Audition de M. Claude ALPHANDÉRY, président, et Jacques DUGHERA, secrétaire général du Conseil national de l'insertion pour l'activité économique (CNIAE) - (15 avril 2008)
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Présidente - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Claude Alpandéry et M. Jacques Dughera, respectivement président et secrétaire général du Conseil national de l'insertion pour l'activité économique. Je propose de vous donner la parole. Vous bénéficiez d'une longue expérience, riche d'un point de vue législatif, et vous avez pu suivre de près les évolutions dans le domaine de l'insertion par l'activité économique, notamment dans la lutte contre les exclusions. Le travail de notre mission s'appuie en particulier sur une étude relative à la grande pauvreté.
Je vous passe donc la parole pendant une quinzaine de minutes. Après quoi, notre rapporteur et l'ensemble de mes collègues vous poseront des questions.
M. Claude ALPHANDÉRY - Merci beaucoup. Je préside le Conseil national depuis sa création en 1991, malgré les nombreuses alternances politiques qui ont eu lieu à la tête de l'Etat. Cette structure est composée de 42 membres dont 10 représentent les différents ministères concernés par notre matière, 12 des personnes qualifiées responsables des grands réseaux d'insertion par l'activité économique, 10 des élus (5 sont issues des grandes associations d'élus, les 5 autres sont nommés par les ministres chargés de l'emploi et de l'action sociale), 10 les organisations syndicales de salariés et d'employeurs. Cette représentation est à peu près celle des conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique.
Notre Conseil possède un bureau, comprenant deux vice-présidents, les représentants du directeur de l'emploi et de la formation professionnelle et du directeur général de l'action sociale, et des représentants des membres du collège.
Nos missions sont très larges. D'abord nous assurons une fonction de veille sur les politiques de l'emploi et de l'insertion menées en direction des personnes durablement éloignées du travail. Dans ce cadre-là, nous sommes saisis de problèmes de la part du gouvernement ou nous saisissons nous-mêmes de sujets qui nous semblent importants, c'est-à-dire de projets législatifs ou de dispositifs en cours.
Une autre de nos fonctions est d'être un lieu d'échanges et de concertations pour les différents acteurs de l'insertion par l'activité économique. Il est essentiel de pouvoir réunir les représentants des réseaux très proches du terrain et des initiatives, des élus, des acteurs de base. Les collectivités locales apportent presque la moitié du soutien public financier aux structures d'insertion par l'activité économique.
Enfin nous assurons un rôle de représentation institutionnelle pour notre secteur, auprès du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté, mais aussi du Conseil supérieur du travail social, du Conseil supérieur d'économie sociale, etc. Nous participons à des réunions de manière fréquente.
Concernant notre façon de travailler, nous tenons deux réunions plénières par an, en présence des ministres compétents, M. Martin Hirsch et Mme Christine Lagarde récemment. Le bureau, lui, se réunit tous les mois. Il s'agit de l'instance où le travail se déroule vraiment.
Il vous importe sans doute de savoir ce que nous faisons. D'abord nous fonctionnons avec très peu de moyens. Le président que je suis est retraité et bénévole. Quant à M. Jacques Dughera, il est mis à disposition par la Caisse des dépôts et consignations, laquelle prend à sa charge les frais de secrétariat et de logistique de notre Conseil. Nos autres soutiens constituent la DGFP, la DGAS, le FSE qui nous apporte un maigre budget d'étude, inférieur à 200 000 euros par an, et diverses institutions publiques. Le peu de moyens dont nous disposons permet quand même de mobiliser un certain nombre de bonnes volontés et de bénévoles.
Notre travail est axé autour de trois thèmes principaux : la territorialisation, la lute contre les discriminations et l'Europe. Après avoir abordé chacun de ces trois thèmes, j'évoquerai en quelques mots les démarches que nous menons dans le cadre du Grenelle de l'insertion.
S'agissant de la territorialisation, depuis presque trois ans, nous effectuons des études sur l'impact de l'insertion par l'activité économique au niveau des régions. Nous en avons réalisé plusieurs à ce jour : une dans les Pays-de-Loire, rendue il y a deux ans, et une autre en Aquitaine, remise l'année dernière. Nous sommes en train d'en accomplir deux autres, une en PACA, l'autre en Franche-Comté. Nous menons ces travaux en liaison, bien sûr, avec les directeurs des services déconcentrés de l'Etat, les conseils régionaux, etc. A l'instigation de la DGFP, nous sommes dans une période de redynamisation des conseils départementaux de l'insertion par l'activité économique et où il nous faut essayer de cheminer de concert avec les Conseils généraux ; le but étant de mettre en place une stratégie de l'offre en matière d'insertion, comme nous l'avons indiqué dans nos études d'impact.
