Audition de M. Jean LE GARREC, et Mme Marie-Pierre ESTABLIE, déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi - (8 avril 2008)
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Nous accueillons M. Jean Le Garrec, Président de l'Alliance Villes Emploi et élu du Pas-de-Calais, et Mme Marie-Pierre Establie, déléguée générale de cette même structure. Nous vous remercions de votre visite et vous invitons à présenter votre organisation pendant une dizaine de minutes, à nous dire ce que vous faites dans le cadre de votre activité. Après quoi, nous vous poserons des questions.
M. Jean LE GARREC - Je préfère effectivement que nous ayons un débat. Puisque vous avez parlé du Pas-de-Calais, je souhaiterais indiquer que le film Bienvenue chez les Chti's, qui bat actuellement des records d'entrées en France, a été tourné à cent mètres d'une permanence que j'ai tenue.
Je me trouve ici en tant que président d'Alliance Villes Emploi, structure d'ingénierie et de soutien au développement des plans locaux d'insertion et d'emploi et des maisons de l'emploi. Je suis accompagné de Mme Marie-Pierre Establie, déléguée générale de l'association. Chacun connaît sa compétence, fondée sur une très grande expérience.
La lutte contre la pauvreté et l'exclusion représente un défi énorme, nécessitant sans doute plusieurs années de travail et de réflexion.
Alliance Villes Emploi constitue une structure paritaire dont les délégués et présidents délégués appartiennent aux deux grandes familles politiques, de gauche et de droite, ce qui lui permet d'avoir une vision commune sur des sujets d'intérêt général et de dépasser parfois les clivages politiques.
Pour résumer ma pensée, bien entendu une politique de l'emploi relève de la compétence de l'Etat. Mais la stratégie territoriale de l'emploi nous apparaît de plus en plus essentielle. Il est nécessaire de traiter des problèmes avec les partenaires élus, sociaux et économiques les plus proches possibles du terrain. Les plans locaux d'insertion et de l'emploi ont démontré leur efficacité, comme en attestent un certain nombre de rapports. Entre 2000 et 2006, 300 000 personnes sont rentrées dans les PLIE. 50% en sont sorties avec des propositions positives. La mission permanente des PLIE est d'assurer l'accompagnement des personnes en difficulté, des citoyens jeunes ou moins jeunes confrontés à une situation difficile, cet accompagnement pouvant être relativement long et atteindre une durée de 18 mois. Elle ne consiste pas uniquement à dispenser des formations, mais vise aussi à prendre en compte les situations sociales des personnes.
Nous inspirant d'une idée très forte de l'ancien ministre de l'emploi, M. Jean-Louis Borloo, de plus en plus, nous essayons, à travers les maisons de l'emploi, de rendre les actions menées cohérentes au travers d'une stratégie territoriale. A ce sujet, nous avons eu beaucoup de débats avec la ministre Mme Christine Lagarde. Celle-ci a compris l'intérêt de notre démarche et la loi votée en janvier 2008 a concrétisé la réflexion commune que nous avons eue avec elle. Ce texte s'est traduit, en effet, par l'inscription des maisons de l'emploi dans une loi relative à l'emploi.
Ce travail n'entre pas en contradiction avec la fusion, en cours et qui demandera certainement plus de temps que prévu, de l'ANPE et de l'UNEDIC. J'en parle d'autant plus volontiers que j'avais lancé cette proposition de rapprocher les deux structures en 1982, lorsque j'étais ministre de l'emploi. Ce rapprochement a eu du mal à se concrétiser. Il a lieu enfin et ne s'oppose pas, au risque de me répéter, avec une stratégie territoriale de l'emploi.
Pourquoi faire des maisons de l'emploi le lieu de cohérence recherché ? Il y a à cela plusieurs raisons :
D'abord les PLIE ont montré leur efficacité.
Tout le monde conviendra que le service public de l'emploi français est celui qui est le plus éclaté en Europe. La recherche d'un lieu de cohérence nous apparaît donc indispensable.
Les PLIE, en travaillant avec les élus locaux qui disposent d'une parfaite connaissance de leur terrain, ont la possibilité d'apporter des réponses différentes et adaptées à des problèmes variés. On ne réfléchira pas de la même manière à Dunkerque ou à Amiens, ces deux villes se caractérisant par des histoires et des contextes économiques différents. La mobilisation des élus, au regard de leur connaissance, est indispensable.
C'est par le biais d'une telle démarche qu'il est possible d'accomplir un travail précis avec les responsables économiques. Ce travail est amorcé. Il doit permettre d'essayer de répondre aux besoins des intervenants économiques et de prévenir, autant que possible, les difficultés potentielles. A cet égard, nous pêchons souvent par manque de prospective.
Quel est cet espace de cohérence, le lieu recherché pour établir le dialogue entre les services publics de l'emploi et l'UNEDIC ? Pour nous, il s'agit du bassin d'emploi. Ce dernier, s'il ne fait pas référence à un espace administratif, constitue un espace de cohérence pouvant coïncider avec le territoire d'une municipalité ou d'un EPCI. Nous avons le souci de rechercher le lieu le plus homogène et le plus cohérent, où le contact avec les élus, souvent présidents de PLIE ou de maisons de l'emploi, et avec les partenaires économiques (chambres de commerce, artisanat, services) peut se dérouler dans des conditions optimum.
