B. DES ANALYSES STATISTIQUES AMBIGUËS
Un grand nombre d'études statistiques ont été consacrées aux politiques d'ajustement budgétaire.
Ces études, qui analysent les effets réels ex post des ajustements budgétaires, portent sur des épisodes de fort ajustement budgétaire (généralement mesurés par la variation d'un indicateur du type solde public primaire corrigé des variations cycliques ) 59 ( * ) et essaient de caractériser ceux ayant permis une baisse durable du ratio dette publique/PIB ou du déficit public.
Alesina et Perotti (1995) trouvent ainsi 68 épisodes de forts ajustements budgétaires, dont 14 sont considérés comme réussis (l'encadré ci-après donne la définition des épisodes réussis dans les différentes études).
LES CONSOLIDATIONS BUDGÉTAIRES
EXPANSIONNISTES :
Consolidation budgétaire Alesina et Perotti (1995) : « une consolidation budgétaire importante est supposée être intervenue une année donnée si le solde primaire corrigé des variations cycliques s'améliore de plus de 1,5 % du PIB ». Cour et al. (1996) : « une restriction de grande ampleur est une période d'amélioration continue du solde structurel primaire, incluant une sous-période d'au moins 2 points de PIB ou une période de deux années consécutives où il s'est amélioré d'au moins 1,5 point de PIB chaque année ». Alesina et Ardagna (1998) : « une période de consolidation budgétaire est une année où le solde primaire corrigé des variations cycliques s'améliore d'au moins 2 points de PIB ou une période de deux années consécutives où il s'est amélioré d'au moins 1,5 point du PIB chaque année ». OCDE (1996) : « un effort d'assainissement budgétaire est jugé important s'il se traduit par une amélioration du solde financier structurel d'au moins 3 points de PIB, réalisée sans interruption pendant plusieurs années consécutives ». Consolidation budgétaire expansionniste Cour et al. (1996) : « une période de resserrement budgétaire est expansionniste si le taux de croissance moyen du PIB en écart à celui du G7, corrigé de l'écart entre les taux de croissance potentielle, est positif sur l'ensemble de la période de consolidation ». Alesina et Ardagna (1998) : « une période de resserrement budgétaire est expansionniste si le taux de croissance moyen du PIB, en écart à celui du G7, dans la période de resserrement et les 2 années qui suivent est supérieure à la valeur moyenne de cette variable sur l'ensemble des épisodes de resserrement budgétaire ». Consolidation budgétaire réussie Alesina et Perotti (1995) : « une consolidation budgétaire est réussie une année donnée si, trois ans plus tard, le ratio dette brute/PIB a baissé d'au moins 5 points ». Alesina et Ardagna (1998) : « une période de resserrement budgétaire est réussie si (1) durant les 3 années qui suivent, le ratio solde primaire corrigé des variations cycliques/PIB est en moyenne au moins 2 points au-dessus de sa valeur l'année du resserrement, ou (2) si 3 ans après le resserrement, le ratio dette/PIB est 5 points en dessous de sa valeur de l'année du resserrement ». Alesina et al. (2002) : un épisode est expansionniste si « la croissance moyenne du PIB de l'année de l'ajustement budgétaire et des deux années suivantes est supérieure à celle des deux années précédentes ». |
Les consolidations budgétaires importantes sont généralement entreprises en période de forte croissance et se caractérisent par des effets keynésiens : elles entraînent une hausse du chômage l'année considérée et un ralentissement de la croissance les deux années suivantes.
La politique monétaire s'assouplit dans presque la moitié des épisodes considérés par l'OCDE (1996), une désinflation intervient dans trois quarts des cas, l'épargne nationale augmente et le solde de la balance courante s'améliore généralement, ce qui atténue l'effet dépressif des contractions budgétaires.
En ne considérant que les ajustements budgétaires réussis , ils se caractérisent par une diminution durable du ratio dette publique/PIB et, en moyenne, par une évolution inattendue de certains indicateurs macroéconomiques : accélération de la croissance, baisse du chômage, hausse de la part de l'investissement dans le PIB, baisse du coût unitaire du travail relativement aux autres pays (Alesina et Perotti, 1995, McDermott et Wescott, 1996, Alesina et al. 1998).
Les effets anti-keynésiens de la politique budgétaire sont alors évoqués pour expliquer la concomitance d'une politique de consolidation budgétaire et d'une amélioration de l'activité économique .
1. Le nombre de contractions budgétaires expansionnistes est relativement faible
LES ÉPISODES DE CONSOLIDATIONS BUDGÉTAIRES EXPANSIONNISTES
Sources : Alesina et Ardagna (1998), Cour et al. (1996), Giudice et al. (2003)
- Cour et al. (1996) trouvent 19 restrictions budgétaires de grande ampleur, dont 9 sont accompagnées d'une croissance significative du PIB du pays considéré 60 ( * ) .
- Alesina et Ardagna (1998) recensent 51 cas de forte consolidation budgétaire, dont 23 sont expansionnistes qui, en excluant des cas spécifiques et en groupant les périodes consécutives de consolidation, représentent 7 épisodes de consolidations budgétaires expansionnistes .
- Pour l'UE-14, Giudice et al. (2003) trouvent que sur 49 épisodes de consolidation , 24 sont expansionnistes . Ils définissent aussi des cas purs , pour lesquels l'expansion de l'activité n'est pas favorisée par une baisse des taux d'intérêt réels entre l'année précédant l'ajustement et celle le suivant. Giudice et al. retiennent 11 cas purs . 6 des 9 cas relevés par Cour et al. (1996) ne sont pas accompagnés d'un assouplissement des conditions monétaires et peuvent donc être considérés comme des cas purs (en gras dans le tableau).
Ainsi, le nombre d'épisodes de contractions budgétaires relevés par les différentes études est faible, comparé aux possibilités d'occurrence appréciées en multipliant le nombre de pays observés par le nombre des années d'observation.
Surtout, la proportion de ces épisodes qui furent expansionnistes est modeste et, plus encore, lorsqu'on s'intéresse à des cas où les conditions monétaires sont restées inchangées .
La conclusion principale à tirer de ces études est l'inverse de celles qu'elles entendent pourtant étayer : les contractions budgétaires sont majoritairement restrictives .
* 59 Il s'agit du solde structurel hors charges d'intérêts.
* 60 Une croissance économique supérieure à la moyenne du G7, corrigée de l'écart des croissances tendancielles sur la période 1971-1995.