Ce rapprochement avec l'Etat, le conseil régional et les réseaux n'est pas sans intérêt. Nous choisissons généralement, pour réaliser nos études, des régions tests où nous avons l'habitude de travailler en collaboration. Il n'en est pas toujours ainsi malheureusement. C'est avec les réseaux que nous bâtissons un questionnaire dont les réponses doivent nous fournir une bonne idée de ce que représente l'activité économique mais aussi l'activité sociale des différentes structures d'insertion, qu'il s'agisse des entreprises d'insertion, des associations intermédiaires, des EPTI et des associations et chantiers d'insertion.
Chaque étude présente un caractère différent. Nous pouvons améliorer notre connaissance de ce que pensent les bénéficiaires, les usagers au sujet des parcours qui leur sont proposés, ce qu'ils en espèrent et quelles sont leurs attentes en la matière.
Toutefois, le coeur du métier de ces structures d'insertion par l'activité économique est de fournir un emploi salarié à une personne en difficulté et de l'accompagner dans son cheminement professionnel. Dans cette perspective, elles jouent un rôle dans le développement local, qu'il convient de mesurer. Nous espérons avancer dans la mise en place d'indicateurs d'évaluation qui ne se limiteraient pas au taux de retour à l'emploi, cet indicateur ne rendant pas compte des missions diverses qu'assure notre structure.
Nous avons réussi à mettre sur pied des indicateurs, encore approximatifs, nous indiquant ce que rapporte et coûte à l'Etat et aux collectivités territoriales l'insertion par l'activité économique. Il est important de pouvoir démontrer, dans le cadre des discussions que nous avons avec les pouvoirs publics, que le rapport net - soit la différence entre le bénéfice et le coût de l'insertion par l'activité économique - est de 40 millions d'euros, sans parler des coûts évités ultérieurs.
Deux inspecteurs, un des affaires sociales, un autre des finances, ont rédigé un rapport sur les chantiers d'insertion, lequel nous a servi à nous lancer dans un travail ambitieux, étant donné la difficulté à faire s'entrecroiser les différents réseaux, ceux-ci n'ayant pas les mêmes publics et la même histoire. Nous avons réussi ce travail et vous trouverez là un résumé du rapport, auquel beaucoup se sont référencés dans le cadre du Grenelle de l'insertion.
Dans le domaine de la territorialisation, nous préparons une réunion, prévue le 23 avril 2008, qui aura pour sujet les structures d'insertion en milieu rural, lesquelles sont insuffisantes. Nous avons raison de mettre l'accent sur ce que nous devrions faire dans les banlieues et cités. Mais il ne faut pas oublier que notre présence pourrait être très utile dans des zones rurales désertifiées.
J'aborderai assez vite la lutte contre les discriminations, même s'il s'agit d'un des piliers du plan de cohésion sociale. Nous avons, en lien avec l'ACSE, diffusé ce que nous avons pu appréhender de la réalité. Notre première réaction a consisté à dire qu' a priori , les CAE n'ont pas d'activités dans le domaine de l'insertion. Leur fonction consiste plutôt à faire de la discrimination positive. Toutefois, un vrai problème se pose, notamment lorsqu'il existe une délégation de services, de main d'oeuvre auprès des employeurs. Quand un chef d'entreprise refuse d'embaucher un employé au prétexte qu'il est noir, quelle réaction pouvons-nous avoir ? L'insultons-nous au risque de perdre un client ou essayons-nous de le convaincre d'embaucher la personne de couleur ?
S'agissant de l'Europe, sujet sur lequel pourra revenir M. Jacques Dughera, nous souhaitons profiter de la présidence française de l'Union européenne pour introduire le sujet de l'inclusion active dans l'agenda européen ; un thème plus facile à aborder que l'inclusion sociale et qu'il convient d'écarter du périmètre de la directive européenne sur les services. Des réunions sont en cours sur le sujet.
