusion provoquée par la grande pauvreté ne s'ajoute pas une autre exclusion liée à des trous dans les mailles du filet des dispositifs de prise en charge de la précarité du fait de leur grand nombre.
Les schémas de formation professionnelle tout au long de la vie doivent bien sûr être articulés autour de bassins d'activités et des schémas régionaux de développement économique mis en place par les Régions.
L'insertion doit-elle être appréhendée à des échelles locales, comme un sujet à part, déconnecté de l'activité économique, ou être traitée en lien avec celle-ci ? Cette question se pose de manières différentes selon les régions, suivant qu'il s'agisse de territoires ruraux, enclavés et avec un habitat très émietté, ou urbains, ouverts sur l'extérieur et riches en immeubles collectifs. Toutefois, en tout état de cause, l'absence de relation entre le schéma de développement économique et la formation professionnelle accessible à tous les publics, y compris les publics en insertion, ceux bénéficiaires du RMI, s'avère pour nous problématique et nous oblige à nous demander de quelle manière il nous est possible de collaborer avec les Départements, étant entendu que les différentes collectivités ont l'habitude de travailler sous des formes variées, que des Régions dont déjà, comme partenaires, des conseils généraux, des réseaux de grande lutte contre l'exclusion et des réseaux d'insertion par l'activité économique, qu'elles appuient par le biais de l'économie sociale et solidaire, en formant leurs encadrants ou en soutenant la création de structures. De manière générale, les Régions viennent en aide, non pas aux personnes, mais aux structures. Pour ce faire, en raison des contraintes auxquelles elles sont confrontées dans leur intervention, elles doivent faire preuve de beaucoup d'imagination. Voilà ce que je pouvais vous dire.
Je rajouterai peut-être un point. Je vous ai indiqué que je suis présidente d'une maison de l'emploi et de la formation professionnelle à Nanterre. Cette ville fait partie des communes où l'exclusion sévit énormément. Il s'y trouve aujourd'hui entre 4 000 et 5 000 demandeurs d'emplois, 2 000 familles bénéficiaires du RMI, 2 000 jeunes suivis par les missions locales et un certain nombre de personnes non identifiées par les référentiels de l'ANPE : titulaires de contrats précaires, de minima sociaux et de RMI. Je suis présidente d'un PLIE et, à Nanterre, une cité des métiers a été intégrée à la maison de l'emploi et de la formation professionnelle, de manière à ce que les exclus ne soient pas accueillis comme tel, mais en fonction de leurs problèmes et de leur situation personnelle. Il ne s'agit pas de les enfermer dans leur condition.
Une personne n'accepte pas toujours d'être reçue comme érémiste. Le fait d'avoir à décliner d'abord, non pas son projet, mais son statut, peut être assez pénible, redoutable, voire enfermant, pour elle. C'est pourquoi il est essentiel d'accueillir les gens dans le cadre d'une dynamique de projets.
Voilà ce que je pouvais vous dire en introduction. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Vous avez parlé de la nécessité d'accueillir les personnes, non pas comme érémistes, mais en fonction de leurs problèmes. J'ai du mal à comprendre le sens de ce propos.
Mme Marie-Laure MEYER - Nous rencontrons le même problème pour l'accueil des personnes bénéficiant d'une allocation adulte handicapé. Le RMI représente-t-il simplement une aide financière ou correspond-il à une étiquette collant à la peau de celui qui en bénéficie et n'existe alors plus que comme érémiste ? A priori, le fait d'être allocataire de RMI ne trahit rien de vos compétences professionnelles, de votre projet de vie, de votre niveau d'autonomie, etc. Cette situation montre simplement que vous avez subi une rupture professionnelle, sociale ou familiale, laquelle vous conduit à avoir besoin de ce minimal social pour vivre. Elle ne signifie en aucun cas que votre insertion professionnelle est limitée à un espace particulier.
Il en est de même concernant le handicap. Vous pouvez recevoir une allocation adulte handicapé et vous montrer parfaitement valide pour exercer certains métiers. Aussi faut-il vous cantonner aux offres d'emplois réservées aux personnes handicapées ou utiliser le maximum de votre validité pour vous ouvrir le champ des possibles et vous inscrire dans des dynamiques de groupes ? A mon avis, la formation est là pour vous aider à vivre mieux votre handicap. Dans ma commune, nous avons mis en place deux accueils : un pour traiter du social (problèmes de manque de revenus, de surendettement, etc.), un autre pour aborder l'insertion professionnelle et qui concerne un accueil de premier niveau, permettant aux personnes de se présenter, non pas comme érémiste, mais comme demandeur d'emploi et de décliner leur parcours professionnel et leur projet de vie. Le fait qu'elles soient érémistes n'est pour nous, à ce niveau, qu'une opportunité pour débloquer des financements de formation ou des aides particulières.