Il y a là une évolution qui me semble positive. Les choses bougent et nous sommes très conscients de l'importance des débats que nous avons eus avec Mme Christine Lagarde. Celle-ci nous a beaucoup écoutés, comme en témoigne le contenu de la loi adoptée.
Le problème est que bien souvent l'exclusion représente la traduction de phénomènes extrêmement complexes, liés au poids au poids de traditions, de situations sociales, de caractéristiques des territoires, soit un ensemble de données impossible à négliger.
Il est nécessaire de prendre en compte aussi la très faible mobilité des personnes en situation d'exclusion. De fait, nous sommes amenés à avoir un regard plus attentif et critique sur les systèmes de formation professionnels, représentant pour nous un champ énorme à explorer.
Nous devons également avoir un regard plus prospectif sur l'emploi et son évolution. Pendant longtemps, j'ai travaillé dans les domaines de l'organisation et de la formation pour une grande entreprise américaine.
Nous savons aujourd'hui que l'emploi évolue à un rythme très rapide, selon des cycles allant de trois à quatre ans. Dans la société actuelle, il devient essentiel de briller par ses capacités d'adaptation et d'avoir une stratégie territoriale en matière d'emploi, laquelle conduit à s'interroger sur la nature de la gouvernance à instaurer. Il faut avoir le courage de mettre ce sujet sur la table et de rappeler qu'il est possible de rapprocher les structures si nous en faisons l'effort.
La volonté, très claire, consiste à affirmer la nécessité de s'intéresser aux parcours d'insertion. Je sais qu'il y a eu la tentation de sous-traiter le placement des personnes en situation d'exclusion. Mais cette tentation n'est pas bonne. Ce qu'il faut faire est se pencher sur les parcours d'insertion des publics dans le besoin.
Voilà les quelques messages dont je souhaitais vous faire part au nom d'Alliance Villes Emploi.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Merci beaucoup de votre intervention. Vous avez beaucoup insisté sur la notion de parcours d'insertion. Celle-ci est essentielle dans la recherche de solutions. Je laisse la parole à M. Bernard Seillier, notre rapporteur. Il a beaucoup de questions à vous poser.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Je connais depuis un certain temps l'association Alliance Villes Emploi et l'excellent travail qui s'y accomplit. J'ai découvert le rôle essentiel des missions locales et que, derrière la structure d'ingénierie et de soutien au développement des plans locaux d'insertion et d'emploi que constitue Alliance Villes Emploi, se cache beaucoup de militantisme. Cette association ne repose pas sur une démarche institutionnelle. Elle incorpore, par sa nature juridique, une forme de militantisme, de détermination et donc d'efficacité. Elle est composée de volontaires et non de responsables élus par des textes et qui assurent plus ou moins les missions qui leur ont été confiées.
Sans faire injure à mes collègues, je souhaite que nous rappelions ce que sont les PLIE. Auparavant, je voudrais vous remercier pour la documentation importante que vous nous avez fournie. Nous nous plongerons dedans avec intérêt.
J'ai trois questions à vous poser. J'ai bien noté la distinction qui existe entre la politique de l'emploi menée au niveau local et celle qui a lieu à l'échelon national. Néanmoins, je suis intéressé par savoir si le Président de l'association Alliance Villes Emploi a des idées pour améliorer les politiques de l'emploi et la lutte contre l'exclusion et la pauvreté en France. Ce sujet est au coeur de l'actualité. L'idée d'instaurer un contrat unique, que je défends, refait surface. Comment jugez-vous, au regard de votre expertise, les politiques nationales conduites dans les secteurs de l'emploi et de la lutte contre l'exclusion ? Enfin, votre association mène-t-elle une politique spécifique dans les zones urbaines sensibles ?
M. Jean LE GARREC - Mme Marie-Pierre Establie complètera ma réponse. Les PLIE sont des structures dont le financement est assuré par des fonds européens, hélas en diminution, et par ses adhérents, soit des collectivités. Le mot de militantisme que vous avez employé me plaît beaucoup. Car l'association est constituée d'une toute petite équipe qui fournit un travail énorme. Elle compte, si je ne me trompe pas, sept personnes en interne.
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Cinq en fait.
M. Jean LE GARREC - Il s'agit de cinq salariés, rémunérés pour leurs compétences certes. Mais il leur est demandé beaucoup et sur chacun pèse une surcharge de travail qui nous inquiète beaucoup.
Les PLIE ont pour objectif de s'occuper de populations citoyennes rencontrant des problèmes pour trouver un emploi et souvent non inscrites au chômage. Seulement 31% des personnes reçues dans les PLIE sont connues de l'ANPE. La baisse du chômage n'est pas discutable. Mais elle ne rend pas compte de la situation de l'emploi. Comme je l'ai indiqué à Mme Christine Lagarde, environ 1,5 millions de personnes ne figurent pas dans les statistiques du chômage.
