ANNEXES DE LA DEUXIÈME PARTIE

- Annexe 1 : Comptes rendus des auditions

- Annexe 2 : Compte rendu du déplacement en Loire-Atlantique

ANNEXE 1 : COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Audition de Mme Christel Gilles, chargée de mission au département travail, emploi, formation du Centre d'analyse stratégique

(17 octobre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a accueilli l'intervenante en évoquant les principales missions du Centre d'analyse stratégique, qui a succédé au Commissariat général du plan. Puis elle a rappelé que la délégation avait décidé de s'attacher à rechercher les solutions de nature à favoriser le rééquilibrage entre hommes et femmes dans tous les métiers.

Mme Christel Gilles a alors présenté les principales conclusions d'une étude du Centre d'analyse stratégique, intitulée « Réduire la segmentation professionnelle selon le genre et accroître les taux d'emploi féminin : à court terme, est-ce compatible ? » , qui s'intègre dans les travaux du Centre d'analyse stratégique de comparaisons européennes, de prospective des métiers et des qualifications et enfin de réflexions menées en amont de la conférence du 26 novembre 2007 sur l'égalité professionnelle. A cet égard, elle a souligné l'importance croissante de la question de la mixité en prenant l'exemple des secteurs créateurs d'emplois qui sont excessivement féminisés, comme les services à la personne.

Elle a introduit son exposé par un quadruple constat : tout d'abord, la stabilité des écarts salariaux entre femmes et hommes dans les pays de l'Union européenne depuis 2000, ensuite, une certaine inertie dans le temps de la segmentation professionnelle selon le genre, puis la hausse des taux d'emploi féminin et la réduction des écarts entre femmes et hommes des taux d'emploi et enfin le lien positif entre le taux d'emploi féminin et la segmentation du marché du travail en Europe.

Mme Christel Gilles s'est demandé dans quelle mesure ces évolutions traduisaient un conflit d'objectifs entre augmentation des taux d'emploi féminins et progrès dans l'égalité professionnelle à travers la réduction de la segmentation des emplois.

Puis elle a dressé, sur la base de tableaux statistiques, un bilan de la segmentation des emplois selon le genre en Europe. A ce titre, elle a souligné la très forte concentration de l'emploi féminin dans le secteur des services, qui représente 84 % de l'emploi des femmes, contre 58 % pour celui des hommes, précisant que le secteur public était, par ailleurs, le premier employeur des femmes et regroupait 46 % d'entre elles, contre 20 % de l'emploi masculin. A l'opposé, les activités industrielles sont globalement masculines, 37 % des hommes y étant employés, contre seulement 13 % des femmes.

Elle a ensuite démontré que les femmes sont, plus que les hommes, concentrées dans quelques secteurs d'activité. Ainsi, sur 62 secteurs, les six premiers concentrent 60 % de l'emploi féminin dans l'Union européenne, contre 42 % de l'emploi masculin. Les femmes sont surreprésentées dans certains domaines, comme la santé et l'action sociale (80 %) ou l'éducation et les services à la personne (70 %), tandis qu'elles sont sous-représentées dans la construction (10 %) ou la métallurgie (10 %).

Occupées dans un nombre restreint de secteurs d'activité, les femmes, a précisé Mme Christel Gilles , ont par ailleurs des professions moins diverses que les hommes. Sur les 130 catégories professionnelles recensées dans la nomenclature internationale du Bureau international du travail (BIT), les trois premières professions regroupaient en 2005 près du quart des femmes : il s'agit des métiers de vendeuses (8 % d'entre elles), d'aides de ménages (7,6 %) et des membres du personnel soignant (6,6 %). Elle a observé que chez les hommes, cette proportion n'est que d'un peu plus de 15 % en citant les conducteurs de véhicules (5,2 % d'entre eux), les ouvriers du bâtiment (4,7 %) et, enfin, les dirigeants et les gérants de petites entreprises (4,4 %).

Elle a noté, en outre, que ces femmes occupaient des professions moins qualifiées que les hommes : 50 % de l'emploi féminin se rattachait à un travail « hautement qualifié ou qualifié », contre 77 % des métiers des hommes et, en outre, les femmes ne représentaient que 32 % des cadres.

Puis, afin de nuancer ces proportions moyennes, Mme Christel Gilles a décrit, en matière de segmentation du marché du travail selon le genre, la grande variété de situations qui se manifeste dans quinze pays de l'Union européenne, en faisant ressortir que, selon les statistiques, il faudrait réallouer un quart de l'emploi en France pour opérer un rééquilibrage satisfaisant entre femmes et hommes. Elle a également observé que les pays nordiques sont les plus « ségrégués » alors qu'ils affichent les taux d'emploi féminin les plus élevés, à l'inverse des pays méditerranéens. Puis elle a constaté que la segmentation professionnelle selon le genre avait peu évolué entre 2000 et 2005, malgré l'augmentation concomitante des taux d'emploi féminin dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Puis, constatant que la segmentation professionnelle et sectorielle selon le genre et l'emploi des femmes allaient de pair, elle a évoqué les deux raisons généralement avancées pour expliquer ce phénomène : en premier lieu, le développement des activités et métiers de services non-marchands, en particulier dans les pays nordiques favorisait l'emploi des femmes ; en outre, l'augmentation de l'emploi à temps partiel des femmes serait, dans certaines conditions, un facteur discriminant des professions et des secteurs occupés par les femmes. A cet égard, elle a souligné que l'augmentation de l'emploi à temps partiel avait contribué de manière importante à celle de l'emploi total des femmes, notamment en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Elle a noté que, dans l'ensemble de l'Union européenne à Quinze, une femme sur trois travaillait à temps partiel contre un homme sur dix, avec de fortes disparités selon les pays. Elle a d'ailleurs relevé que l'emploi à temps partiel était plus polarisé dans certains secteurs d'activité que celui à temps plein : ainsi, en France 71,5 % de l'emploi à temps partiel se concentrait, en 2005, dans six secteurs d'activité, contre 61,7 % de l'emploi total.

Mme Christel Gilles a précisé que l'emploi à temps partiel, lorsqu'il était possible et « choisi », apparaissait comme un élément clé de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, reposant principalement sur les femmes, et a désigné les congés familiaux, les modes de garde et la fiscalité comme les principaux facteurs sur lesquels se fondait l'arbitrage des familles entre l'emploi à temps plein, à temps partiel ou l'inactivité professionnelle ainsi que le choix des secteurs d'activité ou des métiers.

Puis elle a montré que l'organisation de l'emploi au sein des couples variait selon les pays : le modèle conjuguant deux emplois à temps plein (qui représente 45 % des cas, en moyenne européenne) est prépondérant au Portugal (67 %), en Finlande (63 %) et en France (52 %) ; le schéma où l'homme est seul à occuper un emploi prédomine en Italie (45 %), en Grèce (44 %) et en Espagne (43 %), où l'emploi des femmes et les taux de fécondité sont faibles ; enfin le modèle de travail à temps plein pour l'homme et partiel pour la femme (19 % en moyenne) est le plus répandu aux Pays-Bas (44 %), au Royaume-Uni (30 %), en Allemagne (28 %) et en Belgique (24 %) et témoigne notamment de l'insuffisance des dispositifs de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, comme les modes de garde des enfants.

En conclusion, Mme Christel Gilles a estimé que la segmentation professionnelle résultait en partie « d'arbitrages » en matière d'emploi effectués au sein du ménage et des « choix » opérés par les femmes en faveur d'emplois dans des secteurs et métiers compatibles avec leurs responsabilités familiales ; elle a ensuite jugé qu'une réduction de la segmentation professionnelle contribuerait, en théorie, à diminuer les écarts salariaux entre les hommes et les femmes et à améliorer l'efficacité du marché du travail, tout en reconnaissant que le premier facteur d'inégalité entre les hommes et les femmes demeurait l'accès à l'emploi.

Elle a considéré que, pour résoudre le conflit d'objectifs précédemment évoqué, il fallait donc développer les instruments de conciliation (modes de garde, congés familiaux, fiscalité) et les politiques éducatives visant à élargir le choix des filières, rendre beaucoup plus neutre l'emploi à temps partiel par rapport à l'emploi à temps plein en matière de professions occupées, de salaires, de perspectives de carrière et d'accès à la formation, et, enfin, accroître la mixité dans les métiers peu qualifiés, où elle est la plus forte, notamment dans les métiers des services à la personne où les besoins de main-d'oeuvre sont importants.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est félicitée de ce que la délégation puisse ainsi disposer d'une étude statistique comparative pouvant servir de base à ses travaux. Puis elle a évoqué l'importance, pour les femmes, du travail à temps partiel subi, avant de souligner le caractère fondamental de l'orientation et de l'information précoce des élèves.

Mme Gisèle Printz s'est tout d'abord étonnée de la relative faiblesse de l'écart salarial entre femmes et hommes mesuré par l'étude du Centre d'analyse stratégique environ 12 % alors que d'autres études l'évaluent à plus de 18 %.

Mme Christel Gilles lui a répondu qu'il s'agissait d'une moyenne européenne mesurée en taux horaire, alors que les chiffres habituellement diffusés se réfèrent à des indicateurs d'écart salarial en moyenne mensuelle qui intègrent aussi la durée du travail et peuvent atteindre, pour cette raison, les 20 %.

Mme Gisèle Printz a ensuite souligné l'importance de la formation professionnelle et évoqué la question de l'ouverture des commerces le dimanche, qui, dès lors qu'elle deviendrait en quelque sorte une obligation, pénaliserait les femmes qui sont d'ailleurs concentrées dans les métiers de vendeuses.

Rappelant que les Français établis hors de France représentent 2,4 millions de personnes, Mme Christiane Kammermann a demandé si la situation des femmes françaises expatriées avait été prise en compte dans l'étude du Centre d'analyse stratégique. Elle a insisté sur la nécessité de concilier vie professionnelle et vie familiale, estimant que cette dernière ne devait pas être sous-estimée, compte tenu du rôle que jouaient les mères dans l'éducation des jeunes enfants.

Mme Christel Gilles a indiqué que l'étude était une comparaison européenne et, par ailleurs, que les statistiques relatives aux Françaises de l'étranger seraient peut-être difficiles d'accès pour permettre d'élaborer une étude précise.

Revenant sur les « arbitrages » opérés, selon l'étude du Centre d'analyse stratégique, par les familles, Mme Annie David s'est demandé si les femmes appartenant à des milieux défavorisées avaient vraiment le « choix » d'arrêter de travailler pour s'occuper de leurs enfants. Elle a ensuite évoqué les discriminations que constituent, pour les femmes travaillant à temps partiel, les droits réduits qui leur sont attribués en matière de formation professionnelle et de retraite. Elle a enfin souhaité que soient mieux préservés les droits des salariées ayant une maladie liée à leur état de grossesse, rappelant les initiatives législatives qu'elle avait défendues sur ce sujet.

Mme Christel Gilles a précisé que les travaux présentés à la délégation se limitaient à une comparaison européenne globale des situations des femmes en emploi et que les questions essentielles du temps partiel subi, qui concerne les familles les plus désavantagées, et notamment les familles monoparentales, et de la conciliation entre vie professionnelle et familiale, pour ces familles en particulier, feraient l'objet d'études comparatives ultérieures.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a demandé à l'intervenante de lui citer des exemples de pays qui soient parvenus à limiter le caractère subi du recours au temps partiel, grâce à des mesures favorisant la garde des enfants.

Mme Christel Gilles a désigné les pays nordiques comme ceux où les modes de conciliation entre la vie professionnelle et familiale étaient le mieux réalisés, grâce à la mise en place de systèmes universels de crèches et d'horaires aménagés.

Elle a indiqué à Mme Gisèle Printz et à Mme Annie David que deux tiers des femmes, en Suède, travaillaient dans le secteur public, contribuant au renforcement de la segmentation par genre du marché de l'emploi, Mme Gisèle Gautier, présidente , notant alors qu'un phénomène comparable se retrouvait en France, et Mme Gisèle Printz s'interrogeant sur les effets induits qu'aurait, dans ce domaine, la diminution du nombre de fonctionnaires prônée par le Gouvernement.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur la dimension physiologique de la répartition sexuée des emplois.

Mme Christel Gilles a évoqué des entretiens conduits avec des représentants du secteur du bâtiment, qui montrent que beaucoup de métiers sont devenus autant accessibles aux femmes qu'aux hommes, grâce à l'évolution des techniques et des normes qui réduisent la part de la simple force physique.

Mme Annie David a estimé que les facteurs sociologiques constituaient, parfois plus que le critère de la force physique, des obstacles à l'emploi féminisé dans certains métiers du bâtiment, lorsqu'il s'agissait, par exemple, d'encadrer un personnel essentiellement composé d'hommes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité des travaux qui insistent sur l'importance de l'orientation précoce, parfois dès la classe de sixième, et jugé nécessaire de combattre la persistance de l'injustice sociale, qui aboutit notamment à ce que les enfants d'ouvriers aient moins de chances de suivre des études supérieures.

Mme Annie David a souligné que les jeunes filles sont, plus que les garçons, frappées par des discriminations sociales, regrettant que beaucoup des plus brillantes d'entre elles ne soient pas davantage encouragées à poursuivre des études supérieures.

Mme Gisèle Printz a déploré que, du fait de leur lourdeur, les procédures de validation des acquis de l'expérience ne bénéficient qu'assez rarement aux femmes.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente, Mme Christel Gilles a évoqué les travaux du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) sur la segmentation éducative en amont de la ségrégation professionnelle, ajoutant que le Conseil d'analyse stratégique allait également s'attacher à approfondir cette question.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur la sensibilisation du monde éducatif et sur les actions de formation à ce phénomène de ségrégation, tout en insistant sur l'importance du rapprochement entre école et entreprise.

Mme Christel Gilles a rappelé que les travaux du CEREQ montraient notamment que le choix des filières restait particulièrement sexué.

En réponse à une interrogation de Mme Gisèle Gautier, présidente, Mme Christel Gilles a ensuite évoqué les travaux de prospective par métier et par qualification conduits en coopération avec la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) sur les besoins de main-d'oeuvre, en particulier dans le secteur des services à la personne. Elle a estimé que les nouvelles perspectives de l'emploi étaient, globalement, désormais plus favorables aux femmes qu'aux hommes en raison de la désindustrialisation en insistant sur les difficultés d'insertion particulières des jeunes hommes peu qualifiés.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué, à propos de la profession de médecin, la progression de la proportion de femmes et s'est interrogée sur les causes, notamment en termes de rémunération, de ce phénomène.

Mme Christel Gilles a précisé que ce phénomène de féminisation se retrouvait dans la profession d'avocat et a souligné la proportion importante de femmes travaillant dans les directions des ressources humaines.

Mme Gisèle Printz a estimé que c'était dans le domaine de la politique que la parité avait encore beaucoup à progresser, Mme Gisèle Gautier, présidente , soulignant toutefois les récentes avancées intervenues dans ce domaine, pour insister, en revanche, sur le trop faible nombre de femmes ingénieures.

Mme Christiane Kammermann a souligné l'importance du chômage et des difficultés d'accès à l'emploi, particulièrement pour les femmes résidant à l'étranger.

Mme Annie David s'est interrogée sur les mesures concrètes qui pourraient contribuer à un rééquilibrage dans la composition par sexe des professions ; elle a insisté sur le rôle que pourrait jouer l'école pour faire évoluer la représentation que se font les jeunes des différents métiers.

Mme Christel Gilles a constaté, chez les nouvelles générations, une nette amélioration de la diversification des emplois occupés par les femmes, tout en reconnaissant que des difficultés particulières subsistaient dans les métiers à faible qualification.

Audition de M. Bernard Thomas , délégué interministériel à l'orientation

(31 octobre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a accueilli l'intervenant et présenté les grandes lignes de sa carrière, ainsi que ses fonctions actuelles. Elle a ensuite souhaité que puissent être dégagées des propositions concrètes de nature à améliorer l'orientation scolaire pour favoriser un rééquilibrage entre femmes et hommes dans les différents métiers.

M. Bernard Thomas a tout d'abord précisé la mission qui lui a été confiée par le Premier ministre : celle-ci consiste à élaborer des propositions pour mettre en place un service public de l'orientation rénové et améliorer l'orientation au cours de l'enseignement scolaire et supérieur. Il a souligné qu'à l'heure actuelle, de nombreuses administrations avaient d'ores et déjà pris des initiatives pour faire évoluer la situation, notamment afin d'inciter les jeunes filles à s'orienter davantage vers les carrières scientifiques.

Illustrant par quelques chiffres le constat des inégalités existant entre filles et garçons en matière d'orientation, il a particulièrement insisté sur le problème de l'accès des jeunes filles aux classes préparatoires : bien que les filles représentent 45,5 % des effectifs de la terminale « S », on ne retrouve pas cette proportion dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d'ingénieurs, qui sont les débouchés les plus recherchés après le baccalauréat S ; les filles ne sont que 29,2 % dans les classes préparatoires scientifiques et ne représentent que 18,5 % des élèves des écoles d'ingénieurs. Il a précisé qu'au total les femmes ne représentaient que 25 % des ingénieurs diplômés d'une grande école ou d'une université, chaque année.

S'attachant à écarter certaines fausses raisons parfois invoquées pour expliquer cette situation, M. Bernard Thomas a observé que la difficulté des filles à accéder au métier d'ingénieur n'était pas la conséquence de leurs résultats scolaires, qui sont en général meilleurs que ceux des garçons : les filles devancent ainsi largement les garçons pour le taux de réussite au baccalauréat dans toutes les séries, y compris S, en particulier pour la proportion des mentions bien et très bien, qui atteint 22 % pour les filles, contre 16 % pour les garçons au baccalauréat S. Il a ajouté que cette situation n'était pas non plus imputable à la crainte du travail intense, ni des filières sélectives, comme en témoigne l'engouement des filles pour la médecine, où elles réussissent massivement, puisqu'elles constituent 60 % des diplômés chaque année. Il a également indiqué qu'on pouvait constater une quasi-parité dans les écoles de commerce, avec 55 % de femmes dans les classes préparatoires économiques et 49 % de diplômées des écoles de gestion, tandis que les femmes constituent 53 % des docteurs en lettres, mais seulement 34 % des docteurs en sciences.

Il a ensuite évoqué les disparités entre les genres dans les formations de niveau IV et V, les filles représentant, par exemple, 92 % des élèves accédant en classe de première dans la filière de sciences médico-sociales, mais moins de 10 % des élèves entrant en classe de première dans la filière de sciences et technologies industrielles.

Examinant dans un état d'esprit pragmatique les causes de cette situation, M. Bernard Thomas a tout d'abord mis l'accent sur les représentations que se font des métiers et des entreprises les jeunes, leurs parents et, dans une large mesure, les professeurs et les autres acteurs de l'orientation, ainsi que sur les préjugés qui subsistent souvent. Il a estimé que ces représentations sociales et culturelles étaient largement dues à une information insuffisante sur la réalité de l'emploi, des métiers et de l'économie. Il a cependant noté que jusqu'à présent les actions conduites n'avaient pas obtenu les résultats espérés.

M. Bernard Thomas a ensuite insisté sur deux autres conséquences des préjugés et d'une orientation défaillante, en mentionnant tout d'abord le déficit de femmes qui se destinent à la recherche, aux métiers scientifiques et aux métiers de l'industrie et du bâtiment, les filles représentant moins de 30 % des effectifs des filières des sciences fondamentales et appliquées des universités. Puis il a souligné la faiblesse de la présence des femmes au sommet de la hiérarchie, en citant une brochure récente de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP), intitulée : « Au lycée, préparer l'avenir », à destination des professeurs et des conseillers d'orientation, aux termes de laquelle : « si les femmes représentent aujourd'hui 45 % de la population active, elles sont moins nombreuses à accéder aux plus hautes strates des hiérarchies professionnelles. Dans les entreprises du secteur privé, les femmes représentent 24 % de l'encadrement (soit 1,7 million de femmes) (...). Dans la fonction publique, les femmes sont majoritaires (55 %), mais encore peu présentes dans les emplois de direction (14 % en 2000 pour l'ensemble des emplois de direction et d'inspection, 11 % pour les emplois laissés à la décision du gouvernement) ».

S'agissant des pistes de rééquilibrage, M. Bernard Thomas a évoqué tout d'abord la mise en place de « parcours de découverte des métiers » tout au long de la scolarité, et ensuite le développement des contrats d'objectifs conclus entre les collèges ou les lycées et le rectorat avec la fixation d'obligations de moyens, voire de résultats en matière d'information sur les métiers et sur l'emploi. Il a estimé envisageable de fixer des objectifs chiffrés pour que les jeunes filles accèdent en plus grand nombre aux classes préparatoires scientifiques.

Il a également souligné la responsabilité incombant aux enseignants dans ce domaine, car la mission des professeurs consiste aussi à faire connaître aux élèves et aux étudiants le monde du travail et l'entreprise, tout en les aidant à s'orienter dans leur formation et leurs perspectives professionnelles, ainsi que le précise d'ailleurs le « cahier des charges de la formation des maîtres » rédigé en application de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005.

Puis M. Bernard Thomas a présenté un certain nombre d'actions ciblées, sous la forme de campagnes d'information, dans certains secteurs professionnels rattachés aux sciences en général et aux sciences de la vie en particulier, les filles montrant un intérêt particulier pour ce dernier secteur où la France a pris du retard. Il a jugé pertinent de conduire une action renforcée, dans les quartiers en difficulté des zones urbaines sensibles (ZUS), en direction des jeunes filles issues de l'immigration, qui sont, plus que les autres encore, victimes des préjugés évoqués ci-dessus.

Abordant la question de l'opportunité de la fixation de quotas et se disant alarmé de la gravité d'une situation qui perdure, il s'est demandé, en raison de l'importance de l'enjeu et compte tenu de la lenteur des évolutions, s'il ne pourrait pas être envisagé, dans des domaines choisis et pour une durée déterminée, de réserver des places aux femmes, par exemple pour l'accès aux classes préparatoires scientifiques et aux concours des grandes écoles.

Un débat s'est ensuite instauré.

Après avoir rappelé que les femmes étaient très largement majoritaires parmi les instituteurs, Mme Gisèle Gautier, présidente , soulignant le cloisonnement entre le monde éducatif et l'économie, s'est demandé, sur la base de son expérience concrète, s'il ne convenait pas de favoriser la découverte des métiers in situ , très stimulante pour les élèves, tout particulièrement avant l'âge de 15 ans.

Approuvant ce propos, M. Bernard Thomas a tout d'abord souligné la nécessité de sensibiliser les professeurs aux réalités du monde économique, en rappelant qu'aucune obligation statutaire de stage en entreprise n'incombait traditionnellement, dans ce domaine, aux enseignants du supérieur et du primaire, seuls les enseignants des filières technologiques et professionnelles y étant soumis. Il a cependant précisé que le « cahier des charges de la formation des maîtres », institué par un arrêté du 19 décembre 2006, prévoyait désormais l'obligation pour tout enseignant d'effectuer un stage dans une entreprise ou une administration au cours de sa formation.

S'agissant des stages en entreprise, il a toutefois estimé nécessaire d'accorder une priorité aux enseignants des lycées, tout en évoquant les évolutions en cours dans l'enseignement supérieur, notamment dans le cadre du plan « Réussir en licence ».

M. Bernard Thomas a ensuite indiqué qu'au cours d'une communication présentée en conseil des ministres le 25 octobre dernier, le ministre de l'éducation nationale avait souhaité qu'aucun élève ne quitte le collège sans avoir passé au moins dix jours dans une entreprise. Il a appelé les parlementaires à suivre avec attention la mise en oeuvre pratique des orientations prises en vue d'une meilleure connaissance des entreprises, ainsi que des diverses qualifications ou fonctions.

Il a cependant évoqué les précautions à prendre en la matière, en rappelant que l'école primaire ne pouvait tout faire et devait accorder une priorité à l'acquisition du socle des connaissances fondamentales. Prolongeant une intervention de Mme Gisèle Printz , il a également mentionné le problème de l'accueil et de l'encadrement des élèves dans l'entreprise. Il a par ailleurs souligné le développement de l'apprentissage et de la formation en alternance.

M. Alain Gournac , approuvant les propos tenus par M. Bernard Thomas au sujet de l'importance de l'acquisition du socle de connaissances, a toutefois évoqué l'existence d'un état d'esprit, dans le monde éducatif, qui n'est pas toujours favorable à l'entreprise et peut se traduire par une certaine crainte à l'égard de l'entrée dans le monde du travail. Il a fait observer que les jeunes percevaient parfaitement cet état d'esprit et subissaient son influence, avant de juger nécessaire de s'attaquer à ce blocage de notre société. Il s'est enfin inquiété des conditions concrètes dans lesquelles les enfants pourraient être accueillis pendant dix jours dans une entreprise.

Mme Gisèle Printz a témoigné de l'intérêt des familles pour les manifestations organisées afin de mettre les élèves en contact avec le monde de l'entreprise et de leur faire connaître les différents métiers. Soulignant ensuite la permanence des préjugés sexistes, elle s'est demandé si une politique de bourses adaptée ne pourrait pas favoriser l'orientation des filles vers des études longues.

Après avoir souligné la difficulté de résoudre le problème culturel de la représentation sexuée des métiers, Mme Yolande Boyer a souhaité que l'État mène une politique volontariste contre les préjugés, par exemple grâce à une extension du dispositif des bourses de la vocation scientifique et technique. Elle s'est montrée résolument favorable à l'institution de quotas pour réduire les disparités scolaires et professionnelles entre les filles et les garçons, dans la mesure où les progrès accomplis demeurent insuffisants et où les quotas ont fait preuve de leur efficacité en politique. Elle a également souhaité l'adoption de mesures permettant de contrecarrer la trop grande féminisation de certains métiers, comme celui d'enseignant dans le primaire et en particulier en maternelle.

Mme Christiane Kammermann s'est alors interrogée sur l'opportunité d'accroître la proportion d'hommes enseignant en maternelle, en manifestant une certaine préférence pour que cette fonction soit occupée par des femmes. Par ailleurs, elle a souligné la qualité des écoles françaises à l'étranger, qu'elle a jugées bien souvent remarquablement performantes dans le domaine de l'acquisition des « fondamentaux ».

M. Bernard Thomas a évoqué, sur la base de son expérience vécue d'inspecteur d'académie, le cas exemplaire d'un homme enseignant en école maternelle. Il a fait observer que cette situation était fréquente dans de nombreux pays étrangers, et notamment dans les pays scandinaves.

Puis il a mis l'accent sur l'importance du rôle joué par les médias et les familles dans la transmission des préjugés sexistes. Rappelant que l'éducation nationale ne pouvait pas « faire l'éducation des parents », il a estimé que le service public de l'éducation devrait s'efforcer d'améliorer ses performances en matière d'orientation, toutes choses égales par ailleurs et dans un contexte donné, en soulignant la nécessité que les enseignants participent à la construction des projets professionnels des élèves.

S'agissant des relations entre l'éducation et le monde du travail, il a considéré que l'épisode du contrat première embauche (CPE) avait eu le mérite de contribuer à ce que l'insertion professionnelle devienne une des missions de l'enseignement supérieur.

M. Bernard Thomas a ensuite évoqué la nécessité, pour l'éducation nationale et les enseignants, de mieux prendre en compte la réalité actuelle du chômage des jeunes, rappelant qu'en janvier 2007, 21,3 % des jeunes non scolarisés de 14 à 25 ans étaient au chômage, ce taux atteignant 25 % pour les filles et plus de 40 % dans les ZUS.

Après avoir précisé à l'intention de Mme Yolande Boyer que la présence dans les rectorats d'une déléguée à l'orientation des filles était tombée en désuétude, il a indiqué qu'il avait été récemment demandé à tous les recteurs de présenter au conseil académique des données sur l'orientation des jeunes filles, en faisant observer que, dans ce domaine comme dans d'autres, la nomination d'un délégué affecté à une tâche précise ne garantissait pas que l'objectif soit atteint, notamment parce qu'une telle mesure pouvait avoir un effet démobilisateur à l'égard des autres acteurs.

S'agissant de l'attribution ciblée de bourses en faveur des femmes, il a fait observer que les exemples cités par Mme Gisèle Printz et Yolande Boyer relevaient d'une politique volontariste menée par les délégations régionales aux droits des femmes ou certaines collectivités territoriales. Il a précisé qu'en ce qui concerne les bourses délivrées par l'État, la mise en place d'une attribution ciblée en faveur des femmes nécessiterait une modification législative, en mentionnant l'intérêt de la ministre en charge de l'enseignement supérieur pour cette question.

En réponse à une interrogation de Mme Gisèle Gautier, présidente , sur l'incidence du montant des rémunérations sur la féminisation de la profession d'enseignant, il a rappelé qu'en 1989, période à laquelle les besoins en enseignants étaient élevés, la revalorisation des traitements induite par la création du corps des professeurs des écoles avait attiré un certain nombre de candidatures masculines supplémentaires, mais que ce phénomène avait quelque peu disparu aujourd'hui.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , a fait le constat d'une certaine inadéquation de la formation dispensée aux jeunes par rapport aux besoins du monde économique. Compte tenu de l'importance vitale de l'enjeu de l'orientation, elle a suggéré que soit organisée une sorte de « Grenelle de l'orientation » pour rassembler tous les acteurs autour d'objectifs précis et sensibiliser l'opinion publique à cette cause majeure.

Audition de M. Michel Quéré, directeur du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), de Mme Dominique Epiphane et de M. Thomas Couppié, chargés d'études au département des entrées dans la vie active

(7 novembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté les intervenants et rappelé le thème d'étude choisi par la délégation, en soulignant sa préoccupation particulière à l'égard d'une certaine inadéquation entre la formation et les besoins du marché du travail, ainsi que d'une orientation sexuée et stéréotypée. Elle a souhaité que l'on puisse parvenir à un meilleur équilibre entre femmes et hommes dans l'ensemble des métiers.

M. Michel Quéré s'est félicité de cette occasion de présenter au Parlement des travaux d'analyse du CEREQ, ce qui contribue à une meilleure diffusion de leur connaissance. Il a rappelé que le CEREQ était un établissement public dépendant des ministères en charge de l'éducation nationale, de l'économie et du travail, rassemblait 150 personnes, fonctionnait grâce à un budget d'environ 10 millions d'euros et avait pour mission essentielle d'étudier la relation entre formation et emploi sous ses différents aspects.

Il a souligné qu'il convenait, à son avis, de ne pas céder à une conception excessivement « adéquationniste » de la relation entre formation et emploi, en expliquant que les ajustements du système éducatif n'avaient que peu de chances de coïncider spontanément avec les évolutions observées ou attendues de l'offre d'emploi. Il a insisté sur le fort taux de « désajustement » structurel entre la spécialité de la formation et l'emploi occupé, qui reste un résultat constant des enquêtes d'insertion réalisées par le CEREQ. En conséquence, plutôt que « d'adéquationnisme » entre formation et emploi, il convient, selon lui, de s'interroger sur les connaissances acquises en formation initiale qui sont susceptibles d'être mobilisées dans l'emploi occupé (connaissances générales ou technologiques, connaissances formelles ou savoir-faire pratique, degrés et types de professionnalisation de la formation initiale, etc.). Il a conclu son propos introductif en indiquant que la dimension de genre était souvent un facteur accentuant d'autres traits structurels de la relation formation-emploi (taux de chômage des non qualifiés, disparités salariales selon les niveaux et les spécialités de formation) et, qu'en conséquence, cela créait, de fait, une difficulté supplémentaire pour identifier des politiques spécifiques pour traiter de cette distorsion « supplémentaire ».

Mme Dominique Épiphane a ensuite présenté une étude consacrée aux jeunes hommes et aux jeunes femmes sur le marché du travail, destinée à dresser un état des lieux des différences d'insertion et de la ségrégation professionnelle.

A l'aide de tableaux statistiques, elle a tout d'abord brossé un panorama général des différences d'insertion entre femmes et hommes, puis analysé le positionnement des unes et des autres dans les professions.

Précisant que les indicateurs soumis à la délégation étaient fondés sur une enquête intitulée « génération 98 » menée en 2005, au cours de laquelle 16 000 jeunes ont été interrogés, sept années après leur entrée dans la vie active, elle a globalement chiffré à 10 % le taux de chômage de ces jeunes. Elle a relevé que le taux de chômage apparaissait, de façon générale, plus élevé pour les femmes (11 %) que pour les hommes (8 %), avec un écart moyen de 3 %. Elle a souligné que cet écart était très variable selon le niveau de diplômes, notant qu'il s'élevait à 8 % pour les jeunes actifs ayant un niveau compris entre le CAP et le BEP, et à 13 % pour les non diplômés, alors qu'il était faible pour les diplômés de l'enseignement supérieur.

Mme Dominique Épiphane a ensuite analysé les types de trajectoire au cours des sept premières années de vie active, qui peuvent être classés selon une échelle allant du chômage prolongé à la stabilisation dans un emploi à durée indéterminée. Elle a constaté, là encore, des écarts au détriment des femmes, dont la situation professionnelle demeure en moyenne sensiblement plus précaire que celle des hommes. Elle a observé que ce phénomène se manifestait quel que soit le niveau de diplôme, mais que le degré de stabilisation dans l'emploi des femmes était beaucoup moins élevé que celui des hommes au niveau CAP-BEP : par exemple, les femmes sont presque quatre fois plus nombreuses que les hommes à connaître une situation de « non-emploi prolongé » à ce niveau de formation.

Puis, rappelant que 21 % des femmes occupant un emploi travaillaient à temps partiel, contre 3 % des hommes, elle a souligné que l'activité à mi-temps était particulièrement fréquente pour les femmes sans diplômes ou ayant un niveau de formation CAP ou BEP, tout en constatant que le travail à 80 % était la modalité de travail à temps partiel la plus fréquente.

Elle a ensuite analysé les écarts de salaires entre hommes et femmes, en faisant observer qu'ils avaient tendance à s'aggraver après l'entrée dans la vie active, et ce à presque tous les niveaux de diplômes. Elle a précisé que ces écarts ne s'expliquaient qu'en partie par le travail à temps partiel et qu'ils reflétaient des positions professionnelles très différentes.

Décrivant les catégories sociales auxquelles se rattachent les jeunes actifs, sept ans après leur entrée ans la vie active, elle a notamment fait les constats suivants : parmi les titulaires d'une formation de niveau Bac + 3,71 % des hommes contre 47 % des femmes deviennent cadres dans le tertiaire ou ingénieur(e)s ; en outre, 28 % seulement des femmes ayant une formation de niveau Bac + 2 font partie des professions intermédiaires du secteur tertiaire, alors que 57 % des hommes y parviennent avec un même niveau de diplôme ; enfin, 28 % des femmes de ce même niveau de formation demeurent dans la catégorie des employés, contre 13 % des hommes. D'une manière générale, elle a souligné la permanence d'une ségrégation professionnelle et une répartition des emplois très clivée selon le sexe.