Etiqueter des gens en perte de repères ne contribue qu'à enfermer ceux-ci dans une représentation négative, dévalorisante, d'eux-mêmes et à les soumettre à une injonction paradoxale puisqu'on leur demande à la fois d'être autonomes et de faire ce qu'on leur dit pour ne pas sortir des cases.
Mme Esther SITTLER - Vous avez fait part de la nécessité de faire preuve de beaucoup d'imagination en raison de la complexité du cadre réglementaire. Cela signifie-t-il que la législation n'est pas assez claire pour vous permettre d'agir comme il convient ? Souhaitez-vous une évolution des textes de loi ? La formation professionnelle a déjà fait l'objet d'une étude au Sénat, laquelle a montré l'existence de pas mal de lacunes dans ce domaine. J'aimerais avoir votre avis sur le sujet.
Mme Marie-Laure MEYER - La loi de 2004 a confié aux Régions la formation professionnelle des demandeurs d'emplois. Depuis 1998, celles-ci avaient en charge l'insertion professionnelle des jeunes et l'apprentissage. Par conséquent, pour faire preuve de caricature, les Régions jouent le rôle de voitures balais pour l'éducation nationale et les organismes de formation continue des salariés. Ainsi, elles ont à s'occuper, d'une part, des jeunes qui sont l'impossibilité de postuler directement à un emploi après leur formation initiale et, d'autre part, des adultes ne disposant pas d'une formation ou qualification professionnelle adaptée au marché de l'emploi.
Or l'insertion est gérée au niveau départemental. Par conséquent, il est impossible normalement pour les Régions de s'emparer de ce sujet, sauf dans le cas d'accords passés entre elles et des Départements. Aucun cadre n'oblige les conseils régionaux à discuter des problématiques d'insertion avec les conseils généraux. De fait, il peut exister, à certains endroits, des dispositifs cohérents où les Départements indiquent quels sont leurs diagnostics des besoins des personnes bénéficiaires du RMI qu'ils ont à suivre et les Régions tiennent alors compte de ces besoins exprimés dans leur schéma de formation. Mais nous pouvons avoir aussi, dans d'autres lieux, des dispositifs incohérents, déconnectés les uns des autres, avec, d'un côté, les schémas de formation ouverts aux demandeurs d'emplois et, de l'autre côté, sans relation avec les précédents, les schémas de formation accessibles aux bénéficiaires du RMI. Je ne vous cache pas qu'au niveau de certains territoires, les prescripteurs (ANPE, plans locaux pour l'insertion et maisons l'emploi) glissent d'un type de schéma vers l'autre quand ils ont besoin de proposer une formation adaptée à une personne. Il est évident qu'en matière de formation professionnelle, les Régions ont une force de frappe supérieure à celle des Départements et collaborent davantage qu'eux avec le monde économique. Il s'agit d'une règle générale qui peut être plus ou moins vraie selon les territoires. C'est pourquoi il est toujours compliqué de représenter l'Association des régions de France. Le principe même d'une région est qu'elle peut être très différente d'un territoire à un autre.
Comme le laissent à penser les débats qui ont lieu dans le cadre du Grenelle de l'insertion, il nous semble qu'il y a besoin, pour gagner en cohérence et faciliter la mobilité professionnelle et géographique, d'assurer une coordination entre les actions entreprises par les Départements, dans la mesure où ils ont la responsabilité principale de l'insertion, et celles relevant des Régions et de l'ensemble des réseaux en charge de l'insertion (réseaux d'accompagnement de personnes et réseaux agissant pour l'insertion par l'activité économique). Souvent les solutions trouvées par les Départements s'inscrivent dans les bassins de vie les plus étroits, ce qui n'est pas toujours idéal quand il faut lutter contre l'exclusion. De la même manière, il n'est pas toujours opportun de regrouper, dans une salle de formation, des personnes en proie aux mêmes problèmes, toute formation devant permettre à chacun de rencontrer d'autres gens, d'autres horizons.
Mieux agir demande des outils adéquats et pas seulement de la bonne volonté.
Enfin, concernant les partenaires sociaux, le comité régional de formation professionnelle et de l'emploi collabore avec eux. Mais pour moi, il est un peu ahurissant de constater l'impossibilité d'intervenir auprès des personnes les plus en difficulté, celles pour lesquelles le service public de l'emploi n'a pas pu apporter de solution, par le biais d'une coordination entre les acteurs en charge de l'insertion. Nous savons très bien qu'il n'est pas possible de construire des parcours d'insertion sans des entreprises qui jouent le jeu, des salariés enclins à faire de l'accompagnement à l'intérieur de leurs entreprises, etc. Nous avons besoin d'avoir un service public de l'emploi qui réoriente correctement les personnes incapables de rechercher un travail vers les services sociaux. Je pense notamment ici aux gens rencontrant des problèmes de drogue, d'alcool et de santé. L'ANPE n'est pas armée pour traiter de ces cas dont peuvent s'occuper uniquement des structures spécialisées. Le seul problème est de réussir à mettre l'ensemble des acteurs en charge de l'insertion en réseau, de manière à ne pas laisser les gens à leur solitude.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - M. Guy Fischer a demandé la parole.