Les PLIE se donnent pour mission de réaliser le bilan de compétences des publics que leurs envoient des associations, des Villes et divers autres acteurs ; les résultats de ce bilan servant à prendre des mesures en termes d'accompagnement et à résoudre des problèmes ne relevant pas directement de l'emploi, mais pouvant être sociaux, liés à la santé, etc. Tous les élus présents ici qui tiennent une permanence savent ce qu'il en est. Je n'invente rien.
Les PLIE vont alors assurer le suivi des personnes dont elles s'occupent jusqu'à leur insertion au travers d'une activité professionnelle, celle-ci devant durer au moins six mois. Pour une personne, sortir d'un PLIE signifie que celle-ci a trouvé un emploi ou un contrat de professionnalisation de plus de six mois. Bien entendu, nous utilisons, dans le cadre de nos missions, les instruments mis à disposition par l'Etat.
Concernant la politique de l'Etat, je ne parlerai pas de tout ce qui relève de la croissance. Je plaide pour une continuité des politiques nationales. Rien n'est plus exaspérant et inefficace de détruire, au fur et à mesure des gouvernements, ce qui a été construit auparavant, sans qu'un bilan ou une évaluation n'en ait été fait. Cette remise en cause permanente des politiques nationales constitue une plaie. J'en parle d'autant plus volontiers que j'y ai participé en tant que ministre de l'emploi et Président de la commission des affaires sociales. Il est nécessaire de mettre un terme à ce travail de sape, d'autant plus que nous avons, notamment à Alliance Villes Emploi, à tenir informé l'ensemble des acteurs des politiques nationales en faveur de l'emploi. Il est indispensable qu'il y ait une certaine continuité dans celles-ci et d'évaluer tout dispositif mis en place. Je prends un exemple. La contribution Delalande pénalisait les entreprises qui se séparaient des salariés âgés de plus de cinquante-sept ans. Elle a été supprimée sans qu'aucun bilan n'en ait été établi et maintenant nous constatons que la France connaît le taux de chômage, pour les personnes de plus de cinquante-sept ans, le plus fort d'Europe. Je ne dis pas que la contribution Delalande représentait une bonne ou mauvaise mesure. Mais elle avait servi à pointer un problème.
Il est primordial que les actions commises au niveau national répondent à une certaine continuité, d'avoir une pérennisation des systèmes de financement et des contrôles pour vérifier leur bonne utilisation, notamment s'agissant des financements européens.
M. Jean DESESSARD - M. le Président, il faut garder ce gouvernement pendant combien de temps encore pour avoir une pérennité dans les actions menées ?
M. Jean LE GARREC - Nous rappellerons ce besoin d'avoir une continuité dans les politiques nationales à tous les gouvernements qui se succèderont à l'avenir. Je ne peux pas répondre à votre question, n'ayant pas d'opinion sur le sujet. En revanche, j'en ai une concernant la mise en place éventuelle d'un contrat unique. Je suis contre la multiplicité des contrats. Toutefois, étant donné la diversité des situations, il est nécessaire d'avoir de la souplesse, de pouvoir s'adapter à des réalités sociales, à une histoire. Le chômage de masse est né en 1980. Il a une histoire et a eu pour conséquence que les problèmes d'emploi des parents se sont traduits dans les comportements de leurs enfants. Quand on demande à des jeunes ce qu'ils feront plus tard, certains répondent qu'ils seront chômeurs, comme leur frère ou leur père. Compte tenu de cette histoire, il est indispensable de pouvoir agir avec une certaine souplesse, tout en limitant cependant le nombre de dispositifs contractuels.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - C'est pourquoi j'ai plaidé pour l'instauration d'un contrat unique comportant des clauses uniques et constantes, relatives à l'accompagnement et à la durée, mais relativement souple.
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Dans le cadre du Grenelle de l'insertion notamment, nous réfléchissons beaucoup à l'instauration de ce contrat unique et des propositions ont vu le jour en la matière dans les trois groupes de travail créés à l'occasion, l'un traitant de la gouvernance, un autre des relations avec les employeurs, le dernier des parcours professionnels. Ces propositions ont donné lieu à la rédaction d'un document et elles ne nous laissent pas sans interrogation, notamment si nous les rapprochons de la nécessité d'avoir une continuité dans les dispositifs de prise en charge.
Faut-il mettre en place un contrat unique ? Il s'agit d'une vraie question. Des contrats comme les contrats de professionnalisation n'ont pas du tout été développés en direction des publics adultes. Cette décision est regrettable car ce contrat de professionnalisation représente un excellent contrat, tout comme pourrait l'être le contrat d'avenir, plutôt dédié aux adultes en grandes difficultés, s'il était accompagné de modules de formation. Tous les publics qui bénéficient du RMI pourraient être remis sur les rails de l'emploi dans le cadre de ce contrat, valable pour quatre ou cinq ans. Fondamentalement, pour tous les acteurs de terrain, il est incompréhensible que nous ne puissions pas trouver d'accord pour mettre l'accent sur ces contrats, les Régions, responsables de la formation, n'ayant pas forcément accepté de les développer alors qu'elles avaient soutenu les emplois jeunes. Ces derniers contrats, par leur absence d'accompagnement en matière de formation, s'approchaient des contrats d'avenir.