Puis M. Thomas Couppié a analysé les explications de ce phénomène, en rappelant, tout d'abord, celle traditionnellement avancée selon laquelle, dès l'école, les femmes ne suivent pas les mêmes formations et ne se destinent donc pas aux mêmes emplois que les hommes.

A ce titre, il a noté qu'au lycée, on comptait plus de 82 % de filles en section littéraire (L) et près de 66 % en section tertiaire (STT), alors qu'en revanche, les garçons monopolisaient les sections industrielles, dans une proportion de 92 %, et restaient majoritaires, à 56 %, dans les sections scientifiques. En outre, il a relevé que dans les formations professionnelles courtes, plus de 85 % des effectifs féminins étaient regroupés dans quatre spécialités tertiaires : le secrétariat, la comptabilité, le commerce et la santé.

S'agissant de l'enseignement supérieur, il a précisé que si, depuis une quarantaine d'années, les filles avaient diversifié leurs orientations au profit du droit, de l'économie et de la médecine, elles avaient néanmoins continué à renforcer leur présence dans les disciplines littéraires et restaient minoritaires en sciences. Il a ajouté que les grandes écoles de commerce étaient devenues assez largement mixtes, avec 46 % de femmes, alors que celles d'ingénieurs demeuraient un bastion masculin, avec seulement 23 % de femmes.

M. Thomas Couppié a ensuite évoqué la méthode suivie pour tester l'hypothèse du lien entre orientations scolaires et orientations professionnelles ultérieures, en faisant observer que le but de ces travaux était de montrer comment, au moment de l'entrée dans la vie active, la ségrégation observée à l'école se transformait, ou non, en ségrégation sur le marché du travail. Il a précisé que cette méthode consistait à analyser la ségrégation professionnelle comme le fruit d'un processus en deux étapes, en isolant, pour chaque profession, deux composantes, l'une d'origine éducative, « héritée » de l'école, et l'autre post-éducative, c'est-à-dire « construite » sur le marché du travail.

Il a indiqué que les calculs effectués à partir de différentes sources statistiques faisaient apparaître une ségrégation aujourd'hui encore relativement importante en France, avec un taux de 25 % à 28 % selon le type de main-d'oeuvre étudiée, ce qui signifie qu'il faudrait globalement réaffecter le quart de la population active pour parvenir à une répartition équilibrée entre hommes et femmes dans les différentes professions. Il a ensuite estimé que trois cinquièmes de cette ségrégation professionnelle pouvaient être imputés à des facteurs éducatifs, les deux autres cinquièmes se rattachant à une ségrégation supplémentaire qui prend corps sur le marché du travail.

Prolongeant cette évaluation générale par quelques exemples démontrant l'hétérogénéité des professions au regard de la ségrégation, il a évoqué la forte prépondérance masculine, qui pourrait s'expliquer, dans certaines professions, par la ségrégation éducative antérieure, à l'instar de nombre d'emplois dans le monde industriel (avec, par exemple, 5 % de femmes dans les postes d'ouvriers qualifiés de la métallurgie ou de la mécanique, et parmi les ingénieurs, 10,9 % de femmes) et, dans d'autres professions, par des mécanismes de ségrégation prenant essentiellement corps sur le marché du travail à l'instar des professions associées à une image masculine et peu ancrées dans un cursus de formation initiale, comme celles qui se rattachent au domaine de la sécurité (9,5 % de femmes dans l'armée et la police). En revanche, il a mis en évidence la surreprésentation des femmes, qui peut être rattachée principalement à leur orientation scolaire, dans les professions tertiaires réglementées du secteur médical ou paramédical (83 % de femmes dans la profession d'infirmier, par exemple), ainsi que dans la banque ou l'assurance. A l'inverse, cette surreprésentation peut ne dépendre pour l'essentiel que de comportements sur le marché du travail, à l'instar des cas observés parmi les employés de la fonction publique ou du secteur des services à la personne (96 % des employés de maison sont des femmes).

Analysant ensuite la répartition des différents types de groupes professionnels et leurs contributions aux différentes sources de ségrégation professionnelle, à partir de l'enquête « Emploi 2002 » réalisée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il a fait apparaître globalement que 40 % des emplois expliquaient les deux tiers de la ségrégation professionnelle d'origine éducative, tandis que seul un tiers des emplois présentait un caractère « mixte ».

S'efforçant de tirer de ces observations des recommandations utiles aux politiques économiques, il a constaté que la ségrégation professionnelle était loin de dériver uniquement et mécaniquement de la ségrégation opérée sur les bancs de l'école et, par conséquent, a estimé que la diversification des orientations féminines ne pouvait, à elle seule, résoudre le problème de la ségrégation professionnelle entre hommes et femmes. Il a conclu son propos en soulignant la nécessité de s'interroger sur les politiques de recrutement des employeurs, et, plus globalement, sur les processus de distribution des individus dans les différentes professions.

Prolongeant cette dernière remarque, Mme Dominique Épiphane s'est alors livrée à une analyse du degré d'ouverture aux deux sexes des offres d'emploi dans les petites annonces.

Elle a constaté qu'en dépit de l'interdiction des discriminations à l'embauche fondées sur le sexe, qui résulte du code du travail et du code pénal, l'analyse des offres d'emplois révélait que certains annonceurs s'adressaient clairement à un sexe ou à l'autre, par des formules telles que « recherche vendeuse », par exemple.

Elle a indiqué qu'une étude lexicale des annonces parues dans la presse nationale ou régionale permettait de conclure que seules 27 % des annonces s'adressaient indistinctement aux femmes et aux hommes, les postes de cadre apparaissant, en particulier, plus ouverts aux deux genres, tandis que 30 % des petites annonces s'adressaient explicitement à un seul des deux sexes.

Puis elle a présenté les résultats d'une enquête menée auprès de 4 000 recruteurs sur leurs préférences éventuelles à l'égard du sexe des candidats, et observé qu'en dépit de la sous-estimation inhérente à ce type d'enquête, plus d'un quart des recruteurs avaient répondu ouvertement que le sexe des candidats au poste à pourvoir ne leur était pas indifférent. Elle a noté que cette préférence avait été plus souvent exprimée par les recruteurs ayant choisi un homme et par ceux se trouvant dans de petites entreprises.

Elle a également signalé que la proportion de recruteurs qui n'étaient pas indifférents au sexe des candidats était minimale pour l'embauche de cadres non dirigeants (2 % seulement), un peu plus élevée pour l'embauche de cadres dirigeants (12 %) et maximale pour les fonctions de production (48 %).

S'agissant des motifs invoqués à l'appui d'une préférence de genre à l'embauche, elle a indiqué que l'argument le plus fréquemment utilisé, lorsqu'il s'agissait de favoriser une candidature féminine, était l'inclination des clients ou des usagers. Elle a ajouté que l'intégration dans les équipes existantes était le motif le plus souvent retenu pour le choix de l'un plutôt que l'autre sexe dans des emplois de cadre, alors que la nature du poste servait généralement de justification à ce choix pour des emplois de non-cadre.

En ce qui concerne les critères de sélection des candidats, Mme Dominique Épiphane a mentionné la valorisation des « spécificités féminines » par les recruteurs soucieux d'humaniser l'entreprise grâce à leurs qualités relationnelles. Elle a ainsi constaté que les recruteurs ayant embauché une femme font souvent référence à leurs « qualités personnelles », critères plus subjectifs que ceux liés au « savoir-faire », qui sont particulièrement favorisés par les recruteurs ayant choisi un homme.

Concluant son propos, elle a estimé que l'assignation de certaines qualités nécessaires à certains postes n'était donc pas « aléatoirement répartie sexuellement », ce qui manifeste la permanence des stéréotypes de sexe. Elle a, en conséquence, jugé nécessaire de poursuivre, en direction des recruteurs et chefs d'entreprises, un travail de forte sensibilisation à la notion d'égalité et à l'encontre des préjugés associant encore trop souvent « qualités personnelles » et « compétences professionnelles ».

Un débat a suivi ces exposés.

Tout en reconnaissant la qualité du travail qui sous-tendait la présentation, Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté que celle-ci se soit limitée au constat d'une situation déjà bien connue de la délégation, au lieu d'ouvrir des pistes de réflexions et d'exposer des propositions, comme on aurait pu l'espérer, compte tenu des missions confiées au CEREQ.

Revenant sur les conclusions de l'enquête conduite auprès des responsables du recrutement, qui montrent que 26 % de ces derniers prennent en compte, de leur propre aveu, le critère du sexe en matière d'embauche, Mme Yolande Boyer a déploré la persistance de cette pratique contraire à la loi, et s'est interrogée sur les moyens d'y remédier. Elle a également demandé des éclaircissements sur les liens qui existeraient, d'après les intervenants, entre le renforcement du rôle des régions en matière de formation, et la recherche d'une adéquation excessive entre formation et emploi.

M. Michel Quéré a estimé que le tableau, certes très factuel, tracé par les enquêtes présentées à la délégation, ouvrait deux voies de réflexion.

Il a estimé, tout d'abord, que le recours à des politiques globales n'était guère adapté pour résoudre le problème des disparités entre hommes et femmes en matière d'insertion professionnelle, dans la mesure où les situations variaient fortement d'un secteur à l'autre, et appelaient, de ce fait, des actions publiques très ciblées par professions, ou par groupes de professions. Il a estimé, qu'en ce sens, les travaux classificatoires proposés par M. Thomas Couppié , en explicitant la manière dont se combinaient les effets de ségrégation scolaire et professionnelle, offraient une piste intéressante pour cibler des types de métiers ou des publics particuliers et pour privilégier une action en amont (effet sur le système éducatif) ou en aval (effet sur l'entreprise et le marché du travail).

Il a, en outre, relevé que les emplois considérés comme « spécifiquement masculins » étaient numériquement comparables aux emplois considérés comme « spécifiquement féminins ». Remarquant que la discrimination selon le sexe était plus perceptible dans les approches en termes de flux qu'en termes de stocks, il en a déduit que les politiques de recrutement constituaient certainement un levier essentiel sur lequel il convenait de jouer.

Jugeant peu efficace l'approche trop globale des politiques éducatives menées jusqu'ici, M. Thomas Couppié a estimé qu'il convenait plutôt de privilégier des politiques sectorielles axées sur les branches ou les métiers. Il a ajouté qu'en outre, les approches à retenir ne pourraient être les mêmes pour ouvrir les métiers dits « masculins » aux femmes que pour ouvrir aux hommes les métiers considérés comme « féminins », et qu'il convenait de rester très attentif à l'effet attractif ou répulsif des considérations liées au statut social ou aux conditions de travail.

M. Michel Quéré a souligné que les études présentées avaient en outre le mérite d'avoir mis en lumière certaines disparités quasiment structurelles, comme par exemple l'effet aggravant selon le genre sur le taux de chômage des non qualifiés ou le clivage employés/ouvriers, qui reste très prégnant, le métier d'employé étant largement féminin, quand celui d'ouvrier est très majoritairement masculin. Il en a déduit que, sans négliger le problème des disparités salariales, la réflexion politique devait aussi s'attacher à une analyse de détail de la situation dans les différentes professions. Il a relevé, par exemple, la très faible féminisation des écoles d'ingénieurs, qui n'a plus aucune raison d'être aujourd'hui.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rapproché ces remarques des constats opérés par la délégation à l'occasion des travaux qu'elle a conduits sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ou sur la place des femmes dans les médias. Elle a jugé indispensable de mieux identifier les paramètres sur lesquels il convenait de jouer pour compenser à l'avenir des déséquilibres existants, et, par exemple, de cerner l'âge auquel s'effectuaient les choix d'orientation, ou encore l'influence jouée par les familles et les enseignants.

M. Michel Quéré a souligné que les enquêtes du CEREQ montraient que le poids relatif de la ségrégation scolaire et de la ségrégation professionnelle variait d'un secteur professionnel à l'autre. Il a rappelé que de précédentes tentatives de rééquilibrage, comme celle conduite, par exemple, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, n'avaient pas apporté les résultats escomptés, et qu'une analyse des causes de cet échec pourrait d'ailleurs constituer une piste d'étude intéressante.

Mme Jacqueline Alquier s'est interrogée sur les actions qui pourraient être conduites, en amont, auprès des parents d'élèves ou des enseignants pour les sensibiliser à cette problématique.

Mme Dominique Épiphane a estimé que les politiques publiques ne pourraient sans doute peser qu'à la marge sur des comportements dictés par des stéréotypes fortement ancrés dans l'inconscient collectif. Elle a cité des travaux de psychologie et de sociologie qui montrent que les trajectoires se décident souvent très tôt, à travers les relations parents/enfants, les jeux et les lectures enfantines.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé que des campagnes d'information pourraient contribuer à changer l'image qu'ont certains métiers dans l'opinion.

M. Thomas Couppié a relevé que la littérature enfantine donnait le plus souvent une représentation très clivée des différents métiers, les personnages qui y sont représentés étant, davantage encore que dans la réalité, assignés en fonction de leur sexe à certaines professions, même si certains éditeurs, très minoritaires, s'efforcent aujourd'hui, de façon délibérée, de faire table rase de ces stéréotypes.

M. Michel Quéré a indiqué que les travaux les plus récents en matière d'orientation scolaire montraient que les enseignants jouaient un rôle au moins aussi important que les professionnels de l'orientation et que le poids des familles était également déterminant, l'incitation à une reproduction de l'orientation professionnelle des parents étant d'ailleurs souvent perçue comme sécurisante pour le devenir de leurs enfants. En conséquence, il a considéré que les enseignants, que ce soit dans leur cursus de formation ou en situation de formateurs, constituaient aussi une cible intéressante à mobiliser pour sensibiliser à une évolution utile des formes de représentation sexuées du travail et de l'emploi.

Audition de Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

(21 novembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

La délégation a entendu Mme Catherine Marry , sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur le thème d'étude qu'elle a retenu pour la préparation de son prochain rapport d'activité, à savoir l'orientation et l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers.

Résumant, pour commencer, les principaux résultats de ses recherches, Mme Catherine Marry a tout d'abord constaté que le renversement historique de la réussite scolaire au profit des filles était un fait social majeur, qui se vérifiait d'ailleurs un peu partout, y compris dans les pays en développement. Elle a ainsi relevé qu'en France le taux de réussite au baccalauréat était supérieur chez les filles : 81,8 %, contre 77,4 % pour les garçons, et qu'ainsi, au sein d'une même génération, 67,8 % de filles étaient bachelières, contre 56 % seulement de garçons, cette meilleure réussite des filles se retrouvant dans les cursus universitaires.

Elle a d'ailleurs remarqué que les diplômes jouaient un rôle essentiel comme levier de la féminisation des professions qualifiées, relevant qu' a contrario , les femmes étaient beaucoup moins présentes dans les métiers dont l'accès n'est pas conditionné par la possession d'un diplôme, comme par exemple la politique.

Elle a tempéré cependant l'optimisme de cette première conclusion en ajoutant que cette dynamique d'égalité restait encore inaboutie, dans la mesure où les orientations scolaires des filles demeuraient dans l'ensemble moins rentables en termes de carrière : même si les femmes ont, en partie, délaissé les filières des lettres et des arts d'agrément, au profit du droit, de l'économie, de la gestion, même si elles ont largement investi les écoles de commerce, elles restent très minoritaires dans les grandes écoles scientifiques ou dans les filières professionnelles et techniques industrielles.

Par ailleurs, elle a évoqué le cas particulier de l'informatique, constatant que la part des femmes avait régressé dans ce secteur au cours des dernières années. Elle a expliqué pour partie ce phénomène en estimant que les filles se détournaient souvent des ordinateurs à l'adolescence, à cause des stéréotypes masculins accusés que véhiculent l'image agressive du « hacker » ou la fréquence des jeux vidéo violents.

Elle a également relevé qu'après le bac, les filles s'orientaient plus souvent que les garçons vers l'université (66 %, contre 62 %), et moins vers les filières sélectives comme les instituts universitaires technologiques (8 %, contre 12 %) ou les classes préparatoires (10 %, contre 13 %).

Elle a jugé que l'orientation s'effectuait souvent en fonction du prestige des différentes disciplines, par des mécanismes d'autosélection, particulièrement prégnants chez les filles issues des milieux les moins favorisés, en constatant que ces dernières avaient moins confiance en elles et hésitaient davantage à s'orienter vers les filières les plus prestigieuses.

Mme Catherine Marry a ensuite évoqué les professions supérieures les plus féminisées, notant qu'elles se situaient souvent dans le prolongement de métiers moins qualifiés où les femmes sont depuis longtemps très présentes, comme par exemple ceux de la santé.

Elle a relevé que la féminisation notable de la médecine et des professions juridiques (avocat, magistrat) s'accompagnait d'une certaine ségrégation par spécialités et modes d'exercice : en médecine, par exemple, les femmes sont mieux représentées parmi les salariés non hospitaliers et en gynécologie ou dermatologie, plus qu'en cardiologie, discipline plus prestigieuse. Elle a également souligné la forte proportion de femmes dans les métiers de bibliothécaire ou d'archiviste (77 %), dans ceux d'enseignant certifié ou agrégé (58 %), dans les fonctions liées aux « ressources et relations humaines » (50 %), alors qu'au contraire, dans les métiers d'ingénieur et de cadres techniques, la part des femmes oscillait entre un minimum de 2 % - pour les ingénieurs et cadres de chantiers du bâtiment et des travaux publics - et un maximum de 33 % - pour les ingénieurs et cadres de recherche et développement en chimie et biologie -.

Elle a ensuite avancé quelques explications sociologiques de la « sexuation » des études et des métiers, qui s'accompagne de leur hiérarchisation (le masculin est supérieur au féminin).

Elle a d'abord évoqué le rôle que pouvaient jouer des stéréotypes de sexe, qui attribuent à chaque sexe des qualités différentes, prétendument naturelles (force, créativité, agressivité aux hommes ; docilité, minutie, altruisme aux femmes), alors qu'elles sont en réalité inculquées par les parents, l'école et les pairs tout au long de la vie.

Tout en se réjouissant que, dans tous les milieux sociaux, les parents attachent maintenant autant d'importance à l'éducation des filles qu'à celle des garçons, Mme Catherine Marry a estimé que les projets de vie continuaient de différer, la réussite matérielle étant une attente prioritaire pour les fils, alors que les filles sont davantage pressenties pour le bonheur domestique.

Elle a ensuite estimé que le coût de la transgression n'était pas à négliger : filles et garçons tendent à se conformer aux attentes sociales liées à leur sexe pour être mieux acceptés et plaire à l'autre sexe, alors que ceux et surtout celles qui y dérogent se heurtent à de nombreuses difficultés.

Elle a ainsi pointé l'hostilité forte à laquelle pouvaient être confrontées les femmes qui s'aventuraient dans certains milieux professionnels très masculins. Elle a estimé en effet que les professions et les filières les plus sélectives se « défendaient » contre l'arrivée des femmes, rappelant que l'École polytechnique ne s'était ouverte aux femmes qu'en 1972, l'École des hautes études commerciales (HEC) qu'en 1973 et l'École normale supérieure de la rue d'Ulm qu'en 1986. Elle a dénoncé le rôle dissuasif que pouvait également jouer, dans cette perspective, le bizutage.

Mme Catherine Marry a, pour finir, formulé un certain nombre de propositions pour améliorer la situation dont elle venait de dresser le constat.

Elle a, tout d'abord, recommandé la généralisation d'une formation initiale et continue sur les questions de division sexuée des savoirs et des métiers, ainsi que sur les mécanismes d'exclusion des filles, auprès de l'ensemble des acteurs du système éducatif. Elle a également souhaité que soient renforcés les rôles et les moyens des chargé(e)s de l'égalité dans les académies et que leur mission soit mieux intégrée dans les objectifs généraux de lutte contre les inégalités. Enfin, elle a plaidé en faveur de la mise en place d'un suivi et d'un soutien psychologique, dans les écoles et les entreprises, en faveur des jeunes femmes qui ont choisi des filières très masculines, surtout dans les métiers ouvriers.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a félicité l'intervenante pour son exposé, soulignant l'intérêt des pistes de réflexion et des propositions évoquées.

Mme Catherine Procaccia a insisté sur le soutien prioritaire à apporter aux jeunes femmes issues de milieux ouvriers. Elle s'est interrogée sur l'existence d'une corrélation entre le niveau de ressources des parents et les inégalités d'accès des jeunes filles à l'enseignement supérieur, en se demandant si ce facteur objectif jouait un rôle aussi important que la seule prise en considération du milieu social.

Mme Catherine Marry a répondu qu'à cet égard, le facteur explicatif majeur était culturel plus que financier, les parents diplômés attachant une importance toute particulière à la poursuite d'études supérieures par leurs enfants. Elle a cependant souligné que les filles étaient en général moins favorisées que les garçons lorsque les parents devaient consentir à un sacrifice financier pour permettre l'accès de leurs enfants à l'enseignement professionnel ou supérieur.

Mme Annie David s'est dite particulièrement intéressée par la proposition tendant à l'inclusion, dans la formation des personnels du système éducatif, de modules consacrés à l'égalité entre femmes et hommes, en précisant qu'une telle mesure devrait être étendue non seulement aux enseignants, mais encore, et plus généralement, à tous les intervenants qui sont en contact avec les adolescents.

Puis elle a appelé l'attention des membres de la délégation sur un amendement, adopté par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, tendant à amputer d'un million d'euros les crédits du programme consacré à l'égalité entre les hommes et les femmes. Mme Gisèle Gautier, présidente , a partagé sa préoccupation à ce sujet.

Mme Anne-Marie Payet a fait part de son intérêt pour les propositions présentées par l'intervenante. En particulier, elle s'est dite favorable à une suppression effective du bizutage ; en effet, elle s'est inquiétée des difficultés à faire respecter son interdiction légale et a souhaité que l'on puisse parvenir à limiter la consommation d'alcool par les jeunes à cette occasion, ou lors de soirées étudiantes parfois « sponsorisées » par des grandes marques de boissons alcooliques.

Rejoignant ce propos, Mme Catherine Procaccia a rappelé que la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu'à la protection des mineurs, adoptée à l'initiative de Mme Ségolène Royal, avait prévu l'interdiction du bizutage, mais qu'au cours des « journées de cohésion », l'excès de consommation d'alcool demeurait une pratique courante.

Soulignant ensuite l'importance du secteur de l'informatique et rappelant que les capacités intellectuelles des femmes devraient tout naturellement trouver à s'y employer, Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est très vivement inquiétée du désintérêt récent des femmes pour ce domaine d'activité, l'exposé présenté à la délégation faisant apparaître une diminution de la proportion de celles qui travaillent dans ce secteur.

Mme Catherine Marry a complété l'explication qu'elle avait précédemment donnée de ce phénomène en évoquant les restructurations du secteur informatique, qui ont conduit à la multiplication des sociétés de services informatiques, où les conditions de travail sont plus difficiles et où les exigences de mobilité, ainsi que la précarité, se sont accrues, ce qui peut avoir un effet dissuasif pour les femmes.

Mme Catherine Procaccia s'est demandé si une même tendance pouvait être observée dans les métiers de consultant auprès des entreprises.

Mme Catherine Marry a répondu que ces métiers étaient traditionnellement très peu féminisés, de même que les emplois dans le secteur de la finance.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a prolongé cette comparaison en évoquant les carrières politiques. Elle s'est demandé si les femmes n'étaient pas moins « carriéristes » que les hommes.

Mme Catherine Marry a estimé que l'éducation jouait un rôle très important. Prenant l'exemple du métier de chirurgien, particulièrement stressant, elle a fait observer que les « décharges caractérielles » liées au stress étaient mieux tolérées de la part d'un homme que de la part d'une femme.

Après avoir exprimé sa réticence de principe à l'instauration de quotas pour favoriser les carrières des femmes, Mme Annie David s'est toutefois interrogée, compte tenu de la lenteur des progrès accomplis, sur l'opportunité de réfléchir à des mesures contraignantes qui permettraient de parvenir à un rééquilibrage dans les entreprises, ou dans la fonction publique, où les postes de direction sont insuffisamment attribués aux femmes. Elle a en effet fait observer qu'en politique, l'adoption des lois relatives à la parité avait permis de favoriser l'accession des femmes aux responsabilités.

Mme Catherine Marry a exprimé une opinion positive à cet égard. Tout en reconnaissant l'existence de certains effets pervers de la discrimination positive pratiquée aux États-Unis, elle s'est dite favorable, compte tenu de l'insuffisance des progrès accomplis en France depuis quarante ans, à l'instauration de mesures permettant de privilégier l'accueil ou la nomination de femmes, à compétences égales, à l'instar des mesures prises pour favoriser l'accueil de jeunes issus de milieux défavorisés dans les grandes écoles. Elle a souligné que de telles mesures devaient être considérées comme un moyen de « forcer un processus », et non comme un idéal. A titre d'illustration complémentaire, elle a évoqué les travaux qu'elle avait conduits sur les chercheurs en constatant qu'à niveau égal, les femmes étaient moins souvent nommées directrices de recherche que les hommes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité qu'un effort particulier soit conduit pour améliorer la formation de tous les personnels et acteurs du monde enseignant, comme les conseillers d'orientation, les chefs d'établissement ou les personnes chargées de l'égalité des chances entre les filles et les garçons dans les rectorats.

Après avoir constaté, d'une manière générale, une tendance à la diminution du « machisme » dans la société française, M. Jean-Guy Branger a présenté plusieurs observations. Il a tout d'abord considéré comme amplement suffisante la féminisation de la profession enseignante et s'est interrogé sur le degré de féminisation, parfois considéré comme excessif, de la magistrature. Se montrant soucieux de favoriser l'accès des femmes aux postes de responsabilité, il a cité l'exemple des élections municipales, en soulignant que la parité prévue par la loi avait permis aux femmes de révéler leurs talents dans ce domaine. Il a enfin pronostiqué la poursuite de la féminisation du monde politique, grâce à l'effet d'entraînement ainsi obtenu.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a relevé que cet exemple reposait sur un mécanisme de parité imposée, M. Jean-Guy Branger acquiesçant à ce propos.

Audition de Mme Irène Tharin ancienne députée du Doubs, auteur d'un rapport au gouvernement intitulé « Orientation, réussite scolaire : ensemble, relevons le défi »

(5 décembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé à Mme Irène Tharin que son audition s'inscrivait dans le cadre du thème de réflexion que la délégation s'est assigné cette année et qui porte sur l'orientation et l'insertion professionnelles, et plus particulièrement sur la nécessité d'un rééquilibrage entre les femmes et les hommes dans tous les métiers.

Mme Irène Tharin s'est réjouie de pouvoir présenter à la délégation les conclusions de son rapport sur ce sujet.

Elle a tout d'abord rappelé qu'elle était maire d'une petite commune de 6 000 habitants, qu'elle était vice-présidente de la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, et qu'elle avait été jusqu'au dernier renouvellement de l'Assemblée nationale, députée du Doubs.

Elle a précisé qu'une mission sur l'orientation lui avait été confiée en février 2005 par M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, et que les compétences dont elle pouvait alors se réclamer en ce domaine provenaient plus de son expérience de mère de six enfants que de sa formation ou de son passé professionnel. Elle a présenté les thèmes de réflexion que lui avait assignés le Premier ministre dans sa lettre de mission : elle devait ainsi réfléchir sur l'orientation des élèves et formuler des propositions pour que soient atteints les objectifs fixés par le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, pour endiguer la tendance à la baisse des orientations vers les formations scientifiques, pour renforcer l'accès des bacheliers de la voie technologique aux instituts universitaires de technologie (IUT), aux sections techniques et scientifiques, et aux licences professionnelles, ainsi que pour accroître le taux de réussite des bacheliers de la voie professionnelle au brevet de technicien supérieur (BTS).

Elle a expliqué que c'était de sa propre initiative qu'elle avait décidé de consacrer des développements particuliers, dans son rapport, au problème spécifique que soulève l'orientation des jeunes filles, regrettant qu'aujourd'hui encore, celles-ci soient trop systématiquement promises aux métiers de secrétariat, ainsi qu'aux professions sociales ou médicales.

Elle a estimé que les procédures d'orientation, qui s'effectuent actuellement en fin de classe de 3 e , étaient sans doute prématurées, et gagneraient à être différées si l'on ne voulait pas que les filles continuent à se détourner, a priori , des filières technologiques, faute d'avoir eu le temps de dépasser les préjugés ordinaires, et de commencer d'en avoir une perception plus concrète. Elle a précisé qu'elle s'était donc interrogée, dans son rapport, sur l'opportunité de mettre en place une classe de 2 de indifférenciée qui permettrait de repousser d'une année le choix des filières technologiques.

Mme Esther Sittler a confirmé qu'une meilleure perception de la réalité des formations et des professions techniques pouvait modifier l'attitude des filles à leur égard, citant, à titre d'illustration, le cas concret d'une jeune femme qui, par le témoignage de son expérience propre, était parvenue à inciter ses consoeurs à s'orienter aussi vers des filières techniques.

Mme Irène Tharin a regretté les carences qui continuent d'affecter l'information dispensée en matière d'orientation, et déploré le fatalisme persistant des stéréotypes de genres, qui tendent à cantonner les filles dans certains métiers, comme ceux de l'enseignement, du secrétariat, du social ou de la santé.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a confirmé cette analyse, ajoutant que la délégation n'était que trop au fait de cette situation, qu'elle avait eu l'occasion d'étudier déjà de façon approfondie.

Mme Irène Tharin a estimé qu'il convenait de « bousculer les barrières actuelles » et rappelé deux propositions qu'elle avait formulées à cette fin dans son rapport : tout d'abord, féminiser les internats des lycées comprenant des classes préparatoires, auxquels les élèves n'ont pour l'instant généralement pas accès ; ensuite, augmenter le poids relatif des filles dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d'ingénieur, en offrant, si besoin est, des places supplémentaires dans ces écoles pour les élèves des filières biologie des classes préparatoires, où les filles sont majoritaires.

Elle a estimé que, d'une façon générale, un sérieux effort était aujourd'hui nécessaire pour dispenser aux élèves des deux sexes une information plus fidèle sur la réalité des métiers que ne le font actuellement les centres d'information et d'orientation.

Se réjouissant de la collaboration de qualité qu'elle avait pu nouer à l'occasion de sa mission, tant avec le ministre de l'éducation nationale, M. Gilles de Robien, qu'avec le secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, M. Laurent Hénart, elle a estimé qu'en ce domaine, l'expérience montrait qu'il était indispensable de décloisonner l'action conduite par des administrations qui devraient davantage se considérer comme complémentaires, la formation débouchant naturellement sur l'emploi.

Elle a estimé que les faiblesses du système d'orientation ne tenaient pas à une quelconque insuffisance des effectifs des conseillers d'orientation psychologues, mais plutôt aux réticences qu'ont ceux-ci à nouer un véritable partenariat tant avec les enseignants qu'avec les parents d'élèves, qui sont pourtant susceptibles d'apporter un concours précieux en témoignant devant les élèves de leur expérience professionnelle.

Elle a ensuite estimé qu'en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, des progrès avaient certes été accomplis, tout en jugeant cependant que beaucoup restait à faire.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a demandé à Mme Irène Tharin de lui préciser les raisons pour lesquelles elle souhaitait différer les choix d'orientation dans le déroulement du cursus scolaire, avouant que, pour sa part, elle était au contraire plutôt partisane de les avancer.

Tout en convenant que l'on devrait certes détecter plus précocement les capacités des élèves, Mme Irène Tharin a estimé qu'il convenait de ne pas procéder trop tôt à des choix définitifs, mais plutôt de développer des passerelles permettant de revenir sur un choix qui ne se révélerait pas opportun.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé si la très forte proportion des femmes dans le corps des professeurs des écoles ne contribuait pas, par mimétisme, à orienter les jeunes filles vers l'enseignement. Elle a partagé l'analyse de Mme Irène Tharin au sujet des conseillers d'orientation, estimant qu'ils ne recevaient pas une formation adéquate et que leurs horaires n'étaient généralement pas adaptés aux plages de disponibilité des parents.

Mme Irène Tharin a insisté sur le rôle que jouent les choix familiaux dans l'orientation professionnelle des femmes, citant le cas d'une jeune femme ingénieur qui avait renoncé à ce métier et passé le concours de recrutement de professeur des écoles, de façon à pouvoir davantage se consacrer à l'éducation de ses enfants.

Tout en estimant que la volonté de concilier vie professionnelle et vie familiale était parfaitement légitime, Mme Catherine Troendle a déploré certaines dérives qui peuvent finir par être préjudiciables à la qualité du service, estimant, par exemple, que le partage d'une classe entre deux enseignantes à mi-temps pouvait être déstabilisant pour de jeunes enfants.

Mme Irène Tharin a remarqué que les administrations des collectivités territoriales étaient aussi confrontées à ce type de difficultés.

Mme Catherine Troendle a estimé qu'une orientation dès la classe de troisième ne soulevait de difficultés ni pour les bons élèves qui suivaient la voie générale, ni pour les élèves qui savaient déjà ce qu'ils voulaient faire, mais qu'il fallait aussi prendre en compte la situation de tous les autres, qui ne disposaient pour les guider dans leur choix que des informations trop générales dispensées par les centres d'information et d'orientation. Elle a estimé qu'une mise en relation des écoles et des entreprises permettrait de donner aux jeunes une vision plus pratique de la réalité des métiers que ne pouvaient le faire les plaquettes qu'on leur distribue aujourd'hui.

Elle a également considéré que certaines professions, comme la magistrature, ou certaines de celles du secteur de la santé, étaient aujourd'hui trop féminisées.

Évoquant les carences de l'orientation et les critiques adressées aux enseignants ou aux conseillers d'orientation, Mme Gisèle Printz a contesté la démarche qui consiste à présenter la féminisation de la magistrature, de la médecine ou de la profession d'enseignant comme un inconvénient, les femmes accomplissant, selon elle, leur mission de manière satisfaisante.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a expliqué que la volonté de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale conduisait de nombreuses jeunes femmes à occuper des emplois à mi-temps, ce qui pouvait susciter des difficultés dans certaines professions.

Mme Catherine Troendle a insisté sur la nécessité de parvenir à un équilibre et à une complémentarité entre hommes et femmes dans l'ensemble des professions.