Le Grenelle de l'insertion représente un grand espoir pour nous car il met en lumière l'insertion par l'activité économique, les initiatives de terrain et les efforts consentis dans ce domaine, et permet de rendre plus simple et plus lisible des mécanismes très complexes. Nous ne pouvons pas ne pas nous réjouir de la tenue de cette manifestation. Toutefois, celle-ci a lieu alors que pèse une très grande incertitude. Ainsi, nous ne savons pas encore quel contour et quel fonctionnement aura l'opérateur unique issu de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC. Nous ne savons pas, non plus, comment évolueront, dans le cadre de la RGPP, les services déconcentrés de l'Etat dans le secteur de l'emploi. Nous ignorons enfin si le RSA aura un impact réel sur l'insertion par l'activité économique. Nous sommes face à un vide budgétaire et à des menaces de rigueur. Je rappelle quand même que le plan de cohésion sociale a été très rapidement associé aux programmations budgétaires.
Dans quel cadre budgétaire, agirons-nous ?
De larges incertitudes demeurent donc, d'autant plus que le Grenelle de l'insertion ne tient pas compte de l'avis des grandes associations intervenant pour le compte des collectivités locales. Celles-ci y sont certes présentes, mais leurs représentants ne sont absolument pas mandatés. Comment les aides publiques évolueront-elles ?
Néanmoins, des simplifications sont à opérer dans les dispositifs de l'insertion par l'activité économique. Elles consistent, tout d'abord, à généraliser et à renforcer l'agrément des publics pour mieux les identifier. Cet agrément existe déjà.
Nous pensons nécessaire aussi que le cadre des conventions liées aux structures - toutes les associations adhérentes à l'IAE sont conventionnées - soit plus précis. Dans ce domaine, la DGFP a amorcé un travail très intéressant depuis six mois, résidant dans l'analyse et le référencement des services, lesquels pourraient servir à faire remonter des observations pour permettre l'établissement d'un conventionnement national. Pour autant, toutes les conventions ne seront pas forcément les mêmes. Ainsi, des services de base pourront avoir leur caractère réglementaire.
L'agrément identifie les publics et les conventions et, en quelque sorte, légitiment les structures. Aussi il me paraît important que le dispositif de l'insertion par l'économie repose sur une architecture générale, basée sur une offre en matière d'insertion et une programmation de cette offre, une répartition des charges entre l'Etat et les collectivités locales, sur une convention régionale permettant aux départements et aux territoires de s'entendre sur les objectifs et les moyens à fixer, ainsi que sur les méthodes d'évaluation à mettre en place.
Voilà ce que je souhaitais vous dire dans mon propos liminaire. Je souhaite conclure mon intervention en rappelant quelques faits essentiels. Tout d'abord, nous sommes très attachés au lien existant entre l'économie et le social. Or ce lien est souvent mal perçu à différents niveaux, notamment celui de l'Etat. Les choses fonctionnaient mieux lorsqu'il existait un ministère de l'emploi et de la cohésion sociale. Je ne critique pas du tout le fait que l'emploi soit rattaché à l'économie. Il est essentiel qu'il en soit ainsi dans un monde aussi complexe que le nôtre. Mais il serait bienvenu de mettre en place une organisation interministérielle pour traiter de l'insertion par l'économie. Celle-ci n'existe pas à ce jour et son absence pose le problème des responsabilités. Notre Conseil a une tâche très précise, qui nous suffit. Toutefois, nous sentons bien que l'insertion par l'économie, pour réussir, oblige à déployer une politique globale en matière d'inclusion socioprofessionnelle. Je souhaiterais donc que les élus interviennent auprès du gouvernement pour relayer nos préoccupations.
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Présidente - Merci de votre intervention. Je me souviens tout particulièrement du rapport que vous avez rédigé en 1990 et dans lequel vous avez mis en avant les acquis obtenus par le secteur de l'insertion par l'activité économique, notamment en matière d'ancrage territorial, de mixité sociale, de partenariat local et d'innovation.
Dans le cadre de ce rapport, vous aviez comparé le coût d'un contrat de droit commun et celui d'un contrat d'insertion et mentionné le coût évité grâce à l'insertion par l'activité économique. M. Dughera aura peut-être un discours plus pragmatique que le vôtre sur la mission exercée par votre structure. Pourrions-nous être destinataires du rapport que vous êtes en train d'élaborer ?