Cette situation est regrettable, comme nous pouvons le constater à l'aune des débats actuels sur la gouvernance. Pour créer un PLIE ou une maison de l'emploi, il est nécessaire d'avoir des partenaires constitutifs, une gouvernance obligatoire entre la collectivité porteuse, l'Etat, l'agence et l'UNEDIC, voire le conseil régional et le conseil général. Au fond, ce qui nous semble important dans le cadre du Grenelle de l'insertion, est de définir, sur les territoires, un contrat de territorialisation qui porterait l'ensemble des politiques que chacun des acteurs voudrait développer. Voilà ce qui ressort de nos travaux réalisés au sein des PLIE ou des maisons de l'emploi. Nous vous avons remis un dossier un peu fourni. Il recense l'ensemble des chiffres relatifs aux PLIE. Nous sommes la seule association en France à avoir mené une analyse qualitative et quantitative depuis 2000. Le document vous retrace les six années d'activités des PLIE, aussi bien en termes qualitatifs, avec la mise en lumière des bonnes pratiques, que quantitatifs. Le seul document que nous ne vous avons pas transmis concerne les clauses à respecter pour la passation des marchés publics, par faute de moyens. Mais vous pouvez trouver ces renseignements en ligne sur notre site Internet.
Ce travail mené au niveau territorial n'est pas simple, car il exige que les acteurs daignent partager des missions communes.
Les PLIE ont inventé la notion de référent de parcours, chaque référent assurant le suivi de 100 à 120 personnes en moyenne dans ces structures, étant unique mais pas seul puisque travaillant parfois avec des partenaires dans les domaines périphériques à l'emploi. Le travail fourni sur le parcours d'insertion conduit jusqu'à la médiation dans l'emploi. Nous avons découvert, au fil des années, qu'il ne suffit pas de trouver un travail à une personne. Il faut aussi l'accompagner après son retour à l'emploi au travers de méthodes existantes et donnant de très bons résultats. Il s'agit notamment de la méthode IOD. Celle-ci a fait ses preuves et je ne comprends pas pourquoi elle n'est pas généralisée sur l'ensemble du territoire français. Je parle franchement, mais j'ai l'habitude, notamment du fait de mes origines, de dire ce que je pense.
Il existe des outils performants en France et je ne saisis pas les raisons qui nous conduisent à ne pas les généraliser plutôt que d'inventer sans cesse des politiques nouvelles.
M. Jean LE GARREC - Mme Marie-Pierre Establie, avec la compétence qui est la sienne, a apporté des compléments d'informations très utiles à ce que j'ai pu dire. Elle a fait une remarque sur le Grenelle de l'insertion et les dix propositions qui en sont ressorties. Très honnêtement, la lecture de ces dix propositions m'a mis en colère. Certaines d'entre elles sont d'ailleurs si incompréhensibles qu'elles mériteraient une traduction. De toute évidence, elles ont été rédigées par des personnes ne maîtrisant pas leur sujet.
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Concernant la politique de la ville, les PLIE en sont en général l'expression. Nous voyons à quel point ils ont participé à la définition des CUCS et se sont emparés du volet emploi des contrats urbains. Des questions se posent. Ainsi, le marché public qui vient d'être lancé dans le cadre du contrat d'autonomie des jeunes suscitent beaucoup d'interrogations sur le territoire. Deux logiques s'affrontent, comme peuvent en témoigner les acteurs avec la mise en oeuvre d'un autre marché public portant sur les prestations publiques de l'Agence nationale de l'emploi. Ce recours à prestataires par le biais de marchés publics aboutit à détruire le travail effectué par les nombreuses petites associations dans l'ensemble de la France avec des moyens relativement faibles. Il aboutira à casser le savoir-faire des associations, un savoir-faire fragile, souvent pointu, ne leur permettant pas de répondre à des appels d'offres d'importance, lesquels provoquent une grande émotion dans les missions locales.
Il semble que de nombreuses entreprises de travail temporaire s'apprêtent à répondre à l'appel d'offre concernant la gestion des contrats d'autonomie par des prestataires extérieurs. Cette situation nous surprend et nous ne comprenons pas quel est l'intérêt de mener une telle démarche qui s'est traduite par un échec en Allemagne, comme nous l'a souligné récemment un membre du consulat français de Berlin. Le risque est de s'apercevoir de cet échec seulement quand les bonnes pratiques auront été détruites.
Certes, des partenaires, comme tout le monde d'ailleurs, ont besoin d'améliorer leurs compétences et de se professionnaliser. Mais la passation de ces deux marchés publics risque de briser la dynamique des territoires. Nous inscrivons nos actions sur des espaces donnés et auprès de publics ciblés et la prise en compte de ces deux dimensions est essentielle, notamment s'agissant de la mise en place éventuelle du contrat d'autonomie pour les jeunes. Les missions locales subissent déjà des agressions de la part des jeunes. Si en plus elles ont à distribuer les 300 euros liés à ce contrat d'autonomie, que se passera-t-il ?