Mme Gisèle Printz a estimé qu'il était avant tout nécessaire de combattre la tendance à une dévalorisation des emplois à temps partiel occupés par les femmes. Par ailleurs, elle a regretté que l'apprentissage soit souvent discrédité, Mme Catherine Troendle soulignant qu'il pouvait, au contraire, être très valorisant.

Sur la base d'exemples concrets, Mme Irène Tharin a témoigné de ce que l'orientation tendait parfois à dévaloriser la voie de l'apprentissage, les conseillers d'orientation dissuadant généralement les bons élèves de s'y diriger. Soulignant à nouveau l'insuffisance des plaquettes d'information sur les professions, qu'elle a jugées trop abstraites, elle a également préconisé d'améliorer la connaissance par les professeurs et les conseillers d'orientation de la réalité des métiers et des entreprises.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souscrit à ces propos et a souhaité une amélioration de la formation des enseignants sur ces sujets.

Faisant référence à une intervention de M. Jean-Paul Virapoullé à l'occasion de la discussion en séance publique des crédits consacrés à l'enseignement scolaire, Mme Esther Sittler a évoqué l'efficacité d'une pratique mise en place à La Réunion, consistant à faire venir dans les écoles des professionnels qui parlent concrètement de leurs métiers aux élèves et éveillent ainsi l'intérêt pour ces métiers.

Pour sa part, Mme Catherine Troendle a évoqué l'expérience réussie d'une rencontre organisée dans une classe de première avec d'anciens élèves du lycée, devenus jeunes adultes, qui viennent apporter leur témoignage sur leur expérience professionnelle.

Prolongeant ce propos, Mme Irène Tharin a estimé que pour progresser dans ce domaine, point n'était besoin de légiférer et qu'il convenait plutôt d'en revenir à de telles pratiques de bons sens, simples et marquantes pour les élèves.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a considéré qu'il était fondamental de favoriser l'évolution des mentalités, en mentionnant l'expérience qu'elle avait réalisée lorsqu'elle était maire, en créant une maison de l'orientation et de l'emploi.

Mme Gisèle Printz a souhaité que les métiers ne soient pas présentés comme ayant une dimension supposée féminine ou masculine.

Mme Irène Tharin a considéré, qu'année après année, il fallait persévérer dans l'effort pour améliorer l'orientation, et a recommandé de faire évoluer le métier de conseiller d'orientation. Par ailleurs, elle a déploré les réactions négatives de certains syndicats d'enseignants face aux propositions tendant à favoriser une meilleure articulation entre l'école et l'entreprise. Mmes Gisèle Gautier, présidente , et Gisèle Printz ont cependant estimé que les syndicats avaient évolué sur ce point.

Mme Catherine Troendle a alors évoqué une expérience menée, en liaison avec les régions, par Mme Valérie Létard, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, chargée de la solidarité, en vue de développer la formation professionnelle en adéquation avec les futurs emplois.

Mme Irène Tharin a recommandé le développement de passerelles permettant de passer d'un métier à un autre. Évoquant à titre d'exemple le fort taux d'échec des étudiants en médecine, elle a souhaité que des passerelles leur soient ouvertes pour s'orienter vers d'autres métiers dans le domaine médico-social.

Mme Catherine Troendle a également préconisé la multiplication des passerelles pour permettre à ceux qui exercent un métier très lourd, comme par exemple l'assistance aux personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer, d'évoluer un jour vers d'autres fonctions.

Mme Irène Tharin a fait observer néanmoins que le terme et le concept de « passerelle » n'étaient pas toujours appréciés par les conseillers d'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite souhaité que soient développées les mesures de nature à renforcer le pouvoir attractif des filières scientifiques à l'égard des jeunes femmes. Elle a évoqué les distinctions ou récompenses susceptibles d'être attribuées pour encourager la vocation scientifique des jeunes femmes et a lancé l'idée de créer un nouveau « Prix » spécifique à l'intention de jeunes femmes ayant réussi dans un métier masculin.

Faisant observer que les jeunes élèves sont généralement peu sensibilisés par l'écho médiatique de telles initiatives, Mmes Catherine Troendle et Esther Sittler ont insisté sur l'efficacité des réunions organisées dans les établissements d'enseignement avec d'anciens élèves qui viennent témoigner de leur expérience.

Mme Irène Tharin a alors rappelé l'importance fondamentale du rôle joué par les parents d'élèves et a déploré que l'orientation se fonde trop souvent exclusivement sur le « carnet de notes », ce qui conduit parfois à orienter les élèves vers des filières pour lesquelles ils n'éprouvent aucune affinité, même s'ils ont obtenu de bons résultats scolaires dans les disciplines qui y préparent.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité l'expérience des « ambassadrices des sciences » conduite dans certains lycées parisiens, qui a suscité l'intérêt de Mme Catherine Troendle .

Mme Gisèle Printz a cependant observé que certaines femmes réussissaient sans pour autant être diplômées, Mme Irène Tharin prolongeant ce propos en évoquant son expérience personnelle et en soulignant la valeur irremplaçable de l'expérience de la vie.

Enfin, Mme Irène Tharin a déploré une forme d'« autocensure » de la part des jeunes filles titulaires d'un baccalauréat scientifique, qui souvent n'osent pas s'orienter vers des carrières scientifiques.

Audition, dans le cadre d'une table ronde,

de Mme Marie-Jeanne Campana, présidente de l'Association française des femmes juristes, accompagnée de Mme Béatrice Castellane, vice-présidente,
du Dr. Marie-Dominique Ghnassia, présidente de l'Association française des femmes médecins, accompagnée du Dr. Cécile Renson, membre du conseil d'administration,
de Mme Véronique Slovacek-Chauveau, vice-présidente de l'Association femmes et mathématiques,
de Mme Nathalie Tournyol du Clos, présidente de l'Association des femmes haut fonctionnaires,
et de Mme Tita Valade, présidente de l'Association française des femmes diplômées d'université
, accompagnée de Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie, trésorière nationale

(12 décembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est déclarée très sensible à la forte mobilisation des associations ayant accepté de participer à cette audition commune sur le thème de l'orientation et de l'insertion professionnelle, qui constitue le sujet de réflexion de la délégation cette année. Elle a indiqué que, lorsqu'elle avait eu l'occasion de participer, aux côtés de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, aux travaux de la Conférence sociale sur l'égalité professionnelle, elle avait constaté que la dimension, pourtant essentielle à ses yeux, de l'orientation professionnelle, n'avait pas été véritablement prise en compte, alors que subsiste une répartition inégale des hommes et des femmes dans de nombreux métiers. Certes, il existe de plus en plus de femmes médecins, mais elles sont en revanche peu nombreuses dans les professions d'ingénieur ; quant aux femmes journalistes, elles n'accèdent que rarement aux postes de décision malgré leur importance numérique.

Mme Tita Valade , présidente de l'Association française des femmes diplômées d'université (AFFDU), a rappelé que son association avait été créée en 1920, peu après la Première Guerre mondiale, dans le prolongement d'un mouvement lancé par des femmes anglo-saxonnes qui considéraient que l'éducation des filles constituait le meilleur moyen de prévenir un autre conflit. Elle a souligné que l'association française, rattachée à la Fédération internationale des femmes diplômées d'université (FIFDU), n'avait jamais cessé d'exister et qu'elle avait été déclarée d'utilité publique en 1962. Elle a indiqué que l'association participait aux réunions de la fédération, ainsi qu'à celles d'un Groupement européen de femmes diplômées des universités (GEFDU) qu'elle a contribué à créer. Elle a précisé que l'association était constituée de 21 groupes répartis dans toute la France, dans les principales villes universitaires, et qu'elle organisait régulièrement des conférences et des colloques, auxquels étaient régulièrement conviés les sénateurs. Elle a ajouté que l'association distribuait chaque année des bourses à des jeunes femmes créatrices d'entreprise et organisait dans toute la France, avec le soutien du ministère de l'Éducation nationale, des concours dans les établissements scolaires (« les Olympes de la parole »), qui ont pour but de faire réfléchir les élèves sur l'égalité filles-garçons et de favoriser la prise de parole des filles en public.

Résumant les objectifs de l'AFFDU, elle a indiqué que celle-ci s'attachait principalement à promouvoir l'accès des femmes à l'enseignement supérieur dans toutes les filières, et à oeuvrer en faveur de la paix et contre les violences par la solidarité des femmes du monde entier.

Mme Evelyne d'Auzac de Lamartinie , trésorière nationale de l'AFFDU, a indiqué qu'elle présidait, en outre, le groupe d'Ile-de-France.

Mme Nathalie Tournyol du Clos , présidente de l'Association des femmes haut fonctionnaires (AFHF), ancienne élève de l'école nationale d'administration (ENA), a précisé qu'elle était actuellement directrice des services administratifs du Conseil économique et social, dont elle a rappelé qu'il comprenait aussi une délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre hommes et femmes. Elle a indiqué que l'association avait été créée en 1997, d'abord au sein du ministère des finances, avec le double souci de réfléchir à un certain immobilisme qui paralysait la réforme de l'État, et à l'existence d'un « plafond de verre » qui empêchait les femmes d'accéder aux échelons de direction, et qu'elle s'était ensuite étendue par capillarité, et regroupait aujourd'hui 120 membres, issues de l'école nationale d'administration, de l'école nationale de la magistrature, ou du « concours d'Orient » du ministère des affaires étrangères. Elle a ajouté que, membre fondatrice de l'association, elle la présidait depuis deux ans.

Elle a indiqué que les travaux de l'association abordaient le thème des trajectoires professionnelles, celui des stéréotypes de genre, ainsi que le problème des rémunérations, et qu'elle oeuvrait pour que la haute administration soit davantage à l'image des diverses composantes de la société.

Elle a ajouté que l'association faisait partie du réseau « Du rose dans le gris », dont elle a évoqué le site Internet.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est réjouie de la contribution apportée par cette association au renouvellement de l'image de la fonction publique.

Mme le Docteur Cécile Renson , membre du conseil d'administration de l'Association des femmes médecins, a indiqué que, médecin de profession, elle avait assuré un temps la présidence de l'Association « Femmes-avenir », et qu'elle avait récemment réadhéré à l'Association française des femmes médecins, à laquelle elle avait déjà participé quelques années plus tôt. Elle a précisé qu'elle s'intéressait plus particulièrement aux conditions de l'exercice de la médecine par les femmes, notant que celles-ci exerçaient moins souvent que les hommes ce métier à titre libéral, et que celles qui choisissaient la voie hospitalière accédaient plus rarement aux postes universitaires.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia , présidente de l'Association française des femmes médecins, a rappelé que cette dernière avait été fondée en 1923, à l'issue d'une réunion de femmes médecins qui s'était tenue à New York après la Première Guerre mondiale. Évoquant les difficultés alors rencontrées par les femmes pour accéder à cette profession, elle a rappelé qu'on avait dû faire garder par des gendarmes la salle d'examen où la première femme avait passé le concours de l'internat, tant était forte l'hostilité de ses futurs collègues masculins.

Elle a indiqué que, même si les choses avaient heureusement évolué depuis, l'association continuait d'oeuvrer pour favoriser l'accès des femmes à la profession de médecin et qu'elle était en liaison avec les instances européennes et internationales actives dans ce domaine, ainsi qu'avec le Conseil national des femmes françaises.

Elle a ajouté que l'association réfléchissait aussi à des thèmes généraux de santé publique et, en particulier cette année, à celui du maintien des personnes âgées à domicile, dans la perspective de mieux informer les médecins généralistes de ce qu'ils peuvent faire pour améliorer les conditions de vie des personnes âgées, qui doivent ou veulent rester chez elles. Elle a précisé que l'association comportait cinq sections locales.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau , vice-présidente de l'Association femmes et mathématiques, a indiqué qu'après avoir exercé pendant cinq ans la présidence de cette association, elle en était maintenant vice-présidente. Elle a rappelé que cette association avait été créée en 1987, à la suite de l'ouverture à la mixité des Écoles normales supérieures (ENS), ou plutôt, comme l'a précisé Mme Christiane Hummel , de leur retour à la mixité, puisqu'elles avaient été mixtes à l'origine, pour remédier aux effets pervers de cette réforme. Alors que l'existence d'écoles distinctes pour les filles et pour les garçons aboutissait en pratique à garantir un quota pour chaque sexe, la fusion s'est traduite par une forte diminution du nombre de femmes reçues au concours en mathématiques et en physique.

Sans regretter l'existence de ces écoles distinctes, et la condescendance qui accompagnait cette ségrégation, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a néanmoins reconnu que, vingt ans après cette fusion, le bilan de cette réforme était plutôt négatif, les travaux les plus récents ayant confirmé qu'elle s'était accompagnée d'une diminution du nombre de postes occupés par des femmes au Centre national de la recherche scientifique ou dans les universités. Elle a proposé de remettre à la délégation les documents réalisés par Mme Laurence Broze, professeure à l'université de Lille 3, pour les vingt ans de l'association, le 2 juin dernier.

Elle a expliqué que l'Association femmes et mathématiques se fixait pour but de favoriser les rencontres entre femmes mathématiciennes, notamment à travers l'organisation d'un forum, tous les deux ans, ce qui permet à des jeunes mathématiciennes de trouver conseil auprès de mathématiciennes confirmées.

Elle a ajouté que l'association s'était également attachée à diversifier ses actions en direction de l'enseignement secondaire, de façon à encourager l'accès des filles aux filières scientifiques, ce qui répond aux préoccupations du Gouvernement et des entreprises qui s'inquiètent de la désaffection des jeunes, filles et garçons, pour les études scientifiques universitaires.

Elle a cité en exemple l'opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences à Paris », menée conjointement avec les associations « Femmes et Sciences » et « Femmes Ingénieurs », qui devrait être reprise dans certaines régions, et qui consiste à envoyer dans les écoles des « trinômes » constitués d'une jeune étudiante d'une université scientifique, d'une jeune étudiante d'une grande école d'ingénieurs ou d'une ENS et d'une scientifique confirmée, qui représentent des modèles auxquels les lycéennes peuvent s'identifier. L'association exerce également une mission de veille en France, comme dans le reste du monde, et collabore avec d'autres associations, comme « Femmes et sciences » ou « Femmes Ingénieurs ». Elle organise, en outre, des « Journées régionales », pour étendre son action en région, la prochaine édition de ces « Journées » devant se tenir en 2008 à Toulouse.

Elle a rappelé que l'Association femmes et mathématiques et les associations amies accomplissaient un lourd travail de vigilance, qu'il s'agisse de la représentation des femmes au conseil d'administration du CNRS, dans les jurys de l'Institut universitaire de France, ou encore de la publicité intitulée « I love techno » sur le site du conseil général des Yvelines...

Évoquant les sujets de préoccupation actuels de l'association, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a insisté sur la nécessité de former les enseignant(e)s, comme l'ensemble des personnels de l'Éducation nationale, à la problématique de l'égalité hommes/femmes, de façon à ce que celle-ci soit prise en compte dans l'ensemble des formations. Elle a déploré que celle-ci ne fasse l'objet que de projets ponctuels dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), abandonnés dès que la personne porteuse du projet quitte l'IUFM, et a estimé que des formations trop courtes pouvaient s'avérer souvent contreproductives, en réveillant des susceptibilités ou des « failles enfouies ».

Elle a également insisté sur l'importance de la formation continue à cette problématique pour les enseignant(e)s déjà en exercice, estimant qu'elle gagnerait à être généralisée.

Mme Marie-Jeanne Campana a ensuite présenté l'Association française des femmes juristes (AFFJ), qui a été créée en 2001 et comprend 130 adhérentes. Elle a évoqué les liens de l'AFFJ avec l'association européenne des femmes juristes (EWLA) et précisé que l'association se donnait pour mission de rester attentive à tous les problèmes de société, en y apportant un regard de juriste.

Elle a évoqué divers travaux et colloques organisés par l'AFFJ, en insistant sur celui qui a été récemment consacré à faire apparaître le décalage entre l'égalité de droit, qui est aujourd'hui affirmée de façon satisfaisante dans les textes, et l'inégalité de fait, qui perdure dans les professions juridiques et judiciaires, comme ailleurs. Elle a illustré son propos en rappelant que beaucoup de femmes étaient collaboratrices d'un cabinet d'avocats, alors que peu en dirigeaient un. Elle a également évoqué un colloque tenu en collaboration avec l'Association française des femmes médecins sur le thème « Femmes, violence et santé ».

Elle a par ailleurs indiqué qu'elle était également membre de l'Association des femmes de l'Europe méridionale (AFEM). Après avoir rendu hommage à l'action menée au sein de cette association par Michèle Galabert, récemment disparue, elle a rappelé que l'AFEM était à l'origine de la mention explicite du principe d'égalité entre hommes et femmes dans le projet de Constitution européenne.

Constatant que l'ensemble des présidentes d'associations présentes étaient diplômées des universités, Mme Tita Valade a alors fait observer que l'Association française des femmes diplômées d'université était quelque peu concurrencée par la multiplication des associations regroupant des femmes diplômées dans un secteur d'activité professionnelle.

Après s'être associée à l'hommage rendu à Michèle Galabert, Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné la nécessité et l'efficacité, pour les femmes, du travail en réseau. Puis, manifestant son inquiétude à l'égard de la faiblesse, voire de la régression de la place des femmes dans les carrières scientifiques, signalée par Mme Véronique Slovacek-Chauveau, elle a souhaité que soient recherchées des solutions de nature à favoriser une meilleure orientation scolaire et professionnelle, pour permettre un rééquilibrage entre hommes et femmes dans les différents métiers.

Mme Béatrice Castellane a confirmé que toutes les adhérentes de l'AFFJ étaient diplômées des universités, et a indiqué qu'à travers la diversité des professions juridiques représentées (magistrates, avocates, notaires, huissières, juristes du secteur public ou privé), cette association mettait en pratique le principe du fonctionnement en réseau et avait bien conscience de ses vertus.

Après avoir rappelé son engagement personnel ancien en matière de parité, M. Yannick Bodin a évoqué le problème de la féminisation de la magistrature et de l'enseignement. A cet égard, il a souhaité que les jeunes élèves ne soient pas formés uniquement par des femmes, en citant l'exemple d'un élève qui avait découvert pour la première fois des professeurs hommes en arrivant en classe de 5 e . Rappelant ensuite les travaux de la commission des affaires culturelles consacrés à la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles, il a souligné que le problème particulier de l'accès des jeunes filles aux classes préparatoires était revenu de façon récurrente au cours de ces travaux. Il a souhaité que soit mis fin à un certain déterminisme de l'orientation, destinant systématiquement les filles à des études courtes ou à des filières littéraires, tout en insistant sur les obstacles de caractère social ou culturel auxquels sont tout particulièrement confrontées les jeunes filles pour l'accès à certaines professions.

A propos des critiques adressées à la féminisation des professions de la justice ou de l'enseignement, Mme Gisèle Printz a fait observer que personne n'avait rien trouvé à redire tant que les hommes y avaient été majoritaires. Elle a ensuite souhaité que les travaux de la délégation ne se limitent pas aux seules femmes diplômées, avec l'assentiment de Mme Gisèle Gautier, présidente .

Concernant la féminisation de l'éducation nationale, Mme Christiane Hummel a estimé qu'il conviendrait plutôt de se demander pourquoi les hommes n'étaient plus attirés par l'enseignement. Rappelant son parcours de « normalienne », elle a précisé qu'elle était actuellement la seule sénatrice de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, et s'est dite prête, notamment au plan local, à apporter une aide concrète et un soutien aux associations représentées dans cette table ronde.

Puis, en réponse à une question de Mme Christiane Hummel , Mmes Béatrice Castellane et Marie-Jeanne Campana ont confirmé que les personnels de la fonction publique territoriale pouvaient adhérer à l'AFFJ, à condition qu'elles exercent leur métier dans le domaine juridique.

Mme Anne-Marie Payet a évoqué le rôle du conseiller d'orientation, qu'elle a considéré comme parfois trop directif à l'égard des jeunes filles. Par ailleurs, elle a témoigné du problème posé par des orientations conseillées, voire imposées, par les familles, qui peuvent amener des jeunes ayant réussi leur parcours scolaire et universitaire à finalement renoncer à exercer un métier pour lequel ils ont été formés, mais pour lequel ils n'ont pas la vocation.

Mme Gisèle Printz a demandé aux intervenantes si leurs associations menaient des actions pour présenter leurs métiers aux élèves ou aux étudiantes.

Mme Tita Valade a rappelé les efforts conduits auprès des élèves par l'AFFDU dans le cadre des concours des « Olympes de la parole », avant de souligner, d'une manière générale, l'importance de l'information et de l'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a interrogé les intervenantes sur les liens entre le monde économique et le monde de l'enseignement, sur la formation des enseignants et des conseillers d'orientation en matière de parité professionnelle, ainsi que sur l'âge auquel il paraissait opportun de faire découvrir les métiers aux enfants.

A propos de la féminisation croissante des métiers de l'enseignement et de la justice, Mme Marie-Jeanne Campana a fait observer qu'il s'agissait là d'une conséquence directe de la réussite des femmes dans les études supérieures et de leur arrivée sur le marché du travail, tout en indiquant que les femmes étaient souvent amenées à choisir des métiers qui assurent une certaine sécurité, mais qui ne sont pas très bien rémunérés et qui, de ce fait, n'apparaissent pas suffisamment valorisants aux yeux des hommes. M. Yannick Bodin a marqué son plein accord avec ces propos.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a rappelé que les trois fonctions publiques employaient 46 % des femmes qui travaillent en France et que 55 % des fonctionnaires étaient des femmes, cette proportion atteignant 59 % pour la fonction publique de l'État. En outre, elle a constaté que les fonctionnaires femmes de catégorie C étaient souvent surdiplômées, avec parfois un titre de niveau Bac+5, ce qui témoigne d'une « ségrégation violente » du marché du travail.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a précisé, en ce qui concerne les médecins, que les femmes choisissaient plus fréquemment que les hommes d'exercer leur métier sous un statut de salarié, et que 25 % d'entre elles choisissaient le temps partiel, contre 2 % des hommes. Elle a ajouté que de nombreuses femmes privilégiaient également les remplacements, ce qui constitue une certaine forme de précarité, mais leur permet de mieux gérer leurs diverses contraintes, notamment familiales.

Mme Marie-Jeanne Campana a estimé que le travail à temps partiel, que l'on considère parfois comme « choisi » par les femmes, leur était en réalité socialement imposé, en raison du « double métier » qu'elles doivent en pratique exercer, à la maison et à l'extérieur.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a alors signalé que, dans la fonction publique, de nombreuses femmes qui travaillent « à 80 % » pour pouvoir consacrer la journée du mercredi à s'occuper de leurs enfants, étaient en fait amenées à accomplir une quantité de tâches équivalente à celle effectuée par leurs collègues masculins employés à temps plein.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a fait observer que parmi les médecins, on comptait 13 % de femmes célibataires, contre 6 % d'hommes, et a souligné le poids des contraintes horaires auxquelles sont soumises les femmes médecins exerçant à titre libéral ou dans les services hospitaliers, estimant que les femmes menant leur carrière dans le monde hospitalo-universitaire étaient souvent amenées à faire des sacrifices dans leur vie familiale.

Évoquant l'expérience récente des « Ambassadrices des sciences », Mme Véronique Slovacek-Chauveau a relevé que, parmi les jeunes femmes scientifiques qui s'étaient portées volontaires pour présenter leur métier dans les lycées, une seule avait déclaré que son mari avait pris un temps partiel, ce qui avait d'ailleurs suscité une réaction d'incompréhension.

A partir d'un exemple précis, Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a témoigné de la difficulté de faire accepter les contraintes professionnelles, et notamment les horaires d'un bloc opératoire, à certaines mères de famille qui ne bénéficient pas du soutien de leur conjoint, pourtant indispensable pour leur permettre d'assumer ces contraintes.

Prolongeant ce propos, Mme Véronique Slovacek-Chauveau a souligné l'importance du partage des rôles entre les parents et la diversité des conceptions au sein des couples en la matière, en soulignant qu'aucune évolution positive concernant les carrières des femmes ne pourrait se produire si les pères ne s'occupaient pas davantage des jeunes enfants.

M. Yannick Bodin a cependant constaté, au fil des générations, une évolution des rôles masculins et un investissement accru des pères dans les tâches familiales.

Mme Tita Valade a observé qu'en France, l'existence de différents modes de garde permettait tout de même à certaines mères d'occuper un emploi, alors que dans certains pays, comme le Japon, elles devaient choisir entre élever leurs enfants et exercer un métier.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a évoqué le cas des jeunes normaliens de sexe masculin, qui sont nombreux à se détourner de l'enseignement pour préparer des concours administratifs, comme celui de l'ENA, car l'enseignement supérieur ne leur apparaît plus être suffisamment valorisant.

Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a ensuite, sur des bases chiffrées, démontré l'existence d'un « plafond de verre » dans les carrières hospitalo-universitaires, où l'on dénombre moins de 20 % de femmes parmi les professeurs d'université, en observant que ce phénomène témoignait de l'intérêt persistant des hommes pour ce secteur d'activité.

Mme Marie-Jeanne Campana a insisté sur la difficulté, pour les femmes qui accèdent à des métiers prestigieux, de les exercer, faute de disposer de moyens de garde suffisants pour leurs enfants. En particulier, elle a souligné l'insuffisance du nombre de places de crèche.

Mme Christiane Hummel a rappelé que les crèches étaient le plus souvent gérées par les collectivités territoriales, avant d'évoquer l'éternelle culpabilisation des femmes qui confient à d'autres le soin de garder leurs enfants.

M. Yannick Bodin a souligné l'importance primordiale de la question des crèches, tout en rappelant les inégalités de moyens entre les collectivités territoriales et en plaidant pour la création d'un service public de l'enfance avant l'entrée en maternelle.

A la suite d'une remarque de M. Yannick Bodin au sujet du « mandarinat » masculin en médecine, Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a déploré l'absence de solidarité avec les autres femmes dont font souvent preuve les femmes médecins qui ont accédé à des fonctions de responsabilité.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé nécessaire de faire prévaloir la solidarité entre les femmes, Mme Gisèle Printz témoignant du fait que tel n'est pas toujours le cas, notamment en politique.

Mme Véronique Slovacek-Chauveau a considéré qu'il ne fallait pas pour autant stigmatiser les femmes à ce sujet, car la société véhicule un certain nombre de stéréotypes puissants que les femmes, comme les hommes, sont parfois amenées à relayer. Elle a fait observer que les enseignants et les conseillers d'orientation avaient également tendance à reproduire certains stéréotypes, au détriment de l'orientation des filles vers des filières scientifiques, alors que celles-ci ont des résultats comparables à ceux des garçons dans les matières scientifiques comme les mathématiques et la physique. En outre, elle a regretté que la présence des femmes dans le secteur de l'informatique connaisse aujourd'hui une régression par rapport à une période antérieure où l'informatique n'était pas valorisée.

Rejoignant ce propos, Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que les sciences étaient associées à des images de rigueur, de logique, de sélection et de compétition, qui ne correspondent pas, en l'état actuel de certains stéréotypes, à des images féminines. A cet égard, elle a souligné la nécessité, en matière d'orientation, de mieux former les personnels, et notamment les conseillers d'orientation. Puis elle a de nouveau interrogé les intervenantes sur le rapprochement entre le monde économique et le monde enseignant.

Constatant que 80 % des jeunes femmes ayant joué le rôle d'« ambassadrices des sciences » avaient découvert leur vocation tardivement, à l'issue d'un stage, Mme Véronique Slovacek-Chauveau en a souligné l'importance fondamentale pour décider de l'orientation professionnelle et cité des actions concrètes menées par son association et les associations amies dans ce domaine à travers leur site commun « Elles en Sciences ». Mme le Docteur Marie-Dominique Ghnassia a également souligné l'intérêt des stages pour découvrir concrètement les métiers.

Puis Mme Béatrice Castellane a fait observer que l'AFFJ avait été créée par Mme Dominique de La Garanderie, première femme à être devenue bâtonnier du Barreau de Paris, à la suite des difficultés qu'elle avait rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, et s'est félicitée du rééquilibrage favorisé par la création de cette association, grâce à son fonctionnement en réseau.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a constaté que les jeunes filles, et notamment celles qui sont issues de l'immigration, réussissaient de manière satisfaisante aux concours de la fonction publique. Par ailleurs, elle a évoqué la persistance d'un « syndrome de la bonne élève » faisant confiance à ses professeurs, qui conduit trop souvent les femmes à accepter un certain ordre établi, plutôt que de revendiquer fermement l'équité. Constatant que les hommes avaient tendance à se coopter entre eux, elle a souligné l'intérêt pour les femmes de s'organiser en réseau pour échanger des informations. Enfin, elle a évoqué les difficultés rencontrées par les femmes dans l'exercice des fonctions d'autorité.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est interrogée sur le degré de féminisation des cabinets des femmes ministres.

Mme Nathalie Tournyol du Clos a indiqué qu'il y avait seulement une femme directeur de cabinet en 2005, et cinq aujourd'hui.

Puis Mme Gisèle Gautier, présidente , a indiqué qu'elle interrogerait le gouvernement sur les résultats de la mise en oeuvre du « plan crèches », qui avait prévu l'ouverture de 10 000 places supplémentaires par an. Puis elle s'est félicitée de la sincérité et de l'utilité des témoignages des intervenantes, en précisant qu'ils permettraient de nourrir un rapport dont elle a espéré que les propositions ne restent pas lettre morte. Elle a enfin insisté sur les vertus du « lobbying » et des réseaux de femmes, y compris au niveau international, en évoquant l'universalité des problèmes de l'inégalité salariale et des violences à l'égard des femmes.

Audition de Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, accompagnée de Mme Catherine Laret-Bedel, chef du bureau de l'égalité professionnelle

(19 décembre 2007)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté l'intervenante en relevant que l'organisation administrative en charge des droits des femmes ne constituait pas une direction, mais un service placé sous l'autorité du ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, et de la secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Récapitulant les enjeux du thème d'étude choisi par la délégation, elle a insisté sur la recherche de solutions concrètes de nature à améliorer l'orientation, à la fois dans un souci de rééquilibrage entre les sexes et d'adaptation aux besoins de l'économie.

Mme Joëlle Voisin a rappelé que fondamentalement, les choix d'orientation étaient le reflet des représentations des rôles sociaux traditionnellement assignés à chacun des deux sexes et que la transformation de ces comportements constituait une tâche de longue haleine. Elle a précisé qu'en France, les femmes demeuraient cantonnées dans 10 familles de métiers, sur un total de 86, et que ce constat était largement partagé dans les différents États de l'Union européenne.

Soulignant la nécessité d'accélérer et d'intensifier les progrès d'ores et déjà accomplis dans le rééquilibrage entre les genres, elle a estimé que la formation initiale constituait un atout essentiel en faveur de l'égalité des chances, les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes femmes résultant en effet largement de leur orientation scolaire initiale. Elle a rappelé les étapes de la démarche interministérielle mise en oeuvre depuis 1984 : tout d'abord, deux conventions bilatérales ont été signées dès 1984 et 1989 entre le ministère de l'éducation nationale et le service des droits des femmes pour favoriser la diversification des choix professionnels des jeunes filles ; par la suite, a-t-elle indiqué, une action interministérielle plus ambitieuse a été entreprise dans le cadre d'une troisième convention signée en 2000, non seulement par la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, mais aussi par le ministre de l'agriculture et de la pêche, la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire et la secrétaire d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle, afin de travailler à la modification des stéréotypes de sexe influant sur les choix d'orientation et à la promotion d'une éducation fondée sur le respect mutuel.

Elle a fait observer que, dans sa version renouvelée du 29 juin 2006, la convention pour l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes, dans le système éducatif, élargissait cet engagement interministériel à huit ministères. Elle a précisé les trois axes de travail de cette convention, pour la période 2006-2011 : améliorer l'orientation scolaire et professionnelle des filles et des garçons pour une meilleure insertion dans l'emploi, assurer auprès des jeunes une éducation à l'égalité entre les sexes et intégrer l'égalité entre les sexes dans les pratiques professionnelles et pédagogiques des acteurs et actrices du système éducatif. Elle a souligné que cette convention nationale avait vocation à être déclinée localement pour formaliser les partenariats et définir des objectifs prioritaires adaptés aux territoires, ce qui est déjà fait dans certaines régions.

Puis Mme Joëlle Voisin a distingué les actions spécifiques et les actions intégrées menées par le service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) pour contribuer à diversifier l'orientation des filles et des garçons, en présentant tout d'abord les différents prix qui encouragent les jeunes filles à s'investir dans des filières dans lesquelles elles sont minoritaires.

Elle a rappelé que son service organisait chaque année le Prix de la vocation scientifique et technique des filles (PVST) à l'intention des élèves de terminale, qui font le choix de braver les préjugés en s'orientant vers une filière scientifique ou technologique de l'enseignement supérieur comptant moins de 40 % de filles : ce prix, créé en 1991, a été revalorisé en 2007, atteignant désormais un montant de 1 000 €, et le nombre de récompenses passera de 600 en 2007 à 650 en 2008. L'objectif de ce prix, a-t-elle précisé, est de renforcer l'orientation des jeunes filles vers des secteurs professionnels porteurs de débouchés, ces distinctions étant attribuées par le préfet de région à la suite de l'examen des candidatures par des jurys régionaux, au regard, en particulier, des facteurs essentiels que constituent la motivation des jeunes filles, ainsi que leur mérite.

Elle a observé que le PVST avait des effets démultiplicateurs, d'une part, grâce à la mobilisation à l'échelon local de financements extérieurs, notamment des conseils régionaux, prolongeant l'effort de l'État, et d'autre part, par l'organisation, autour du PVST, de séances d'information en classes sur l'orientation des jeunes filles. Elle a également souligné que l'organisation du Prix donnait lieu à un important partenariat avec les rectorats et les établissements scolaires, et s'accompagnait, en général, d'une forte médiatisation, essentielle pour faire évoluer les mentalités. S'agissant du devenir des lauréates, elle a noté que, selon certaines études, 94 % des jeunes filles avaient réalisé leur projet professionnel initial, et évoqué la valorisation, dans les lycées, des parcours exemplaires d'anciennes lauréates, ainsi que la mise en place de réseaux grâce à la diffusion d'un annuaire des lauréates.

Puis elle a présenté le Prix Irène Joliot-Curie, créé en 2001 par le ministère de la recherche, et destiné à promouvoir la place des femmes dans la recherche et la technologie. Elle a précisé qu'en 2006, ce Prix comportait trois catégories - « Parcours femme entreprise », « Jeune femme scientifique » et « Femme scientifique de l'année » - dotées chacune de 10 000 € et qu'il était, depuis 2004, organisé avec la Fondation d'entreprise EADS pour la recherche, afin d'ouvrir le plus largement possible l'appel à candidatures, tant dans le secteur de la recherche publique que dans celui de la recherche privée.