M. Guy FISCHER - Nos préoccupations communes consistent à ne pas laisser sur le bord de la route les personnes les plus éloignées de l'emploi. D'après votre expérience, les appels d'offres, devenus obligatoires, pour la prise en charge des personnes en situation d'exclusion ne contribuent-ils pas à éliminer toutes les petites associations de proximité impliquées dans l'insertion au profit de structures importantes, sollicitées pour obtenir des résultats rapidement ?
Vous avez parlé des érémistes. Or je m'interroge sur la volonté du gouvernement de faire passer les personnes bénéficiant aujourd'hui du RMI sous le régime du RSA. Il est à craindre que cette mesure ne conduise à la disparition des minima sociaux. Quel est votre avis sur le sujet ?
Mme Marie-Laure MEYER - Votre interrogation renvoie à plusieurs questions. Tout d'abord, il s'agit de savoir ce qu'est la formation professionnelle. Il est évident qu'un certain nombre d'associations de proximité en charge de l'insertion n'assurent pas de fonctions en matière de formation professionnelle. Elles procèdent à des activités de sensibilisation, de dynamisation ou de découverte de métiers, mais pas de formation professionnelle au sens propre des termes.
En ce qui nous concerne, nous nous intéressons aux enjeux de la formation professionnelle, à la manière de rendre une personne éligible à un emploi classique. Dans ma commune, environ un tiers des bénéficiaires du RMI est dans un état de santé et de forme suffisant pour rechercher un emploi. Il est clair que nous avons besoin de réseaux de proximité pour donner envie aux personnes en situation d'exclusion de se faire connaître et de s'en sortir. Toutefois, le marché de l'emploi étant très compétitif et les populations souffrant de la précarité se caractérisant souvent par de faibles niveaux de qualification, que leur période d'exclusion et de désocialisation a encore aggravés, celles-ci seront condamnées, pour la plupart d'entre elles, à exercer des métiers pénibles et précaires. Il est donc difficile de construire des parcours qualifiants autrement que dans la durée. Au PLIE, d'après le contrat signé avec le FSE, nous suivons les gens pendant deux ans. A ce sujet, nous ne pouvons que déplorer la baisse des crédits du FSE et l'impuissance de la France, laquelle n'a pas su conserver l'enveloppe financière réservée aux PLIE alors que, si le nombre de chômeurs a diminué, celui des personnes en grande difficulté reste toujours aussi élevé.
Cette période de suivi de deux ans s'explique par le fait que les résultats des PLIE se mesurent au nombre de formations qualifiantes ou de contrats de plus de 6 mois obtenus. Nous avons tendance à privilégier ces derniers car ils débouchent sur la restauration de droits sociaux et permettent à ceux qui en bénéficient de reconstruire leur curriculum vitae.
Ainsi, si en début de parcours d'insertion, il convient de travailler avec des associations de proximité, à la fin de ce même parcours, il est nécessaire de faire appel à des équipes professionnelles lourdes. Moins vous êtes qualifiés et avez connu un cheminement professionnel intéressant, plus il faut vous donner des références solides. Ainsi, dans ma commune, j'essaie de convaincre une entreprise comme Axa de prendre en stage des personnes dont nous nous occupons. Il est plus valorisant, en effet, pour un individu au chômage depuis cinq ans, d'effectuer un stage dans une société comme Axa, reconnue mondialement, plutôt que dans le supermarché local. Notre objectif est de redonner une crédibilité professionnelle à des gens qui n'ont plus confiance en eux et dans lesquels nous n'avons plus confiance non plus.
Par conséquent, les réseaux de proximité, pour établir un parcours d'insertion, sont nécessaires mais pas suffisants.
Par ailleurs, les Régions revendiquent le droit constitutionnel de faire appel, soit au marché, soit au service régional de formation, pour la prise en charge de l'insertion. Dans ce domaine, la France ne suit pas les directives européennes. Dans d'autres Etats comme l'Allemagne, la formation a lieu autrement que par le biais du marché. Nous considérons, nous, que, si les formations en bureautique peuvent être traitées par le marché, celles relatives à l'apprentissage des gestes de base doivent relever des services publics au travers d'un certain nombre d'outils (ateliers pédagogiques personnalisés, AFPA, GRETA, CNAM, Universités pour la validation des acquis de l'expérience ou les diplômés d'accès aux études universitaires). Nous nous bagarrons pour imposer ce point de vue. La bataille est encore loin d'être gagnée et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous ne souhaitons pas faire appel à l'AFPA. Nous considérons en effet que cet organisme assure à la fois des formations rentrant dans le cadre du marché et d'autres de nature de service public que nous voulons privilégier et ne pas mettre en concurrence.