M. Jean LE GARREC - Nous pouvons nous référer à des expériences conduites par l'ANPE dans ce domaine, celle-ci ayant eu l'occasion de sous-traiter le placement des chômeurs.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - M. Fischer, souhaitez-vous poser une question ?
M. Guy FISCHER - En effet. Je m'occupe d'un grand quartier populaire des Minguettes et l'avenir des dispositifs d'insertion suscite en moi beaucoup d'interrogations. Un PLIE couvre tout l'Est de l'agglomération où il existe, par ailleurs, des missions de l'emploi et des maisons locales. Comment ces structures seront-elles financées à l'avenir ? Je redoute que, par faute de moyens, elles disparaissent.
Nous accompagnons aujourd'hui les jeunes les plus éloignés de l'emploi et dont personne ne veut, des personnes incapables de retrouver un emploi par le biais des entreprises intérimaires. Nous ne savons plus quoi en faire. Du coup, une forte inquiétude et une grande colère sont en train de naître. J'ai le sentiment que des révoltes couvent et la suppression des CAE et OPCAE, dans ce contexte, m'inquiète beaucoup.
Nous avons parlé des maisons de l'emploi, des maisons locales et des PLIE. Mais leur financement est-il pérennisé ? La réponse est négative. Or, ces structures sont les seules à jouer le rôle de tampon social et à s'occuper des personnes les plus défavorisées, surtout depuis la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC. Comme vous êtes en contact avec le gouvernement, j'aimerais avoir votre vision de la situation. Je n'ai pas eu le temps de décrypter les 166 mesures proposées par le gouvernement pour restreindre les dépenses publiques. Mais celles-ci me préoccupent beaucoup.
M. Jean LE GARREC - Je ne peux que partager votre analyse. D'abord, les statistiques officielles en matière d'emploi ne rendent pas compte de la véritable situation. Je n'adresse pas ici un reproche au gouvernement. Car cet état de fait n'est pas nouveau. La décision de mettre fin à l'obligation de comptabiliser les chômeurs de plus de 55 ans n'a fait qu'évacuer un problème réapparu ailleurs.
Par ailleurs, nous sommes très conscients du besoin d'avoir de la cohérence. Je remercie Mme Christine Lagarde d'avoir pérennisé les maisons de l'emploi au travers d'une loi. Nous devons maintenant réussir à mobiliser l'ensemble des acteurs dans un seul lieu, très cohérent. Cette tâche ne sera pas facile, car il existe toujours une tendance à vouloir conserver l'existant.
Les jeunes dont vous avez parlé, M. le sénateur, sont le produit d'une histoire, très lourde et pesant énormément. Sans sa prise en compte, il existe un risque d'aggraver la fracture sociétale. Chacun d'entre nous le sait.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - C'est ce que vous appelez le respect des parcours.
M. Jean LE GARREC - J'ai travaillé pendant longtemps dans le Pas-de-Calais.
Mme Brigitte BOUT, Présidente - Ce n'est pas les Minguettes, mais une région en proie également à de nombreuses difficultés.
M. Jean DESESSARD - Sa situation s'est améliorée. Maintenant on tourne des films dans le Pas-de-Calais.
M. Jean LE GARREC - Oui. Je me souviens du cas d'une jeune femme titulaire d'un diplôme d'ingénieur, qui avait des origines musulmanes et ne réussissait pas à trouver un travail. J'étais parvenu à lui trouver un poste, mais elle n'avait pas pu l'occuper, car elle n'était pas mobile en raison, notamment, du refus de ses parents de la voir partir. Cet exemple montre que chaque personne se caractérise par une histoire.
M. le sénateur, vous avez tout à fait raison. Une bataille est à mener pour obtenir la pérennisation des moyens. Par exemple, Alliance Villes Emploi, composée de 5 salariés, constitue une structure à la limite de la rupture, en particulier en raison de la baisse des fonds européens dont elle bénéficie. Mme Marie-Pierre Establie a découvert d'ailleurs qu'une partie de ces fonds européens, dont devait profiter la France, a été perdue. A quel montant s'élève cette perte ?
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Ces fonds ne sont pas encore complètement perdus. Mais il semble que la France ne soit pas en capacité de consommer 350 millions d'euros, ce qui représente à peu près 80% du montant d'une programmation complète pour les PLIE.
