C. FACILITER L'INSERTION PROFESSIONNELLE DES FEMMES

Pour favoriser l'insertion professionnelle des femmes dans des filières où elles ne s'orientent pas habituellement, il apparaît nécessaire de faciliter leur accès à une formation professionnelle adaptée et de les faire bénéficier d'un accompagnement personnalisé.

1. Offrir aux femmes l'accès à une formation professionnelle initiale et continue adaptée

Les auditions de la délégation ont montré que l'insertion professionnelle des femmes dans des filières masculines passait d'abord par l'accès tout au long de la vie à une formation professionnelle adaptée, qu'il s'agisse d'une formation initiale, d'une formation en alternance, d'une formation continue ou de la validation des acquis de l'expérience (VAE). En effet, les femmes découvrent souvent leur « vocation » pour un métier scientifique ou technique à l'occasion d'un stage ou d'une formation et leur orientation dans ces filières est fréquemment une réorientation, après une orientation initiale inadaptée ou « par défaut » dans des filières traditionnellement féminines, ainsi que l'ont montré les témoignages des jeunes filles rencontrées par la délégation au cours de son déplacement sur le terrain.

Or l'accès à la formation continue et le dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) sont beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre pour les femmes, qui ont souvent des trajectoires professionnelles « en pointillé » en raison d'interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants, que pour les hommes qui ont généralement des parcours professionnels plus linéaires. Pourtant, les femmes ont encore plus besoin que les hommes de bénéficier de la formation continue, car une « remise à niveau » s'avère souvent indispensable pour retrouver un emploi après une interruption de carrière.

L'association « Retravailler », dont les représentantes ont été entendues par la délégation, avait d'ailleurs été créée en 1974, à l'initiative de Mme Evelyne Sullerot, afin d'aider les femmes ayant interrompu leur vie professionnelle pour élever leurs enfants à se réinsérer dans le monde du travail. Aujourd'hui cette association, qui s'adresse aussi bien aux femmes qu'aux hommes, s'attache à faire progresser la mixité des métiers, en axant son action sur la formation professionnelle tout au long de la vie.

Au cours de son audition, Mme Marie-Jeanne Philippe, présidente du comité de pilotage de la Convention pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système éducatif, a souligné la nécessité de donner une priorité à la formation continue des femmes.

Dans le cadre de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, des dispositions ont été adoptées pour favoriser un accès équilibré des femmes et des hommes aux différentes filières de formation professionnelle et d'apprentissage, en invitant les régions à prendre en compte cet objectif pour établir le plan régional de développement des formations professionnelles ou pour élaborer des contrats fixant les objectifs de développement des formations professionnelles initiale et continue.

En particulier, le code du travail prévoit la possibilité d'instituer, à titre transitoire, par voie réglementaire ou conventionnelle, des mesures prises au seul bénéfice des femmes en vue d'établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes en matière de formation ; ces mesures sont destinées notamment à corriger les déséquilibres constatés au détriment des femmes dans la répartition des femmes et des hommes dans les actions de formation et à favoriser l'accès à la formation des femmes souhaitant reprendre une activité professionnelle interrompue pour des motifs familiaux 31 ( * ) .

Il importe de donner une application effective à ces dispositions pour qu'elles ne restent pas lettre morte.

En application des lois sur la formation professionnelle et l'apprentissage, 33 conventions-cadres de coopération ont été signées depuis 1972 entre les organisations professionnelles et le ministère de l'éducation nationale ; au cours de son audition devant la délégation, Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité, a préconisé leur généralisation.

Mme Françoise Fillon, déléguée générale de l'Union nationale des associations « Retravailler », a cité des expériences qui, grâce à un partenariat entre différents acteurs de l'insertion professionnelle comme l'AFPA ou les chambres consulaires, ont permis d'insérer des femmes dans l'agriculture, l'artisanat ou le bâtiment, par exemple, et des hommes dans le secteur des services à la personne.

Divers acteurs de la formation professionnelle entendus par la délégation mènent actuellement des actions spécifiques en direction des femmes, constituant autant d'exemples de bonnes pratiques.

Sur le fondement d'un accord-cadre national signé le 8 mars 2007 par Mme Catherine Vautrin, alors ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, l'organisme gestionnaire des fonds de la formation professionnelle de la CGPME, l'AGEFOS-PME, a engagé un plan d'action pour favoriser la formation et l'emploi des femmes et participer au décloisonnement de l'emploi féminin.

Ainsi sur les 35 196 contrats de professionnalisation conclus en 2007 par l'AGEFOS-PME, 54 % ont bénéficié à des femmes, alors qu'au plan national les femmes ont un accès inférieur aux contrats aidés. 56 % de ces contrats de professionnalisation bénéficiant à des femmes ont été conclus par des employeurs de moins de 10 salariés, avec un accent mis sur les professions jusqu'alors considérées comme masculines.