Jacques DUGHERA - Le travail effectué par Claude Alphandéry et auquel vous avez fait allusion mériterait d'être développé au niveau européen. Il nous manque aujourd'hui, à cette échelle, des preuves montrant que les structures d'insertion par l'activité économique ou structures d'inclusion réactive par le travail existent dans tous les pays de l'Union européenne. C'est pourquoi il est si important, dans le cadre de la présidence française de cette Union, de rappeler que la France a une forte expérience en la matière, telles structures existant dans notre pays depuis trente ans, mais pouvant aussi être très présentes ailleurs. De manière générale, l'Europe représente une source de richesses pour nous, comme nous avons pu le constater au travers du travail effectué par le groupe social européen, mais également une source de questionnements et d'incertitudes. En effet, plusieurs réglementations peuvent entraver le développement de l'insertion par l'activité économique. L'une concerne la directive services. Elle a fait l'objet d'un rapport du Sénat, ayant porté notamment sur sa transposition dans notre pays, pour laquelle les partenaires et notamment notre Conseil national n'ont pas été consultés alors même que cette directive intéresse en premier lieu les structures d'insertion par l'activité économique.
Il est nécessaire de prendre beaucoup plus en compte les impacts de la réglementation européenne sur ce qui concerne les politiques de lutte contre l'exclusion et d'insertion par l'activité économique. Je pense notamment à la notion de mandatement. Si nous travaillons beaucoup à l'élaboration d'une convention et de sa définition, c'est justement pour nous rapprocher du mandatement communautaire qui nous permettra de contourner la directive services. Par ailleurs, nous cherchons à mettre en place un agrément pour éviter à notre système d'autorisations d'être considéré par l'Union européenne comme un dispositif n'ayant pas lieu d'être et méritant d'être supprimé au nom de la concurrence. Enfin, nous nous intéressons aux aides publiques versées aux entreprises pour faire reconnaître la spécificité du métier exercé par les structures d'insertion par l'activité économique. Celles-ci, certes, font partie du secteur de l'économie sociale et solidaire. Mais elles ont une finalité sociale et elles ne peuvent pas être traitées comme des entreprises classiques.
Nous voudrions donc bien mettre en avant l'impact qu'ont les réglementations européennes sur les structures d'insertion par l'activité économique. Celles-ci peuvent être sources de richesses. Mais elles s'accompagnent aussi d'incertitudes que la présidence française de l'Union européenne peut nous aider à lever.
Vous avez posé une question sur les coûts évités. Nous aimerions changer le regard des gens sur l'insertion par l'activité économique, de manière à ce qu'ils la considèrent, non plus comme un coût, mais comme un investissement, à la fois social et humain. Nous avons mis en place une méthode de travail consistant à essayer de comptabiliser les richesses produites et les coûts évités et de soustraire à cet ensemble les subventions et exonérations de charges sociales auxquelles ont droit ces structures d'insertion par l'activité économique. Les chiffres que nous avons obtenus par nos moyens peuvent être, certes, contestés. Mais, pour nous, en 2004, en région Aquitaine, les deux structures existantes en matière d'insertion par l'activité économique ont produit un investissement, un apport de 47 millions d'euros. Si nous avions des moyens plus amples pour procéder à des évaluations précises, peut-être nous n'obtiendrions pas le même résultat. Malgré tout, nous déboucherions bien sur un investissement et non pas sur un coût.
Deux députés, M. Gorce et M. Lefebvre, viennent d'ailleurs de mettre en évidence l'insuffisance des évaluations des politiques menées en faveur de l'emploi. Cette insuffisance touche aussi notre domaine. L'évaluation des structures d'insertion par l'activité économique repose uniquement sur le seul critère du taux de retour à l'emploi alors qu'elles ont bien d'autres objectifs que celui-ci. Nous souhaitons le développement d'une évaluation mettant en exergue le rôle des salariés des structures de l'insertion par l'activité économique.