M. Jean LE GARREC - Et pourtant nous avons alerté les responsables sur ce problème !
M. Jean DESESSARD - Où l'avez-vous dit ? Pouvons-nous trouver cette information sur votre site ?
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Nous avons beaucoup alerté le gouvernement à ce sujet. De manière officielle, le problème a été signalé par la Commission européenne à Marseille en juillet 2007 au moment du démarrage de la programmation 2007-2013. Actuellement nous sommes en train de clôturer la programmation précédente 2000-2006. Ce travail prendra fin le 31 décembre 2008, date à laquelle chaque Etat membre de l'Union européenne devra avoir consommé la totalité des crédits européens du Fonds structurel pour l'emploi qui lui ont été accordés. Manifestement la France n'aurait pas dépensé 350 millions d'euros. Cette information a été communiquée à nouveau par la Commission européenne en novembre 2007 au Comité national de suivi des fonds structurels dont nous sommes membres ; celle-ci ayant précisé que les crédits non utilisés pourraient même atteindre la somme de 500 millions d'euros. Nous avons tenté d'obtenir une explication auprès de l'Etat et, pour l'heure, nous nous battons contre des murs. Nous n'avons obtenu aucune réponse aux réponses que nous avons posées sur le sujet. Nous en avons parlé lors du Grenelle de l'insertion dans le cadre d'un groupe de travail présidé par M. Laurent Hénart, lequel, suite à notre intervention, a demandé à M. Pierre Cardo de mener une mission pour en savoir plus. Or l'administration refuse de lui répondre.
Ce qui est surprenant est que la France annonce avec satisfaction qu'elle consommera 95% des crédits européens, en oubliant de préciser que les 5% restants représentent 350 millions d'euros. Cette somme correspond à 80% du coût d'une programmation de 200 PLIE sur une durée de 6 ans. Si elle avait été utilisée, 150 000 personnes auraient pu retrouver un emploi. Je parle en mon nom personnel. Mais cette situation est inacceptable.
M. Jean LE GARREC - Du coup, nous passons notre temps à rechercher des moyens pour fonctionner. Heureusement que les collectivités participent à notre financement. La situation évoquée par Marie-Pierre Establie est exaspérante et même scandaleuse.
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE - Ce problème remonte aux années 80. Ainsi, dans le cadre du XI e plan, il y avait bien une distinction entre les politiques nationales d'insertion, qui concernaient notamment tout ce qui relevait de l'insertion par l'activité économique, et les politiques décentralisées (RMI, contrats de ville, etc.). Si mes souvenirs sont bons, ce XI e plan date de 1993.
M. Jean LE GARREC - De quel plan parlez-vous ?
Mme Annie JARRAUD-VERGNOLLE - L'objectif de ce plan était d'articuler les politiques nationales et les politiques locales d'insertion. Quinze ans plus tard, les processus de prises de décisions posent toujours autant de problèmes. Certaines d'entre elles ont lieu au niveau national et ne sont pas adaptées aux réalités locales, à celles des territoires. De fait, nous butons sur des difficultés insurmontables. Par exemple, dans le domaine des parcours d'insertion, des acteurs s'étaient regroupés dans le cadre des programmes PAC et TRACE pour mener à bien des projets permettant de construire des parcours d'insertion pour des jeunes. Je suis membre du Parti socialiste, à la tête de la mairie d'Anglet, ville située dans le pays basque et appartenant à une communauté d'agglomération locale. J'y ai en charge le Groupement interprofessionnel de développement social urbain (GIPDSU) et je viens de découvrir que son président est aussi président de la mission locale, du PLIE et de la maison de l'emploi, en cours de création. Trouvez-vous que ce cumul de fonctions est logique ou empêche tout lien avec l'ensemble des partenaires de la communauté d'agglomération ?
Enfin, comme vous l'avez indiqué, il est absolument nécessaire d'avoir une continuité dans les actions menées et d'assurer la pérennisation des systèmes de financement.
M. Jean LE GARREC - Que la même personne soit présidente du PLIE et de la maison de l'emploi représente plutôt une bonne chose, non ? Ce cumul de fonctions garantit une sorte de cohérence et il ne me choque donc pas du tout. Bien au contraire.
Le message que je souhaite transmettre est que nous héritons d'une histoire rude et lourde, dont tout le monde est acteur, et qu'il faut définir des lieux de cohérence, tout en agissant avec une certaine souplesse. Comme vus l'avez souligné, les salariés d'Alliance Villes Emploi font preuve d'un grand militantisme. Il n'est pas possible d'intervenir dans ce domaine de l'insertion sans faire preuve de militantisme, comme nous l'avons indiqué dans le manifeste de notre association.
Par ailleurs, il est indispensable de ne plus faire d'économies de bouts de chandelles en supprimant des dispositifs ayant prouvé leur efficacité et, comme il a déjà été dit, d'avoir une certaine continuité dans les politiques mises en place. Par exemple, le programme TRACE a été abandonné alors qu'il avait donné de bons résultats. Ce changement permanent d'angles de tirs est inefficace, démobilisateur, coûteux, en somme désastreux pour notre pays.
Avec notre petite équipe et un tissu d'élus très investis, nous menons la bataille pour améliorer la situation des personnes en voie d'exclusion. Elle nécessite d'aller au-delà des clivages politiques, l'engagement de plus de partenaires possibles à nos côtés et le soutien, bienvenu, de la haute-assemblée.