Je ne suis pas sûre d'avoir répondu à l'ensemble de la complexité de votre question.
Mme Odette HERVIAUX - J'ai été intéressée par votre démarche consistant à distinguer ce qui relève du social et de l'insertion. En même temps, comme vous l'avez souligné, la prise en charge des personnes doit être globale et impliquer des réseaux. Au titre de vos fonctions au sein de l'Association des régions de France, peut-être avez-vous eu connaissance de diverses expérimentations ? Que pensez-vous des regroupements qui ont eu lieu sur le terrain au niveau de certains territoires entre les maisons de l'emploi, qui ne dépendent pas des Régions, les maisons de formation professionnelle, qui elles sont liées aux conseils régionaux, et d'autres organismes (ANPE, missions locales, etc.) ?
Avez-vous des informations à ce sujet ? La prise en compte globale de la personne est-elle mieux assurée dans le cas de ces regroupements ?
Mme Marie-Laure MEYER - J'ai été auditionnée, dans le cadre de la mission DALO, sur le fonctionnement de la maison de l'emploi et de la formation, et non pas maison du chômage, que je préside. Celle-ci regroupe, sur un même site, une agence ANPE, une antenne Assedic, un PLIE, une mission locale, le cycle orientateur de l'AFPA, le dispositif de validation des acquis de l'expérience de l'éducation nationale, le FONGECIF, le CAP Emploi pour les personnes handicapées, l'insertion et une cité des métiers, dans laquelle l'ensemble des organismes cités tiennent des permanences ouvertes au public.
Le dispositif des maisons de l'emploi, tel qu'il existe dans le cadre législatif, pose deux problèmes. Tout d'abord, il a été conçu de manière très souple, de sorte qu'il a fait l'impasse sur certains enjeux essentiels comme l'insertion professionnelle et, de façon plus globale, l'insertion. Le deuxième souci est qu'il n'a fait l'objet d'aucune évaluation véritable pour savoir ce qui a fonctionné et échoué. Le dispositif étant très souple, chacun a pu y construire ce dont il avait besoin et s'il comporte des mesures adéquates, il en comprend sans doute d'autres inappropriées. Le gros avantage du dispositif de la maison de l'emploi est de nous amener à adapter les missions de service public aux territoires et à accueillir les publics pour les orienter vers les structures adaptées à leur situation puis à assurer leur suivi.
Les Régions n'ont pas été associées à l'élaboration de la loi ayant institué les maisons de l'emploi. De fait, en l'absence de cadre, nous avons été conduits à agir en fonction des relations plus ou moins cordiales que nous pouvons entretenir avec les préfets de régions et des dispositifs qui avaient déjà été mis en place. Par exemple, des régions disposaient déjà de maisons de formation, d'autres comme la Picardie avaient réussi à construire un cahier des charges commun, d'autres encore comme la Région Ile-de-France, après avoir travaillé pendant deux ans pour élaborer un cahier des charges d'appui aux maisons de l'emploi, se sont vues indiquer par l'Etat son refus finalement de construire finalement cette maison de l'emploi. Par conséquent, le dispositif a tendance à flotter un peu.
Or, pour moi, dans un pays de plus en plus décentralisé comme la France, il est indispensable d'aller vers la territorialisation et la mise en oeuvre d'un travail collectif, en réseau, concernant l'insertion ; d'autant plus que les problématiques varient en fonction des territoires, nous conduisant à entreprendre des actions à géométries variables.
Malgré tout, des acteurs sont incontournables. Or ils me semblent avoir été oubliés un peu par la loi. Il s'agit des partenaires sociaux, de l'éducation nationale, des conseils généraux, des conseils régionaux et des chambres consulaires. Si nous ne voulons pas construire une maison du chômage, nous sommes obligés de mettre à disposition, non seulement un service public pour les demandeurs d'emplois, mais aussi un service public du recrutement dans lequel les employeurs doivent tenir une place à part entière. Je pense notamment aux PME qui rencontrent des difficultés à embaucher. Les expériences qui fonctionnent s'inscrivent plus ou moins dans cette démarche. Elles répondent aux besoins d'avoir une meilleure capacité d'accueil des publics, de s'adresser à ceux qui n'ont plus de travail mais aussi à l'ensemble des personnes en situation de précarité, c'est-à-dire de prévenir le chômage et pas seulement d'en réparer les dommages, de mieux collaborer avec les employeurs autour de projets dynamiques. D'ailleurs, autour des maisons de l'emploi, de plus en plus de groupements d'entrepreneurs voient le jour.