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Présidente - Je donne la parole à notre rapporteur, M. Bernard Seillier. Il doit avoir beaucoup de questions à vous poser.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - J'adhère au travail effectué par le Conseil national de l'insertion par l'activité économique. S'agissant du programme que vous avez proposé au groupe 4 du Grenelle de l'insertion, il est question de l'identification des publics. Comment cette identification peut-elle avoir lieu ? Mon souhait est de savoir si l'insertion par l'activité économique peut concerner tous les publics en situation d'exclusion, certains d'entre eux étant très éloignés de l'emploi et ne pouvant être réinsérés de suite. L'identification des publics ne renvoie-t-elle pas à une sélection des populations vers lesquelles il est possible d'avoir une action ?
M. Claude ALPHANDÉRY - Il est difficile de répondre à votre question. La première identification des publics, de demandeurs d'emplois, est opérée par l'ANPE qui collabore souvent avec des prescripteurs (missions locales, maisons de l'emploi, voire même les structures d'insertion). Les publics qui sont pour le moment identifiés sont en mesure, a priori , de rechercher du travail. Vous avez raison de dire que cette identification a abouti à laisser des gens très éloignés de l'emploi.
Même avec le public des demandeurs d'emploi, le diagnostic est nécessaire. Malheureusement il est encore très souvent insuffisant et c'est pourquoi nous insistons tant sur le besoin de l'étoffer au travers d'un agrément. Certains publics sont très éloignés de l'emploi, d'autres non. Il est important de mieux les connaître pour savoir à qui il est utile de les confier.
Nous souhaitons que l'agrément soit accompagné d'un diagnostic et d'un suivi. Le parcours des personnes est souvent chaotique. Certaines s'avèrent capables de retrouver un emploi plus vite que prévu, d'autres non. Nous sommes en faveur de la mise en place d'un agrément généralisé mais rénové. Nous sommes encore très loin de ce que nous pourrions faire dans ce domaine.
Il reste que des individus, souvent à la rue, ne signalent même pas leur existence. Quelques fois les structures d'insertion les recueillent et les présentent immédiatement aux services de l'ANPE.
Pour l'instant, les structures d'insertion par l'activité économique jouent un rôle de sas d'où doivent réussir à sortir les personnes en grande précarité. Mais il ne faut pas se faire d'illusion. Pour certaines personnes, aucune solution ne pourra être mise en place. Que faisons-nous d'elles ? Leur versons-nous les minima sociaux ad vitam eternam , rendons-nous le système de prise en charge très dérogatoire pour elles, les orientons-nous vers d'autres débouchés que ceux offerts par l'économie marchande ? L'insertion peut avoir lieu au travers soit de l'économie classique, soit de l'économie non marchande, basée sur des activités utiles mais situées en dehors du marché. Ce problème n'a pas été traité pour l'instant.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Si je vous comprends bien, la notion de parcours d'insertion est en train de se mettre en place. En fait, toute personne en situation de précarité doit effectuer un cheminement particulier pour parvenir à se réinsérer, avec un retour à l'emploi et l'entrée dans un logement. Est-ce bien cette notion de parcours d'insertion que vous comptez mettre en avant dans votre rapport ?
M. Claude ALPHANDÉRY - L'agrément doit être accompagné d'un diagnostic. Les personnes entrent dans un parcours d'insertion à partir d'un diagnostic qu'il faut veiller à ne pas simplifier. Se posent un problème en termes de stock et un problème en termes de flux. La régularisation concerne un stock énorme. Or l'opérateur unique ne sera pas forcément en mesure de le gérer ; d'où la possibilité pour lui de déléguer une partie de ses fonctions à des opérateurs extérieurs habilités.
L'habilitation doit reposer sur un certain nombre de garanties. Il n'est pas question d'agréer n'importe qui. Vous posez un vrai problème sur lequel nous aurons à réfléchir, notamment dans le cadre du Grenelle de l'insertion.
M. Jacques DUGHERA - La notion de parcours renvoie à la difficulté d'avoir des données. Aujourd'hui personne n'est capable de dire quelles sont les caractéristiques d'un salarié lorsqu'il rentre dans un parcours d'insertion par l'activité économique, ce qu'il faisait par le passé et ce qu'il fera dans le futur. Le taux de retour à l'emploi est calculé à J+1, soit à la fin du contrat de travail. Il existe un déficit de nos politiques publiques à ce niveau. Nous ne disposons pas, en effet, d'enquêtes de panels, longitudinales, nous permettant de cibler nos actions. En fait, deux études de ce type ont eu lieu, une en 1993, une autre en 2003. J'espère que nous n'attendrons pas 2013 pour avoir la suivante.