Elle a également évoqué le « Prix Excellencia », initiative réunissant différents partenaires, dont en particulier le service des droits des femmes et de l'égalité, le ministère de la recherche et les associations « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieurs », dont l'objectif est de promouvoir la réussite de femmes impliquées dans la création, le développement ou la mise en application des nouvelles technologies, afin de valoriser des filières de formation et des métiers vers lesquels encore trop peu de jeunes filles s'orientent.

Mme Joëlle Voisin a ensuite estimé regrettable que le développement, depuis plusieurs années, de l'orientation professionnelle par la voie de l'apprentissage, ne s'accompagne pas d'une amélioration significative de l'accès des jeunes filles à ce mode de formation : aussi, dans plusieurs régions, les déléguées régionales aux droits des femmes et à l'égalité ont-elles mis en place, en partenariat avec les conseils régionaux, des prix destinés à encourager les jeunes filles à s'y diriger.

Prenant l'exemple de l'Alsace, elle a noté que 33 % des apprentis y étaient des jeunes filles, mais qu'elles s'orientaient prioritairement vers le secteur tertiaire (vente, coiffure, esthétique, hôtellerie, secrétariat, travail social, soins et services aux personnes), alors que l'insertion professionnelle était moins facile pour les diplômé(e)s de niveau CAP-BEP dans ces secteurs. Afin d'ouvrir davantage aux jeunes filles l'éventail des métiers de l'industrie et de l'artisanat, elle a souligné que le conseil régional et la délégation régionale aux droits des femmes et à l'égalité, avec le soutien de l'entreprise Électricité de France, avaient mis en place le Prix de la diversification de l'apprentissage féminin, récompensant celles qui se sont engagées dans un parcours de formation original dans des métiers où les femmes sont peu présentes : 16 prix de 800 € ont ainsi été décernés en 2006 par un jury régional à celles qui ont choisi la voie de l'apprentissage, du CAP au diplôme d'ingénieur, dans des métiers d'habitude réservés aux garçons (boulangère, paysagiste, peintre, métallière, mécanicienne automobile, ingénieure ou technicienne dans l'industrie ...).

Puis Mme Joëlle Voisin a brossé un panorama de diverses autres actions destinées à faciliter l'accès des femmes à des métiers peu féminisés, en évoquant tout d'abord les contrats pour la mixité des emplois qui, encore mal connus bien que mis en place en 1987, permettent de financer, dans des entreprises de moins de 600 salariés, des actions de formation, l'aménagement de postes de travail ou l'aménagement de locaux (vestiaires et toilettes). Elle a regretté que trop peu de ces contrats aient été conclus (32 en 2005 et 44 en 2006), tout en expliquant que les crédits qui y étaient consacrés constituaient jusqu'à présent une « variable d'ajustement budgétaire ». En 2007, a-t-elle précisé, il devrait y en avoir une centaine, car des consignes ont été données aux déléguées régionales aux droits des femmes pour que les crédits soient prioritairement utilisés à cette fin, et un objectif de 130 contrats a été fixé pour 2008.

Mme Joëlle Voisin a, dans un second temps, présenté les grandes lignes de « l'approche intégrée » de son service, dont le but est d'amener l'ensemble des acteurs, institutions, branches, entreprises et système éducatif, à intégrer dans leurs pratiques la dimension de l'égalité entre les filles et les garçons et à combattre les stéréotypes de sexes dans la représentation sociale des métiers.

Au titre de la prise en compte de l'égalité par les acteurs institutionnels, au niveau national, elle a par exemple indiqué que les documents de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) intégraient désormais systématiquement une mixité des portraits et des témoignages.

Au niveau des territoires, Mme Joëlle Voisin a souligné que les déléguées régionales aux droits des femmes s'impliquaient fortement pour mobiliser leurs partenaires et les amener à s'engager sur des actions permettant l'accès des filles à des formations et des métiers peu ouverts aux femmes : elle a précisé par exemple que le rectorat de Nantes et l'ONISEP avaient ainsi réalisé en avril 2007 une mallette pédagogique « mixité égalité », qui est adressée à tous les établissements scolaires de l'académie, aux corps d'inspection et aux centres d'information et d'orientation (CIO), et contient des productions multimédia traitant de la construction des stéréotypes sexués, de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la sphère domestique et professionnelle, de la mixité des métiers et de la diversification des choix d'orientation professionnelle des élèves, ainsi que de la place des femmes dans le domaine des sciences et techniques et dans l'histoire.

Elle a ensuite évoqué un protocole régional signé en Basse-Normandie, pour la période 2006-2010, par de multiples acteurs tels que le préfet de région, les responsables du service public de l'emploi et ceux des organisations patronales du secteur « transport et logistique », pour favoriser l'accès des femmes aux métiers de cette filière.

Elle a également signalé qu'en Bourgogne, un travail partenarial avait permis la mise en place de quatre « carrefours des carrières au féminin », qui ont reçu entre 400 et 1 500 visiteurs, et parmi eux, un tiers de parents, dont elle a souligné le rôle essentiel en matière d'orientation. Elle a en outre illustré son propos en citant les actions partenariales conduites en Bretagne, avec le concept « 100 femmes 100 métiers » dont l'objectif est l'élargissement des choix professionnels et la diversification des emplois féminins, en Franche-Comté, avec la mise en place de forums des métiers avec le conseil régional, en Languedoc-Roussillon, avec la réalisation d'une « université d'automne » avec les acteurs du monde économique et du monde de l'éducation, et en Picardie, avec un partenariat développé avec le conseil régional et les représentants des organisations professionnelles des métiers de l'industrie et du bâtiment pour faciliter l'accès des jeunes filles à l'apprentissage.

S'agissant de la prise en compte de l'égalité par les branches professionnelles et les entreprises, Mme Joëlle Voisin a rappelé qu'en application des lois sur la formation professionnelle et l'apprentissage, depuis 1972, les organisations professionnelles avaient signé, avec le ministère de l'éducation nationale, 33 conventions-cadres de coopération. Préconisant leur généralisation, elle a observé que ces conventions devaient par ailleurs entraîner, comme le prévoit l'accord national interprofessionnel du 1 er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité entre les hommes et les femmes, le développement d'actions puissantes de communication sur l'image et la représentation des métiers à destination des enseignants, des élèves et des familles. Se félicitant de l'implication accrue des branches et des entreprises dans ce domaine, elle a cité, à titre d'exemple, la campagne de communication nationale « IndustriELLE » initiée en 2004 par l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), qui a réuni 12 000 jeunes filles et femmes à Paris en 2005 afin de faire évoluer leur regard sur le monde de l'industrie et de les aider à s'y projeter, à travers les témoignages de professionnelles. Elle a précisé que l'accord du 19 juin 2007 relatif à l'égalité professionnelle signé entre l'UIMM et les organisations syndicales prévoyait la poursuite du travail engagé pour renforcer l'attractivité des métiers industriels auprès des jeunes filles.

Elle a également mentionné l'initiative de la Confédération de l'Artisanat et des petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) qui a développé en 2006, avec le soutien financier du service des droits des femmes et de l'égalité, la première édition d'un concours national « Conjuguez les métiers du bâtiment au féminin ! », destiné à sensibiliser les jeunes en classe de 3 e sur l'évolution de ces métiers et sur la possibilité pour les jeunes filles d'intégrer un secteur économique où les opportunités professionnelles sont nombreuses.

Abordant ensuite la prise en compte de l'égalité par les acteurs du système éducatif, Mme Joëlle Voisin a souligné qu'il était impératif de se soucier conjointement de l'orientation des filles et de celle des garçons, tout autant concernés par les représentations stéréotypées : aujourd'hui, a-t-elle observé, on trouve encore étrange qu'une jeune fille se destine à un métier de plombière, de charpentière ou d'ingénieure en mécanique ou aéronautique, mais de la même manière on s'étonne qu'un garçon devienne sage-femme, esthéticien ou éducateur de jeunes enfants et, sans toujours en être conscients, les parents, tout comme les enseignants, les médias et la société tout entière véhiculent des préjugés.

Mme Joëlle Voisin a poursuivi son analyse en soulignant que faire évoluer l'orientation, c'était surtout faire évoluer les mentalités, ce qui nécessite de porter une attention particulière à la formation des enseignants et des professionnels de l'orientation : à cet égard, elle a pris l'exemple du travail effectué par la délégation aux droits des femmes de la région Languedoc-Roussillon, qui participe à une formation du personnel enseignant dans le cadre d'un module obligatoire intitulé « Citoyenneté, laïcité, fait religieux, genre et mixité », d'une durée de six heures, inscrit, depuis 2004, dans le plan de formation initiale de l'Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Montpellier. Elle a ajouté que, selon une enquête de la direction de l'enseignement scolaire, en 2005, 18 IUFM sur 31 avaient introduit la question de l'égalité dans leur cursus, dont 7 sous la forme de modules obligatoires, avant de préconiser la sensibilisation à cette question de l'ensemble des futurs enseignants, ce qui constitue un des axes de la convention interministérielle signée avec le ministère de l'éducation nationale, ainsi que d'une recommandation adoptée par le comité des ministres du Conseil de l'Europe le 10 octobre 2007.

En définitive, soulignant le travail déjà accompli depuis vingt ans, au niveau national et dans de nombreuses régions, pour diversifier l'orientation professionnelle des filles, Mme Joëlle Voisin a estimé nécessaire de « passer à une vitesse supérieure » dans le combat contre des représentations fortement ancrées dans les esprits. Elle a rappelé que M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, et Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité, en accord avec M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, et Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, avaient annoncé, lors de la Conférence sur l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes du 26 novembre 2007, que la convention renouvelée en juin 2006 allait être réactivée et qu'un nouveau comité de pilotage serait installé dès le mois de janvier 2008, ce qui devrait permettre d'enclencher un programme précis, pragmatique et efficace. En conclusion, elle a de nouveau souligné que l'orientation était l'un des éléments clés pour faire progresser l'égalité professionnelle et l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

Un débat a suivi l'exposé de Mme Joëlle Voisin .

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé très intéressantes les informations délivrées par Mme Joëlle Voisin, notant que si certaines d'entre elles confirmaient des réalités déjà connues de la délégation, d'autres apportaient des éléments nouveaux, notamment sur les initiatives conduites à l'échelon départemental ou régional.

Mme Brigitte Bout s'est également déclarée très intéressée par les indications apportées par Mme Joëlle Voisin sur les conventions-cadres de coopération signées par les organisations professionnelles avec le ministère de l'éducation nationale, ou encore sur les modules d'enseignement relatif à l'égalité introduits par certains IUFM dans leur cursus. Revenant sur les résultats de l'enquête qui a montré que plus de la moitié des emplois occupés par les femmes étaient concentrés dans 10 des 86 familles professionnelles répertoriées, elle a jugé, partant du cas concret de l'école d'ingénieur dont elle est elle-même issue, que la proportion des étudiantes n'avait guère progressé, ou du moins, pas dans les proportions que l'on aurait pu espérer. Elle a certes relevé que l'on avait assisté à une féminisation récente de certains métiers, et qu'ainsi, l'on rencontrait aujourd'hui de plus en plus de femmes conductrices de bus, ou même de camions. Elle s'est cependant interrogée sur la disproportion que l'on constate souvent en pratique entre le surcoût que représente, pour les collectivités publiques, la construction de casernes de pompiers ou de gendarmes conformes aux normes nécessaires à l'accueil de personnel féminin, et la faible féminisation des équipes locales.

S'appuyant sur une plaquette éditée par son administration, qui recense les données chiffrées disponibles sur l'accès des hommes et des femmes aux différentes professions, Mme Joëlle Voisin a estimé que des améliorations sensibles avaient été enregistrées dans certains métiers au cours des récentes années, citant notamment le secteur de la police, et notant que certaines voix s'étaient d'ailleurs élevées pour juger excessive cette féminisation. Elle a cependant convenu que la faible proportion des femmes dans les filières scientifiques restait un phénomène d'autant plus choquant que les filles représentent une proportion non négligeable des élèves inscrits en section scientifique de l'enseignement général.

Sans nier le poids négatif d'une certaine prégnance des mentalités, Mme Gisèle Gautier, présidente, a estimé que les auditions réalisées par la délégation avaient confirmé l'émergence dans l'opinion d'une prise de conscience, de plus en plus largement partagée, du problème que constitue l'inégal accès des hommes et des femmes aux différents métiers. Elle a jugé que cette prise de conscience était alimentée par le sentiment que les inégalités en matière d'insertion professionnelle soulèvent une question d'équité. Elle s'est réjouie de ce que les conférences interparlementaires favorisent, à travers les comparaisons internationales, cette prise de conscience. Elle a regretté néanmoins que les actions engagées en faveur de la promotion des femmes ne soient pas mieux relayées dans l'opinion par les médias, et notamment par la presse dite « féminine ».

Elle a cependant estimé que, par delà leur apparente modestie, les actions conduites par le service des droits des femmes et de l'égalité apportaient une contribution tout à fait positive à ce mouvement.

Elle a également jugé indispensable de développer les actions menées en partenariat et de prendre en compte les différents acteurs, insistant notamment sur le rôle joué par l'environnement familial dans le dépassement, ou au contraire la confirmation, des stéréotypes de genre.

Se réjouissant d'apprendre que certains IUFM avaient rendu obligatoire dans leur cursus de formation un module relatif à l'égalité, elle a souhaité savoir de quelle autorité relevait ce type de décision.

Mmes Joëlle Voisin et Catherine Laret-Bedel ont estimé, sous réserve de confirmation, qu'il revenait au rectorat d'inscrire cette formation dans le cahier des charges de chaque établissement.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a cité en exemple l'opération « 1 000 ambassadrices pour les sciences à Paris », mise en oeuvre par la Ville de Paris, en liaison avec les associations « Femmes et sciences » et « Femmes ingénieures », pour inciter les filles à s'engager dans les filières scientifiques, estimant que ce type d'actions devrait être étendu à toutes les régions.

Insistant à son tour sur la force d'une communication par l'exemple, Mme Joëlle Voisin a cité un projet d'exposition itinérante consacrée à un certain nombre de portraits de femmes, ainsi que le prix de la vocation scientifique et technique qui sera prochainement décerné.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé prioritaire la lutte contre les idées reçues sur les métiers, souhaitant que l'association des maires de France suscite, dans tous les départements, des actions de sensibilisation et des rencontres entre les enseignants et le monde économique, à l'image de l'initiative qu'elle avait prise dans sa municipalité lorsqu'elle était maire, avec l'appui du président de région et du président de la communauté urbaine, en mettant en places des « journées de l'emploi » qui attiraient environ 3 000 jeunes visiteurs.

Mme Joëlle Voisin a souligné l'intérêt de telles initiatives, estimant qu'elles gagneraient à être généralisées. Elle a considéré qu'il convenait également de sensibiliser les parents à la nécessité de ces évolutions.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a jugé nécessaire de moderniser l'image de certaines filières qui ont pu s'ouvrir aux femmes grâce à l'utilisation des nouvelles technologies, en citant l'exemple de femmes exerçant la profession de soudeuse à l'arc. Elle s'est inquiétée de la régression récente de la proportion de femmes dans le secteur de l'informatique, constatant qu'en revanche leur part restait prédominante parmi les instituteurs.

Interrogée sur les raisons de la surreprésentation des femmes dans certaines professions comme celles de l'enseignement ou de la santé, Mme Joëlle Voisin a estimé que ces métiers présentaient souvent l'avantage, aux yeux des intéressées, de leur permettre d'organiser plus facilement les tâches familiales, dont la responsabilité continue le plus souvent à incomber aux femmes.

Insistant sur la nécessité de faire évoluer l'image que les jeunes et leurs parents se font des métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente , a invité le service des droits des femmes et de l'égalité à y consacrer des films ou des spots télévisés, à l'image de ceux qu'il avait réalisés pour dénoncer les violences faites aux femmes et dont elle a vanté le très fort impact.

Mme Joëlle Voisin a expliqué que son service avait déjà produit des films courts sur les femmes travaillant dans le secteur du bâtiment et dans des métiers considérés traditionnellement comme masculins, et réfléchissait actuellement à la production d'un plus long métrage, voire éventuellement d'une fiction sur ce thème.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur le rôle que peuvent jouer les parents, et en particulier les mères, pour faire évoluer les représentations qu'ont leurs enfants des différents métiers.

Audition de
Mme Sylvie Cheula, vice-présidente de l'Association nationale des directeurs de centre d'information et d'orientation (AND-CIO),
accompagnée de Mme Françoise Calvet, membre de l'AND-CIO
et de
Mme Odile Mallick, vice-présidente de l'Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP),
accompagnée de Mme Sylvie Amici, membre du conseil d'administration de l'ACOP

(16 janvier 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Sylvie Cheula a précisé que l'Association nationale des directeurs de centres d'information et d'orientation (AND-CIO) ne constituait ni un syndicat, ni un parti, mais plutôt une structure de réflexion et d'échanges, qui regroupait le tiers des directeurs des quelque 600 centres d'information et d'orientation (CIO).

Elle a rappelé que ces centres étaient présents dans chaque bassin d'éducation et qu'ils avaient pour mission d'organiser le travail des conseillers d'orientation-psychologues au sein des établissements scolaires.

Elle a relevé, qu'à ce titre, ils disposaient de tout un ensemble de données chiffrées, transmises à la fin des 2 e et 3 e trimestres scolaires, qui permettaient de dresser des statistiques différenciées sur l'orientation des filles et des garçons.

Elle a ajouté que les centres, travaillant en partenariat avec les équipes éducatives et les élèves, disposaient ainsi d'informations de première main sur les préférences des filles et des garçons en matière d'orientation.

Évoquant plus particulièrement l'académie de Versailles, à laquelle elle est rattachée, elle a relevé que le rectorat avait adressé, le 8 novembre dernier, une circulaire en ce sens aux professeurs principaux et aux documentalistes des établissements scolaires. Elle a également énuméré un certain nombre d'initiatives, soutenues par le rectorat, qui abordent la question de l'égalité des chances entre les garçons et les filles : le Prix de la vocation scientifique et technique, les journées d'informations spécifiques, les interventions dans les lycées, le Forum des métiers. Elle a d'ailleurs souligné qu'en 2006, une table ronde avait été spécialement consacrée à ce thème de l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux différentes formations, table ronde au cours de laquelle étaient intervenues des filles qui s'étaient orientées vers des métiers considérés comme « masculins ».

Elle a ajouté que d'autres académies avaient également pris des initiatives comparables, comme celle du Languedoc-Roussillon, ou celle d'Aix-Marseille, avec le projet « Passeport pour l'égalité des chances ».

Enfin, elle a rappelé que ces actions n'étaient pas nouvelles et répondaient à des injonctions régulières du rectorat.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté que ces actions n'aient pas, pour l'instant, produit davantage de résultats.

Mme Françoise Calvet a estimé que, pour avoir des chances d'être efficace et surtout d'être entendu, un conseiller d'orientation devait d'abord se mettre à l'écoute du jeune et de ses désirs, et ne lui délivrer que progressivement ses conseils. Elle a expliqué que, d'une façon générale, c'était par une action continue et un suivi quotidien que les conseillers d'orientation pouvaient arriver à persuader les jeunes, comme les parents et les enseignants, que certaines filières étaient susceptibles d'intéresser également les filles.

Mme Odile Mallick a précisé que l'Association des conseillers d'orientation psychologues (ACOP) était l'unique organisation professionnelle représentant cette profession et qu'elle comptait 500 membres, sur un effectif global d'environ 4 500 conseillers.

Elle a présenté les principaux objectifs que se fixe l'association : la défense des intérêts moraux de la profession, l'encouragement des échanges et des débats entre ses membres en vue de leur perfectionnement professionnel, la promotion de la psychologie et des sciences humaines en faveur de l'orientation et de l'éducation, le développement des relations avec les autres organisations, y compris au plan international, et, enfin, le respect de la déontologie propre aux professions de la psychologie.

Présentant les activités de l'association, elle a notamment indiqué que celle-ci organisait chaque année, dans une ville différente, des journées nationales d'études qui constituaient un temps de réflexion et de formation, ainsi qu'un congrès annuel consacré à un thème particulier, comme celui de la mixité pour sa prochaine édition.

Elle a regretté que les conseillers d'orientation-psychologues ne soient pas toujours présentés sous un jour très favorable, comme en témoignent les comptes-rendus des précédentes auditions de la délégation, estimant qu'ils étaient souvent pris comme « boucs émissaires » des difficultés rencontrées.

Convaincue que les questions d'orientation se situaient bien au coeur de la problématique de l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux différents métiers, elle a indiqué qu'elle s'attacherait à ouvrir le débat en apportant des éléments concrets tirés de sa pratique professionnelle, à Metz, auprès des lycées, de l'université et des centres d'information et d'orientation.

Mme Sylvie Amici a précisé qu'elle travaillait, pour sa part, dans des centres d'information et d'orientation, ainsi que dans des collèges et des lycées comportant des sections professionnelles et technologiques.

Elle a confirmé à Mme Gisèle Gautier, présidente , que la formation initiale et continue des conseillers d'orientation comprenait des stages en entreprises et que leur travail les amenait à organiser des visites et des stages en entreprise et dans les milieux professionnels.

D'une façon plus générale, Mme Odile Mallick a indiqué que les contacts avec les entreprises faisaient partie intégrante de la formation initiale et continue, ainsi que de l'activité quotidienne des conseillers d'orientation-psychologues, et que c'était donc leur faire un procès d'intention que de les accuser de ne pas connaître le monde de l'entreprise.

Elle a souhaité compléter les informations déjà communiquées à la délégation au cours des précédentes auditions par un certain nombre de précisions supplémentaires.

Insistant sur le rôle de l'identité, mis en lumière par la psychologie de l'orientation, elle a jugé que tout projet scolaire et professionnel résultait chez l'élève de la projection d'une image de soi possible et, qu'ainsi, les choix d'orientation étaient, en quelque sorte, instrumentalisés par un besoin d'affirmation identitaire, inévitablement sexué. Selon elle, il faut donc prendre en compte les inévitables résistances qui résultent des représentations individuelles que se font d'eux-mêmes les garçons et les filles, et chercher à faire évoluer les représentations chez les différents acteurs concernés : les jeunes élèves bien entendu, mais aussi leurs parents, les enseignants, sans oublier le monde du travail ; c'est à cette condition que l'on peut espérer élargir la liberté de choix des garçons et des filles au-delà des frontières dictées par les normes sociales.

Elle a estimé que si les efforts importants consentis jusqu'à aujourd'hui n'avaient pas encore obtenu les résultats escomptés, c'était parce que le souci de l'égalité entre hommes et femmes, déjà très présent dans le monde éducatif, devait maintenant s'étendre au reste de la société et, en particulier, au monde du travail.

Mme Sylvie Amici a rappelé que les conseillers d'orientation-psychologues étaient des professionnels, personnels de l'éducation nationale, et que, s'ils connaissaient l'entreprise, ils ne pouvaient connaître individuellement chacun de ses métiers, pas plus que les directeurs des ressources humaines et chargés de mission de recrutement dans les entreprises, avec lesquels ils étaient d'ailleurs en relations régulières.

Elle a ensuite insisté sur le fait que les formations à l'égalité des chances faisaient partie de la formation initiale des conseillers d'orientation-psychologues, et que l'un de ces instituts de formation, dépendant du Centre national des arts et métiers (CNAM), dispensait une formation sur ce thème, à raison de trois heures de cours hebdomadaires pendant un semestre.

Elle a décrit les conseillers d'orientation-psychologues comme des professionnels formés en sociologie, économie, statistiques et psychologie, intervenant tant auprès des équipes pédagogiques que des élèves et des familles. Elle a estimé que le travail mené auprès de ces équipes, à l'échelle des établissements, des districts ou de l'académie, ou en partenariat au sein d'actions locales, départementales ou régionales, constituait un travail « invisible » de sensibilisation, de formation, d'organisation et de participation.

Elle a ajouté que le travail mené auprès des élèves et de leurs familles pouvait soit prendre la forme d'actions collectives en classe, de travail en groupe, ou de projets spécifiques liés à des options particulières, soit consister en un suivi individuel, parfois depuis le collège, pour accompagner des choix ou soutenir des projets, qui repose sur des entretiens psychologiques centrés sur la personne, les ressources et les réticences éventuelles.

Elle a relevé que les familles, souvent favorables à une orientation vers les filières valorisées des études scientifiques pour les bonnes élèves, se montraient en revanche beaucoup plus réservées dès que l'on abordait les filières professionnelles de l'industrie.

Elle a estimé que d'une façon générale, au moment des choix difficiles, les filles, doutant plus souvent de leurs compétences, étaient, plus que les garçons, tentées de remettre en question leur orientation scientifique et de se replier, en cas de difficultés, sur des choix moins techniques. Elle a ajouté qu'elles avaient donc davantage besoin d'être confortées dans le sentiment de leur compétence scientifique pour aborder la phase de la sortie du système scolaire vers l'emploi.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a insisté sur le phénomène d'auto-dévalorisation souvent observé chez les jeunes femmes, qui explique, pour partie, leur accès limité aux métiers de l'informatique et de l'industrie.

Mme Sylvie Amici a constaté que les jeunes filles avaient tendance à rationaliser leurs choix d'orientation professionnelle en cherchant à concilier leurs projets de vie personnelle et les conditions de l'exercice d'un métier. Elle a souligné la nécessité d'effectuer un vrai travail de psychologue, au sein de l'éducation nationale, de manière à valoriser les jeunes filles et à renforcer le « sentiment de compétence » qu'elles doivent pouvoir éprouver pour mieux affronter les difficultés du marché du travail.

Mme Françoise Calvet a indiqué que les jeunes femmes avaient la sensation de devoir faire face à un véritable parcours du combattant dès leur sortie de l'école, laquelle demeure un univers relativement sécurisant, d'autant, a-t-elle observé, que les métiers les plus féminisés sont aussi les plus dévalorisés.

Mme Sylvie Amici a souhaité que ne soit pas négligé le cas des jeunes filles engagées dans des parcours professionnels courts, dans la plupart des cas à la suite d'un échec scolaire, et, bien souvent, en préambule à une carrière professionnelle discontinue. Elle a ajouté que l'accès à la formation continue et le dispositif de validation des acquis de l'expérience étaient beaucoup plus difficiles à mettre en oeuvre pour les femmes, qui ont souvent des trajectoires professionnelles « en pointillé », que pour les hommes. Par ailleurs, elle a mentionné les actions de l'association « Retravailler », fondée en 1974 par Mme Evelyne Sullerot, en faveur de la réinsertion professionnelle des femmes.

Puis Mme Sylvie Amici a signalé que, de façon générale, les jeunes filles avaient tendance à « décrocher » de l'école silencieusement, alors que les abandons scolaires se manifestent de façon plus tapageuse chez les garçons, par exemple par des comportements violents. Elle a constaté qu'il était très difficile de faire revenir dans un parcours de formation les jeunes filles ayant « décroché ».

Mme Françoise Calvet a observé que ce phénomène renvoyait, à travers les représentations dominantes, à l'obligation faite aux hommes de travailler, tandis que subsiste une tolérance à l'égard de l'inactivité professionnelle des femmes.

Prolongeant ces propos, Mme Sylvie Amici a estimé nécessaire d'accorder une attention toute particulière aux jeunes filles qui risquent d'abandonner leurs études.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors souligné l'importance de cette préoccupation, en rappelant la multiplication des familles monoparentales, dont les ressources dépendent, la plupart du temps, de l'accès à l'emploi de la mère.

Relayant les constatations des directeurs de centres d'orientation, Mme Françoise Calvet a tout d'abord rappelé que les inégalités entre les genres ne relevaient pas fondamentalement du système scolaire, mais plutôt des représentations au sein des familles et du monde du travail. Elle a, en conséquence, préconisé des politiques plus volontaristes, visant notamment à améliorer l'accueil des jeunes filles dans certains secteurs d'activité, afin que les conseillers d'orientation puissent témoigner sans hésitation, auprès des élèves, de la possibilité pour les jeunes femmes de s'insérer dans ces secteurs. Elle a mentionné, à ce sujet, la récente ouverture d'un garage créé par 13 femmes, dans une branche d'activité traditionnellement masculine.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé intéressante l'idée de mener des « politiques volontaristes », en se félicitant que le premier pas, c'est-à-dire la prise de conscience du déséquilibre entre les genres dans les métiers, ait pu être franchi.

Mme Sylvie Amici a évoqué les difficultés concrètes auxquelles donne lieu l'organisation de visites de groupes d'élèves en entreprise, en précisant que, trop souvent incomplètes et centrées sur les pôles de fabrication, ces visites ne montraient pas la diversité des métiers exercés.

Puis M. Yannick Bodin a mentionné les travaux ayant abouti à l'adoption du rapport d'information qu'il a présenté au nom de la commission des affaires culturelles, intitulé « Diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) : mettre fin à une forme de « délit d'initié » [n° 441 (2006-2007)]. Il a rappelé que tous les intervenants auditionnés dans le cadre de la préparation de ce rapport avaient insisté sur l'importance de l'orientation. Puis il a évoqué le rôle des enseignants et des familles, souvent tour à tour présentés comme responsables des défauts de l'orientation.

Se référant ensuite à son rapport, il a rappelé que les jeunes filles étaient minoritaires dans les classes préparatoires, puisqu'elles ne représentaient, en 2005-2006, que 41,6 % de l'ensemble des effectifs. Tout en signalant que ce chiffre correspondait à une progression d'environ 10 points depuis 1975, il a observé que les marges de progrès étaient encore fortes, puisqu'en 2005, près de 59 % des admis au baccalauréat général étaient des filles, dont 82,4 % en filière littéraire (L), 64,5 % en filière économique et commerciale (ES) et 46,6 % en filière scientifique (S) ; en outre, tous milieux sociaux confondus, 17 % des filles obtenant une mention au baccalauréat poursuivaient leurs études en CPGE, contre 25 % des garçons. Il a alors analysé les déséquilibres entre filles et garçons fréquentant les différentes filières de CPGE : les filles représentent moins de 30 % des effectifs des classes scientifiques, principal contingent des effectifs des CPGE, avec toutefois de fortes nuances selon les spécialisations, puisqu'elles constituent par exemple près de 70 % des effectifs des filières biologiques préparant aux écoles d'agronomie, alors qu'elles sont très largement majoritaires, à plus de 75 %, parmi les effectifs des classes littéraires, les effectifs des classes économiques étant plus équilibrés, avec 55 % de filles.

M. Yannick Bodin a observé que les défaillances de l'orientation étaient, à tort ou à raison, très souvent citées comme une source importante de dysfonctionnements du système scolaire ou de l'insertion professionnelle. A cet égard, il a cité des témoignages de personnes ayant réussi leur parcours professionnel en dépit d'un avis défavorable d'un conseiller d'orientation. Puis il a estimé intolérable que certains enseignants puissent considérer, en France, que l'orientation ne relève pas de leurs attributions, alors que, par exemple, au Québec tel n'est pas le cas. Rappelant que le nombre de conseillers d'orientation avoisine 4 500 au total, il a enfin souhaité que davantage de moyens soient consacrés à l'immense tâche que constitue l'orientation, afin de permettre, notamment, un suivi individuel des élèves.

Rejoignant les propos de M. Yannick Bodin sur la mission des enseignants, Mme Catherine Procaccia a estimé que ces derniers avaient un rôle essentiel à jouer en matière d'orientation et de transmission des représentations sociales. Elle s'est en conséquence demandé si les conseillers d'orientation ne devraient pas s'attacher prioritairement à former les enseignants à la pratique de l'orientation.

S'agissant des visites en entreprise, elle a convenu que ces dernières avaient tendance à privilégier le « visuel » et le spectaculaire, comme par exemple la visite des chaînes de montage. Elle a estimé préférable que les élèves puissent entendre les témoignages des salariés sur leurs différents métiers au cours de leur visite, plutôt que de pénétrer systématiquement dans leurs bureaux. Elle s'est enfin interrogée sur l'avenir des CIO, en témoignant du fait que les élèves y ont plus facilement accès à la documentation qu'à un entretien avec un conseiller.

Marquant son assentiment avec les propos de ses collègues, Mme Christiane Hummel a souhaité que les conseillers d'orientation puissent mener des actions d'information dans les conseils de classe et éclairer les représentations des parents à l'égard des parcours scolaires et professionnels. Elle a ensuite demandé si l'information spécifique donnée aux jeunes filles était délivrée par des hommes ou par des femmes. Elle a enfin mentionné les difficultés rencontrées sur le terrain par les jeunes femmes, dans certains métiers industriels ou techniques.

En réponse aux différents intervenants, Mme Sylvie Amici a souligné les difficultés et les paradoxes de la mission confiée aux conseillers d'orientation. Prenant l'exemple des campagnes d'information sur le tabac, qui malgré leur récurrence n'ont pas supprimé le tabagisme, elle a estimé que l'essentiel était, en matière d'orientation, de parvenir à sensibiliser les personnes au moment de leur parcours où elles sont le plus réceptives, avant de citer des cas concrets illustrant des réussites ponctuelles. Elle a enfin jugé souhaitable qu'au cours des visites et des stages en entreprise, tous les métiers puissent être montrés aux élèves.

Mme Catherine Procaccia , puis Mme Gisèle Gautier, présidente , ont alors rappelé les problèmes d'organisation concrets qui conduisent à privilégier certains lieux de visite dans l'entreprise, quitte à faire participer les salariés au dialogue avec les élèves, sans pour autant faire pénétrer ceux-ci dans leurs bureaux. En outre, Mme Catherine Procaccia a souligné les limites de l'apport d'un stage ou d'une visite de quelques heures ou de quelques jours, qui ne peuvent suffire à faire connaître le monde de l'entreprise.

Mme Sylvie Amici a souligné le paradoxe qui consiste à déplorer le manque de contacts des élèves avec l'entreprise, tout en reconnaissant la difficulté à rendre les stages véritablement efficaces.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors souligné les mérites du tutorat.

Rejoignant ce propos, Mme Françoise Calvet a expliqué combien il était difficile de chercher à satisfaire les désirs des jeunes, tout en prenant en compte leur niveau scolaire et les contraintes économiques des entreprises. Rappelant qu'un conseiller d'orientation était toujours présent à l'accueil dans les CIO, même si toutes les demandes de rendez-vous individuels ne pouvaient être satisfaites, elle a indiqué que certains parents se plaignant de n'avoir pas pu obtenir de rendez-vous pour leurs enfants avaient, en réalité, parfois reçu de la part d'un conseiller d'orientation des indications qui ne leur plaisaient pas.