Sur le principe, le citoyen n'a pas à s'orienter seul du fait de la complexité des services publics. C'est le médecin référent et non pas vous qui doit vous dire quel spécialiste vous devez consulter.
Comme je l'ai déjà souligné, le début des parcours d'insertion doit s'effectuer dans des structures de proximité. Tout ce qui peut permettre de tisser des liens à des niveaux locaux est le bienvenu. Car la mobilité professionnelle, pour un chômeur de longue durée et sans argent, n'ayant pas la possibilité de déménager et de changer de logement, est forcément limitée.
Les entreprises qui s'investissent le plus dans l'insertion représentent les PME. Ce sont elles qui effectuent des recrutements non-standardisés, basés avant tout sur l'échange et le mode relationnel.
Enfin, il nous paraît essentiel d'améliorer la couverture territoriale des maisons de l'emploi. Autant nous pouvons admettre de laisser aux élus locaux le soin de décider du contenu des maisons d'emploi, puisqu'ils en ont la responsabilité, autant nous ne pouvons accepter que certains territoires bénéficient de ces structures et d'autres pas. En effet, toute personne, quel que soit l'endroit où elle vit en France, doit jouir du même libre accès aux services publics.
Mme Annie Jarraud-VERGNOLLE -
L'observation des politiques en matière d'insertion menées depuis 25 ans montrent que celles-ci sont peu lisibles, non seulement pour leurs bénéficiaires, mais aussi pour les acteurs de l'insertion ; ces politiques relevant aussi bien de la responsabilité de l'Etat que de collectivités territoriales. Les maisons de l'emploi représentent des lieux de ressources en mesure de regrouper l'ensemble des acteurs intervenant dans l'insertion des publics en difficulté, qu'il s'agisse d'acteurs publics, associatifs et privés. Les pensez-vous aptes et compétents pour établir des diagnostics des mesures mises en place au niveau global et de chaque individu et mettre en cohérence les actions menées par les différents partenaires susceptibles d'accompagner les personnes en situation de précarité ?
S'agissant des publics en très grande difficulté et en particulier des jeunes en rupture scolaire, l'arrêt des programmes TRACE et de tous les dispositifs d'accompagnement dont ils pouvaient bénéficier pendant une durée d'un an et demi à deux ans leur est-il dommageable ? Que pouvons-nous leur proposer pour les soutenir, le programme CIVIS n'ayant pas répondu à toutes les attentes exprimées ?
Pour le public adulte qui ne travaille plus depuis longtemps, il existait auparavant les stages d'insertion et de formation à l'emploi (SIFOR), lesquels étaient gérés de manière déconcentrée par les directions départementales de l'emploi et avaient obtenu de très bons résultats. Or, ils ont disparu, en tout cas sur mon territoire, dans le grand Sud ouest, et ils manquent fortement.
Enfin, depuis peu de temps, nous assistons à la décentralisation de la formation des travailleurs sociaux. A la lumière de cette évolution, ne pensez-vous pas nécessaire de remettre à jour le cahier des charges portant sur la formation initiale des travailleurs sociaux, de manière à les intéresser davantage aux politiques d'insertion mises en place ?
Mme Marie-Laure MEYER - Je ne peux pas parler au nom de l'Association des régions de France au sujet des maisons de l'emploi, celle-ci n'étant pas compétente pour le faire. Toutefois, dans le cahier des charges de ces structures, le diagnostic est obligatoire, préalable à l'obtention de la labellisation. Dans les accords signés avec l'Etat, les maisons de l'emploi doivent être capables d'assurer des fonctions dans la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) au niveau des territoires. La question est de savoir ce que nous faisons de ces diagnostics, de quelle manière il nous est possible de les confronter à d'autres GPEC établis à d'autres niveaux et de ne pas enfermer les personnes en difficulté sur un territoire large de 20 kilomètres. L'action locale dans le domaine de l'insertion n'a de sens que si elle est bien reliée à d'autres actions stratégiques prises à différents échelons. Tout le monde n'est pas destiné à travailler à côté de chez soi. Il est important d'indiquer aux publics en difficulté que trouver un emploi à proximité de leur domicile peut constituer une étape mais pas forcément un objectif.