Toutes les grandes politiques de l'emploi s'accompagnent d'enquêtes de cheminement.
Le premier problème consiste donc à savoir de quoi nous parlons quand il s'agit de parcours d'insertion, le second à faire en sorte que les parcours aient une dimension territoriale. Pour cela, il est nécessaire de faire appel aux PLIE lorsqu'ils existent ou aux maisons de l'emploi en leur absence.
Enfin il est indispensable de définir la stratégie de l'offre en matière d'insertion, inexistante à ce jour. Sont en place seulement des segmentations d'offres, s'adressant à des publics en fonction de leur situation : allocataire du RMI, allocataire de l'ASS, allocataire de l'API. Le Conseil départemental de l'insertion par l'activité économique apporte juste des conseils en matière de gestion des demandes de convention. Dans le cadre de sa redynamisation, il convient de changer cet état de fait et de lui permettre de dispenser des conseils stratégiques, de manière à ce que les élus et partenaires sociaux y trouvent leur intérêt.
Depuis 1999, nous avons constaté, malheureusement, une perte de substance de ces conseils et un dialogue insuffisant entre l'Etat et les réseaux associatifs si nous voulons améliorer les parcours d'insertion.
Voilà les trois problèmes qui devraient être traités si nous voulons progresser dans l'insertion par l'activité économique.
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Présidente - Avez-vous des questions, mes chers collègues ? Je vous remercie de vos propos. J'ai juste une dernière interrogation. Les changements incessants de politiques dans le domaine de l'insertion ont mis à mal votre secteur. Aussi je souhaite savoir si les préconisations de votre futur rapport auront, comme visée, d'être appliquées immédiatement et si, comme vous l'avez indiqué, un interlocuteur différent de l'ANPE ou éventuellement celle-ci pourra établir un diagnostic sur l'employabilité des personnes. Cette perspective serait rassurante.
Nous nous sommes battus pendant des années pour avoir des conventionnements pluriannuels et non plus annuels. Il serait bien que ces conventionnements soient établis sur la base d'années civiles et non pas d'années calendaires. La vie des services d'insertion en serait simplifiée.
Comment pouvons-nous essayer d'encourager les collectivités locales à mettre en place la clause de promotion de l'emploi, afin de permettre à des personnes accompagnées dans le cadre d'un parcours d'insertion dans les structures de l'IAE d'intégrer des chantiers publics ?
M. Claude ALPHANDÉRY - Je répondrai très vite à votre dernière question. M. Jean-Baptiste de Foucault a réalisé un travail très intéressant sur le sujet. Il est vrai que l'Etat et les collectivités territoriales connaissent mal les dispositions sociales et les utilisent très difficilement pour des tas de raisons juridiques (crainte du contentieux et d'ouvrir un appel d'offres n'entraînant aucune réponse). Nous essayons de mettre en place des facilitateurs permettant aux donneurs d'ordres de mieux savoir à qui il faut s'adresser et de quelle manière. Je vous rappelle qu'il a été décidé, dans le cadre du Grenelle de l'insertion, de mettre en ligne un site recensant l'ensemble des associations et opérateurs intermédiaires.
Vous vous posez toutes les bonnes questions auxquelles nous essayons de répondre. Nous sommes souvent très gênés par les ruptures de politiques. La tendance veut que nous remplacions les contrats aidés par des contrats de droit commun accompagnés d'une aide aux structures. Ainsi, l'enveloppe financière relative aux contrats aidés devrait être transférée aux associations.
Nous souhaitons une simplification du système, laquelle n'est pas toujours facile à mettre en place.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - J'avais préconisé la mise en place d'un contrat d'accompagnement généralisé, soit un contrat unique mais pouvant être utilisé avec souplesse.
Sans porter de jugement sur le RSA, ce contrat vous paraît-il une bonne formule à utiliser par les structures d'insertion par l'activité économique ?
M. Claude ALPHANDÉRY - Je n'ai pas vraiment d'opinion sur ce qu'il peut être. Mais ce que nous souhaitons est que ce RSA ne soit pas réservé uniquement aux titulaires des minima sociaux, mais également aux travailleurs pauvres. La mise en oeuvre de ce RSA est très compliquée, celui-ci dépendant de variables considérables.
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Présidente - Merci bien. Nous comptons sur vous pour recevoir votre rapport.