Mme Odile Mallick a fait part des craintes de son association à l'égard de l'avenir des centres d'information et d'orientation. Elle a exprimé le souhait que les conseillers d'orientation puissent continuer à travailler dans le cadre du service public et souligné que la cohérence de leur action avec celle des enseignants nécessitait le maintien de leur implantation au sein du système scolaire. Soulignant l'originalité du dispositif français, qui associe orientation et psychologie, elle a redouté que la France ne décide de se rapprocher du « standard européen », dans lequel ce sont plutôt des enseignants, et non des psychologues, qui sont chargés de l'orientation. Puis elle a rappelé la faiblesse des effectifs actuels, soit un conseiller d'orientation pour 1 400 élèves du secondaire. Elle a également souligné que l'accueil du public dans les centres d'information et d'orientation était assuré 35 à 40 heures par semaine, y compris durant une grande partie des congés scolaires. Elle a conclu en déplorant certains reproches faits aux conseillers d'orientation, qu'elle a analysés en renvoyant au phénomène du « bouc émissaire » : en effet, l'échec d'un parcours se traduit par un ressentiment à leur encontre, tandis que les réussites ne sont pas portées à leur actif.

M. Yannick Bodin a rappelé qu'il avait souhaité, non pas stigmatiser les conseillers d'orientation, mais rappeler les nombreuses préoccupations exprimées à l'occasion des différents travaux parlementaires. Évoquant la mission du système éducatif en matière de transmission des savoirs, il a regretté que son rôle d'orientation vers la vie professionnelle soit moins souvent cité et insuffisamment pris en compte, avant de souligner que, comme au Québec, la présence des conseillers d'orientation dans les établissements scolaires devrait être maintenue.

Il a jugé nécessaire d'en finir avec la pratique consistant, pour certains enseignants, à mentionner « élève médiocre, devra être orienté » sur les carnets scolaires, ce qui tend à assimiler orientation et échec scolaire.

Mme Sylvie Amici a précisé qu'au Québec, les conseillers d'orientation avaient également une formation de psychologue.

Mme Sylvie Cheula a rappelé que les décisions d'orientation étaient prises par le chef d'établissement et les professeurs. Elle a ensuite souligné le caractère essentiel de la mission du CIO en tant qu'observatoire du « bassin scolaire » environnant, ainsi que sa participation à la formation des enseignants. Elle a enfin regretté la diminution des recrutements de conseillers d'orientation, 50 postes étant ouverts cette année au concours, pour 300 départs en retraite.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu cette audition en soulignant l'intérêt qui s'attache, de manière générale, à rectifier les jugements « a priori » .

Audition, dans le cadre d'une table ronde,

de Mmes Marie-Caroline Guérin, Nina Charlier, et Sophie Boniface, membres de la commission « droits des femmes » de la Fédération syndicale unitaire (FSU),
de M. Albert Ritzenthaler, secrétaire national,et de Mme Fanchette Le Neuthiec, secrétaire fédérale, des Syndicats généraux de l'Education nationale - Confédération française démocratique du travail (SGEN-CFDT),
de Mme Michèle Houel, vice-présidente, de Mlle Claire Mazeron, secrétaire nationale à la pédagogie, et de M. Richard Piquet, administrateur général, du Syndicat national des lycées et collèges (SNALC)

(23 janvier 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a présenté les diverses organisations syndicales en se félicitant de la tenue de cette table ronde et en rappelant que la délégation avait retenu comme thème d'étude au cours de cette session parlementaire l'orientation et l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un équilibre entre femmes et hommes dans l'ensemble des métiers.

A la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente , Mme Marie-Caroline Guérin , après avoir précisé qu'elle était conseillère principale d'éducation et animatrice de la commission du « secteur femmes » de la FSU, a évoqué les raisons de la création, il y a une dizaine d'années, de ce « secteur femmes », en signalant notamment l'utilité de l'élaboration d'une documentation sur l'orientation et les carrières, mise à la disposition des enseignants, pour les aider à prendre en compte la lutte contre les stéréotypes sexués.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors interrogé les intervenants sur le poids respectif des freins culturels, familiaux et éducatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes au niveau de l'orientation.

Mme Fanchette Le Neuthiec , après avoir indiqué qu'elle était conseillère d'orientation-psychologue, a estimé que ces freins étaient avant tout psychologiques et a insisté sur l'importance de l'image des métiers, qui est inculquée aux enfants dans leur famille. Elle a ensuite souligné que l'effort de sensibilisation devait porter non seulement sur les filles, mais encore sur les garçons, en prenant l'exemple de femmes soudeuses qui avaient été dissuadées de poursuivre l'exercice de cette profession, en raison de l'accueil qui leur avait été réservé par leurs collègues masculins.

Mme Nina Charlier , après avoir précisé qu'elle était professeur d'éducation physique, a estimé que, comme les autres institutions, l'école ne pouvait pas échapper à sa part de responsabilité dans la persistance des inégalités entre les genres. Puis elle a considéré qu'il convenait de dépasser le terme de « mixité » et de lui préférer le concept et la pratique de la « co-éducation ». Elle a ensuite rappelé que l'instauration en 1975, principalement pour des raisons économiques, de la mixité des classes n'avait pas été accompagnée d'un effort pédagogique suffisant pour que l'école ne demeure pas un « lieu manifeste d'éducation sexuée ». A cet égard, elle a également évoqué le « langage masculin neutre » des manuels scolaires. Elle a enfin souligné que la mixité, qui avait constitué l'une des plus profondes révolutions pédagogiques, mais aussi l'une des plus invisibles, devait aussi être considérée comme une valeur et une richesse, dans le cadre d'une véritable « co-éducation ».

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est alors interrogée sur la formation et la sensibilisation des enseignants à l'égalité des chances entre femmes et hommes.

Mme Nina Charlier a jugé nécessaire de rendre obligatoires des modules de formation sur cette question dans les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), à l'intention des élèves enseignants.

Mlle Claire Mazeron , après avoir indiqué qu'elle était professeur d'histoire-géographie, a estimé que la source majeure des blocages se situait dans les phénomènes d'auto-censure, plutôt qu'à l'école, et a insisté sur l'importance du rôle de la famille et des médias. Elle a également regretté la persistance d'obstacles émanant du monde des entreprises, en prenant l'exemple de la préférence marquée des employeurs pour des apprentis de sexe masculin dans le secteur du bâtiment. Elle a précisé que les chefs d'entreprise considéraient souvent que les femmes effectuaient un travail certes de meilleure qualité, mais moins rapide que celui des hommes, et qu'elles risquaient d'être moins disponibles, en raison de leurs obligations familiales.

Mme Sophie Boniface , après avoir indiqué qu'elle était directrice de centre d'information et d'orientation (CIO), a souligné que les représentations des familles étaient très souvent assises sur leur expérience bien réelle du monde du travail. Elle a ensuite rappelé que l'orientation scolaire avait lieu, en classe de 3 e ou de 2 de , lors de l'adolescence, au moment où les élèves sont en pleine « construction de genre » et ont souvent une fragilité identitaire. A partir de ces constatations, elle a évoqué la difficulté de la tâche « au long cours », qui consiste à transformer les représentations des familles, des enseignants et du monde du travail, tout en faisant observer que l'Éducation nationale n'avait « pas la main » sur le monde professionnel. Elle a insisté sur les difficultés souvent rencontrées par les jeunes filles au moment de l'embauche, puis de l'insertion professionnelle, et a estimé qu'il était nécessaire de les accompagner de manière suivie dans leurs choix.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est demandé s'il ne convenait pas d'intervenir dès en amont de la classe de quatrième ou troisième pour faire évoluer les stéréotypes de genre.

Mme Marie-Caroline Guérin , convenant qu'à cet égard, « le plus tôt est le mieux », a cependant rappelé que la période charnière, du point de vue de l'orientation scolaire, était celle de la classe de troisième. De façon concrète, elle a ensuite évoqué l'isolement difficile à vivre des jeunes filles qui s'orientent dans certaines filières industrielles essentiellement masculines.

M. Richard Piquet , après avoir précisé qu'il était professeur d'éducation physique, a évoqué son expérience d'enseignement en lycée professionnel, en prenant l'exemple de jeunes filles qui ont acquis une qualification de conductrice routière, mais qui finalement n'exercent pas le métier pour lequel elles ont été formées. En réponse à Mme Joëlle Garriaud-Maylam , il a précisé que la principale raison de cette situation était la difficulté de concilier la profession de chauffeur routier avec la vie de famille.

Prolongeant ces constatations, Mme Fanchette Le Neuthiec a cité le cas de jeunes filles ayant obtenu une qualification en mécanique, en expliquant que seules les femmes exerçant des fonctions de responsabilité dans un garage étaient réellement parvenues à s'insérer professionnellement dans ce secteur. Puis elle a signalé l'existence et l'utilité de la « valise égalité-mixité », qu'elle avait contribué à élaborer sous l'égide de l'ONISEP, tout en jugeant souhaitable un accroissement des moyens humains pour permettre d'intervenir et de diffuser l'information dans toutes les classes de quatrième.

Mme Nina Charlier , rappelant qu'en dépit de leurs meilleurs résultats scolaires, les filles ont des carrières professionnelles moins gratifiantes que les garçons, a estimé que les enseignants devaient prendre conscience du fait que leur activité professionnelle était susceptible de produire de l'inégalité, une étude ayant montré que les interactions entre enseignants et élèves étaient différentes selon que l'enseignant s'adresse à un garçon ou à une fille. Elle a donc jugé primordiale la question de la formation des enseignants.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a noté qu'un accord unanime semblait se manifester sur le constat de la situation et que toute la difficulté consistait à mettre au point des solutions concrètes. Afin de pallier le manque de moyens, évoqué par les intervenants, elle a suggéré de désigner au sein de chaque établissement un enseignant qui jouerait le rôle de correspondant et de relais en matière d'égalité des genres, en s'inspirant de pratiques mises en oeuvre à l'étranger. Puis elle a interrogé les intervenants sur la question de la féminisation des titres et sur son impact, en précisant qu'elle était plutôt favorable au « neutre », tout en remarquant que celui-ci était également masculin.

Par ailleurs, elle a rappelé qu'elle avait constaté au cours d'une année d'études en Tchécoslovaquie, il y a une trentaine d'années, que de nombreuses femmes effectuaient des travaux physiques et exerçaient des métiers tels que chauffeur d'autobus. Elle s'est enfin inquiétée d'un phénomène de parallélisme entre la féminisation et la dévalorisation de certaines professions, qu'elle avait relevé à cette époque en Tchécoslovaquie s'agissant de la profession de médecin.

Mme Fanchette Le Neuthiec a indiqué que tous les noms de profession étaient désormais féminisés dans les brochures de l'ONISEP, tout en exprimant des doutes sur l'impact réel de cette féminisation terminologique.

Mme Nina Charlier a relevé que Madame le Recteur de l'académie de Caen qui, a-t-elle noté, ne souhaite pas féminiser son titre, avait mis en place un « correspondant égalité » dans chaque établissement scolaire, ce qu'elle a considéré être un exemple de bonne pratique. Puis elle a signalé que la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité (HALDE) venait de lancer une étude sur l'insuffisante féminisation des manuels scolaires.

Mlle Claire Mazeron , tout en se montrant réservée sur le terme de « professeure », a estimé que l'efficacité de la mise en place d'un « correspondant égalité » dépendrait du public auquel il s'adresserait. Elle a ajouté que pour des raisons culturelles, tout particulièrement dans les « zones sensibles », les familles étaient souvent réticentes à laisser les jeunes filles s'éloigner de leur domicile pour suivre une formation spécialisée.

Mme Marie-Caroline Guérin s'est déclarée farouchement favorable à la féminisation des appellations professionnelles, en faisant observer que le langage n'était pas neutre pour les élèves. Elle a ensuite jugé souhaitable de dégager un poste à mi-temps par académie pour permettre à un(e) chargé(e) de mission motivé(e) par le thème de l'égalité des genres d'y investir ses compétences. Puis elle a souhaité que soient organisées, sur ce même thème, des campagnes de sensibilisation systématiques et renouvelées chaque année, ainsi qu'une semaine consacrée à diverses manifestations et expositions autour de la journée du 8 mars. Elle a enfin souligné la nécessité d'associer les entreprises à ces campagnes d'information afin d'attirer les filles vers des métiers masculins.

M. Albert Ritzenthaler a regretté que les tentatives de féminisation des titres n'aient pas été suffisamment relayées par les médias et par la pratique quotidienne. Il a jugé important, mais non déterminant, d'intensifier l'effort d'utilisation effective du langage féminisé. Il a ensuite décrit le processus selon lequel les élèves de même sexe tendent à se rassembler dans les mêmes établissements scolaires pour se retrouver entre eux, ce qui explique la crainte de certaines filles de s'engager dans des filières fréquentées majoritairement par des garçons. Il a donc jugé souhaitable de mettre en place un accueil spécifique des jeunes filles dans ces filières. Il a enfin souligné la haute valeur d'exemplarité des expériences réussies et de la communication entre les élèves et leurs prédécesseurs, ainsi que l'intérêt des systèmes de parrainage ou de tutorat, qui doivent compléter des campagnes d'information utiles, mais à l'efficacité limitée. Il a enfin souligné l'importance de la politique menée par les régions, dans le cadre du schéma régional des formations.

Souhaitant dépasser un certain nombre de constats de fait qui sont très largement partagés, M. Yannick Bodin a demandé aux représentants des syndicats d'enseignants d'exprimer leur point de vue sur les solutions qui pourraient être envisagées pour faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes. Il a cité, par exemple, la féminisation des noms de métiers, pratiquée depuis longtemps par le Québec, et qui a, à tout le moins, le mérite d'attirer l'attention et de susciter un débat sur des faits linguistiques qui, jusqu'alors, semblaient aller de soi.

Évoquant ensuite la question de l'orientation des filles, il a souligné l'impasse que peuvent constituer certaines filières de formation, que le ministère de l'éducation nationale semble plus particulièrement destiner aux filles, mais qui ne débouchent pas sur les emplois correspondants. Reprenant les données citées dans son rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur « la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles », il a rappelé que les jeunes filles, qui constituent chaque année 59 % de l'effectif global des bacheliers, ne représentent plus ensuite que 41,6 % de l'effectif des classes préparatoires aux grandes écoles, cette moyenne recouvrant de fortes disparités suivant les filières : les filles forment 75 % des élèves de « prépas » littéraires, 55 % des « prépas » commerciales et 30 % seulement des « prépas » scientifiques. Il s'est demandé quel était le poids respectif, dans ces distorsions, de l'auto-censure des élèves elles-mêmes et des pesanteurs familiales, voire culturelles, particulièrement fortes dans certains milieux. Il a insisté sur le fait que la saturation des établissements ne pouvait être invoquée comme explication, dans la mesure où de nombreuses écoles d'ingénieur fonctionnent tout juste à la moitié de leur capacité d'accueil.

Tout en déclarant comprendre les considérations pragmatiques qui conduisent les responsables de l'orientation des élèves à prendre en compte la société et le marché du travail tels qu'ils sont, il a souhaité que soient à l'avenir proscrites des formules du type « Je vous propose cette formation parce que vous êtes une fille ».

Revenant ensuite sur la composition du corps enseignant, il a estimé qu'une féminisation trop poussée pouvait ne pas être sans inconvénient, tout en reconnaissant certaines réalités qui conduisent à considérer le métier de professeur sous l'angle du deuxième salaire.

Il a, pour finir, insisté sur l'importance de la formation des maîtres et, plus généralement, des personnels de l'éducation, à la problématique de l'égalité, estimant qu'elle devrait faire l'objet d'un module d'enseignement spécifique et obligatoire, intégrant les questions d'orientation.

Mme Marie-Caroline Guérin a estimé que la forte proportion de femmes dans le corps enseignant s'expliquait notamment par les garanties qu'offre l'anonymat du concours.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé si la volonté de procéder à une forme de rééquilibrage de la composition du corps enseignant au profit des hommes ne conduisait pas, parfois, à privilégier des candidats masculins de moindre niveau.

M. Yannick Bodin s'est demandé s'il n'était pas, malgré tout, souhaitable de conserver un minimum de professeurs masculins dans les établissements scolaires.

Insistant sur le caractère crucial de l'équité salariale, Mme Marie-Caroline Guérin a souhaité un rééquilibrage des salaires entre les différents métiers, allant de pair avec une plus grande égalité dans leur répartition par sexe.

Revenant sur les garanties que présente pour les femmes l'anonymat du concours, elle a estimé que l'instauration de quotas par sexe, en faveur des candidats masculins, entraînerait des répercussions négatives sur l'avenir des femmes au travail.

Mme Nina Charlier a estimé que des études récentes avaient permis de dénoncer le mythe qui prétend que les carrières de l'enseignement ne jouent qu'un rôle de deuxième salaire, en montrant que les deux éléments d'un couple sont généralement d'un niveau professionnel équivalent. Convaincue qu'une augmentation des salaires des enseignants serait cependant nécessaire, elle a noté que le recours aux heures supplémentaires n'était cependant pas la solution adaptée, dans la mesure où les femmes doivent faire face à des tâches familiales prenantes.

Elle a rappelé qu'en matière d'éducation physique et sportive, l'existence jusqu'au début des années quatre-vingt-dix de deux concours distincts, pour les hommes et les femmes, avait permis une stricte parité parmi les enseignants, et avait ainsi constitué un outil efficace de lutte contre les stéréotypes. Elle a constaté que l'unification ultérieure de ces deux concours s'était traduite par une érosion régulière et continue de la proportion de femmes ainsi recrutées, qui a abouti aujourd'hui à un écart d'environ dix pour cent entre les hommes et les femmes.

Évoquant la responsabilité qui doit être celle des enseignants, elle a souhaité que ceux-ci soient attentifs à ces questions d'équilibre entre les sexes dans les activités qu'ils proposent à leurs élèves, et que des statistiques sexuées sur les résultats scolaires des élèves soient effectuées en fin de trimestre.

Mme Fanchette Le Neuthiec a estimé que l'on commettrait une lourde erreur en ne s'adressant qu'aux filles pour promouvoir l'égalité entre les sexes, et que les garçons devaient également faire l'objet d'une éducation attentive sur ces questions.

Revenant sur la féminisation du corps enseignant, elle a estimé que les meilleurs résultats des candidates par rapport aux candidats s'expliquaient par le caractère sélectif de ces épreuves, et par le fait que les filles avaient de meilleurs résultats scolaires que les garçons : ayant tendance à douter d'elles-mêmes, elles travaillaient ainsi davantage et parvenaient à un meilleur niveau.

Elle a précisé à Mme Gisèle Gautier, présidente , que le SGEN-CFDT était un syndicat général et qu'à ce titre, il comportait également une représentation des conseillers d'orientation-psychologues.

M. Albert Ritzenthaler a ajouté que les représentants des différentes professions entretenaient des contacts réguliers au sein du syndicat CFDT, et participaient notamment à des groupes de travail sur l'égalité salariale. Il a déclaré partager l'analyse suivant laquelle ce sont les garanties apportées par l'anonymat des concours qui ont contribué à la féminisation du corps enseignant.

Estimant que des progrès restaient à faire du côté des entreprises, il a souhaité que le monde enseignant développe avec celles-ci des partenariats plus réguliers reposant sur des critères définis en commun, et que les projets d'établissement comprennent un « volet orientation ».

M. Yannick Bodin a jugé qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce que l'on retrouve les garçons dans des métiers d'ingénieurs, et les filles plutôt dans les concours de la fonction publique, compte tenu des choix différents qu'ils opèrent dans les filières de l'enseignement supérieur, voire dès avant le baccalauréat.

Mlle Claire Mazeron a convenu que le choix de la filière d'études conditionnait en effet l'orientation professionnelle ultérieure, tout en relevant que les filières littéraires offraient, dans l'ensemble, moins de débouchés que les filières scientifiques et conduisaient plus fréquemment à exercer le métier d'enseignant. Quant au salaire des enseignants, elle a jugé, même s'il était abusif de n'y voir qu'un salaire d'appoint, qu'il pouvait difficilement prétendre au rang de premier salaire, compte tenu de son niveau (1 300 € nets mensuels en début de carrière), dont il faut bien reconnaître qu'il n'est guère attractif.

Jugeant intéressante l'idée de créer dans les établissements scolaires des correspondants chargés de ces questions de parité et d'égalité des sexes, elle a toutefois insisté pour que leur action ne s'oriente pas en direction des seuls enseignants, mais que, dans un souci d'efficacité, elle s'adresse également aux familles, car beaucoup de choses se passent très en amont des choix opérés à la sortie du collège.

Convaincu que la persistance de certains schémas tenait à la société tout entière, et non aux seules familles, M. Richard Piquet a estimé que faire évoluer les représentations collectives en matière de distribution des rôles entre les hommes et les femmes relevait d'une action de longue haleine, à laquelle tout le monde, y compris les enseignants, devait contribuer. Il a souligné l'intérêt des témoignages que peuvent apporter des femmes qui ont réussi des carrières hors normes.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a vu dans le nombre de pères qui prennent désormais des congés parentaux le signe d'une évolution positive des esprits sur la question de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

Apportant à l'appui de ce diagnostic son témoignage personnel, M. Richard Piquet a indiqué qu'il avait pendant cinq ans pris un emploi à mi-temps, pour s'occuper de ses enfants.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a nuancé ces constats en estimant que le partage des tâches familiales au sein des couples restait, sans doute plus qu'on ne veut bien le dire, en défaveur des femmes.

M. Yannick Bodin a estimé à son tour que l'évolution des mentalités devait être l'affaire de tous, et que le recours à la loi ou à des réglementations n'était pas le seul moyen d'action. Il s'est cependant déclaré convaincu de l'intérêt d'un accueil précoce des enfants à l'école, jugeant qu'il pouvait constituer un levier efficace pour lutter contre certaines pesanteurs culturelles ou sociologiques.

Après avoir indiqué qu'elle était professeur d'anglais, Mme Michèle Houel , insistant sur la responsabilité du marché du travail et des employeurs, a estimé que le succès des concours de la fonction publique auprès des femmes tenait aux garanties qu'ils leur apportaient d'une absence de discrimination à l'embauche, alors que, dans de nombreuses filières du secteur privé, les femmes savent qu'elles ont peu de chances d'être recrutées, sans même parler des discriminations dont font l'objet les femmes enceintes : il n'est pas rare que des femmes soient licenciées après un congé de maternité. Elle a invité à ne pas sous-estimer la force de ces freins à l'embauche, et n'a pas jugé anormal que l'on hésite à orienter des jeunes filles dans des voies où l'on sait qu'elles ne pourront que difficilement et imparfaitement tirer parti de leurs compétences et de leur formation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est insurgée contre les réticences exprimées par certains chefs d'entreprise à recruter des candidates, sous prétexte qu'elles seraient susceptibles de prendre un congé de maternité, et a rappelé que contrairement aux congés maladie, ces congés étaient prévisibles, et permettaient à l'entreprise de planifier les remplacements. Elle a estimé qu'il relevait de la responsabilité des élus de contribuer à sensibiliser les entreprises sur ces questions.

M. Yannick Bodin a jugé à son tour que les entreprises devaient adapter leur organisation pour prendre en compte ces réalités, estimant qu'il n'y avait rien de choquant, au contraire, à ce qu'une jeune femme qui, après plusieurs contrats à durée déterminée, viendrait d'obtenir un contrat à durée indéterminée, profite de cette garantie de stabilité pour décider d'avoir un enfant.

Revenant sur la féminisation des noms des métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente , a remarqué que, d'abord réservée à l'idée de féminiser son titre de sénateur, elle s'y était finalement résolue quand elle y avait vu un moyen de mettre en évidence la présence des femmes au Sénat.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a jugé que la féminisation des titres était plus entrée dans les moeurs à l'étranger qu'en France. Elle a souhaité que la parité, inscrite dans la composition du gouvernement actuel, se retrouve également dans la composition des cabinets ministériels, et en particulier dans ceux des femmes ministres, regrettant à ce propos que celles-ci ne montrent pas davantage l'exemple.

Abondant en ce sens, Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé qu'elle avait interrogé le gouvernement sur ce sujet en déposant une question écrite, tandis que M. Yannick Bodin a déploré une certaine régression de la proportion de femmes dans les promotions récentes de l'École nationale d'administration (ENA).

M. Albert Ritzenthaler a déploré que les freins à l'embauche des femmes soient très présents dans les petites et les très petites entreprises, alors que ces structures sont aujourd'hui fortement créatrices d'emplois. Il a jugé indispensable un effort en direction des centres de formation des apprentis, de façon à ce qu'à l'avenir un plus grand nombre de femmes puissent y être accueillies et trouver ensuite du travail.

Mme Nina Charlier a rappelé que le débat sur la terminologie qui est intervenu dans les années 1988-1990 avait achoppé sur la question des titres, en observant que les fonctions hiérarchiques restaient majoritairement occupées par des hommes.

M. Yannick Bodin a appelé l'Éducation nationale au respect scrupuleux de la circulaire du 6 mars 1998 relative à la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre, signée par M. Lionel Jospin, alors Premier ministre.

Mme Nina Charlier a affirmé que l'Éducation nationale avait le devoir de mettre en oeuvre, dans sa composante d'égalité des genres, le programme établi par l'Éducation nationale dans le cadre de l'option facultative de découverte professionnelle de trois heures en classe de troisième.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a invité les intervenants à tenir informés les parlementaires de toute discrimination de genre constatée sur le terrain.

Mme Sophie Boniface a regretté que la réflexion sur la complémentarité entre les personnels enseignants et ceux chargés de l'orientation ne soit pas suffisamment développée. Elle a rappelé que la construction de genre s'effectuait « sous le regard des autres » et évoqué les difficultés particulières rencontrées par les filles dans les zones ou quartiers sensibles, où l'on constate aujourd'hui plutôt un recul qu'une avancée de l'égalité des genres. Elle a ensuite indiqué que la parité entre filles et garçons dans les écoles de commerce ne se prolongeait pas par une proportion satisfaisante de femmes parmi les cadres, notamment dans le secteur bancaire. Puis elle a suggéré l'élaboration de comparaisons internationales à l'échelle européenne pour mieux mesurer la désaffection des filles à l'égard des disciplines scientifiques.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a approuvé ce dernier propos en soulignant qu'il convient avant tout d'observer les expériences réussies.

Mme Fanchette Le Neuthiec s'est prononcée en faveur de la généralisation à tous les élèves de troisième de l'option facultative de découverte professionnelle.

En conclusion, Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est félicitée de l'intérêt et de l'originalité des apports des divers intervenants pour l'enrichissement des travaux et des futures recommandations de la délégation.

Audition, dans le cadre d'une table ronde,

de M. Faride Hamana, président, de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE),
de Mme Corinne Tapiero, vice-présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP),
accompagnée de Mme Bernardette Crenet-Held, trésorière adjointe de l'association,
de Mme Dominique Dhooge, membre du bureau national de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL),
accompagnée de M. Christophe Abraham, délégué aux relations extérieures de l'UNAPEL
de Mme Anna Ang, secrétaire générale de l'Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE),
accompagnée de Mme Marie-Christine Buge-Longour, présidente de l'Union régionale des associations autonomes de parents d'élèves (URAAPE) Ile-de-France

(30 janvier 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé les raisons pour lesquelles la délégation avait décidé de rechercher les voies d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers, en rappelant les inégalités qui peuvent être observées aujourd'hui en matière d'orientation et d'accès à certaines filières, notamment techniques ou scientifiques. Puis elle a demandé aux représentants des parents d'élèves de préciser quels étaient, dans ce domaine, leurs interlocuteurs privilégiés et leurs méthodes de travail.

M. Faride Hamana a insisté sur le besoin d'information des familles et des élèves, tout particulièrement à l'occasion des deux principaux paliers d'orientation que constituent les classes de troisième et de terminale. Il a ensuite souligné sa préoccupation à l'égard des familles dont les enfants s'orientent vers l'enseignement professionnel et appelé l'attention sur un certain nombre de filières professionnelles du secteur tertiaire, dépourvues de débouchés réels sur le marché de l'emploi. Puis il a regretté que certains enseignants ne soient pas toujours bien formés aux mécanismes de l'orientation et continuent parfois à se référer à des schémas préconçus au plan scolaire ou professionnel. Il a également souhaité un effort accru de la part des entreprises pour permettre aux femmes de prendre toute leur place dans les filières industrielles et technologiques.

M. Faride Hamana a signalé qu'un grand nombre de parents se trouvaient aujourd'hui en situation de « quête d'information », comme en témoigne leur comportement lors des salons consacrés à l'éducation et à l'orientation. Il a évoqué, dans l'enseignement agricole, l'exemple de la filière hippique, à présent très majoritairement féminisée, mais sans débouchés professionnels satisfaisants. Plus généralement, il a déploré que certains chefs d'établissements cherchent à « remplir » certaines filières professionnelles, sans prêter une attention suffisante à leur adaptation au marché de l'emploi.

Mme Corinne Tapiero a, en préambule, résumé sa position en indiquant que l'école péchait par une efficacité insuffisante en matière d'orientation et d'information. Elle s'est ensuite dite gênée par la pratique de l'orientation « par défaut » vers les formations de l'enseignement professionnel, en rappelant que celles-ci avaient également vocation à être des voies d'excellence. A propos de la féminisation de l'Éducation nationale, elle a rappelé qu'au cours des années 1974-1981, la montée du chômage avait eu pour effet d'attirer vers la fonction d'enseignant des femmes soucieuses de concilier leur vie familiale et professionnelle. Elle a estimé que la raréfaction des enseignants masculins pouvait avoir des conséquences dommageables pour l'équilibre des élèves.

Par ailleurs, elle a regretté que certains enseignants n'aient, au cours de leur vie professionnelle, aucun contact avec le monde de l'entreprise. Elle a ensuite souligné les inégalités territoriales de l'offre de formation professionnelle, avant de faire observer que la filière de l'enseignement agricole offre bien des débouchés, mais non dans le secteur hippique, où les jeunes filles sont majoritairement présentes. Elle a enfin relevé les difficultés concrètes d'accès des filles à certains stages à connotation très « physique », ainsi que la moindre mobilité professionnelle des femmes déjà engagées dans la vie familiale.

Mme Bernadette Crenet-Held a alors fait observer que les femmes avaient bien souvent des perspectives de carrière moins attractives que celles des hommes, tout particulièrement lorsqu'elles se dirigent vers des filières techniques ou scientifiques, et que, dans le monde de l'entreprise, elles étaient souvent pénalisées par les interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants.

Après avoir regretté à son tour l'orientation « par défaut » vers l'enseignement professionnel, Mme Dominique Dhooge a souligné la nécessité de préparer très en amont l'orientation et de développer l'aide à la parentalité pour permettre aux familles de réactualiser certains schémas de réussite professionnelle ou scolaire, aujourd'hui dépassés. Elle a précisé, à la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente , les moyens par lesquels l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) s'efforçait d'y concourir, grâce notamment à des permanences téléphoniques, à diverses publications et à un site Internet. Puis elle a analysé, à partir de l'exemple de la présence croissante des femmes dans le secteur médical, la complexité des processus selon lesquels les filles ont, en moyenne, de meilleurs résultats que les garçons aux examens et concours, mais opèrent des choix d'orientation différents en fonction de leurs attentes familiales et professionnelles.

M. Christophe Abraham a tout d'abord évoqué les dysfonctionnements actuels du système de l'orientation, qui sont susceptibles de causer de graves dégâts, et a estimé qu'il faudrait repenser ce système. Soulignant que les parents devaient être de véritables acteurs de l'orientation, il a indiqué, qu'à l'heure actuelle, les représentants des associations de parents avaient parfois des difficultés à trouver leur place dans les établissements pour y jouer leur rôle d'information auprès des élèves et de leurs parents, et tout particulièrement auprès des familles en difficulté. Il a ensuite rappelé que la plupart des femmes avaient la volonté de concilier leur vie professionnelle et familiale, et a jugé nécessaire que les entreprises facilitent cette conciliation, en évoquant la convention nationale pour la mise en oeuvre de la découverte des métiers et des professions, signée le 22 novembre 2007 entre le ministère de l'éducation nationale, le Medef, les organisations interprofessionnelles et les fédérations de parents d'élèves. Il a enfin souhaité un renforcement du rôle des régions en matière d'orientation et d'information sur les métiers dans les bassins locaux d'emploi.

Mme Christine Buge-Longour a, au préalable, observé que « plus de filles sont prêtes à faire de la mécanique que de garçons à faire de la couture ». Puis elle a souligné la nécessité de bien distinguer, en fin de classe de 3 e , les orientations de nature scolaire, vers des études longues, de celles qui ont une finalité d'insertion professionnelle directe. Elle a également évoqué la difficulté, pour les familles et les acteurs de l'orientation, de connaître la totalité des branches et des métiers, alors même que ceux-ci sont en évolution permanente.

Mme Christine Buge-Longour a précisé que l'on était plus souvent soucieux de l'« affectation » des filles dans des établissements où un accueil satisfaisant peut leur être réservé, que de leur orientation professionnelle stricto sensu . A cet égard, elle a témoigné de ce qu'un grand nombre de chefs d'établissement étaient en fait ravis d'accueillir des jeunes filles dans des filières traditionnellement considérées comme masculines. Elle a également préconisé un accompagnement personnalisé des jeunes filles durant toute leur scolarité, et non pas seulement les premiers temps de leur arrivée dans un établissement. Elle a enfin estimé que la validation des acquis professionnels était particulièrement nécessaire, quoique très difficile, pour les femmes qui n'ont pas de parcours professionnels linéaires. Elle a d'ailleurs souligné que bien des femmes exerçaient des formes d'activité autres que des formes d'activité rémunérées.

Mme Anna Ang a, de façon générale, appelé à travailler de façon plus efficace dans les établissements scolaires. Elle a illustré son propos en évoquant la multiplication, dans une même section professionnelle, d'options mal connues, et les incertitudes que suscite cette extrême spécialisation au moment de l'orientation, faute d'une information suffisante. Elle a ensuite recommandé de développer les interventions des entreprises dans les établissements scolaires, ainsi que l'organisation de journées « portes ouvertes », pour susciter la réflexion des élèves et éclairer concrètement leur prise de décision au moment de l'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors interrogé les intervenants sur leurs relations avec les conseillers d'orientation et sur leurs réflexions en matière de formation des enseignants à l'orientation. Elle s'est enfin demandé qui, des familles, des enseignants, des conseillers d'orientation ou des élèves décidait réellement de l'orientation.