Une maison de l'emploi représente une coquille. Elle est capable d'accomplir des diagnostics des personnes les plus en difficulté si elle dispose des équipes pour mener cette tâche. Or les plus spécialisées dans ce domaine sont celles des PLIE, lesquelles sont intégrées à la maison de l'emploi que je préside. Toutefois, cette situation n'équivaut pas à une règle générale. En effet, à certains endroits, les maisons de l'emploi avoisinent les PLIE ou se sont construites sans elles. De fait, il nous est très difficile aujourd'hui de conserver les financements alloués aux PLIE, ceux-ci ayant perdu de leur légitimité alors qu'ils ont pour but de prendre en charge toutes les personnes en difficulté n'ayant pas trouvé de réponse à leurs problèmes par le droit commun en leur proposant une solution sur-mesure. Les PLIE doivent être des lieux dédiés à l'innovation, à la mutualisation et à l'expertise, construisant des dispositifs de prise en charge novateurs, des modules de formations jusqu'alors inconnus - ils ont l'habitude ainsi de lancer des appels à projets pour des formations spécifiques - des passerelles dans tous les sens. Cela signifie que l'Etat accepte de les contrôler, non pas a priori, mais a posteriori, sur leurs résultats. Environ 50% des PLIE connaissent des résultats positifs en obtenant, pour les personnes dont ils ont la charge, soit des contrats de travail d'une durée supérieure à six mois, soit des formations qualifiantes. Autrement dit, leur taux d'échec serait de 50%, un pourcentage qu'il convient cependant d'analyser finement, celui-ci, par exemple, s'expliquant en grande partie dans ma commune par le fait que des personnes ont déménagé et qu'il a donc été impossible pour les PLIE de leur trouver des solutions. Des personnes quittent ces structures en cours de route car elles ne peuvent pas être hébergées sur place.
Les PLIE constituent donc des outils ayant prouvé leur efficacité et, avec la mise en place des contrats d'autonomie et le lancement d'appel d'offres de la DGEFP par lots départementaux, un mois après des élections municipales et dans un moment de renouvellement des conseils d'administration des missions locales et des maisons de l'emploi, nous pouvons nous demander à quoi il a servi, pendant vingt ans, d'essayer de redonner confiance dans le service public de l'emploi s'il s'agit aujourd'hui de confier le placement des chômeurs, notamment ceux qu'il est le plus difficile à caser, à des prestataires et des boites d'intérim.
Pour qu'un jeune fasse confiance à un dispositif, il faut qu'il puisse en percevoir l'efficacité dans la durée, notamment auprès de ses copains ou de sa famille. Or, si les systèmes de prise en charge changent tous les trois ans, cette confiance est impossible à obtenir, car le bouche-à-oreille n'a pas le temps de fonctionner. Il a fallu quinze ans pour rendre crédibles les missions locales, convaincre les personnes de leur utilité et leur montrer notamment qu'elles servent à tisser les liens avec l'éducation nationale, et il est évident que le marché passé par la DGEFP va nous mettre dans l'embarras. J'ai parlé de ce sujet à la DGEFP et à M. Bernard Laporte à qui j'ai expliqué que les écoles de la deuxième chance sont financées à 34% par le FSE, à 30% par la Région, à 12% par les entreprises, à 7% par les collectivités autres que le conseil régional et à 0% par l'Etat. Ces établissements représentent des outils qui fonctionnent, ayant inventé un système pédagogique original suscitant l'attrait du public en décrochage scolaire. Aussi il me semblerait plus opportun de les consolider - dans le programme présidentiel de M. Nicolas Sarkozy, il est prévu d'en construire un par département - plutôt que de mettre en place ce contrat d'autonomie dépourvu, de plus, de tout délai de carence après la sortie de l'école. Autrement dit, ce contrat sera appliqué directement dès la fin des études. Il prévaudra donc sur toutes les autres formes de solutions possibles (alternance, contrats de professionnalisation avec les jeunes, apprentissage avec la mise en place de classes d'apprentissage pour permettre également aux jeunes issus des missions locales de se former à un métier et d'acquérir au moins un niveau 5 validé, etc.). A ce jour, moins de 3% des jeunes sortant des missions locales accèdent à l'apprentissage. Dans un système économique en perpétuel mouvement, il est nécessaire, même pour des métiers peu qualifiés, d'avoir au moins un niveau 5 validé, sous peine de se retrouver au chômage et plus tard au RMI, voire en situation d'exclusion.
Les programmes de type Trace et Civis ont donné de très bons résultats. Mais ils n'ont de sens que s'ils s'inscrivent dans la durée pour s'ancrer dans les mentalités locales, susciter la confiance et montrer leur utilité auprès des personnes.