M. Paul BLANC - J'ai deux ou trois remarques à formuler. Ma première remarque porte sur la consommation des Fonds sociaux européens (FSE). Le fait que les crédits européens n'aient pas été utilisés entièrement par la France n'est pas nouveau. Il s'agit d'un problème récurrent. Je pratique les programmes européens depuis des années et nous n'avons jamais été capables de consommer tout l'ensemble du FSE. Il existe peut-être une méconnaissance de l'administration française à l'égard du FSE ou une facilité de sa part à solliciter des crédits ailleurs, auprès de l'Etat notamment. Peut-être trouve-t-elle que l'élaboration des dossiers pour demander des crédits sociaux européens exige trop de temps ? Cette situation est regrettable et même dramatique.
Ma deuxième remarque a trait aux petites associations qui agissent dans le domaine de l'insertion. Je partage tout à fait ce que vous avez dit sur le sujet et je m'offusque de l'envoi, par l'administration centrale, de circulaires dans laquelle elle en appelle la disparition des petites structures.
M. Guy FISCHER - Par des appels d'offres ?
M. Paul BLANC - Même pas. Cette demande s'explique uniquement par le fait que la fin des petites structures faciliterait le travail de l'administration centrale. Il est plus facile pour une personne qui gère un budget d'accorder des crédits à une association qui s'occupe de plusieurs établissements plutôt qu'à une structure en charge d'un seul établissement. L'administration centrale réclame, par le biais de circulaires, le regroupement des associations. Je m'insurge contre cette volonté. J'ai eu l'occasion d'en faire part à plusieurs reprises. Mais pour l'instant, j'ai prêché dans le désert.
Ma troisième remarque est relative à la pérennisation des structures. Si celle-ci est nécessaire, il faut veiller, toutefois, à ce que certaines structures ne profitent pas de la certitude d'avoir toujours les financements nécessaires à leur fonctionnement pour ne pas faire grand chose. Je suis donc favorable à ce qu'il y ait une certaine visibilité de leurs actions et à la mise en place de conventionnements pendant des durées de 2 à 3 ans, lesquels seraient prolongés ou pas en fonction du résultat de l'évaluation de leurs activités.
M. Jean LE GARREC - Je reprends à mon actif les deux mots que vous avez employés : contractualisation et évaluation. Nous nous efforçons de mettre en oeuvre ces deux mesures. Nous sommes en train de mettre l'accent sur l'évaluation. Mais encore faut-il qu'on nous aide à la mettre en place ! La maison de l'emploi peut être un lieu pour fédérer les outils territoriaux. Nous nous battons pour qu'elle le devienne. Ainsi, nous avons réuni, en décembre 2007, 203 directeurs de maison de l'emploi à Nîmes pour avoir avec eux un débat très riche. Nous sommes en discussion permanente avec eux, sur la base de notre vision très technique de la situation, celle de Mme Marie-Pierre Establie. Toutefois, nous devons aller plus loin. A ce titre, les missions parlementaires ont un rôle essentiel à jouer. Nous avons besoin de leur capacité d'écoute et de leur soutien.
En l'absence d'évolution notoire, la cassure sociale actuelle s'agrandira et risque d'aboutir à une immense colère.
M. Jean DESESSARD - Vous avez parlé d'évaluation. Comment se fait-il que le ministère des affaires sociales ou le ministère de l'emploi n'ait pas consommé ces 350 millions d'euros. Il faudrait au moins que nous interpellions le ministre concerné par le sujet ou le ministre en charge de la réforme de l'Etat pour en savoir plus en la matière. Pour en avoir fait l'expérience, il est très compliqué de remplir les dossiers pour solliciter le Fonds social européen. C'est pourquoi il serait opportun de mettre en place un service au niveau de l'Etat, composé d'une à deux personnes et qui aurait pour fonction d'indiquer la manière de les constituer. L'ADEME, pour l'énergie, fonctionne plutôt bien, car elle renseigne si besoin.
Il serait quand même bienvenu d'injecter ces 350 millions d'euros dans l'économie française.
Vos documents, en termes méthodologiques et de pédagogie, sont très bien conçus. Je souhaite vous en féliciter. Comme tout à l'heure, vous avez parlé de la méthode IOD, j'ai consulté votre document pour en savoir plus sur ce dispositif et j'ai lu, à la page 41, que celui-ci a été mis en place à Brest et non à Bordeaux, comme vous l'avez indiqué. Qu'en est-il exactement ?
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - La méthode a été inventée par une équipe bordelaise, appelée Transfer, qui la vend ailleurs. Le PLIE de Brest, comme d'autres structures, en ont fait l'acquisition et la mettent en oeuvre.
M. Jean LE GARREC - Je souhaite émettre deux ou trois remarques. Je partage ce que vous avez dit et tous les problèmes que vous avez soulevés seront relayés, par nous, auprès du nouveau ministre de l'emploi. Nous continuerons la bataille. Le champ des possibles est donc encore ouvert.
Vous avez eu raison d'indiquer combien il est difficile de constituer les dossiers relevant du FSE. Ce travail est un art subtil que l'administration française manie avec beaucoup d'expérience. Ce qui est complexe est moins lisible et parfois les choses sont rendues moins visibles pour permettre à certains de garder un pouvoir.