Mme Corinne Tapiero a constaté que la plupart des parents ne se rendaient dans les centres d'information et d'orientation (CIO) que lorsqu'ils avaient préalablement élaboré un projet d'orientation pour leur enfant. Elle a, en revanche, signalé que parmi les parents qui auraient le plus besoin d'un appui, certains d'entre eux, paralysés par la crainte de l'échec scolaire ou professionnel, n'osaient pas s'y adresser. Elle a ensuite insisté sur la nécessité du respect, par les élèves et les familles, de l'autorité, de la transmission du savoir et des règles de fonctionnement des classes. Rappelant qu'in fine les décisions d'orientation étaient prises par l'administration, alors que celle-ci échoue parfois en procédant à des orientations « par défaut », elle a signalé que, de façon générale en Europe, les parents souhaitaient jouer un rôle plus décisif en matière d'éducation et d'orientation. Elle s'est enfin vivement inquiétée des conséquences à long terme des mécanismes actuels d'orientation « par défaut » vers des filières supposées moins valorisantes, qu'elle a considérées comme contribuant à construire la « nouvelle pauvreté de demain ».

Mme Anna Ang a alors évoqué les disparités entre les établissements scolaires et l'implication variable des chefs d'établissement en matière d'orientation.

A propos des conseillers d'orientation, M. Faride Hamana a souhaité que l'accès à cette profession ne soit pas réservé aux seuls psychologues et que l'on diversifie leur recrutement en faisant appel à d'autres filières de formation, par exemple les filières littéraires ou juridiques. Il a particulièrement insisté sur la nécessité, pour les conseillers d'orientation, d'avoir une connaissance concrète des métiers, ancrée dans la réalité locale, et a considéré que les conseils régionaux avaient un rôle à jouer en la matière. Puis il a déploré la rigidité des procédures d'orientation et la désinvolture avec laquelle sont parfois prises des décisions engageant l'avenir des enfants, en faisant observer que les phénomènes de violence constatés dans certains lycées professionnels étaient parfois imputables à des erreurs d'orientation. Il a souhaité que les parents d'élèves jouent un rôle plus important en matière d'orientation, estimant qu'ils n'étaient pas des « êtres virtuels » déconnectés des réalités et que, la plupart du temps, le premier contact des élèves avec le monde professionnel passait par eux.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a estimé que les conseillers d'orientation-psychologues, conscients des remises en question dont ils font actuellement l'objet, étaient inquiets pour l'avenir de leur profession.

M. Yannick Bodin a souhaité connaître les réactions des associations de parents d'élèves sur un certain nombre de questions.

En plein accord avec ces associations, il a dénoncé la pratique de l'Éducation nationale, qui créée parfois des filières professionnelles vers lesquelles des élèves sont orientés, à l'issue de la classe de 3 e , sur le seul critère de leur appartenance au sexe féminin, et sans que l'on se préoccupe de la réalité des débouchés qu'offrent ces sections professionnelles, au risque que les élèves qui les ont suivies doivent se replier, en fin d'études, sur des métiers de caissières en supermarché qui ne correspondent pas à la formation qu'elles ont pourtant reçues.

Il a également déclaré partager le point de vue des associations sur le rôle que doivent, en ce domaine, jouer les régions, citant en exemple le schéma régional des formations entrepris, à sa demande, par la région Ile-de-France, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, les parents d'élèves et les chambres des métiers ou de commerce, lorsqu'il était vice-président du conseil régional.

M. Yannick Bodin a souhaité savoir quel rôle pouvaient jouer les associations de parents d'élèves pour « casser » un certain nombre de déterminismes sociaux qui continuent de pénaliser les filles, soulignant la dimension culturelle de certains comportements liés à l'origine géographique des familles.

Il a également rappelé les constats qu'il avait pu opérer à l'occasion de la préparation du rapport que lui avait confié la commission des affaires culturelles sur le problème de la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles : les filles, qui constituent 59 % des élèves admis au baccalauréat, ne fournissent que 41 % de l'effectif des classes préparatoires, sont surreprésentées dans les « prépas » littéraires, et dans une moindre mesure dans les « prépas » commerciales, mais sont minoritaires dans les classes scientifiques. Il a souligné que cette sous-représentation des filles dans les filières scientifiques ne pouvait s'expliquer par un phénomène de manque de places disponibles, dans la mesure où un grand nombre d'écoles d'ingénieurs indiquaient qu'elles pouvaient avoir jusqu'à 50 % de places non pourvues.

Évoquant, pour finir, la question de l'orientation, il a rappelé qu'au Québec, les enseignants ne se trouvaient pas seulement en charge de l'enseignement, mais aussi de l'éducation et de l'orientation de leurs élèves. Il a demandé aux associations si elles ne pensaient pas que l'orientation devrait davantage faire partie des fonctions des enseignants. Il a également tenu à dénoncer le sens péjoratif qu'avait pris, du fait de son utilisation, le mot « orientation », trop souvent assimilé à la notion d'échec scolaire.

Conscient du malaise actuel des conseillers d'orientation-psychologues, M. Faride Hamana a jugé que ceux-ci payaient aujourd'hui le prix d'une certaine inadéquation de leurs discours, rappelant que les régions n'avaient d'ailleurs pas souhaité que ces personnels leur soient transférés. Il a néanmoins relevé que de nombreux directeurs de centres d'information et d'orientation étaient aujourd'hui bien conscients de la réalité du problème et de la nécessité de faire évoluer le système.

Considérant que l'orientation était un thème qui revenait de façon récurrente dès que l'on parlait d'égalité et de diversité, il a indiqué que les filles étaient souvent bloquées dans leur évolution par les réticences des familles à l'idée de les voir s'éloigner ou partir en internat, et qu'il y avait là un frein qu'il convenait de desserrer si l'on voulait obtenir une véritable mixité dans tous les établissements. Il a apprécié le rôle positif de médiatrices que peuvent jouer certaines mères-parents d'élèves auprès des familles. Il a regretté que le rôle joué en ce domaine par les associations de parents d'élèves ne soit pas davantage reconnu et soutenu par les pouvoirs publics, et que ceux-ci préfèrent attribuer leurs subventions aux travailleurs sociaux ou à des initiatives du type « cafés de parents ». Évoquant ensuite les missions que s'assignait sa fédération, il a expliqué qu'elle avait un triple rôle d'information, de sensibilisation et d'animation.

Revenant sur les filières créées par l'Éducation nationale, il a estimé que celles-ci ne se justifiaient que dans la mesure où elles pouvaient proposer de véritables débouchés correspondant à la formation dispensée, ce qui n'était pas toujours le cas.

Il a aussi indiqué que les filles privilégiaient souvent, dès avant le baccalauréat, la biologie au détriment des « sciences dures », ce qui pouvait contribuer à expliquer qu'on les retrouve ensuite si nombreuses en médecine.

Il a aussi jugé que les enseignants, qui perçoivent en fin de trimestre une indemnité au titre de leur rôle en matière d'orientation, devraient davantage s'y investir. Il a également déploré les tendances élitistes du système éducatif français, jugeant que celui-ci devrait plus s'appliquer à former de bons professionnels qu'à sélectionner une élite.

Jugeant indispensable de faire évoluer les schémas transmis aux enfants, Mme Yolande Boyer a demandé comment les fédérations de parents d'élèves envisageaient d'y contribuer. Elle s'est interrogée également sur leurs moyens de pression vis-à-vis de l'Éducation nationale pour faire évoluer les choses en matière d'orientation. Elle a souhaité savoir si elles jugeraient bon, par exemple, d'aller jusqu'à l'instauration de quotas par sexe. Enfin, elle a évoqué un certain nombre d'actions conduites par les délégations régionales aux droits des femmes, comme l'attribution aux jeunes filles de bourses de la vocation scientifique et technique.

Mme Corinne Tapiero s'est déclarée défavorable à des mesures trop « féministes » pour faire avancer la cause de l'égalité.

Revenant sur le problème de l'orientation des élèves, elle a jugé que la fin de la 3 e , qui correspond à une phase délicate de l'adolescence, où les jeunes se cherchent encore, n'était pas la plus propice à des choix qui doivent engager la vie. Aussi a-t-elle insisté sur l'importance d'une formation tout au long de la vie qui ménage la possibilité, à ceux qui le souhaitent, de changer de voie.

Par ailleurs, elle a regretté que la dispersion des décisions entre les différents niveaux ne permette pas aux parents de déterminer les sources d'information pertinentes. Elle a estimé que le besoin qu'éprouvent les parents de conseils plus personnalisés contribuait au succès des cabinets de conseil en orientation privés.

Elle a jugé que la réunion chez les conseillers d'orientation-psychologues de deux métiers distincts, celui de psychologue d'une part, et celui de conseiller d'orientation d'autre part, constituait un mélange des genres, et a souhaité que les personnels en charge de l'orientation aient plutôt une meilleure connaissance du monde de l'entreprise. Elle a surtout déploré leur incapacité à délivrer aux élèves un message d'espoir. Enfin, elle a proposé que chaque enseignant assure un tutorat d'orientation pour six ou sept élèves dès la classe de quatrième, dans le cadre d'un « enseignement aux choix d'orientation ».

Mme Dominique Dhooge a estimé que les parents et les enseignants ne pouvaient jouer un rôle en matière d'orientation qu'à condition d'y être formés. Elle a jugé indispensable que les conseillers d'orientation travaillent plus étroitement avec les spécialistes des métiers. Enfin, elle a jugé que la confusion dans une même personne des fonctions de psychologue et de conseiller d'orientation n'était pas une bonne chose. Considérant que le professeur principal restait d'abord et avant tout un enseignant, elle a souhaité que le rôle de conseiller d'orientation soit attribué à des personnes distinctes des parents et des professeurs, de façon à ce que l'élève puisse bénéficier du regard d'un adulte en situation de « neutralité bienveillante ».

Elle s'est déclarée défavorable à une politique de discrimination positive, craignant que celle-ci n'ait rapidement des effets négatifs, bien persuadée par ailleurs que les femmes ont les capacités de s'imposer par elles-mêmes, si on ne leur ferme pas certaines voies en leur opposant des stéréotypes dépassés.

Mme Marie-Christine Buge-Longour a estimé que, contrairement aux garçons qui ont tendance à s'obstiner, les filles n'hésitaient pas à changer d'orientation quand elles avaient le sentiment de ne pas bien réussir dans la filière scientifique où elles s'étaient engagées, et elle a constaté que les formations scientifiques ne présentent pas la même difficulté pour les élèves avant et après le baccalauréat, notamment en sciences physiques. Elle a souhaité une multiplication des passerelles permettant des réorientations.

Elle a jugé très complexe et difficile à appréhender le schéma national des formations, estimant que les enseignants eux-mêmes ne pouvaient tous connaître les différentes formations qui y sont décrites. Elle a regretté que le diplôme de conseillère en éducation sociale et familiale, qui se prépare en trois ans, ne soit pas intégré au système licence, master, doctorat, et qu'en pratique, on y oriente presque exclusivement des filles, alors qu'il s'agit d'une formation qui pourrait aussi convenir aux garçons. Elle a souhaité que la préparation à ce diplôme puisse être mieux répartie sur l'ensemble de la région Ile-de-France, même si l'Éducation nationale semblait davantage s'intéresser à l'organisation d'un nouveau brevet de technicien supérieur (BTS) de secrétariat, il est vrai très attendu par la fonction publique hospitalière.

Tout en reconnaissant l'intérêt, pour les jeunes, d'effectuer un stage en entreprise qui leur permette d'avoir un premier aperçu du monde du travail, Mme Anna Ang a relevé que tous ne disposaient pas nécessairement des leviers familiaux pour les obtenir, et a regretté qu'ils soient d'une durée souvent limitée à un mois.

Évoquant le rôle que pourrait jouer le professeur principal en matière d'orientation, elle a reconnu que celui-ci bénéficiait d'une grande proximité avec les élèves, tout en relevant que l'exercice de cette fonction supplémentaire supposait qu'il s'absente de sa classe pour recevoir la formation nécessaire. Elle a ajouté que cette absence momentanée devrait être expliquée aux parents pour les amener à mieux l'accepter.

Elle s'est également déclarée convaincue de l'intérêt des salons de l'étudiant qui permettent aux élèves de recueillir des informations sur les formations et les métiers, souhaitant que ceux-ci y soient plus systématiquement conduits dès la 3 e ou la quatrième. Elle a jugé particulièrement intéressants les contacts qu'ils pouvaient nouer à cette occasion avec des professionnels qui ont réussi dans des métiers auxquels ils n'étaient pas prédestinés.

Mme Bernadette Crenet-Held s'est demandé pourquoi les entreprises ne jouaient pas davantage le jeu et se montraient souvent si réticentes à accueillir des stagiaires.

En se fondant sur son expérience d'ancienne chef d'entreprise, Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné que l'accueil d'un stagiaire requérait un véritable investissement de la part d'une entreprise, et que seules les petites et moyennes entreprises déjà bien structurées pouvaient affecter un tuteur au stagiaire, mais qu'elles ne pouvaient y consacrer, dans l'ensemble, que peu de temps. Elle a jugé que les grandes entreprises, qui disposent de moyens évidemment plus considérables, devraient en revanche accueillir plus systématiquement des stagiaires.

M. Christophe Abraham a estimé que, de façon paradoxale, les petites entreprises jouaient plus le jeu que les grandes, et souhaité que ces dernières consentent, en ce domaine, à un effort plus important, davantage en relation avec les moyens dont elles disposent.

Il a confirmé que les associations attendaient beaucoup de l'engagement des régions, souhaitant que celles-ci s'attachent à rassembler tous les partenaires.

Il a également approuvé le principe des bourses accordées à des enfants qui s'orientent dans des secteurs auxquels ils ne paraissaient pas prédestinés, considérant qu'il fallait non seulement aider les filles à s'orienter vers des filières masculines, mais aussi aider les garçons à s'orienter dans des filières très féminisées. Il a souligné les efforts que font certains établissements pour attirer dans leurs classes préparatoires des enfants venus de quartiers difficiles, en s'efforçant de « casser » un certain nombre de barrières culturelles.

Il a rappelé que les établissements d'enseignement catholique ne disposaient pas de conseillers d'orientation-psychologues, et n'avaient donc pas de point de vue critique à exprimer à leur sujet. Il a également souligné que, selon la conception qui prévaut dans l'enseignement libre, les enseignants n'avaient pas pour seule fonction d'enseigner, mais bien d'éduquer, et dans une certaine mesure, d'orienter.

M. Yannick Bodin a souligné la proximité de cette conception avec celle qui prévaut dans le système éducatif québécois, dont il a d'ailleurs rappelé les origines confessionnelles.

Très réservé à l'égard de l'instauration de quotas en faveur des filles, M. Faride Hamana a estimé qu'il convenait d'abord, et en priorité, de procéder au toilettage des formations qui sont proposées tant aux filles qu'aux garçons, en fonction des débouchés qu'elles offrent effectivement. Persuadé des effets positifs de la mixité, il a estimé qu'il fallait réfléchir aux moyens d'inciter les filles à se tourner vers les filières industrielles, où les garçons sont actuellement largement prédominants.

Il a souhaité prendre ses distances à l'égard d'un certain rituel incantatoire qui, dès que l'on parle d'orientation, insiste pour que les enseignants aient une connaissance plus approfondie du monde professionnel, soulignant que les métiers étaient extrêmement nombreux et d'ailleurs en constante évolution, ce qui rendait difficile leur appréhension. Dans ces conditions, il a estimé que seuls des professionnels de l'orientation pouvaient donner aux parents les informations précises qu'ils attendent.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a déclaré partager ces constats, insistant sur la nécessité, dans le monde d'aujourd'hui, de se remettre en question, de se former en permanence, de ne pas hésiter à être mobile pour trouver un travail, et enfin de maîtriser, outre une langue étrangère, le langage de la communication, de façon à savoir « se vendre ».

Elle a demandé ensuite aux représentants des associations s'ils avaient le sentiment que les manuels scolaires contribuaient, d'une certaine façon, à la perpétuation de certains stéréotypes sexués, comme l'avaient craint, devant la délégation, certains enseignants.

Mme Marie-Christine Buge-Longour a déploré que les remarques formulées par les associations de parents d'élèves, qui s'étaient beaucoup investies dans la refonte des manuels scolaires, il y a une vingtaine d'années, n'aient pas été davantage prises en compte par les éditeurs.

M. Faride Hamana a estimé que la rédaction des manuels scolaires faisait l'objet aujourd'hui d'une grande vigilance, que c'étaient généralement des femmes qui assuraient la direction de ces collections, et qu'il lui paraissait donc douteux que ces ouvrages continuent à véhiculer des stéréotypes sexistes.

Mme Corinne Tapiero a partagé ce point de vue, préférant insister pour sa part sur le problème de l'intégration des femmes en situation de handicap dans l'enseignement professionnel et dans l'entreprise, même si la récente loi du 4 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait permis de réels progrès. Elle a relevé que les garçons souffrant de troubles de l'apprentissage rencontraient souvent plus de difficultés d'intégration que les filles.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a approuvé ces propos, soulignant l'extrême importance de la question de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des jeunes filles handicapées.

M. Yannick Bodin a évoqué la relation de l'entreprise avec l'école, en insistant sur l'importance de la découverte et de la compréhension de son fonctionnement. A titre de contre-exemple, il a considéré que l'organisation de l'Éducation nationale ne constituait pas toujours un modèle, en illustrant son propos par le caractère quelque peu infantilisant de certaines circulaires ou instructions adressées aux enseignants. Il a enfin appelé les intervenants à exprimer leur sentiment à l'égard de la féminisation, souvent excessive, du corps enseignant, en citant l'exemple d'un élève n'ayant connu que des enseignantes dans l'enseignement primaire.

M. Faride Hamana a souligné la nécessité de sensibiliser les élèves à la réalité concrète des métiers, en prenant l'exemple des conditions de travail difficiles, et notamment des horaires, requis par l'exercice du métier de boulanger-pâtissier. Il s'est également inquiété de l'excessive féminisation de la profession enseignante, en soulignant la nécessité d'une présence masculine pour la structuration des élèves.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu après avoir remercié les intervenants pour la richesse de leurs propos.

Audition de Mme Armelle Carminati, vice-présidente « Engagement et diversité » d'Accenture France, membre du bureau de la commission « Nouvelles générations » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

(8 avril 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente,

Mme Gisèle Gautier, présidente , a ouvert la réunion en présentant le thème annuel d'étude retenu par la délégation et en évoquant le récent déplacement en Loire-Atlantique de plusieurs membres de la délégation, qui ont trouvé, sur le terrain, des illustrations de la difficulté de la féminisation de certains métiers.

Mme Armelle Carminati a tout d'abord rappelé sa formation d'ingénieur et son parcours professionnel, en précisant qu'elle exerçait des fonctions de direction au sein du groupe Accenture France. Elle a ensuite souligné l'intérêt de la problématique de la féminisation des emplois dans le contexte de la « guerre des talents » que se livrent aujourd'hui les entreprises confrontées à des pénuries de main-d'oeuvre. Elle a en effet relevé l'insuffisance du nombre de femmes dans certains types de métiers très qualifiés, comme le conseil aux entreprises, où sont majoritairement recrutés des candidats de formation scientifique. Puis elle a mentionné ses activités au sein de la commission « Nouvelles générations » du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), en évoquant de façon générale une certaine « hérésie » du marché du travail français, qui ne laisse qu'une quinzaine d'années aux salariés dans leur carrière pour réussir, entre la fin d'études de plus en plus longues et l'entrée dans la « senioritude », dès l'âge de 45 ans environ.

S'agissant des obstacles professionnels auxquels sont confrontées les femmes, elle a insisté, en analysant principalement le cas des femmes diplômées, sur les conditions permettant de franchir avec succès deux types de barrières. Tout d'abord, elle a souligné la nécessité que les employeurs, entreprises ou administrations, soient sensibilisés à l'importance de l'accueil des femmes et conservent une grande vigilance à l'égard de la question de l'égalité professionnelle, qui est trop souvent considérée, à tort, comme un combat périmé. Le second facteur essentiel - a-t-elle précisé - réside dans la volonté et l'audace professionnelle des femmes elles-mêmes, qui ne doivent pas céder à l'autocensure ou aux préjugés. Elle a illustré la pertinence de ces deux leviers d'action en évoquant son expérience dans une fonction de direction au sein d'une entreprise de quelque 175 000 personnes et en précisant que cette problématique de la féminisation présentait des traits communs dans l'ensemble des pays du monde. Puis elle a souligné le poids des modèles éducatifs ou familiaux, ainsi que l'influence des médias, en insistant sur l'impact des images de la femme qu'ils diffusent.

Mme Armelle Carminati a ensuite indiqué que la très faible représentation des femmes dans certaines filières constituait un facteur décourageant pour l'arrivée d'autres femmes, car les rares femmes présentes apparaissaient alors confinées dans un positionnement de « victime sacrificielle ». A partir de son expérience dans le groupe Accenture France, elle a estimé qu'il fallait atteindre un seuil de 10 % de femmes parmi les cadres dirigeants pour qu'une entreprise puisse commencer à faire vivre une véritable diversité des genres et devienne attractive pour les femmes. Elle a ensuite considéré qu'au-delà du seuil de 30 % de femmes dans une profession, une mixité authentique pouvait s'instaurer, tandis qu'en deçà de 15 % les femmes se trouvaient isolées, au risque d'être surexposées, et avaient tendance à se conformer au modèle masculin dominant. Entre ces deux limites, elle a insisté sur la nécessité d'une vigilance extrême de l'entreprise, qui doit se traduire par un effort important en termes de formation et de sensibilisation à la mixité professionnelle.

Elle a ensuite estimé que, pour les jeunes générations de femmes en France, les obstacles professionnels ne se manifestaient pas avant l'âge de 25 à 30 ans, âge auquel les entreprises engagent des paris sur les potentialités professionnelles de leurs cadres, tandis que les jeunes femmes commencent à s'impliquer dans une vie familiale. Puis, après avoir rappelé la réussite scolaire incontestable des jeunes filles dans l'enseignement secondaire, y compris en filière S, elle s'est interrogée sur le phénomène d'évitement des filières sélectives, scientifiques en particulier, que traduit ensuite leur orientation, la proportion de femmes ingénieurs sur le marché du travail n'étant que de 20 % environ. A cet égard, elle a insisté sur le rôle à jouer par le monde éducatif et le monde de l'entreprise pour mieux faire connaître aux jeunes la réalité des métiers. Prenant des exemples concrets, elle a observé que le métier d'ingénieur était particulièrement mal connu et a cité une récente étude sur la perception de ce métier par les jeunes filles : celui-ci est associé à une image de travail solitaire et cérébral dans un monde « froid », alors que les femmes manifestent une préférence pour les relations humaines, la communication et le travail d'équipe. Pour contrecarrer ces préjugés, elle a estimé nécessaire d'utiliser de manière efficace les leviers d'action scolaires, en évoquant notamment la pratique anglo-saxonne du « parent's day » au cours duquel les parents d'élèves viennent présenter leur métier dans les classes. Rappelant les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises pour organiser des stages individuels à l'intention des élèves de troisième, elle s'est demandé si le temps et l'énergie consacrés à cette occasion par le chef d'entreprise et le personnel ne pourraient pas utilement bénéficier à des groupes plus nombreux.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors souligné les enjeux du nécessaire rapprochement entre le monde économique et l'enseignement. Elle a ensuite insisté sur la difficulté pour les élèves et leurs parents de trouver un interlocuteur pour les éclairer efficacement dans les choix d'orientation, constatant que les enseignants n'étaient pas formés à cette mission et que les conseillers d'orientation psychologues étaient souvent critiqués.

Évoquant le système de sélection français, essentiellement fondé sur les matières scientifiques, Mme Armelle Carminati a observé qu'il avait l'avantage de privilégier le talent personnel des individus, puisqu'il ne nécessitait pas d'acquis culturel, même si, finalement, les inégalités sociales avaient tendance à se reproduire. Puis elle a analysé le processus par lequel les jeunes femmes, élevées dans des comportements de « docilité » et d'« obéissance », devenaient de bonnes élèves dans des matières comme l'orthographe, la grammaire et les mathématiques, ce qui leur permettait de réussir des études dans des filières sélectives, mais sans forcément savoir vers quels métiers ces études menaient. Corrélativement, elle a rappelé que les femmes, même si elles avaient désormais investi la sphère professionnelle, continuaient d'investir massivement la sphère domestique et avaient du mal à accepter véritablement de déléguer des tâches familiales qu'elles souhaitaient voir accomplir en stricte conformité avec leur pratique personnelle. A partir de son expérience d'employeur, elle a ensuite évoqué la difficulté, pour certaines femmes, d'apprendre à faire des choix, à les assumer et à se convaincre elles-mêmes que « ce qui est bon pour elles est également bon pour les autres ».

Prolongeant une remarque de Mme Gisèle Gautier, présidente , sur l'autocensure des femmes et la culpabilisation qui accompagne leur ambition professionnelle, Mme Armelle Carminati a signalé qu'elle constatait qu'à partir de 30 ans, certaines femmes avaient tendance à limiter leurs prétentions professionnelles, en raison notamment de l'emprise de leur vie familiale. Par ailleurs, elle a estimé que « l'affirmation de soi » et la prise de parole n'étaient pas suffisamment valorisées dans l'enseignement français, plutôt centré sur la réflexion écrite et la « cérébralité », à la différence des pratiques éducatives anglo-saxonnes.

Évoquant l'exemple des jeunes femmes en politique, Mme Gisèle Gautier, présidente , a cependant constaté que les nouvelles générations avaient appris à mieux s'exprimer. Tout en partageant ce constat, Mme Armelle Carminati a de nouveau souligné que la formation à l'expression orale était meilleure dans le monde anglo-saxon, revenant sur l'aisance orale et la capacité à capter l'attention des étudiants anglo-saxons.

Sur la base de ses observations lors du déplacement de la délégation en Loire-Atlantique, Mme Anne-Marie Payet s'est tout d'abord interrogée sur la volonté réelle de certaines entreprises d'embaucher des femmes, en citant des témoignages recueillis sur le terrain, selon lesquels certaines entreprises écarteraient systématiquement les candidatures féminines. Puis elle a interrogé l'intervenante sur le rôle du conseiller d'orientation dans le choix des filières éducatives et professionnelles. Elle s'est enfin demandé s'il ne conviendrait pas de développer certaines expériences réussies, consistant à faire découvrir les métiers aux élèves de façon ludique, par exemple grâce à un jeu vidéo comme celui mis en place par une école d'ingénieurs à Nantes.

Mme Armelle Carminati a souligné la valeur irremplaçable du témoignage d'une personne qui vient communiquer avec une classe et parvient à « donner envie » d'exercer un métier. Elle a convenu que certains employeurs craignaient l'innovation que constituerait l'embauche d'une jeune femme dans certaines filières, ce qui manifestait, de leur part, non pas tant une attitude délibérément machiavélique à l'égard des femmes qu'un défaut de formation au management moderne.

Interrogée par Mme Gisèle Gautier, présidente , sur les campagnes de sensibilisation à la mixité des métiers lancées par le MEDEF, Mme Armelle Carminati a évoqué la mobilisation des entreprises, depuis quelques années, en faveur de la féminisation des métiers dans le secteur de la métallurgie (cette initiative avait reçu l'appellation « industriELLE »), ainsi que dans celui du bâtiment et des travaux publics. Puis elle a estimé nécessaire, pour lutter contre l'isolement professionnel des femmes qui s'engagent dans de telles filières, de s'attacher prioritairement à leur « mise en réseau », ainsi que de montrer des exemples de femmes épanouies dans ces métiers.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité que de telles actions puissent être réitérées, estimant que le MEDEF avait un rôle important à jouer en la matière.

Évoquant enfin, à la demande de Mme Anne-Marie Payet , le rôle des conseillers d'orientation, Mme Armelle Carminati a souligné que l'expérience professionnelle et la connaissance concrète de l'entreprise étaient, en bonne logique, le socle d'une bonne information diffusée par les professionnels de l'orientation. Évoquant enfin la relation traditionnellement inverse entre la valorisation sociale des métiers et leur féminisation, elle a constaté que « l'aristocratie des filières » était très différente d'un pays à l'autre, ce qui n'allait pas sans conséquence sur la représentation des femmes dans ces filières. A titre d'exemple, elle a indiqué que la physique quantique, considérée en France, plus qu'ailleurs, comme une discipline noble, était délaissée par les jeunes filles dans notre pays, alors qu'en Italie elles s'y trouvent majoritaires.

Audition de Mme Geneviève Bel, vice-présidente déléguée à l'entrepreneuriat au féminin, et de M. Jean-Michel Pottier, président de la commission « formation », de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

(8 avril 2008)

Présidence de Mme Anne-Marie Payet

Mme Geneviève Bel a estimé que, dans un contexte global marqué par la diminution de la population active et par un doublement attendu des besoins de l'économie en cadres pour la période 2000-2010, les entreprises devaient s'ouvrir à tous les talents et donc, notamment, à ceux de la population féminine. Il lui est donc apparu indispensable d'ancrer la culture et la pratique de la mixité pour favoriser l'accès des femmes aux différents métiers.

En réponse à Mme Anne-Marie Payet, présidente , qui l'interrogeait sur les obstacles rencontrés au sein des petites et moyennes entreprises pour l'insertion professionnelle des femmes dans les métiers dits « masculins » et sur les réticences des chefs d'entreprise à embaucher des femmes dans certaines filières, Mme Geneviève Bel a apporté les éléments de réponse suivants, en s'appuyant sur les résultats d'enquêtes réalisées dans les régions par la Fédération française du bâtiment (FFB) :

- les réticences manifestées par certains chefs d'entreprise tiennent plus à la persistance de représentations stéréotypées des métiers qu'à des obstacles matériels objectifs ;

- l'invocation des motifs tenant aux contraintes familiales n'a pas de raison d'affecter plus que les autres les métiers considérés comme « masculins » ;

- l'aménagement des vestiaires et des sanitaires n'a rien d'insurmontable ; ces installations sont aujourd'hui proposées à la location et peuvent bénéficier d'ailleurs de subventions au titre des contrats pour la mixité ;

- les réticences exprimées le cas échéant par les équipes n'ont pas de raison d'être, dès lors que les femmes sont qualifiées et fiables ;

- les femmes compensent leur moindre force physique par une meilleure organisation et, au demeurant, la mécanisation et les nouveaux moyens techniques permettent de remédier aujourd'hui à cette apparente faiblesse.

Elle a ensuite précisé à Mme Anne-Marie Payet, présidente , qui l'interrogeait sur la réalité des écarts de salaires, qu'en effet des écarts moyens de 10 à 15 % étaient constatés entre salariés, selon qu'ils étaient de sexe masculin ou de sexe féminin, et que cet écart allait jusqu'à 23 %, voire 27 %, pour les cadres.

M. Jean-Michel Pottier a estimé que ces écarts de rémunération s'expliquaient en partie par les interruptions d'activité liées à des considérations familiales, qui affectent plus fréquemment les carrières des femmes que celles des hommes.

Il a précisé que son entreprise employait presque exclusivement des femmes et que celles-ci ne souffraient d'aucun retard dans le déroulement de leur carrière.

Mme Geneviève Bel a relevé néanmoins que l'on constatait encore aujourd'hui, dans bien des cas, des différences fondées sur le sexe, qui n'ont pas de raison d'être.

Revenant sur le problème des interruptions de carrière liées aux responsabilités familiales, elle a regretté qu'elles aient pour effet de priver une proportion significative de femmes de la possibilité de jouir d'une retraite à taux plein, faute de justifier de quarante années de cotisations. Elle a également rappelé que les femmes travaillaient plus souvent que les hommes à temps partiel.

Acquiesçant aux propos tenus par Mme Anne-Marie Payet , qui relevait que les femmes étaient souvent louées pour leur sérieux et leur ponctualité, M. Jean-Michel Pottie r a confirmé qu'il avait pu constater, en qualité de chef d'entreprise, que les meilleurs candidats à un emploi ou à une promotion étaient le plus souvent des candidates.

Il a insisté sur le rôle de la formation dans l'évolution des mentalités, relevant que les majors des dernières promotions de l'Institut d'administration des entreprises étaient tous des filles.

Mme Geneviève Bel a estimé qu'il convenait d'accompagner dans leur formation les jeunes femmes les plus en difficulté, et notamment celles qui ont des réticences à s'y engager. Cet accompagnement lui a paru presque aussi important que la formation elle-même.

Interrogée par Mme Anne-Marie Payet, présidente , sur les améliorations souhaitables en matière d'éducation et d'orientation, Mme Geneviève Bel a jugé indispensable de s'attacher à lever les tabous qui entourent encore un certain nombre de métiers, en s'y attaquant dès le plus jeune âge, aussi bien à l'école que dans les familles. Elle a souligné le rôle que jouent encore actuellement certains livres pour enfants dans la reproduction de représentations stéréotypées.

Elle a jugé que les femmes adultes avaient aussi leur part de responsabilité à assumer, qu'elles devaient modifier leur comportement, recourir davantage à la formation tout au long de la vie et s'impliquer davantage dans les réseaux professionnels, pour évoluer et changer d'emploi.

M. Jean-Michel Pottier a appelé de ses voeux une nouvelle approche en matière d'orientation, souhaitant que celle-ci ne soit plus axée, comme aujourd'hui, sur la psychologie, mais davantage sur des projets professionnels et des métiers. Il a cité en exemple l'accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle signé en 2003, suivi de l'adoption de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, et la mise en place de nombreux accords de branche, qui commencent à monter en puissance et à porter leurs fruits.

Il a jugé que ces outils, couplés à un infléchissement de la politique d'orientation des jeunes pour l'axer plus sur les métiers, étaient susceptibles d'améliorer sensiblement la situation actuelle.

Il a insisté sur le fait qu'à l'exception de quelques métiers, dont l'exercice est commandé par la possession d'un diplôme bien particulier, comme celui de médecin par exemple, la plupart des professions comportaient plusieurs voies d'accès, dont aucune ne devait être négligée : formation initiale ou tout au long de la vie, formation en alternance, apprentissage...

Il a insisté sur le rôle important joué par l'AGEFOS-PME, l'organisme gestionnaire des fonds de la formation professionnelle de la CGPME qui, à travers les contrats de professionnalisation, passés sur la base d'un accord cadre le 8 mars 2007, a engagé des actions en direction des femmes, qui donnent des premiers résultats intéressants.