Concernant le public des adultes, la situation est un peu compliquée. Depuis quatre ans, toutes les régions ont mis l'accent sur la formation professionnelle des adultes. Un ouvrage a été publié par le conseil national de la formation tout au long de la vie sur la géographie de la formation professionnelle des demandeurs d'emplois. Il montre bien la montée en puissance des Régions en la matière, lesquelles ont adopté des politiques de rémunération, en particulier dans les secteurs du sanitaire et du social. Presque tous les conseils régionaux ont mis en place des bourses pour l'enseignement supérieur, des fonds sociaux pour tous les publics non éligibles au système de bourse en raison de leur âgé trop avancé, de manière à instaurer des dispositifs d'aides sociales. De gros problèmes se posent actuellement en Ile-de-France avec les personnes originaires des DOM-TOM, le montant de la bourse spéciale DOM-TOM étant beaucoup trop faible pour permettre à leurs bénéficiaires de se loger dans la région parisienne. Les DOM et TOM souhaitent que leurs ressortissants reviennent dans leurs régions à la fin de leurs études et, pour cela, ils aspirent à nouer des partenariats avec la Région Ile-de-France. Or, la loi n'a rien prévu sur les liens interrégionaux alors que, par exemple, l'Ile-de-France, riche d'un nombre important de CHU et d'employeurs, exporte 40% des personnes qu'elles forment dans les domaines du sanitaire et du social. Pendant combien de temps encore cette situation pourra-t-elle perdurer si aucune règle du jeu n'est instaurée entre les régions ? Les ressortissants des DOM-TOM représentent entre 400 et 500 stagiaires dans les secteurs du sanitaire et du social. Leur nombre est très élevé et ils ont beaucoup de mal à trouver un emploi en Ile-de-France alors qu'ils seraient accueillis les bras ouverts dans leurs territoires d'origine.
Nous formons donc les adultes, travaillons sur des politiques de rémunération, la mise en place de parcours qualifiants et souhaitons privilégier l'alternance, le dispositif qui nous semble le plus efficace. Dire à une personne adulte qu'elle est inemployable et qu'elle doit repartir en formation n'aboutit à créer aucune dynamique. Il est préférable de lui permettre de tester ses compétences auprès d'un employer et de s'apercevoir qu'elle a besoin d'une remise à niveau. Dans le cadre du Grenelle de l'insertion, nous avons demandé aux réseaux de l'Insertion par l'activité économique (IAE) et aux partenaires sociaux de réfléchir à la création d'un contrat de professionnalisation d'insertion. L'idée serait d'avoir un contrat d'insertion, non pas stigmatisant, mais relativement souple, ouvrant le droit à son titulaire d'accéder à de multiples employeurs et de multiples formations, de travailler dans une association puis une entreprise et ensuite de suivre une formation par exemple, en somme de bénéficier d'un parcours sur-mesure.
S'agissant des partenaires sociaux, nous n'avons toujours pas réglé le problème causé par le manque de sécurité des locaux, lequel rend impossible le déroulement des formations. Car en cas d'incident, la responsabilité pénale des dirigeants des associations est engagée. S'agissant de l'AP-HP, la Région Ile-de-France a un grand débat avec l'Etat au sujet du montant de la compensation dont elle estime avoir besoin, les évaluations en la matière étant très diverses entre les deux acteurs. Les compensations qui nous sont allouées sont versées sur la base de quotas. Or ceux-ci ayant augmenté, il s'agit de savoir si les sommes qui nous sont distribuées ont cru aussi.
La validation des acquis de l'expérience (VAE), dans les domaines du sanitaire et du social, est assez apocalyptique. Il est assez extraordinaire de constater combien le nombre de personnes assurant des fonctions dans ces secteurs est élevé, et faible quand il est demandé de procéder à des validations. Je ne comprends pas très bien pourquoi une personne ne peut pas devenir automatiquement, sans avoir à reprendre d'études coûteuses, infirmière quand elle a assumé, seule et pendant cinq ans, la sécurité des patients dans un service. Cette situation pose problème, d'autant plus que nous manquons d'infirmières. La VAE constitue un outil dont nous n'avons pas beaucoup parlé. Or il revêt une grande importance, notamment parce qu'il donne envie de se former. Il est frappant de voir à quel point les personnes qui suivent une VAE manifestent le souhait de reprendre des études.
Par ailleurs, la VAE se traduit par une forme de reconnaissance des publics. Je ne peux pas imaginer qu'un individu ait passé plusieurs années dans un endroit en n'ayant rien appris. Le fait de pouvoir valider une partie de ses acquis apporte du réconfort aux gens.
Enfin, la VAE permet de diminuer le coût de la formation et donc d'offrir des formations complémentaires aux publics.
Sur le contenu de la formation des travailleurs sociaux, nous n'avons pas droit de regard dessus en principe. De fait, il a connu peu d'évolutions. Nous intervenons uniquement sur ce qui concerne les stages et les possibilités d'apprentissage dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière. Il est évident que la formation professionnelle dans le domaine de santé s'articule mal avec les exigences du secteur. Il est extravagant de constater qu'un diplôme d'auxiliaire de vie n'ouvre pas droit à un poste d'ATSEM dans les écoles maternelles alors qu'il suffit, à chacun, d'avoir élevé trois enfants pour pouvoir valider la partie pratique de ce diplôme. Ce genre de métiers, qui exige des diplômes peu élevés, pourrait très bien être accessible à des femmes seules, de quarante ans. Or il ne l'est pas en raison d'entraves administratives.
Mme Annie Jarraud-VERGNOLLE - Qui peut établir ce diagnostic ?
