(b) Une très forte instabilité
La variation du produit de ces taxes spécifiques, rappelée dans le tableau qui précède, est moins due aux évolutions structurelles qu'à des évolutions conjoncturelles.
Sur la période 2004-2006, on constate en effet une hausse des contributions spécifiques affectant les industriels . En 2005 et 2006, ces sommes représentent environ 30 % et 49 % du montant total de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle.
Trois modifications législatives sont intervenues au cours de cette période :
- loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 : alourdissement des contributions pesant sur les industries pharmaceutiques par la modification du régime de taxation des dépenses de promotion des médicaments (effets 2004) et l'instauration d'une contribution exceptionnelle égale à 0,525 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par les laboratoires pharmaceutiques en 2004 (acompte en 2004 et solde en 2005) ;
- loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie : augmentation des taux de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments (effets à compter de 2005), à laquelle s'ajoute la pérennisation et l'aménagement de la contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires (taux de 0,6 % et effets en 2005) ;
- loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 : application d'un taux exceptionnel pour le calcul de la contribution sur le chiffre d'affaires (1,76 % alors que ce taux s'élevait à 0,6 % en 2005).
Une nouvelle modification est intervenue lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 , avec la fixation à 1 % d'un taux exceptionnel pour le calcul de la contribution sur le chiffre d'affaires. En outre a été instauré, par la loi du 26 février 2007 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, un abattement de la contribution calculé en fonction de l'effort de recherche et de développement mené par les industriels, pour un coût estimé à 50 millions d'euros.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a également apporté plusieurs modifications à ces taxes, en commençant par la suppression de l'abattement précité instauré par la loi du 26 février 2007, en estimant que les entreprises pharmaceutiques bénéficieraient d'avantages plus importants dans le cadre de la refonte du crédit d'impôt recherche opérée en la loi de finances pour 2008. Vos commissions des affaires sociales et des finances avaient toutes deux présenté, en vain, un amendement tendant à conserver le dispositif élaboré seulement quelques mois auparavant pour les dépenses de recherche exposées au titre de l'exercice 2007, estimant qu'une telle instabilité était excessive 63 ( * ) . Cette suppression soulevait, en outre, un problème de cohérence au titre de l'exercice 2007, puisque la nouvelle formule du crédit d'impôt recherche bénéficie aux dépenses de recherche exposées à compter du 1 er janvier 2008, alors que les dépenses de recherche prises en compte dans l'abattement précitées étaient celles exposées au titre de l'année 2007.
Cet exemple illustre l'instabilité excessive de la taxation applicable au secteur du médicament , qui ne va pas sans poser de difficultés dans l'élaboration des plans d'investissement des entreprises pharmaceutiques (cf. infra B).
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : nouvelle illustration de l'instabilité du cadre fiscal spécifique applicable au secteur du médicament Votre rapporteur ayant consacré de longs développements aux modifications apportées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 au sein de son rapport pour avis n° 73 (2007-2008) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il se contentera ici d'en rappeler les faits saillants (outre la suppression précitée de l'abattement instauré par la loi du 26 février 2007) : 1. Une meilleure prise en compte de la situation des entreprises pour le paiement des contributions sur les dépenses de promotion des médicaments et de promotion des dispositifs médicaux : il s'agissait là de dispositions essentiellement techniques, qui n'appelaient pas de remarques particulières ; 2. Le maintien à 1 % du taux de la contribution sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques : alors que le texte initial du projet de loi prévoyait de fixer ce taux à 1 % de manière pérenne, le texte définitif, à l'initiative de l'Assemblée nationale, conserve à ce taux de 1 % un caractère exceptionnel . Votre rapporteur spécial avait fait part de ses réserves sur le fait de maintenir un « taux normal » (0,6 %) et de fixer tous les ans un taux exceptionnel, compte tenu des variations de cette taxe au cours des années passées et de l'effet négatif exercé en terme d'attractivité de la France auprès des entreprises du médicament ; 3. La fixation à 1,4 % de la clause de sauvegarde sur le chiffre d'affaires : la loi de financement de la sécurité sociale a également fixé à 1,4 % le « taux K », c'est-à-dire la clause de sauvegarde sur le chiffre d'affaires. Les industriels rencontrés par votre rapporteur spécial lors de ses auditions préparatoires à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 avaient toutefois relativisé la portée de ce chiffre, estimant que, s'il l'on prenait en compte l'effet des franchises et du déremboursement de certains médicaments à compter du 1 er janvier 2008, le « taux K » réel avoisinerait les 3,2 % en 2008, soit un chiffre proche de l'ONDAM. En tout état de cause, ce taux n'a été fixé que pour l'année 2008, et non pour une période triennale comme ceci avait été le cas avec la loi relative à l'assurance maladie ; 4. La question des marges des grossistes-répartiteurs : le texte initial du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoyait également d'instaurer d'instaurer une contribution exceptionnelle due par les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques ainsi que par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques. Cette contribution, qui devait être assise sur le chiffre d'affaires hors taxes pour l'année civile 2008 réalisé en France auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières au titre des spécialités inscrites sur la liste de spécialités pharmaceutiques remboursables, aurait dû rapporter 50 millions d'euros. A l'initiative du gouvernement, l'Assemblée nationale avait toutefois supprimé cette contribution, remplacée par une réduction, pour un montant global équivalent, des marges des grossistes-répartiteurs (et, indirectement, des pharmaciens), devant se traduire par une baisse des prix de vente des produits de santé. On rappellera que l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 avait déjà mis en place une contribution exceptionnelle, dite de « régulation », sur le chiffre d'affaires des grossistes-répartiteurs. Même s'il ne s'agit pas là de dispositifs de taxation visant l'industrie pharmaceutique proprement dite, mais le réseau de distribution du médicament, la « logique d'instabilité » est la même. |
* 63 Se reporter sur ce point aux débats intervenus en séance publique lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (séance du 13 novembre 2007).