2. ... appellent un dépassement pour examiner les impacts empiriques des dépenses publiques sur le taux d'épargne
a) L'argument selon lequel l'impact redistributif des dépenses publiques conduirait à abaisser le taux d'épargne global
Cet argument paraît fondé si l'on admet que le taux d'épargne national varie en raison de l'agrégation des taux d'épargne des individus. Alors la distribution du revenu national exerce un effet sur le niveau agrégé du taux d'épargne.
C'est, en effet, une observation empirique que de montrer que la propension à épargner augmente avec le revenu, les titulaires de bas revenus ayant tendance à les consommer intégralement. Ainsi, la distribution du revenu national peut influencer le taux d'épargne national.
Soit un revenu de 100, distribué également entre trois agents et une propension individuelle à consommer intégrale jusqu'à 33,3 et de 80 % au-delà, le taux d'épargne national est nul . Si le revenu est distribué inégalement et qu'un agent perçoit plus de 33,33 % du revenu, le taux d'épargne devient non-nul . |
Comme les dépenses publiques peuvent modifier la répartition du revenu, elles peuvent aussi par ce biais avoir un effet sur le taux d'épargne.
Mais, le sens et surtout l'ampleur de cet effet est suspendu à l'impact des dépenses publiques sur la distribution des propensions à épargner .
Les caractéristiques de la redistribution effectuée par les dépenses publiques peuvent être variables sous cet angle et seul un examen concret permet de décider l'effet de la redistribution sur les taux d'épargne.
Au demeurant, plus structurellement, si l'on admet que les dépenses publiques haussent durablement le niveau de la production et le rythme de croissance, une éventuelle baisse transitoire du taux d'épargne, se solde à long terme par un niveau plus élevé de l'épargne disponible.
b) L'argument selon lequel les dépenses publiques baisseraient les exigences d'épargne nécessaires pour accéder aux biens et garanties qu'elles apportent
En supposant que les dépenses publiques sont la contrepartie de prélèvements obligatoires et non d'un effort d'épargne - ce qui est vérifié globalement sauf dispositifs particuliers -, et que, dans les pays où les dépenses publiques sont moins élevées les agents ont les mêmes préférences, on remarque qu'il leur faut alors consentir un effort d'épargne préalable afin de financer leurs consommations à partir d'un patrimoine préconstitué.
Les fonds de pension, les assurances, l'épargne de précaution rendent compte de ce processus.
Ainsi, la propension à épargner devrait être théoriquement plus élevée dans les pays où les dépenses publiques occupent une moindre place dans la fourniture de biens et garanties aux agents .
Mais, il se trouve que les données empiriques contredisent cet enchaînement théorique . Les pays dans lesquels les assurances privées sont les plus développées et où les financements privés des services, collectivisés ailleurs, sont relativement importants n'ont pas des taux d'épargne plus élevés, au contraire.
Au demeurant, les équations explicatives du taux d'épargne ignorent généralement les facteurs institutionnels et ceux-ci doivent être vus en adoptant une démarche empirique.
Sous cet angle, plusieurs pistes pourraient conduire à ne pas exagérer leurs effets sur les taux d'épargne .
- Tout d'abord, la consommation du revenu représente un comportement premier , ce dont témoigne l'idée que l'épargne est un résidu.
Il n'est pas exclu que cette préférence pour la consommation conduise les ménages à ignorer les contraintes assurantielles, qui les conduiraient à augmenter leur effort d'épargne, même dans les pays où du fait de la place relativement faible des dépenses publiques elles sont de facto renforcées.
D'ailleurs, l'une des justifications essentielles à l'intervention publique est qu'elle exerce un rôle tutélaire de protection des agents contre leur imprévoyance.
- Concrètement ensuite, l'accès à des biens comme l'éducation ou la santé peuvent dans les pays où il n'est pas financé par des dépenses publiques (ou moins financé) être acquis en contrepartie d'une consommation du revenu ou d'un endettement supplémentaire . Dans ce dernier cas, l'effet sur le taux d'épargne est facialement négatif.
- Par ailleurs, l'obligation d'épargner n'équivaut pas à la capacité de le faire , et l'absence de financement public se traduit certainement par la privation d'un certain nombre de biens et garanties plutôt que par un effort d'épargne.
- Enfin, il semble que dans les pays où les fonds de pension remplacent les systèmes publics de répartition, le rendement de l'épargne soit structurellement plus élevé si bien que les contraintes d'épargne des agents relevant de deux systèmes, pourtant très différents, sont plus proches qu'on le pourrait envisager si les rendements de ces systèmes étaient semblables.