Il a précisé que sur les 35 000 contrats de professionnalisation conclus en 2007 par l'AGEFOS-PME, 54 % avaient bénéficié à des femmes, travaillant pour la majorité d'entre elles dans des structures de moins de dix salariés, avec un accent mis sur des professions jusqu'alors considérées comme masculines. Il a relevé que cette politique, conduite à l'échelle nationale, s'était appuyée sur les réseaux régionaux.

Quant à l'apprentissage, il a rappelé que celui-ci relevait plutôt des chambres consulaires, mais qu'une politique volontaire pouvait s'y montrer tout aussi efficace.

Souhaitant que l'on redonne à l'apprentissage ses lettres de noblesse, alors qu'il est encore trop souvent déconsidéré dans les familles, Mme Anne-Marie Payet , présidente, a souhaité connaître les actions menées sur le terrain, par exemple dans le cadre des « Forums des métiers ».

Après avoir souligné l'intérêt de ces forums pour faire découvrir les métiers aux jeunes, M. Jean-Michel Pottier a estimé qu'il restait beaucoup à faire pour développer les relations entre l'école et l'entreprise, et réaffirmé que l'orientation devrait, à l'avenir, faire davantage de place à une approche centrée sur les métiers plutôt que sur la psychologie.

Mme Geneviève Bel a rappelé que des organismes comme l'ANPE et les ASSEDIC faisaient désormais appel aux chefs d'entreprise pour l'organisation d'actions d'information sur les métiers, estimant que les témoignages des chefs d'entreprise et les exemples concrets donnés par des professionnels constituaient pour les jeunes un apport irremplaçable dans le choix de leur orientation. A titre d'illustration, elle a mentionné l'organisation d'une journée « Portes ouvertes » d'information sur les métiers masculins en Picardie.

Mme Anne-Marie Payet, présidente , a cité les actions conduites par la maison de l'orientation et de l'emploi de Carquefou, qui s'inscrivent également dans cette approche.

M. Jean-Michel Pottier a estimé qu'il serait urgent de rendre systématiques et obligatoires les stages d'immersion des élèves en entreprise, qui sont aujourd'hui facultatifs et dépendent trop souvent du bon vouloir des chefs d'entreprise. Ces stages, qui offrent aux élèves de troisième ou de quatrième un premier contact avec le monde professionnel pendant trois ou quatre jours, permettent de « casser » un certain nombre de clichés véhiculés par les familles ou par l'école et sont, à ce titre, très précieux.

Mme Geneviève Bel a toutefois fait observer que l'intérêt de ces stages n'était pas de faire découvrir aux jeunes des métiers (ils sont trop courts pour cela), mais plutôt de leur faire percevoir ce qu'est une entreprise.

Elle a cité, pour le déplorer, le cas d'une jeune fille que ses professeurs avaient dissuadée de se proposer pour un stage de conducteur de poids lourds, au motif que cela ne pouvait constituer un métier pour une femme.

Mme Anne-Marie Payet, présidente , a estimé qu'une femme choisissant un parcours professionnel inhabituel pouvait servir de modèle pour les autres et a évoqué l'exemple de femmes conductrices d'autobus à La Réunion.

Mme Geneviève Bel a précisé que, lors de « Planète PME 07 », avaient été organisées des tables rondes ou des conférences permettant aux femmes de présenter leur expérience professionnelle dans des métiers dits masculins.

M. Jean-Michel Pottier est ensuite revenu sur les initiatives prises par la CGPME en faveur de l'emploi féminin. Il a insisté sur le souci de la CGPME de présenter celui-ci comme une opportunité, et non comme une contrainte pour les entreprises. Il a cité d'abord un certain nombre d'accords portant sur le développement de l'emploi et des compétences, susceptibles de bénéficier d'un cofinancement de l'État et de l'Union européenne, et qui profitent, pour plus de la moitié d'entre eux, à des publics prioritairement féminins.

Il a plus particulièrement cité l'exemple du projet « Égalité en entreprise », mis en place en Picardie, dont l'objet est de montrer aux femmes que les entreprises présentent pour elles des opportunités, y compris dans des secteurs auxquels elles ne pensent pas spontanément. Partant du constat que la plupart des adhérents de la CGPME ne trouvaient pas les compétences qu'ils recherchaient, il a expliqué que ce projet s'était attaché à bien cibler les secteurs confrontés à des besoins sur les territoires concernés, comme en particulier la logistique, l'informatique, la plasturgie, la chaudronnerie et la mécanique automobile, en organisant des actions d'information et de découverte en direction des entreprises, des structures d'information et d'accompagnement, et enfin du public féminin. Il a souligné l'importance d'une mobilisation des chefs d'entreprise femmes, spontanément plus ouvertes à l'accueil de personnel féminin.

Il a également évoqué une étude qualitative réalisée auprès d'une trentaine ou d'une quarantaine d'entreprises ayant des besoins de recrutement, et qui étaient invitées à faire état tant des difficultés que des succès qu'elles avaient pu rencontrer, lorsqu'elles avaient embauché des femmes.

Parmi les facteurs positifs, M. Jean-Michel Pottier a évoqué :

- les qualités de rigueur, de précision et de minutie, qui sont de nature à favoriser l'accès des femmes à des métiers industriels exigeants ;

- la direction collégiale d'une PME assurée par deux conjoints, qui contribue à favoriser le développement de l'emploi féminin ;

- le rôle clef de la formation ;

- la tendance des PME à confier plus facilement des postes de confiance à des femmes.

Quant aux freins rencontrés, il a estimé qu'ils tenaient plus à des problèmes d'organisation qu'à des contraintes matérielles stricto sensu , qui sont rarement insurmontables grâce aux technologies nouvelles et sont plutôt invoquées comme prétexte. Évoquant notamment les effets des contraintes familiales sur les horaires de travail, il a de nouveau insisté sur la nécessité d'une évolution des mentalités et d'un effort d'accompagnement social et de meilleure organisation du travail.

Rejoignant ces propos, Mme Geneviève Bel a enfin évoqué l'exemple de l'action « Promouvoir les métiers de l'industrie », lancée en Haute-Garonne, qui comporte un axe spécifique en direction des filles. En conclusion, elle a rappelé qu'au niveau national, la CGPME avait souhaité marquer son intérêt pour ces questions en instituant une vice-présidence déléguée à l'entrepreneuriat au féminin.

Audition de Mme Marie-Jeanne Philippe, recteur de l'Académie de Besançon, présidente du Comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif

(30 avril 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est réjouie d'accueillir Mme Marie-Jeanne Philippe, rappelant qu'avant d'être nommée présidente du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, elle avait accompli un parcours universitaire et administratif exceptionnel, et qu'elle était notamment, métallurgiste de renom, l'auteur d'une soixantaine de publications dans des revues internationales.

Évoquant sa formation, Mme Marie-Jeanne Philippe a indiqué qu'elle avait suivi des études scientifiques qui l'avaient conduite à soutenir deux thèses de doctorat, en physique et en chimie, puis à se spécialiser en métallurgie, remarquant qu'elle avait eu la chance de pouvoir librement suivre cette voie sans être confrontée aux entraves qui dissuadent souvent les femmes de choisir ce type d'orientation.

Elle a souhaité que le comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, dont elle est ravie d'assurer la présidence, puisse tenir sa première réunion prochainement, de façon à coordonner l'action des huit ministères signataires de la convention, et à relancer une démarche administrative qui s'était interrompue. Elle a insisté sur la richesse de cette convention, estimant qu'elle contenait bien tous les éléments de nature à faire bouger les lignes.

S'appuyant sur son expérience de recteur, elle a estimé qu'un conditionnement différent des filles et des garçons s'effectuait dès le plus jeune âge, sans que les enseignants en soient nécessairement conscients. Elle a cité le cas, pour illustrer son propos, d'une école maternelle où une maîtresse n'avait pas perçu spontanément la dimension discriminatoire d'une pratique qui conduisait les petits garçons à se tourner vers l'atelier « train électrique » et les filles vers l'atelier « cuisine ». Elle a insisté sur les efforts que devait donc, consciemment, effectuer le système éducatif, pour gommer cette image sexuée des rôles.

Tout en relevant que les filles avaient, dans l'ensemble, de meilleurs résultats scolaires que les garçons, ce qui les conduisait à accéder dans une plus forte proportion que les garçons en classe de seconde, Mme Marie-Jeanne Philippe a déploré qu'elles semblent cependant moins confiantes en elles-mêmes et dans leurs capacités de réussite. Cette moindre confiance en soi lui a paru pouvoir s'expliquer notamment par une forme de conditionnement dont les enseignants ne sont pas eux-mêmes conscients, et qui les conduit, par exemple à interroger oralement les garçons plus souvent que les filles, particulièrement dès qu'il s'agit de matières scientifiques, et d'une façon générale, d'ailleurs, à encourager plus volontiers la prise de parole de ces derniers qui demandent plus souvent et plus facilement la parole.

Elle a donc jugé nécessaire d'effectuer un premier travail sur la représentation que les filles se font de leur propre réussite, considérant que cette représentation était à l'origine de leur sentiment de n'être pas aussi « bonnes » que ne l'indiquent leurs résultats scolaires.

Elle s'est appuyée sur les conclusions d'une étude réalisée par M. Jean-Marc Monteil, puis développée par un laboratoire de sociologie de l'Université de Marseille, qui a montré, expériences à l'appui, que les groupes d'élèves, placés en situation de stress, tendaient à obtenir des résultats plus conformes à la catégorie à laquelle ils pensaient appartenir qu'à leurs compétences réelles. Ainsi, confrontés à des exercices de restitution de figures et d'images, des groupes témoins d'élèves de niveaux scolaires différents obtenaient des résultats disparates, si on leur présentait ces exercices comme relevant de la géométrie, ou, au contraire, très comparables, si on ne les leur présentait que comme du dessin. Des expériences analogues, réalisées avec des groupes similaires de filles et de garçons, montrent que les garçons réussissent mieux que les filles ce type d'épreuves en mathématiques en situation de compétition, alors que dans un contexte dépourvu de tout enjeu, filles et garçons obtiennent des résultats similaires.

Mme Marie-Jeanne Philippe a estimé qu'il convenait de dénouer ce type de conditionnement si l'on voulait que les filles, qui réussissent dans l'ensemble mieux au baccalauréat que les garçons, surmontent leur réticence à s'engager dans des carrières scientifiques et des fonctions de direction.

Elle a également invité à ne pas sous-estimer les freins qui pouvaient exister à l'entrée dans la vie active, du fait des réticences de certains milieux professionnels, jusqu'alors très masculinisés, à confier des responsabilités d'encadrement à de jeunes diplômées, auxquelles s'ajoutent parfois des réticences des intéressées elles-mêmes, faute d'une confiance en soi suffisante.

Elle a estimé que la lutte contre les blocages qui s'installent dans le cours des études passait par une formation particulière des enseignants et a souhaité que des modules de formation adaptés, qui existent déjà dans certains instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), soient à l'avenir généralisés dans la totalité de ces établissements.

Elle a jugé qu'il convenait, en particulier, de rendre les enseignants plus attentifs à la façon dont ils conduisaient les interrogations orales, de façon à lutter contre l'appréhension qu'éprouvent généralement les filles, plus réservées que les garçons, face à la prise de parole. Elle a considéré que cette réticence des femmes à prendre la parole se retrouvait ensuite dans leur vie professionnelle.

Mme Marie-Jeanne Philippe a ensuite tracé un bilan nuancé de l'orientation scolaire actuelle des filles et des garçons.

Évoquant tout d'abord les filières générales, elle a estimé que le déséquilibre relatif entre filles et garçons dans les filières scientifiques s'expliquait principalement par la volonté des garçons de privilégier systématiquement ce type de sections, plutôt que par une désaffection des filles qui y sont normalement représentées. Selon elle, le déséquilibre était en revanche plus prononcé et plus préoccupant dans les filières professionnelles, où les filles privilégient trop souvent des formations conduisant à des emplois tertiaires, en particulier vers les métiers de la santé, du social et du secrétariat, pourtant déjà très encombrés, au détriment de celles qui débouchent sur des emplois industriels, pourtant plus porteurs et mieux rémunérés.

Elle a considéré que cette réticence des filles devant les filières scientifiques se retrouvait au niveau universitaire, phénomène accentué par le fait que les filles tendaient à arrêter leurs études plus tôt que les garçons, et à privilégier des filières courtes et professionnalisantes, et d'une manière générale, faisaient preuve d'une moindre ambition dans la poursuite de leurs études.

Mme Annie David a rappelé que les jeunes filles ayant suivi des études supérieures étaient nombreuses à se diriger vers les métiers de l'enseignement.

Mme Marie-Jeanne Philippe a fait observer que lorsque les filles choisissaient la carrière d'enseignant, elles avaient tendance à privilégier les concours de professeur des écoles, plutôt que ceux conduisant à enseigner au lycée ou à l'université. Elle a estimé que ce phénomène s'expliquait en partie par le fait que les professeurs des écoles avaient la possibilité de demeurer au sein de l'académie dans laquelle ils avaient été recrutés, tandis que la réussite au Capes ou à l'agrégation impliquait l'acceptation de la mobilité. Elle a également observé que les femmes avaient tendance à privilégier leur vie familiale et qu'elles se disaient parfois même prêtes à « mettre en veilleuse » leur propre carrière professionnelle afin de suivre leur conjoint.

Mme Gisèle Gautier, présidente , évoquant les raisons de cette situation, a rappelé que les rémunérations des hommes étaient en général sensiblement supérieures à celles des femmes.

Pour sortir de ce « carcan », Mme Marie-Jeanne Philippe a suggéré de mettre l'accent sur la formation continue des femmes. Rappelant que les filles étaient en moyenne plus diplômées que les garçons, mais qu'elles occupaient, par la suite, des emplois souvent moins valorisés, elle a estimé souhaitable de faire accéder de manière plus systématique les femmes à des postes de responsabilité, en accordant une priorité à leur formation continue. Elle a précisé qu'un tel infléchissement supposait un dialogue et une mise au point avec les entreprises et les branches professionnelles.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a estimé qu'il faudrait également insister sur la gestion du temps afin d'aménager la possibilité effective pour les femmes qui se consacrent simultanément à leur carrière professionnelle et à leur vie familiale de suivre ces formations.

Puis Mme Marie-Jeanne Philippe , abordant le sujet de l'orientation, a évoqué, en premier lieu, les raisons qui conduisent les jeunes femmes à choisir un métier plutôt qu'un autre. Insistant sur l'importance de l'image des métiers, elle a souligné que les jeunes filles avaient souvent une image du secteur industriel très négative et peu conforme à la réalité. A titre d'exemple, elle s'est étonnée qu'un grand nombre de jeunes filles puissent justifier le choix du métier d'infirmière par le souci, très souvent mis en avant, de parvenir à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Puis elle a rappelé la préférence des femmes pour les carrières offrant une certaine sécurité, comme celles de la fonction publique, en observant qu'elles se contentaient fréquemment d'une rémunération en retrait de celle de leur conjoint, mais présentant des garanties de stabilité qui contrebalançaient les risques professionnels pris par leur mari.

Elle a ensuite insisté sur la nécessité de rendre plus visibles les divers débouchés des filières dans lesquelles s'engagent de jeunes élèves parfois focalisés sur une seule profession. A cet égard, elle a cité en exemple les efforts consentis par l'université de Besançon pour recenser les carrières effectivement offertes après les études en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS) avec des données quantifiées sur les débouchés. Corrélativement, elle a souligné la nécessité d'équilibrer le niveau des élèves et la proportion respective des filles et des garçons dans certaines classes ou filières technologiques, telles que l'option Mesures physiques et informatique (« MPI ») en seconde, vers lesquelles se dirigent parfois trop d'élèves brillants qui s'éparpillent ensuite dans des voies diverses, alors que les élèves moyens restent dans les filières scientifiques. Mme Marie-Jeanne Philippe a également estimé souhaitable de renforcer l'attractivité de certains métiers comme ceux du bâtiment, en prenant l'exemple de femmes qui réussissent leur carrière dans le domaine de l'ingénierie et du génie civil, tout en respectant des horaires de bureau tout à fait compatibles avec une vie familiale normale.

Mme Gisèle Gautier, présidente , après avoir salué la clarté et la lucidité des propos de l'intervenante, a ouvert le débat en lui demandant si ses collègues recteurs masculins partageaient ses vues.

Mme Marie-Jeanne Philippe a répondu qu'ils y étaient à tout le moins sensibilisés et qu'elle s'efforcerait, dans le cadre du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, de susciter un certain nombre d'actions décisives qui devraient être mises en oeuvre rapidement au niveau des académies et donner lieu à un bilan précis au bout d'un ou deux ans. Elle a, en particulier, insisté sur la mise en place de modules de formation à l'intention des élèves-professeurs en IUFM, pour autant que cette orientation soit validée par le comité de pilotage.

Après avoir approuvé les propos de l'intervenante sur les « conditionnements » qui affectent aussi les enseignants, Mme Annie David a rappelé qu'elle avait, avec constance, lors de la discussion de plusieurs projets de loi, déposé des amendements tendant à introduire des modules de formation des enseignants à l'égalité des genres, ainsi qu'à l'éducation au respect et à la paix, en IUFM. Elle a regretté que les gouvernements successifs aient écarté ces initiatives en objectant qu'il s'agissait là d'une matière réglementaire. Elle a en outre souhaité que les programmes scolaires d'éducation civique puissent comprendre une dimension relative à l'égalité et au respect entre les sexes. Rappelant ensuite la persistance des préjugés sexistes en illustrant son propos d'exemples concrets, elle a souhaité la réussite de la mission du comité de pilotage de la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif. S'agissant de la formation continue, elle a souligné l'importance de l'aménagement du temps, en rappelant qu'il était fréquent, voilà quelques années, que les cours organisés dans le cadre de la formation continue aient lieu le samedi matin, moment où les femmes sont souvent peu disponibles en raison de leurs obligations domestiques et familiales. Elle a enfin souhaité un renforcement de l'efficacité de l'orientation grâce à une formation mieux adaptée des conseillers d'orientation-psychologues, regrettant que le poids des habitudes et des préjugés conduise trop souvent à proposer aux jeunes filles une orientation ne se situant pas à la hauteur de leurs potentialités.

Mme Marie-Jeanne Philippe a rappelé que dans le cadre du réaménagement et de la simplification des programmes de l'enseignement primaire, le Gouvernement avait souhaité renforcer la place de l'instruction civique et morale, en y apprenant à respecter les symboles de la République, et donc « l'Égalité ».

Puis, évoquant la persistance des préjugés ou des réflexes sexistes, elle a estimé prioritaire de travailler à perfectionner la formation des enseignants dans ce domaine. Elle a également observé que les conseillers d'orientation avaient tendance à « reproduire » les comportements dominants de notre société et que leur formation devait également être améliorée. De façon générale, Mme Marie-Jeanne Philippe a souhaité que les conseillers d'orientation ne soient pas les seuls à intervenir dans le processus de choix d'une filière ou d'un métier, ce qui, a-t-elle observé, n'est d'ailleurs pas le cas en pratique ; elle a, en même temps, jugé utile d'encourager le dialogue direct entre d'une part, les élèves et leurs parents, et d'autre part, les enseignants, en insistant sur l'attention à porter au contenu des plans de formation des enseignants ou des personnels de direction, et au nécessaire développement de leurs contacts avec les entreprises.

Au sujet de l'action des conseillers d'orientation-psychologues, Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé les témoignages souvent très critiques recueillis par les membres de la délégation au cours des auditions et déplacements sur le terrain. Elle a considéré qu'un certain nombre d'évolutions étaient souhaitables, au-delà de celles qui sont d'ores et déjà intervenues.

Après avoir approuvé les analyses présentées par l'intervenante, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a souligné le phénomène de reproduction par les enfants de modèles sociaux avant tout diffusés par leur famille. Dans ce contexte, elle a souhaité que l'école s'ouvre encore plus largement sur la société, en multipliant les réunions d'information et les occasions de dialogue, notamment avec les parents, afin d'infléchir les stéréotypes familiaux. Elle a également préconisé le renforcement de l'enseignement des principes de base de l'économie pour lutter contre la méconnaissance du monde de l'entreprise. Puis, soulignant la rareté des femmes qui réussissent dans les carrières scientifiques, elle a souhaité que les médias puissent contribuer à mieux les faire connaître, de manière à offrir des « modèles de réussite » aux jeunes filles. A cet égard, elle a cité quelques initiatives, hélas encore trop peu nombreuses, comme le « Prix L'Oréal-Unesco » récompensant des femmes scientifiques, avant d'interroger l'intervenante sur les ressorts profonds de ses choix professionnels.

En réponse à cette dernière question, Mme Marie-Jeanne Philippe a évoqué les influences multiples de son milieu familial, situé en zone rurale, de la qualité de certains de ses enseignants et de la part de rêve que comportaient, pour elle, les sciences. A ce sujet, elle a regretté, à l'heure actuelle, un certain « désenchantement » à l'égard des découvertes scientifiques ou techniques qui se multiplient et tendent à se banaliser, contribuant selon elle à la désaffection des jeunes à l'égard des sciences.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'importance primordiale de la volonté chez les jeunes femmes qui s'engagent dans des carrières réputées masculines. Tirant les conclusions des observations de terrain de la délégation, elle a évoqué le cas de jeunes femmes qui abandonnent leur réinsertion dans des filières à dominante masculine au motif qu'elles « se sentent rejetées » par leur nouvel environnement professionnel, tandis que d'autres parviennent à y réussir grâce à une volonté farouche.

Mme Marie-Jeanne Philippe a alors évoqué les difficultés particulières que rencontrent les jeunes filles issues de l'immigration à choisir le métier de leurs souhaits, en raison de l'emprise de leur famille. Elle a souligné la nécessité de leur accorder un soutien spécifique pour contrecarrer le phénomène de régression de leur liberté de choix qui est aujourd'hui constaté par les recteurs dans les zones urbaines sensibles.

A titre d'exemple, elle a cité le travail entrepris avec les responsables des classes préparatoires aux grandes écoles pour encourager les candidatures féminines, notamment par l'attribution de bourses. Elle a en effet observé qu'en classe préparatoire, ce n'étaient pas nécessairement les meilleurs élèves qui réussissaient, mais plutôt ceux qui faisaient preuve de volontarisme.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam a demandé quelles mesures concrètes pouvaient être prises pour rééquilibrer la mixité dans certaines filières comme les classes préparatoires, en s'interrogeant sur l'opportunité de prévoir, par exemple, des bourses réservées aux filles.

Après avoir rappelé les travaux récemment menés par la mission d'information sur les classes préparatoires aux grandes écoles constituées par la commission des affaires culturelles du Sénat, Mme Annie David a également souligné l'importance des structures d'accueil comme les internats qui, en complément des bourses, peuvent favoriser l'acceptation par les parents du départ des jeunes filles du foyer familial, notamment dans les familles modestes.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam , rappelant son expérience dans ce domaine en tant qu'élue des Français de l'étranger, a indiqué qu'elle avait cherché à développer les internats pour faciliter l'accès aux lycées français à l'étranger et qu'il lui avait souvent été répondu que l'internat n'était pas « dans la culture française » : elle s'est alors interrogée sur la nature des correctifs à apporter à cette situation.

Approuvant ces propos sur la nécessité d'un développement des internats, tout particulièrement à l'intention des jeunes filles, Mme Marie-Jeanne Philippe a rappelé que la « massification » de l'enseignement s'était historiquement accompagnée de l'implantation de lycées de proximité, sans internat. À l'heure actuelle, compte tenu de la réduction des effectifs des lycées pour des raisons démographiques, elle a observé que certaines filières pédagogiquement et professionnellement attractives n'étaient pas suffisamment demandées par les élèves, faute de places disponibles en internat. Dans ces conditions, elle a estimé souhaitable de travailler avec les régions à renforcer les constructions d'internats, en rappelant que les internes réussissaient statistiquement mieux leurs études que les autres et que l'internat permettait souvent aux jeunes de s'orienter de manière positive, et non pas « par défaut ».

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente , elle a indiqué que l'installation du comité de pilotage de la convention pour l'égalité des femmes et des hommes dans le système éducatif était imminente. Elle a souhaité que celui-ci se fixe des objectifs et des obligations de résultat, relayés par les contrats d'objectifs des établissements et par les ministères intéressés. En outre, elle s'est dite favorable à la mise en place d'indicateurs chiffrés permettant d'évaluer les objectifs fixés par la convention et de mesurer les progrès qui pourront être accomplis.

Mme Annie David s'est alors interrogée sur les stéréotypes de genre qui subsistent dans les manuels scolaires.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est associée à ce propos, tout en rappelant que la convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif évoquait explicitement cette question.

Enfin, interrogée par Mme Annie David sur le suivi des recommandations du comité, Mme Marie-Jeanne Philippe a souligné l'importance d'une implication des différents ministères concernés, tout en indiquant à Mme Gisèle Gautier, présidente , que le comité ne manquerait pas de tenir informée la délégation de l'état d'avancement de ses travaux.

Audition de M. Jean-Luc Sethi, entrepreneur, chef de file du Projet « 30.000 femmes sur les chantiers à l'horizon 2009 »,
et de Mme Odette Repellin, chef du département « Formation » de la Fédération française du bâtiment (FFB)

(7 mai 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Après avoir rappelé que la délégation avait choisi de travailler cette année sur le thème de l'orientation et de l'insertion professionnelles, sous l'angle de la recherche d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans les différents métiers, Mme Gisèle Gautier, présidente , a indiqué qu'elle avait pu recueillir, lors d'un déplacement en Loire-Atlantique, des témoignages de femmes qui avaient manifesté leur motivation à l'égard d'une insertion dans des métiers réputés masculins, et en particulier de jeunes femmes satisfaites d'avoir osé s'engager dans les métiers du bâtiment.

M. Jean-Luc Sethi a rappelé qu'il dirigeait une entreprise du secteur du bâtiment employant environ 50 personnes et qu'il était, au sein de la Fédération française du bâtiment (FFB), chargé au plan national de la féminisation des métiers. Il a précisé que le président de la FFB avait fixé comme objectif de porter les effectifs de femmes travaillant dans le bâtiment de 10 000 en 2004 à 30 000 en 2009. Il a observé que cet objectif, a priori très ambitieux, représentait très concrètement l'embauche d'une femme par semaine dans chaque département.

Puis il a présenté quelques indicateurs économiques sur le bâtiment en France, en rappelant que ce secteur, qui offre une palette de 29 métiers, devrait, en 2008 , enregistrer un taux de croissance de 3 % et créer 35 000 emplois. Il a chiffré à 32 % l'augmentation des salaires depuis 5 ans dans ce secteur et à 120 000 le nombre de recrutements prévus chaque année dans les 10 ans à venir, avec 500 000 logements à construire par an, dont 120 000 logements sociaux dès 2009.

Il a ensuite indiqué qu'en 2007, le nombre de femmes travaillant sur les chantiers et dans les ateliers s'élevait à environ 15 000, ce qui correspond à une augmentation de plus de 50 % depuis 2004, et diagnostiqué une poursuite de cette progression à court terme, en précisant que 9 300 femmes étaient en formation dans la filière des métiers du bâtiment en 2005 (dont 6 300 en formation initiale et 3 000 en reconversion professionnelle).

En réponse à une question de Mme Gisèle Printz sur la durée des formations, M. Jean-Luc Séthi a indiqué que celle-ci était très variable, en rappelant la diversité des métiers offerts.

Puis, évoquant les écueils traditionnels de la présence des femmes dans les métiers du bâtiment, il a constaté, sur le terrain, un élan nouveau de la féminisation et pronostiqué une accentuation de ce phénomène. Il a signalé, en particulier, que les centres de formation d'apprentis (CFA) du secteur du bâtiment accueillaient 167 filles fin 1993, 705 fin 2004 et 1 380 fin 2007, en précisant que ces chiffres correspondaient à une proportion d'1,85 % de filles dans les effectifs d'apprentis à fin 2007 contre 1,1 % à fin 2004.

Il a souligné la nécessité, pour parvenir à ces résultats et les consolider, d'aller au devant des « orienteurs » et de l'Éducation nationale, afin de convaincre que les femmes pouvaient s'orienter vers d'autres métiers que les métiers traditionnellement féminins. Il a souligné les multiples effets positifs induits par la présence des femmes sur les chantiers, en évoquant l'amélioration de la sécurité, de l'hygiène ou de l'ambiance générale. Il a ensuite évoqué les témoignages de femmes salariées dans le secteur du bâtiment, qui mettent en avant la régularité des horaires, à la différence, par exemple, des métiers de la restauration, et le fait que les métiers du bâtiment ne peuvent être délocalisés par les entreprises, tout en permettant aux personnels de se déplacer géographiquement s'ils le souhaitent. Il a particulièrement insisté sur l'utilité et la force de conviction des témoignages relatifs à des expériences réussies, tant de la part des salariés que des chefs d'entreprise, en faisant observer qu'il fallait aider ces derniers à surmonter leurs réticences à embaucher des femmes.

Puis M. Jean-Luc Sethi a estimé que la profession avait désormais « passé le cap » des préjugés initiaux et précisé, qu'aujourd'hui, la mécanisation des métiers, qui limite les exigences de force physique, ainsi que leur diversification, étaient favorables à l'emploi féminin. Il a cependant évoqué un obstacle spécifique au développement de l'embauche de femmes sur de petits chantiers : la réglementation oblige, en effet, a-t-il rappelé, à installer des sanitaires séparés pour les hommes et les femmes sur les chantiers. Il a souhaité un assouplissement de la réglementation sur ce point, en expliquant la difficulté de sa mise en oeuvre pour les petits chantiers, pour lesquels l'installation de sanitaires non mixtes est déjà difficile lorsqu'il n'y a que des hommes. Il a cité l'exemple d'une entreprise que l'Inspection du travail avait empêchée d'embaucher une apprentie en raison de ce problème.

Mme Gisèle Printz s'est demandé s'il n'y avait pas là, parfois, l'occasion de trouver un prétexte pour ne pas embaucher de femmes.

Mme Odette Repellin a alors distingué le cas des ateliers permanents, où la mise en place de sanitaires distincts ne soulève pas de difficultés, de celui des petits chantiers, où il est plus difficile de procéder à des installations adéquates.

M. Jean-Luc Séthi a précisé que des expérimentations avaient été conduites pour satisfaire les exigences posées par le code du travail en aménageant des véhicules, mais que cette solution présentait un coût excessif.

Par ailleurs, il a regretté que les contrats de mixité souffrent d'une insuffisance de moyens, en précisant, qu'en moyenne, seuls, deux contrats par département avaient été conclus.

Puis Mme Odette Repellin a rappelé les préalables de cette opération générale de féminisation des métiers du bâtiment menée par la FFB, en indiquant que des expérimentations avaient été effectuées depuis 2001 en zone rurale et que les résultats d'une étude réalisée en 2003-2004 sur les représentations de ce secteur dans l'opinion avaient permis de mesurer que, contrairement à ce que l'on aurait pu en attendre, le bâtiment n'avait pas une mauvaise image, mais souffrait d'un déficit de communication. En outre, elle a souligné que cette étude avait démontré que le public envisageait positivement l'arrivée des femmes sur les chantiers.

Évoquant les campagnes d'information et de sensibilisation mises en place en partenariat avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour faire découvrir les métiers du bâtiment aux femmes, elle a également insisté sur l'importance du témoignage des demandeurs d'emploi qui avaient travaillé précédemment dans d'autres secteurs et pouvaient établir des comparaisons éclairantes avec les conditions de travail offertes dans le bâtiment.

Elle a fait observer que, désormais, toute la communication émanant de cette branche professionnelle respectait le principe de mixité, en faisant, par exemple, apparaître systématiquement des femmes et des hommes sur les affiches. Elle a insisté sur le développement de l'information diffusée aux collégiennes, et plus généralement aux femmes, en précisant que ces campagnes avaient un effet également bénéfique sur l'image des métiers du bâtiment auprès des hommes.

M. Jean-Luc Sethi a évoqué les modalités concrètes des actions entreprises par la FFB, notamment les témoignages apportés dans les collèges. Il a, en particulier, décrit l'opération « Un jeune, un jour » permettant d'accueillir un collégien pendant une journée en stage dans une entreprise du bâtiment, qu'il avait initiée dans le Nord-Pas-de-Calais il y a plusieurs années. Il a précisé qu'il avait prolongé cette initiative en lançant l'opération « Un professeur, un jour », qui, en accueillant un enseignant pendant une journée dans une entreprise, permet bien souvent de transformer le scepticisme initial en une prise de conscience des possibilités offertes par ce secteur.

A Mme Gisèle Gautier, présidente , qui s'est demandé si d'autres branches d'activité avaient développé des initiatives similaires, Mme Odette Repellin a répondu que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) s'y était également employé.

S'agissant des actions menées à l'intention des personnels des centres d'information et d'orientation (CIO), M. Jean-Luc Sethi a déploré qu'elles n'aient connu que des résultats mitigés.

A cet égard, Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté que les conseillers d'orientation-psychologues n'aient pas une connaissance suffisamment précise des métiers.

M. Jean-Luc Sethi a ensuite évoqué, à la demande de Mme Brigitte Bout , les actions de tutorat développées au sein de la FFB, et notamment les expériences de « marrainage » par des femmes salariées ou chefs d'entreprise, qui organisent l'accompagnement d'une femme nouvellement embauchée pour faciliter son intégration dans l'entreprise. Il a également mentionné les trophées « Bâtir au féminin » qui permettent de valoriser les chefs d'entreprise qui ont embauché des femmes dans leurs équipes, par l'attribution de prix, décernés aux niveaux régional et national, pour trois catégories d'entreprises, définies selon leur taille.

Mme Odette Repellin a expliqué que les femmes étaient désormais un peu plus accessibles qu'auparavant à un engagement dans les carrières du bâtiment, tout en reconnaissant que des efforts restaient à faire pour mieux sensibiliser les chefs d'entreprise.

Évoquant ses observations de terrain, Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'importance primordiale, selon les témoignages des intéressées, de la force de caractère et de la volonté de s'intégrer dans le milieu très masculin du bâtiment.

Approuvant ce propos, M. Jean-Luc Sethi a souligné que les femmes qui s'engageaient dans ce secteur jouaient un rôle de « pionnières », tout en estimant que ses rencontres quotidiennes démontraient que leur intégration était de plus en plus naturelle.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier présidente , Mme Odettte Repellin a précisé que les femmes avaient, de façon générale, moins de difficultés à s'intégrer, dans le secteur du bâtiment, au niveau des cadres, où elles sont plus nombreuses, qu'à celui des ouvriers (en 2006, on comptait 12,4 % de femmes parmi les cadres, contre 1,6 % parmi les ouvriers).