Cette politique, conduite au plan national, s'est appuyée sur des projets régionaux :

- en Provence-Alpes-Côte d'Azur, un projet de promotion du contrat de professionnalisation comme outil de recrutement en faveur des femmes, notamment dans le cadre d'une diversification de leurs choix professionnels ;

- en Midi-Pyrénées, un projet de professionnalisation des salariés en phase de transition professionnelle destiné en particulier aux femmes ;

- en Rhône-Alpes, un projet de développement de l'accès des femmes à la formation grâce à la mise en place de services collectifs favorisant leur disponibilité (une crèche interentreprises a été créée dans ce cadre) ;

- en Corse, un projet de développement d'actions de formation destinées aux femmes futures créatrices d'entreprise ou futures cadres.

En outre, au niveau national, des outils ont été créés pour la sensibilisation et la mise en oeuvre d'actions de formation à destination des entreprises :

- un argumentaire à destination des conseillers en formation pour les aider à convaincre les chefs d'entreprise de l'importance de la thématique de l'insertion des femmes ;

- un outil de pré-diagnostic à destination des conseillers en formation pour les guider dans la réalisation d'une première analyse de la situation de l'entreprise en termes d'égalité professionnelle ;

- un cahier des charges de la formation posant les principes de base à respecter dans le cadre d'un appel d'offres sur cette thématique.

La Fédération française du Bâtiment (FFB) a également engagé de gros efforts de formation en direction des femmes.

9 300 femmes étaient en formation dans la filière des métiers du bâtiment en 2005, dont 6 300 en formation initiale et 3 000 en reconversion professionnelle. Cet effort de formation a permis une augmentation de plus de 50 % depuis 2004 du nombre de femmes travaillant sur les chantiers et dans les ateliers, qui a atteint 15 000 en 2007.

Un effort tout particulier est mené en faveur de l'apprentissage. Ainsi, les effectifs des filles (pré-apprenties et apprenties) dans les centres de formation d'apprentis conventionnés avec le Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics (CCCA-BTP) ont évolué de 167 filles fin 1993 (0,46 % du total) à 705 filles fin 2004 (1,11 % du total) et 1380 filles fin 2007 (1,85 % du total).

Par ailleurs, au cours de son audition, Mme Danielle Nicolas, présidente de la Chambre des métiers et de l'artisanat de Meurthe-et-Moselle, a présenté un projet de formation permettant d'apporter une aide aux créatrices d'entreprise : le projet d'université des métiers, dans lequel sont déjà engagées quelques chambres de métiers et qui doit, à terme, être étendu à l'ensemble des régions. Ce projet a pour objectif de permettre à des jeunes femmes déjà dotées d'un bon bagage général de créer des entreprises et de trouver les compétences dont elles ont besoin dans différents métiers, ainsi que de suivre une formation au « management ».

Enfin, la délégation a pu voir au cours de son déplacement sur le terrain des expériences réussies de formation de jeunes femmes à des métiers manuels du bâtiment et de l'industrie. L'Association de formation professionnelle des adultes (AFPA) organise ainsi, dans ses locaux de Saint-Herblain, des « formations découverte » et des « formations qualifiantes » notamment dans les métiers du bâtiment, mais aussi en tournage, fraisage, soudure ...

Plusieurs jeunes femmes présentes ont témoigné d'une réorientation avec succès vers des métiers manuels (menuiserie, logistique, bâtiment, peinture, carrelage ...) grâce à des formations délivrées par l'AFPA, après une expérience professionnelle initiale dans des métiers très différents (hôtesse de caisse, vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, responsable d'une agence de publicité ...). A également été cité l'exemple frappant d'une jeune femme qui dans un premier temps avait été orientée vers un métier d'éducatrice de jeunes enfants, alors qu'elle voulait faire de la mécanique auto, et qui a finalement réussi à s'insérer dans ce dernier secteur après une formation à l'AFPA et deux stages de courte durée dans des garages.

Mme Françoise Fillon, déléguée générale de l'Union nationale des associations « Retravailler », a d'ailleurs signalé que l'AFPA avait souhaité s'engager sur la voie de l'égalité entre les genres et qu'un programme de sensibilisation de ses formateurs sur la question de la mixité des métiers avait été mis en place par « Retravailler ».

L'ICAM de Nantes mène également des actions de formation continue bénéficiant aux femmes, dans des ateliers de soudure, fraisage, électricité...

La délégation a ainsi notamment rencontré des jeunes femmes appartenant à un groupe de formation de chaudronnerie comprenant huit filles et sept garçons.

Plusieurs de ces jeunes femmes ont fait part de leur satisfaction de devenir « chaudronnières » après des expériences professionnelles plus ou moins réussies, souvent consécutives à une orientation par défaut vers des formations de secrétariat ou de comptabilité, ou vers des BEP jugés peu intéressants. Elles semblent très motivées par ce métier de travail sur le métal, même si elles considèrent qu'elles ont « plus à prouver » que les garçons et se heurtent parfois à des réticences de leur entourage et en particulier de leur conjoint.

Soulignant l'intérêt de l'ensemble de ces expériences, la délégation recommande qu'une priorité soit accordée aux actions tendant à faciliter l'accès des femmes à la formation professionnelle continue et à la validation des acquis de l'expérience (VAE).

* 31 Cf. article L. 6112-2 du code du travail.

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