Mme Marie-Laure MEYER - Nous considérons qu'en termes d'espace territorial, les Régions se situent à un niveau intermédiaire intéressant. Notre fonction n'est pas de faire, mais de mutualiser, de coordonner et de fédérer. Nous sommes en lien avec les Départements, les communautés d'agglomérations et avec les réseaux associatifs. Je parle ici de liens, non seulement institutionnels, mais aussi personnels, entre individus de collectivités différentes.
A travers le schéma de développement économique et le schéma de formation, nous posons les diagnostics des situations et les axes stratégiques à suivre, étant entendu que les schémas régionaux de formation ne sont prescriptifs pour aucun de leurs participants. Par exemple, nous travaillons actuellement avec l'éducation nationale pour répartir les formations, notamment de niveaux 5 et 4, sur le territoire, de façon à ce qu'elles ne soient pas toutes concentrées dans quelques régions et obéissent à un minimum de cohérence. Nous savons que moins les gens possèdent un niveau de formation initial fort, moins ils ont d'appétit pour suivre une formation et plus ils en décrochent rapidement. L'Etat a le pouvoir de décider. Mais s'il met en oeuvre ce qu'il veut faire en matière de formation le lendemain même du jour où il a arrêté ses projets, alors que deviennent tous les équipements techniques mis en place dans les lycées ? Ainsi, le choix de délivrer le baccalauréat professionnel au bout de, non plus trois, mais deux ans de scolarité aboutira au fait que de plus en plus de jeunes, ceux qui n'auront pas le diplôme, quitteront le lycée sans aucun niveau de qualification puisqu'ils n'auront même pas le niveau 5. Aussi il serait bien d'instaurer des équivalences pour au moins leur permettre d'atteindre ce niveau.
Si l'Etat ne nous donne pas le temps de nous adapter, les diagnostics ne servent à rien. De plus, la base fiscale de la Région Ile-de-France étant relativement faible, sa marge de manoeuvre financière est limitée, d'autant plus qu'elle est amputée par ses investissements dans les transports. Sur un budget de 4 milliards d'euros, elle dépense 1 milliard d'euros dans la formation professionnelle, 1 milliard d'euros dans les lycées, 1 milliard d'euros dans les transports et 1 milliard d'euros dans l'ensemble des autres domaines à sa charge. L'établissement de diagnostics territoriaux n'a de sens que si chacun de ceux qui ont participé à leur élaboration s'engage au moins à inscrire ses projets dans la durée et à ne pas changer les règles du jeu en cours de route. Le niveau régional est pertinent pour réaliser des diagnostics et mettre en place des plans d'actions partagées, ce qui n'interdit pas à chaque partenaire d'avoir des programmes d'interventions personnalisées, à condition que les acteurs disent ce qu'ils feront dans les prochaines années dans le cadre de contractualisations. Or notre plus gros problème réside dans le fait qu'il est très difficile de connaître les intentions de l'Etat, lequel peut changer de politique régulièrement et décider, sans prévenir, de ne plus nous verser 500 000 euros.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - On vous remercie de votre témoignage passionné.
Mme Marie-Laure MEYER - J'aurais bien voulu dire deux mots au sujet du RSA.
M. Guy FISCHER - La commission des finances auditionne M. Martin Hirsch sur le sujet la semaine prochaine.
Mme Marie-Laure MEYER - En ma qualité d'élue locale ayant une bonne connaissance de ce qui relève de l'insertion, le principe du RSA consistant à faciliter le retour à l'emploi en assurant à des personnes, souvent endettées, une autonomie financière, est intéressant. Toutefois, si ce dispositif s'adresse uniquement aux travailleurs pauvres, il est à craindre qu'il n'aboutisse finalement à augmenter leur nombre, sauf à aligner son financement sur la base d'un bonus malus lié à l'utilisation de contrats à temps partiels imposés ou de contrats précaires. Grosso modo, le RSA consiste en une redistribution de l'impact négatif sur le revenu des gens des contrats précaires et à temps partiels imposés. S'il est financé par un malus versé par les entreprises où les contrats précaires abondent, il pourrait avoir un sens en obligeant ces dernières à témoigner d'imagination pour mieux s'organiser et solliciter davantage d'emplois pérennes. Dans le cas contraire, nous assisterons à une explosion de la précarité et des contrats à temps partiel subis. Ma grande inquiétude est que le RSA devienne un gouffre. Très clairement, un contrat précaire revient à faire porter par les salariés le risque d'un mauvais résultat de l'entreprise. De fait, en l'absence de tout instrument compensatoire, je ne vois aucune raison qui pousserait les entreprises à améliorer leur mode de fonctionnement et d'organisation interne et à ne plus faire appel à des contrats « bouche-trou ». Il s'agit d'un grand risque. Le RSA cache de vrais dangers.