Mme Anne-Marie Payet s'est demandé quels moyens permettaient de soutenir les femmes et de les encourager à progresser dans leurs carrières. Elle a constaté qu'à La Réunion, les femmes faisaient preuve d'un dynamisme remarquable dans ce secteur, aujourd'hui très porteur en raison des besoins croissants en logements.

Rejoignant ce propos, M. Jean-Luc Sethi a constaté que, dans cette branche d'activité, les femmes se projetaient dans l'avenir plus que les hommes et étaient souvent plus ambitieuses dans leurs projets professionnels.

Il a considéré que le secteur du bâtiment, marqué par un contexte de pénurie de main d'oeuvre et par la perspective d'un départ à la retraite prochain de nombreux chefs d'entreprise âgés, offrait aujourd'hui beaucoup d'opportunités pour les femmes.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a conclu en félicitant les intervenants pour le dynamisme de leur démarche.

Audition, dans le cadre d'une table ronde,
de Mme Éveline Duhamel, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, secrétaire du bureau de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI),
accompagnée de Mme Catherine Seguin, directrice de cabinet du président de l'ACFCI
de Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, membre de l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM)
de M. Jean-Pierre Boisson, président de la Chambre d'agriculture du Vaucluse, membre du bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA),
accompagné de M. Guillaume Baugin, chargé des affaires parlementaires à l'APCA

(14 mai 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que la présente audition s'inscrivait dans le cadre de la réflexion que conduisait cette année la délégation en vue d'un rééquilibrage entre hommes et femmes dans tous les métiers.

Elle a d'abord invité Mme Éveline Duhamel , présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, à présenter les constats qu'opèrent les chambres de commerce et d'industrie quant à l'inégale répartition des hommes et des femmes dans les différents métiers, ainsi que les remèdes qu'il lui paraissait possible d'y apporter.

Mme Éveline Duhamel a d'abord rappelé que, présidente de la Chambre de commerce et d'industrie de Dieppe, elle était en outre secrétaire au bureau de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), vice-présidente déléguée du Conseil européen femmes et entreprises, et bien sûr, chef d'entreprise.

Elle a indiqué que les neuf années qu'elle avait déjà passées dans le milieu consulaire lui avaient permis de constater la réalité des freins d'ordre psychologique, culturel ou familial, qui font souvent obstacle à la formation et au recrutement des jeunes femmes dans de nombreux métiers, relevant que ces freins étaient un peu plus puissants en zone rurale ou côtière que dans les grandes villes. Elle a expliqué que ces freins tenaient, par exemple, à la réticence des familles à l'idée de laisser partir une très jeune fille seule pour la grande ville, et aux difficultés de trouver un logement abordable, compte tenu des carences du logement étudiant.

Elle a indiqué que les chambres de commerce et d'industrie, qui sont aussi des acteurs de la formation, s'efforçaient par ce biais de faire mieux connaître la réalité des métiers. Elle a en effet relevé que, même si rien ne prédisposait ces métiers à un sexe plutôt qu'à un autre, les enseignants avaient cependant tendance à orienter leurs élèves en fonction de leur genre, en aiguillant les filles vers les métiers du secteur tertiaire, considérés comme plus « féminins ». Elle avait pu constater récemment encore, à l'occasion d'une réunion avec des chefs d'entreprise, les difficultés que ceux-ci avaient à admettre que les métiers de la logistique pouvaient aussi convenir à des femmes. Elle a cependant estimé que toute attitude trop volontariste pour favoriser l'accès des femmes à certains métiers pouvait s'avérer contre-productive, du fait des réactions négatives qu'elle était susceptible d'entraîner.

Elle a cependant jugé que les chambres consulaires avaient pour devoir d'améliorer l'organisation des métiers, de façon à ce que les femmes qui souhaitent les exercer puissent concilier plus facilement leur exercice avec leurs responsabilités de mère ou de grand-mère, voire avec les fonctions auxquelles elles peuvent aussi légitimement aspirer dans la vie civile ou la vie politique. Elle a évoqué, notamment, la question des horaires, déplorant qu'actuellement, dans beaucoup d'entreprises, des réunions importantes aient fréquemment lieu le mercredi, ou dans la soirée.

Présidente de la Chambre de métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, Mme Danielle Nicolas a indiqué qu'elle était en outre membre du conseil économique et social de Lorraine, chef d'entreprise et mère de famille. Elle a noté que le secteur de l'artisanat, qu'elle représentait, employait trois millions d'actifs dont un tiers, environ, de femmes, cette proportion augmentant d'ailleurs régulièrement.

Présentant les actions conduites en faveur de l'emploi des femmes dans l'artisanat, elle a d'abord évoqué la charte signée en 2004 avec Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, pour promouvoir l'apprentissage et les métiers de l'artisanat auprès des jeunes filles, ainsi que la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises qui, en conférant un statut au conjoint collaborateur du chef d'entreprise, a constitué une avancée très appréciable. Elle a cependant souhaité que le bénéfice de ce statut puisse être étendu au partenaire d'un pacte civil de solidarité (PACS). Elle a estimé que des progrès lents mais réguliers étaient enregistrés en faveur d'une promotion des métiers dépourvue de tout a priori sexiste, citant l'exemple d'une jeune femme satisfaite de s'être engagée dans le secteur de la carrosserie.

Elle a ensuite indiqué que l'APCM avait installé un réseau de référents pour promouvoir la parité et l'égalité dans les entreprises, qui travaillaient en réseau, s'informaient sur les initiatives qu'ils prenaient et se communiquaient les évaluations dont celles-ci faisaient l'objet.

Évoquant ensuite le projet d'université des métiers, dans lequel sont déjà engagées quelques chambres de métiers, et qui doit, à terme, être étendu à l'ensemble des régions, Mme Danielle Nicolas a indiqué qu'il avait pour objectif de permettre à des jeunes femmes déjà dotées d'un bon bagage général de créer des entreprises et de trouver les compétences dont elles ont besoin dans différents métiers, ainsi que de suivre une formation au « management ». Il lui a semblé indispensable d'accompagner ainsi des projets de création de PME, qu'elle a jugés potentiellement très nombreux. Elle a en effet noté que beaucoup de chefs de très petites entreprises avaient le sentiment qu'ils s'exposeraient à des risques importants s'ils augmentaient leurs effectifs au-delà de dix salariés, et qu'il convenait donc de les accompagner pour leur donner les compétences de gestion dont ils ont besoin pour développer leur affaire.

Elle a précisé que l'APCM travaillait, en ce domaine, en liaison avec la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE).

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité savoir quels étaient les arguments qu'employaient le plus couramment les chefs d'entreprise pour justifier leur refus de recruter une femme.

Mme Éveline Duhamel a indiqué que ces réserves n'étaient généralement pas exprimées directement, mais qu'elles se traduisaient par des avertissements détournés de nature à faire fléchir la détermination des candidates, en leur expliquant, par exemple, au cours de l'entretien d'embauche, que le poste à pourvoir demandait une grande disponibilité qui n'était pas nécessairement conciliable avec leurs responsabilités familiales.

Elle a estimé qu'il n'en était pas moins nécessaire, même si ce type de procédé n'était pas de nature à dissuader une femme vraiment déterminée, de sécuriser psychologiquement les femmes grâce à des modes de garde d'enfants qui leur permettent de travailler l'esprit libre sans être perpétuellement confrontées aux difficultés qui résultent de l'insuffisance du nombre de places disponibles en crèche et de leurs horaires trop stricts, ainsi que du coût des gardes à domicile qui les mettent hors de portée de bien des bourses, difficultés qui sont renforcées en cas d'enfant malade ou de déplacement professionnel. Elle a donc recommandé le développement de crèches parentales, estimant que ces petites structures plus souples étaient davantage de nature à rassurer les mères.

Elle a estimé qu'il convenait aussi de développer plus qu'aujourd'hui les formes de télétravail, qui sont susceptibles de constituer une réponse intéressante au problème du travail des femmes, ou des handicapés.

Elle a cependant élevé une mise en garde contre le risque d'effets « boomerang » de politiques trop volontaristes pour assurer une stricte parité dans le monde du travail, redoutant qu'elles n'alimentent, comme toutes les formes de discrimination positive, la suspicion sur le mérite des femmes qui auraient réussi.

Mme Éveline Duhamel a ensuite confirmé à Mme Gisèle Gautier, présidente , que les femmes continuaient de ne s'orienter qu'en petit nombre vers les métiers considérés comme masculins, estimant que les milieux professionnels n'étaient pas seuls responsables de cet état de fait, qui résulte aussi des influences familiales.

M. Jean-Guy Branger a relevé que les propos tenus par les intervenantes étaient intéressants et parfaitement cohérents avec les autres auditions conduites par la délégation, et souligné l'intérêt qui s'attache à la proposition de développer les crèches parentales. Il a estimé qu'on demandait en effet beaucoup aux femmes, qui doivent être à la fois épouses, mères et professionnellement actives. Il a appelé à une prise de conscience sur la nécessité d'assouplir les horaires des garderies scolaires, estimant que les associations de parents pouvaient mettre sur pied des systèmes qui fonctionnent très bien, sur la base du volontariat de ceux qui disposent d'un peu de temps, et le cas échéant avec le soutien financier des collectivités territoriales.

M. Alain Gournac , tout en jugeant que les choses progressaient dans la bonne direction, s'est cependant étonné de ce que les chambres de commerce et d'industrie ne se soient pas engagées dans l'organisation de crèches, notamment pour permettre aux femmes qui travaillent de faire face à des imprévus : une réunion qui se prolonge le soir ou un déplacement. Il a regretté que les entreprises s'en remettent un peu trop systématiquement aux pouvoirs publics locaux pour mettre sur pied un système de garde, alors qu'elles pourraient jouer un rôle important, à condition, bien sûr, de se regrouper, particulièrement pour les entreprises artisanales.

Mme Éveline Duhamel a expliqué qu'elle avait en effet tenté de créer une crèche dans une zone industrielle et commerciale, mais n'était cependant pas parvenue à fédérer les entreprises sur ce type de projet. Elle s'est cependant déclarée convaincue que la création de crèches par les chambres de commerce et d'industrie, ou du moins les plus importantes d'entre elles, serait quelque chose de très positif. Elle a aussi plaidé en faveur du développement des horaires à la carte, et du télétravail.

Tout en se déclarant persuadée de la nécessité pour les entreprises de se montrer plus attentives à la question des horaires de travail, Mme Danielle Nicolas a estimé, en se fondant sur son expérience de chef d'entreprise, qu'on ne devait pas négliger pour autant le poids que représente pour une PME le remplacement des femmes qui partent en congé de maternité, puis en congé parental, et le financement des indemnités de précarité qui sont dues à leurs remplaçants à l'issue de leur contrat à durée déterminée. Elle a également évoqué la nécessité pour les femmes de suivre une formation adaptée pour se remettre à niveau après une interruption de carrière liée à l'éducation des enfants.

Soulignant l'importance des problèmes spécifiques des très petites entreprises (TPE) ou des PME, Mme Gisèle Gautier, présidente , a ensuite rappelé son initiative tendant, par voie d'amendement au projet de loi de finances pour 2008, à maintenir le dispositif d'aide financière aux entreprises de moins de cinquante salariés pour le remplacement de leurs salariées parties en congé de maternité. Elle a regretté que son amendement, adopté par le Sénat, n'ait cependant pas pu, en raison du désaccord du Gouvernement, être définitivement retenu. Puis elle a interrogé le représentant des chambres d'agriculture sur la féminisation des métiers de l'agriculture.

M. Jean-Pierre Boisson , président de la chambre d'agriculture du Vaucluse, a tout d'abord évoqué la féminisation croissante de la profession d'exploitant agricole, depuis une dizaine d'années, en prenant l'exemple du vignoble de Châteauneuf-du-Pape, où s'installent aujourd'hui à parité femmes et hommes. Il a ensuite souligné que la féminisation était très importante, au-delà de 50 %, parmi les salariés des organisations professionnelles agricoles, en précisant qu'un certain nombre de femmes devenaient désormais directrices de chambres d'agriculture. En revanche, il a indiqué que les effectifs d'hommes demeuraient largement majoritaires parmi les salariés des exploitations agricoles, en expliquant cette situation par la pénibilité du travail, ainsi que les contraintes horaires. Il a toutefois observé que la présence des femmes était notable dans les activités de conditionnement des produits agricoles. Il a estimé que, dans les métiers agricoles où les femmes étaient présentes, l'égalité salariale était respectée.

Mme Christiane Kammermann a chaleureusement félicité Mmes Éveline Duhamel et Danielle Nicolas pour leurs parcours, avant de s'interroger sur les métiers de l'artisanat les plus prisés par les femmes et de demander des précisions sur le statut des différentes catégories de conjoints d'artisans impliqués dans la gestion de l'entreprise familiale. Évoquant ensuite l'orientation des femmes vers des professions traditionnellement masculines, elle a considéré que celle-ci ne se justifiait que si les intéressées y aspiraient vraiment.

M. Jean-Pierre Boisson a indiqué que la mécanisation agricole avait progressivement réduit le nombre de tâches qui ne sont pas accessibles aux femmes. Il a souligné que certaines femmes étaient attirées par le travail de la terre.

Soucieuse de combattre les stéréotypes de genre, Mme Danielle Nicolas a évoqué le cas concret de jeunes filles qui, dans le secteur de la carrosserie automobile, exercent avec succès leur talent d'artiste et de peintre. Elle a ensuite précisé que la coiffure, l'esthétique et plus généralement les services étaient les domaines de prédilection de l'artisanat féminin.

Observant que bien des enfants ne connaissent que les métiers de leurs parents, elle a souhaité que les conseillers d'orientation puissent leur ouvrir le plus tôt possible de nouvelles perspectives professionnelles. Prolongeant cette analyse, elle a préconisé de multiplier les rencontres entre les artisans et tous les personnels susceptibles d'éclairer les choix d'orientation des élèves. Déplorant les cas d'orientation « par défaut », elle a cité le cas concret d'un bon élève motivé par l'entrée dans la vie active comme électricien, mais dissuadé de suivre cette voie par les conseillers d'orientation et finalement conduit à se diriger vers la boucherie, après un échec de la poursuite de ses études dans l'enseignement général.

Puis Mme Danielle Nicolas a précisé que le statut de conjoint d'artisan ne s'adressait qu'à celui qui participe effectivement à l'entreprise artisanale, en souhaitant la prise en compte du partenaire pacsé au même titre que celle de l'époux. Elle a ensuite regretté une certaine carence de statistiques détaillées qui permettraient de suivre avec précision l'évolution de la place des femmes dans les différents secteurs de l'artisanat.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souhaité que cette préoccupation soit relayée par la délégation sous forme de recommandation dans le cadre de son prochain rapport d'activité.

M. Jean-Guy Branger a estimé que la féminisation des exploitations agricoles dépendait largement de leur nature, de leur superficie et de leur activité. Sur la base de son expérience de terrain, il a confirmé la présence de femmes dans les exploitations laitières ou les exploitations mixtes qui produisent à la fois des céréales et du lait, avant de témoigner de la capacité des femmes à manipuler efficacement des moissonneuses-batteuses sur les exploitations céréalières.

M. Jean-Pierre Boisson a distingué de nouveau le cas des conjointes d'exploitants agricoles ou des femmes chefs d'exploitation, de plus en plus nombreuses, et celui des salariées agricoles, encore assez rares.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a alors interrogé une nouvelle fois les intervenants sur leur analyse des maillons faibles du dispositif d'orientation scolaire.

Mme Éveline Duhamel a évoqué les partenariats mis en place entre les professions artisanales et les rectorats pour faire découvrir les métiers aux élèves des classes de quatrième et troisième. Elle a cependant regretté la difficulté de trouver des entreprises volontaires pour organiser des visites et signalé les nouveaux obstacles auxquels sont confrontées les entreprises pour accueillir des élèves : soumises depuis plusieurs années à des prescriptions plus sévères en matière de sécurité, des entreprises du secteur de l'automobile ou de la verrerie, par exemple, ont dû cesser d'organiser des visites scolaires particulièrement intéressantes. Puis elle a déploré que les enseignants n'accompagnent pas toujours les enfants lors de ces visites et n'organisent pas systématiquement des séances de préparation en amont. Elle a souhaité la généralisation de l'option de découverte professionnelle en classe de troisième, aujourd'hui facultative, et le renforcement des initiatives existantes, comme les « Journées portes ouvertes » ou les « Nuits de l'orientation », compte tenu de leur succès. Elle a enfin cité la mise en place d'actions permettant aux professeurs d'effectuer, sur la base du volontariat, des stages de plusieurs jours en entreprise et souhaité le développement de ces pratiques.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a rappelé que la délégation avait, à plusieurs reprises, bien perçu la nécessité de mieux former les maîtres à l'orientation, en les sensibilisant à la réalité de l'entreprise et aux perspectives de féminisation de certains secteurs.

Mme Danielle Nicolas a estimé qu'une « révolution culturelle » était en cours dans le monde du travail et pronostiqué qu'avec l'évolution des esprits, l'approche des métiers ne serait sans doute plus la même d'ici à quelques années. Elle a cependant regretté la persistance de fréquentes orientations « par défaut » vers l'artisanat et de fausses représentations des métiers de ce secteur, qui négligent notamment les transformations induites par les progrès technologiques. Puis elle a exhorté tous les acteurs de l'orientation à insuffler aux élèves, dès leur plus jeune âge, le goût de l'entrepreneuriat, synonyme d'un choix de liberté, en soulignant le caractère particulièrement gratifiant, pour les femmes, de la réussite à la tête d'une entreprise. Elle a d'ailleurs fait observer que la situation de chef d'entreprise permettait aux femmes de s'organiser plus facilement pour concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Mme Danielle Nicolas a enfin souligné que, de manière générale, l'artisanat ne se situait absolument pas dans une démarche de discrimination à l'égard des femmes et que le déficit actuel de main-d'oeuvre dans certains métiers imposait à ce secteur de rechercher et d'accueillir tous les talents et les compétences.

A la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente , Mme Danielle Nicolas a précisé que les secteurs d'activité en tension de main-d'oeuvre étaient actuellement le bâtiment, le tourisme et la restauration, ainsi que les services.

M. Jean-Pierre Boisson a rappelé que les chambres d'agriculture ne menaient pas d'activités de formation scolaire, celle-ci s'effectuant essentiellement dans le cadre de lycées agricoles publics et privés et des Maisons Familiales Rurales. Il a ensuite évoqué la mise en place d'un réseau de « fermes éducatives » destinées à faire découvrir l'agriculture aux élèves, ainsi que les interventions des chambres d'agriculture dans les établissements d'enseignement pour présenter les métiers agricoles. Il a enfin signalé que le processus de modernisation des exploitations agricoles nécessitait un développement de la formation continue, et constaté un certain manque de moyens dans ce domaine.

Audition de Mme Nathalie Le Breton, présidente de l'Union nationale des associations « Retravailler », accompagnée de Mme Françoise Fillon, déléguée générale

(21 mai 2008)

Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente

Mme Gisèle Gautier, présidente , a évoqué le parcours professionnel des intervenantes. Puis elle a rappelé que la délégation s'attachait à cerner les solutions susceptibles de permettre de rééquilibrer les métiers du point de vue de l'égalité des femmes et des hommes, et qu'elle était particulièrement soucieuse d'améliorer les conditions de l'orientation au sein du système scolaire, afin de favoriser un tel rééquilibrage.

Mme Nathalie Le Breton a alors présenté l'association « Retravailler », en rappelant qu'elle avait été créée en 1974, à l'initiative de Mme Évelyne Sullerot, afin d'aider les femmes ayant interrompu leur vie professionnelle pour élever leurs enfants à se réinsérer dans le monde du travail. Elle a insisté sur la nécessité de redonner de l'estime de soi à ces femmes parfois confrontées à un univers masculin réticent. Aujourd'hui, a-t-elle précisé, l'association, qui a évolué, s'adresse aussi bien aux femmes qu'aux hommes et s'attache à faire progresser la mixité des métiers, qui a généralement des incidences positives sur l'évolution des conditions de travail. A cet égard, elle a cité des professions dans lesquelles la mixité a progressé, en indiquant, par exemple, que l'arrivée des femmes avait contribué à favoriser la diminution de la pénibilité physique du métier de facteur.

Mme Nathalie Le Breton a indiqué que l'association comptait 450 salariés répartis sur l'ensemble du territoire, dans près d'une centaine d'antennes départementales. Elle a ensuite évoqué l'axe fondamental de l'action de l'association, qui est de promouvoir l'orientation professionnelle continue et la formation professionnelle tout au long de la vie, en faisant observer que « l'égalité professionnelle ne se décrète pas » et en soulignant, compte tenu de la prégnance des stéréotypes, la nécessité de continuer à agir pour désenclaver les bastions professionnels masculins ou féminins.

Puis, présentant les moyens d'action de l'association, elle a insisté sur l'efficacité de la démarche qui consiste à amener les femmes au contact des métiers réputés masculins, comme ceux du bâtiment et des travaux publics (BTP), pour leur faire prendre conscience de l'inadéquation des images stéréotypées qu'elles y rattachent. Pour illustrer son propos, elle a notamment précisé qu'on recensait aujourd'hui 75 % de femmes dans les métiers de la verrerie, secteur autrefois considéré comme masculin, car cette filière avait travaillé sur son image et su accueillir des femmes.

Dans le souci de permettre aux femmes de faire valoir leurs compétences dans leur vie professionnelle, Mme Nathalie Le Breton a présenté comme une solution à courte vue la technique du « placement » qui consisterait, par exemple, à imposer un emploi de caissière à une femme titulaire d'un diplôme de niveau Bac + 3. Elle s'est, en outre, demandé si de telles pratiques n'étaient pas de nature à créer de graves désillusions.

Mme Françoise Fillon a, pour sa part, estimé que l'association « Retravailler » était en danger, en s'inquiétant de la diminution de ses moyens financiers, et notamment de ceux provenant de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Elle a regretté, elle aussi, que l'on passe aujourd'hui d'une « logique d'orientation » à une « logique de placement ».

Après s'être félicitée de la contribution de l'association à la généralisation du travail des femmes, elle a déploré que la France, malgré une forte participation des femmes à la vie professionnelle, reste « loin du compte » du point de vue de l'égalité professionnelle, avec un différentiel salarial qui demeure de l'ordre de 25 %.

Puis elle a analysé les caractéristiques de « l'enclavement du travail des femmes », en distinguant une double discrimination, à la fois verticale, qui se manifeste par l'existence d'un « plafond de verre », et horizontale, dont témoigne le fait que 70 % des femmes qui travaillent demeurent concentrées dans six groupes de professions sur vingt-sept. Précisant que la discrimination verticale était en voie de légère diminution, mais que l'enclavement des femmes dans les métiers les moins bien rémunérés tendait plutôt à s'aggraver, elle a souligné que le parti pris de la mixité professionnelle était l'un des socles de la philosophie de l'association « Retravailler ».

Elle a alors évoqué l'origine des stéréotypes professionnels, en faisant observer que l'orientation des femmes vers les métiers de l'éducation, du secteur social ou de la santé pouvait s'analyser comme le prolongement, dans la sphère marchande, du rôle joué par la mère dans la sphère privée. Elle a jugé essentiel de « casser cette césure » qui fait dériver la ségrégation professionnelle du partage des rôles familiaux, en estimant qu'à l'appui de cette démarche, l'argument économique, tiré de l'augmentation des besoins de main-d'oeuvre dans certains secteurs traditionnellement « masculins », aurait sans doute plus de poids que le rappel des enjeux démocratiques et de justice sociale.

Puis elle a indiqué que l'association considérait comme « stratégique » de placer au premier rang de ses priorités l'orientation professionnelle des femmes en situation de crise, qui ont perdu leur emploi, et qui, bien souvent isolées en raison des séparations de plus en plus fréquentes des couples, sont contraintes, par le « principe de réalité », de se diriger vers des métiers en tension « estampillés masculins ».

Elle a regretté que, plus en amont, à l'adolescence, au moment des choix d'orientation, les filles aient tendance à « mélanger identité sexuelle et identité sexuée » et se dirigent massivement vers les métiers connotés comme féminins, du secteur social en particulier, qui leur paraissent susceptibles de permettre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.

En réponse à une question de Mme Gisèle Gautier, présidente , Mme Françoise Fillon a précisé que le phénomène de ségrégation horizontale du travail féminin se manifestait, contrairement aux idées reçues, de manière comparable en France et dans les pays du Nord de l'Europe.

Puis, évoquant les moyens d'action de l'association, elle a insisté sur l'importance d'une information approfondie sur les métiers et de la promotion des compétences des femmes auprès des entreprises, grâce à l'établissement par ces dernières de « référentiels de compétences » clairs. Elle a également présenté comme essentielle la féminisation des noms de métiers, qui aide les femmes à se projeter sur des activités jusqu'alors sémantiquement masculines.

Par ailleurs, afin de combattre les fausses représentations, Mme Françoise Fillon s'est appuyée sur l'analyse des trois stéréotypes qui se dégagent des différentes études conduites à travers l'Europe et tendent à empêcher la mixité des métiers : la pénibilité physique, la moindre disponibilité des femmes et la notion de « compétences différenciées ». Elle a démontré que ces trois stéréotypes ne résistaient pas à un examen réaliste.

S'agissant tout d'abord de la pénibilité physique, elle a pris l'exemple du métier d'infirmière, qui est particulièrement pénible, et a souligné que les progrès de l'ergonomie permettent désormais un accès égalitaire des femmes et des hommes dans la plupart des métiers, comme en témoigne le secteur du bâtiment.

Constatant ensuite que la créativité professionnelle est toujours meilleure dans les « collectifs de travail » mixtes, elle a rappelé, en ce qui concerne l'argument de la moindre disponibilité, d'une part, qu'il existait un certain nombre de femmes sans enfant, qui vivaient mal de ne pas être dans la « normalité » représentée par la maternité : jeunes, elles n'accèdent que rarement aux postes de responsabilité, car leurs employeurs appréhendent une éventuelle maternité ultérieure et, à partir de 40 ans, elles sont parfois bloquées dans leur carrière, en étant considérées comme des « personnalités potentiellement dangereuses », car suspectées de ne pas être équilibrées. D'autre part, toujours au sujet du problème de la disponibilité, elle a estimé qu'il fallait raisonner en termes de « parentalité », et non de maternité, en favorisant l'implication des pères dans l'éducation de leurs enfants. A cet égard, prenant l'exemple du congé parental, elle a constaté que si la loi avait évolué, il n'en était pas de même des us et coutumes.

Enfin, elle a estimé que la notion de compétences différenciées ne s'observait pas chez les enfants : c'est à l'adolescence que peuvent apparaître des différences, en particulier en matière d'orientation spatiale, ce clivage sexué des compétences relevant, selon elle, de freins culturels. L'enjeu majeur, a-t-elle rappelé, est de « casser » ces représentations, ce qui implique le lancement de vastes chantiers d'action sur les stéréotypes que diffusent les parents, ainsi que les enseignants, et des interventions massives en matière de formation et de sensibilisation de tous les acteurs de l'orientation.

Mme Françoise Fillon a jugé essentiel de mettre les femmes « en situation » professionnelle, pour leur démontrer par l'expérience qu'elles ont les compétences requises pour exercer avec succès des métiers qui leur paraissaient, a priori , inaccessibles. Elle a cité, à cet égard, des expériences qui, grâce à un partenariat entre différents acteurs de l'insertion professionnelle comme l'AFPA ou les chambres consulaires, ont permis d'insérer des femmes dans l'agriculture, l'artisanat ou le bâtiment, par exemple, et des hommes dans le secteur des services à la personne. Elle a cependant déploré une certaine « réticence machiste » qui se manifeste parfois du côté du petit artisanat et freine la reprise d'activité par des femmes.

Mme Nathalie Le Breton a alors évoqué la « double entrave » que constituent, pour les femmes, les soins apportés aux enfants, jusqu'à 45 ans, et ceux apportés aux parents âgés, à partir de 55 ans. Elle a affirmé la nécessité d'un meilleur accompagnement des femmes au cours de ces périodes de leur vie, pour éviter le risque que celles-ci ne doivent faire face à des situations de grande précarité et de solitude en fin de carrière.

Mme Gisèle Gautier, présidente , rejoignant ces propos, a jugé la situation des femmes « seniors » particulièrement préoccupante. Elle s'est ensuite demandé pourquoi, lorsqu'un métier se féminisait, sa rémunération avait tendance à décliner et les hommes à s'en détourner. S'agissant de la féminisation des noms de métier, elle a confié qu'elle avait elle-même autrefois pu considérer comme dévalorisant le terme de « sénatrice », mais qu'elle était désormais très favorable à son utilisation.

Mme Françoise Fillon lui a répondu en qualifiant l'enjeu linguistique d'« essentiel », et en estimant que la sémantique, qui contribue à structurer les représentations, était un révélateur des résistances à la féminisation des métiers. Affirmant que « l'égalité a sa langue à construire », elle a fait observer que « féminiser l'emploi » signifiait littéralement donner une dimension féminine à un métier, ce qui l'amenait à préférer l'emploi d'une expression comme « augmentation du nombre de femmes dans une profession ».

Elle a confirmé que la présence féminine avait pour conséquence de faire évoluer les conditions d'exercice d'une profession, en prenant l'exemple des chauffeurs d'autobus. Symétriquement, elle a estimé que le travail des hommes dans les maternités ou les crèches était souhaitable et qu'il avait le mérite de « réintroduire le père » dans ces structures.

Estimant contre-productif de « rallumer la guerre des sexes », elle a fait référence aux travaux de Françoise Héritier, anthropologue, qui démontrent, dans toutes les cultures, la prévalence du masculin sur le féminin, ce qui peut s'expliquer, à l'origine, par la volonté des hommes de garder leur pouvoir sur leur progéniture, par un phénomène psychologique de compensation de leur incapacité à donner la vie. Rappelant enfin que les femmes étaient aujourd'hui en moyenne plus diplômées et plus qualifiées que les hommes, elle a toutefois jugé opportun d'utiliser cet argument avec discrétion.

Mme Christiane Hummel a demandé aux intervenantes des précisions sur les moyens, les modalités d'action et les partenaires de l'association.

Mme Françoise Fillon a précisé que l'association recevait 25 000 personnes par an, dont 70 % de femmes, pour la plupart en recherche d'emploi, et qu'elle travaillait avec des partenaires tels que l'ANPE, les conseils régionaux ou les conseils généraux. Elle a également indiqué que l'ANPE adressait à l'association « Retravailler » des personnes « en rupture d'emploi ».

Mme Christiane Hummel a constaté qu'elle n'avait eu connaissance, dans son département, de l'existence de l'association « Retravailler », ni par le biais de l'ANPE, ni par celui de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), alors qu'en tant que maire, elle s'impliquait très souvent dans les parcours de femmes souhaitant retravailler.

Mme Françoise Fillon a saisi cette occasion pour souhaiter que l'ANPE puisse améliorer son partenariat avec l'association « Retravailler ». S'agissant des autres partenaires de l'association, elle a évoqué le rôle des conseils régionaux, au titre de l'information ou de l'orientation, et des conseils généraux, en ce qui concerne les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI).

Mme Gisèle Gautier, présidente , a souligné l'intérêt des déplacements de terrain de la délégation, en évoquant le déplacement récent en région nantaise, qui avait permis de voir sur le terrain des expériences réussies d'insertion professionnelle de femmes dans des métiers traditionnellement masculins, menées notamment par l'AFPA.

Mme Françoise Fillon a indiqué que l'association « Retravailler » avait mis en place un programme de sensibilisation des formateurs de l'AFPA sur la question de la mixité des métiers, cet organisme ayant souhaité s'engager sur la voie de l'égalité.

Mme Nathalie Le Breton s'est inquiétée de la diminution des moyens accordés par l'ANPE à l'association « Retravailler » qui s'efforce, aujourd'hui, de rechercher de nouveaux marchés auprès des entreprises.

Mme Christiane Hummel a souligné le rôle essentiel des maires dans le partenariat permettant de venir en aide aux personnes à la recherche d'un emploi.

Puis, interrogée par Mme Gisèle Gautier, présidente , sur la politique de communication de l'association, Mme Nathalie Le Breton a mentionné le site Internet, avec le portail « Femmes-Emploi », et sa présence dans divers salons. Mme Françoise Fillon a précisé que le portail « Femmes-Emploi » connaissait un succès inattendu et s'efforçait aujourd'hui de proposer un « coaching en ligne ». Mme Nathalie Le Breton a également évoqué l'action menée au niveau européen.

A Mme Gisèle Gautier, présidente , qui s'est demandé concrètement comment parvenir à transformer les mentalités, Mme Françoise Fillon a fait observer qu'il ne fallait pas toujours compter sur les femmes ayant réussi pour faciliter le parcours des autres, en regrettant qu'à partir d'un certain niveau de réussite, les femmes n'aient souvent plus véritablement conscience de la situation dans laquelle se trouvent une grande majorité de leurs semblables.

Mme Gisèle Gautier, présidente , a regretté la sous-représentation des femmes dans toutes les instances de décision de la vie économique, sociale, syndicale et culturelle.

Rejoignant ce propos, Mme Françoise Fillon a souhaité une mobilisation culturelle pour faire évoluer les représentations, en constatant que les actions mises en place sur ce sujet ne réunissaient, la plupart du temps, que des « publics convenus » et que la prise de conscience de ce problème n'était pas suffisamment démocratisée. Elle a, par ailleurs, préconisé que l'égalité entre les hommes et les femmes soit intégrée dans les programmes d'instruction civique. Enfin, elle a évoqué l'existence d'outils pédagogiques remettant en cause les stéréotypes, qui peuvent être utilisés en milieu scolaire, Mme Christiane Hummel déplorant cependant que ces outils ne soient pas suffisamment connus.

Mme Gisèle Gautier, présidente , s'est néanmoins félicitée de l'amélioration, parmi les nouvelles générations de femmes, de la capacité à prendre la parole et à oser bousculer les habitudes.

Acquiescant à ce propos, Mme Nathalie Le Breton a souligné la nécessité d'assurer la visibilité des femmes qui ont réussi et de soutenir les femmes simultanément dans tous les domaines, en indiquant, par exemple, qu'une femme dévalorisée dans son milieu familial risquait d'en subir le contrecoup dans sa vie professionnelle.

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