M. Paul BLANC - Pourquoi faire compliquer quand on peut faire inextricable ?
M. Jean LE GARREC - En effet. La formule est très bonne. Je la retiens. Nous essayons, pour notre part, de rendre la lecture de nos documents simple. Mme Marie-Pierre Establie, pouvez-nous dire quel a été le nombre de visites de notre site informatique ?
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Il y a presque 300 000 visites sur notre site par an.
M. Paul BLANC - Il correspond à presque 1 000 visiteurs par jour.
M. Jean LE GARREC - Un résultat obtenu avec une équipe constituée de cinq personnes seulement !
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Et le soutien d'un réseau ! 80% des PLIE adhèrent à l'association. Sur les 227 maisons de l'emploi labellisées, 183 ont signé des conventions s'accompagnant de financements et 150 adhèrent à Alliance Villes Emploi. Notre site Internet, développé au cours des dernières années, réunit toutes les bonnes pratiques. Il est ouvert à tout le monde, pour une partie, et réservé aux adhérents, pour une autre partie où sont recensées, sous forme de fiches actions, les bonnes pratiques ; notre but étant que le plus grand nombre de structures se les approprient pour les voir se développer sur l'ensemble du territoire. C'est de cette manière que nous pouvons professionnaliser les acteurs. Je suis très surprise par leur manque de formation en général. Il existe un manque de financements pour les formations, même si certaines structures adhèrent à des OPCA. Pour l'heure, nous ne nous sommes jamais réellement penchés sur ce problème. On considère que, puisque nous sommes des êtres humains, nous sommes capables d'accompagner d'autres êtres humains. Cette vision est fausse.
M. Jean LE GARREC - J'ajoute que le métier est très difficile. D'ailleurs, rien n'est plus difficile que de tenir une permanence dans un milieu populaire. Si nous n'assurons pas une continuité de carrière aux personnels en charge de l'insertion en leur offrant des formations adaptées, ils réagiront mal un jour ou l'autre, dans dix ans ou avant.
Mme Marie-Pierre ESTABLIE - Il s'agit d'un enjeu important.
M. Jean LE GARREC - Dont nous ne parlons jamais.
Mme Odette HERVIAUX - Je partage beaucoup des idées que vous avez avancées, notamment celle consistant à mettre en place des lieux de cohérence, ce qui suppose de régler en amont tous les problèmes de gouvernance qu'un tel projet ne manquera pas de poser. A ce titre, je souhaite vous faire part de l'expérience que j'ai vécue sur mon territoire rural, en Bretagne dans le centre du Morbihan. Il y a une dizaine d'années, nous avons essayé, dans ma région, de faire travailler ensemble tous les acteurs en charge de l'insertion et de la remise à l'emploi dans le cadre de la mission locale. Les élus ont été alors partie prenante de cette initiative qui a finalement réussi après beaucoup de soucis, liés au fait notamment que l'ANPE et la mission locale n'utilisent pas le même logiciel de traitement des données, que le travail avec les associations locales dans le domaine de la santé n'a pas été facilité par la Sécurité sociale, etc.
Nous sommes parvenus à donner des habitudes de travail communes aux élus et à cette mission locale et tout naturellement, lorsque la maison de l'emploi a vu le jour, c'est elle qui a concrétisé tout le travail entrepris en amont par l'ensemble des partenaires.
Tous les outils mis en place nécessitent de savoir comment ils seront gouvernés et de quelle manière les élus pourront en assurer le suivi. Quand on travaille au niveau d'un pays, avec un délégué par commune adhérente, il est possible d'établir la distinction entre le travail de représentation de l'élu et celui des personnes en charge d'effectuer l'accompagnement. Il y a besoin de clarification et de préconisations dans ce domaine.
M. Jean LE GARREC - Ce que vous avez présenté montre ce qu'il faut faire. C'est dans ce sens-là que nous devons tous aller. Mais ce cheminement est difficile. Vous avez évoqué le manque de cohérence des outils informatiques utilisés sur le terrain. Du temps où j'étais ministre de l'emploi, les systèmes informatiques de l'ANPE et de l'UNEDIC n'avaient aucune entrée commune. Cette situation, ahurissante, m'avait conduit à lancer une mission et je me rappelle que le Président de l'UNEDIC de l'époque, M. Bergeron, m'avait répondu que l'Etat se mêlait de ce que ne le regardait pas. Il avait fallu que je tienne bon pour permettre à ce dossier d'avancer.
Vous avez parlé de pays. Il est vrai qu'en Bretagne, l'espace de cohérence représente souvent le pays et non le bassin d'emploi. Il ne faut pas avoir une vision figée dans ce domaine. C'est avec les élus et les collectivités qu'il faut rechercher l'espace de cohérence le plus adapté. Le fait d'utiliser le mot pays ou bassin d'emploi, expression usuelle, ne me pose aucun problème. L'important est d'être efficace et de garantir à nos actions une certaine marge de souplesse.
M. Brigitte BOUT, Présidente - Il s'agira de votre conclusion. Merci de votre intervention.