B. LES LIMITES MÉTHODOLOGIQUES DE CETTE ANALYSE
En tant que comptes satellites de la comptabilité nationale 13 ( * ) , les CNS sont élaborés selon des conventions définies dans la base de référence générale établie par l'INSEE. La base actuelle est celle de 2000, qui s'est substituée à la base 1995 à l'occasion de la présentation de l'exercice 2003.
Le concept de santé qui s'y applique est le suivant : « ensemble d'actions concourant à la prévention et/ou au traitement d'une perturbation provisoire de l'état de santé » . Cette définition emporte des conséquences sur la délimitation des périmètres de dépenses (en termes de risques et d'agrégats) qui font parfois obstacle à une appréhension des phénomènes adaptée à la question posée, à savoir celle du financement des dépenses de maladie.
Par ailleurs, le terme de « comptes » fait oublier trop souvent qu'il s'agit en réalité d'un système d'évaluation, fondé sur l'agrégation d'informations de provenances multiples, de qualité variable, parfois inadaptées à l'objet des CNS ou totalement manquantes, ce qui suppose l'intervention de très nombreux retraitements : la DREES, tributaire de ses sources d'informations, accompagne chaque parution des CNS de précisions méthodologiques importantes qui soulignent cet aspect.
Les explications qui suivent conduisent à préciser les constats dressés dans le chapitre I.
Les périmètres de dépenses
a) Le risque santé
(1) Les dépenses de maladie ne sont pas isolées
Le périmètre des dépenses utilisé dans les CNS n'est pas celui des dépenses de maladie stricto sensu, mais celui des dépenses de santé, telles que définies ci-dessus.
Trois risques y sont donc agrégés, à savoir la maladie, la maternité et les accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). Or, si le risque maladie prédomine dans les prestations en nature puisqu'il génère plus de 95 % des dépenses d'AMO, il ne représente en revanche qu'un peu plus de la moitié des prestations en espèces versées par l'AMO.
(2) La comparabilité brute des CNS et des comptes de la sécurité sociale est impossible
Ce périmètre de dépenses diffère en outre de celui qui prévaut dans les autres sources statistiques et comptables disponibles (dont les comptes de la sécurité sociale et de l'ONDAM, voir annexe 2) : ceci interdit, en toute rigueur, la comparabilité brute de leur élément commun, à savoir les dépenses d'AMO.
Ainsi en 2006, les dépenses supportées par les régimes obligatoires de sécurité sociale présentaient les montants suivants dans les différents comptes.
Tableau n° 13
Dépenses incluses dans les différents comptes, par risque et par type de prestations
Risques Sources |
Maladie |
Maternité |
AT-MP |
Invalidité-décès |
Montant AMO 2006 |
|
CNS |
Soins de santé |
|||||
Indemnités journalières |
147,1 Md€ |
|||||
Rentes |
||||||
Compte de la protection sociale risque « santé » |
Soins de santé |
|||||
Indemnités journalières |
145,7 Md€ |
|||||
Rentes |
||||||
Comptes de la SS Branche maladie |
Soins de santé |
|||||
Indemnités journalières |
166,0 Md€ |
|||||
Rentes |
Source Cour
En grisé, les dépenses incluses, en blanc les dépenses exclues
Quant à l'ONDAM, son montant était de 141,8 Md€.
(3) La présentation des prestations en nature est incomplète et leur financement erroné
Enfin, l'application du concept de « perturbation provisoire » vu plus haut conduit à ne retenir que les indemnités temporaires (c'est-à-dire les indemnités journalières - IJ), mais à exclure des CNS les prestations en espèces pour incapacité permanente et invalidité-décès (c'est-à-dire les rentes).
Or, cette partition n'est pas celle utilisée par les assurances complémentaires auxquelles s'impose une classification européenne commune des branches d'assurances. La branche Non-Vie 14 ( * ) qui concerne notre propos et représente 15,9 % des opérations en 2006 (hors accidents de voiture) se compose de deux blocs dont le découpage n'est pas adapté au périmètre des risques des CNS :
- certes, les prestations en nature retracées dans la CSBM sont isolées et le plus souvent mentionnées comme « soins de santé » ou « frais de soins », parfois comme « complémentaire maladie ou complémentaire santé » ;
- en revanche, les prestations en espèces des AMC sont agrégées, y compris les rentes pour incapacité et invalidité-décès ainsi que les garanties dépendance pour l'instant peu importantes avec moins de 10 % des cotisations perçues en prévoyance : ce second bloc est désigné de manière très diverse sous les termes de « prévoyance », « indemnités », « incapacité-invalidité », « autres garanties ».
Tableau n° 14
Cotisations et prestations distinguées par risque, famille d'assureurs et nature des contrats
en 2006
En M€
IP |
SA |
Mutuelles |
Total |
|
Cotisations |
||||
Contrats individuels |
866 |
7 736 |
11 780 |
20 382 |
Soins de santé |
864 |
4 297 |
11 100 |
16 261 |
Prévoyance |
2 |
3 038 |
680 |
3 710 |
Contrats collectifs |
5 808 |
6 813 |
4 641 |
17 262 |
Soins de santé |
3 671 |
2 910 |
4 200 |
10 781 |
Prévoyance |
2 137 |
3 903 |
441 |
6 481 |
Total Affaires directes |
6 674 |
14 149 |
16 421 |
37 244 |
Soins de santé |
4 535 |
7 207 |
15 300 |
27 042 |
Prévoyance |
2 139 |
6 942 |
1 121 |
10 202 |
Prestations |
||||
Contrats individuels |
769 |
3 862 |
9 380 |
14 011 |
Soins de santé |
767 |
2 733 |
8 820 |
12 320 |
Prévoyance |
2 |
1 129 |
560 |
1 691 |
Contrats collectifs |
5 110 |
4 946 |
4 038 |
14 094 |
Soins de santé |
3 083 |
2 307 |
3 640 |
9 030 |
Prévoyance |
2 027 |
2 639 |
398 |
5 064 |
Total Affaires directes |
5 878 |
8 808 |
13 418 |
28 104 |
Soins de santé |
3 850 |
5 040 |
12 460 |
21 350 |
Prévoyance |
2 028 |
3 768 |
958 |
6 754 |
Source Cour d'après les informations fournies par la FFSA, la FNMF, le CTIP
L'agrégation de la totalité des prestations en espèces (rentes et IJ) empêche la DREES d'isoler les IJ versées par les AMC et de les incorporer dans les CNS. Il en est de même de la part des IJ directement financée en auto-assurance par les employeurs (voir plus loin page 34) : seule figure la part d'IJ supportée par l'AMO, ce qui majore artificiellement sa part de financement dans la dépense courante de santé (agrégat le plus large déjà mentionné en page 7). Cette réserve méthodologique ne s'applique pas à l'analyse des contributions réalisée dans le chapitre I sur les seules prestations en nature (CSBM).
* 13 Comptes satellites au même titre que les comptes de la protection sociale ou du handicap par exemple.
* 14 La seconde, appelée branche Vie, couvre les risques dépendant de la durée de vie (décès, rentes d'éducation et de conjoint, indemnités de fin de carrière, retraite par capitalisation) et représente 66,5 % des opérations en 2006.