III. ETAT DES LIEUX DE DEUX PRIORITÉS DE LA FUTURE PRÉSIDENCE FRANÇAISE
A. VERS LA CONSTITUTION PROGRESSIVE D'UNE FORCE EUROPÉENNE DE PROTECTION CIVILE ?
La protection civile relève en premier lieu de la compétence des Etats membres 28 ( * ) . Toutefois, conformément à l'article 3 du traité instituant la Communauté européenne qui prévoit que l'action communautaire comporte des mesures dans le domaine de la protection civile, et sur le fondement de la clause de flexibilité de l'article 30829 ( * ), l'Union européenne a développé une action de soutien aux initiatives des Etats membres depuis 1985, en cohérence avec les besoins de coordination accrue exprimés lors de catastrophes naturelles ou technologiques récentes.
Dans ce cadre, l'année 2007 a été marquée par un renforcement des initiatives communautaires en faveur de la protection civile, conformément aux souhaits de la France, qui, depuis 2005, a défendu l'idée d'une force européenne de protection civile.
M. Jean-Claude Peyronnet a donc procédé, le 26 février dernier, à l'audition de représentants du ministère de l'intérieur et du secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) sur les projets de la future présidence française de l'Union européenne en la matière .
1. Les projets de la présidence française de l'Union européenne vont s'inscrire dans un contexte de renforcement des initiatives communautaires en matière de protection civile
a) La création de l'instrument financier pour le financement des mesures de préparation et de réaction rapide aux urgences majeures
Pour faire suite au programme d'action communautaire initié par la décision 1999/847/CE du Conseil du 8 décembre 1999 pour aider les Etats membres touchés par une catastrophe, la décision du Conseil CE /2007/162 du 5 mars 2007 a institué un instrument financier permettant d'améliorer la capacité des systèmes nationaux de protection civile et de conforter leur solidarité (mesures de sensibilisation, formation et exercices).
L'objectif est de contribuer à l'efficacité des systèmes nationaux de préparation et de réaction aux situations à risque pour les personnes, l'environnement ou les biens, soit en améliorant la capacité de ces systèmes, soit en favorisant leur coopération.
Les actions pouvant obtenir un financement sont définies dans la décision et comprennent notamment, les projets de démonstration, les mesures de sensibilisation et de diffusion, la formation et les exercices, l'envoi et le déploiement d'experts ou la mobilisation à brève échéance des moyens et équipements appropriés .
Le montant total des actions et mesures financées par cet instrument est fixé à 189,8 millions d'euros pour la période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2013 .
b) Le mécanisme communautaire de protection civile
Après les attentats du 11 septembre 2001 , un mécanisme communautaire tendant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions relevant de la protection civile a été instauré par la décision 2001/792/CE Euratom du Conseil du 23 octobre 2001 afin de faciliter la solidarité communautaire lorsqu'un pays est victime d'une catastrophe naturelle, technologique, radiologique ou environnementale, mais aussi d'un acte de terrorisme, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne.
30 Etats 30 ( * ) participent à ce mécanisme, qui a impliqué :
- la préparation, par chaque Etat membre volontaire, d'équipes de secours capables d'être mobilisées pour des interventions d'urgence ;
-la mise en place d'un centre de suivi et d'information (ou MIC pour Monitoring and Information Centre) . Cet organe opérationnel du mécanisme est basé à Bruxelles (à la Commission) et en veille permanente .
Le MIC dispose d'un site internet ( MIC daily ) relié à plusieurs services d'alerte, où sont recensées les catastrophes dans le monde, d'une base de données contenant les moyens nationaux susceptibles d'être mobilisés et un système commun de communication et d'information d'urgence ( CECIS pour Common Emergency and Information System) avec les Etats membres.
Les informations sur les moyens nationaux de protection civile disponibles pour les interventions de secours sont compilées dans la base de données du MIC ;
-l'élaboration d'un programme de formation et d'exercices communs destiné aux équipes de secours, afin d'améliorer l'efficacité de leur coopération et de s'assurer de la compatibilité des matériels et équipements utilisés.
Le fonctionnement du mécanisme communautaire en cas de crise est le suivant :
- le MIC reçoit les alertes , centralise les informations sur les besoins d'un Etat touché par une catastrophe et les moyens disponibles des Etats prêts à lui venir en aide.
Il informe l'Etat demandeur des moyens qui peuvent être mis à sa disposition . Ce dernier sélectionne alors le type d'assistance qu'il souhaite et prend contact avec les autorités nationales qui la proposent.
Le MIC peut aussi apporter un soutien technique (accès aux images satellites ; collecte, centralisation et diffusion des données aux Etats concernés) et préparer la mobilisation et l'envoi de petites équipes d'experts sur le terrain, chargées d'évaluer les besoins des zones touchées par une urgence majeure et, éventuellement, de faciliter la coordination des opérations sur place ;
-la responsabilité de la direction des opérations de secours relève de l'Etat demandeur , tandis que les détails d'exécution relèvent de la personne désignée par l'Etat qui apporte l'assistance. L'Etat demandeur peut déléguer la direction des opérations aux équipes d'intervention, qui doivent dès lors coordonner leurs actions, éventuellement avec le soutien des équipes d'experts précitées.
En cas d'intervention dans un pays tiers , les équipes de secours des Etats membres de l'Union européenne travaillent sous l'autorité de l'Etat demandeur .
La présidence du Conseil joue un rôle de coordination politique et stratégique des opérations, la Commission conservant son rôle de coordination opérationnelle (cependant, la coordination globale est assurée par l'ONU lorsque ses services sont présents sur les lieux) ;
Le mécanisme communautaire a ainsi été sollicité à plusieurs reprises à l'extérieur des frontières de l'Union (par exemple, à la suite du raz-de-marée en Asie du sud-est début 2005).
A l'issue de terribles feux de forêts en Grèce 31 ( * ) qui ont amené une mobilisation sans précédent des secours européens en faveur d'un Etat membre de l'Union européenne, la décision du Conseil 2007/779/CE du 8 novembre 2007, prenant acte d' « une augmentation sensible de la fréquence et de la gravité des catastrophes naturelles et causées par l'homme, entraînant la perte de vies humaines et de biens, dont des biens appartenant au patrimoine culturel, la destruction d'infrastructures économiques et sociales et la dégradation de l'environnement », a amélioré le mécanisme communautaire (et abrogé la décision 2001/792/CE du 23 octobre 2001 précitée) pour « assurer une manifestation plus efficace et visible de la solidarité européenne et permettre le développement d'une capacité de réaction rapide européenne ».
Cette adaptation du mécanisme communautaire a pu bénéficier de la réflexion menée en 2006 par M. Michel Barnier, actuel ministre de l'agriculture et de la pêche et ancien commissaire européen, au nom de la Commission, dont les conclusions soulignaient la nécessité de mettre en place une force européenne de protection civile 32 ( * ) .
En pratique, la décision du 8 novembre 2007 tend à :
-faciliter le recensement et la mise en commun des ressources en matériels et en moyens de transport ;
-contribuer à la poursuite de l'élaboration et à la mise en place de systèmes de détection et d'alerte précoce ;
- mieux préparer les interventions (en particulier, en poursuivant l'évaluation des moyens de protection civile, les cours de formation et les simulations, et en développant la spécialisation des équipes de secours) ;
- développer les moyens d'analyse et d'évaluation des besoins, notamment les moyens et actions du MIC ;
- mettre en place des « modules » de protection civile (qui peuvent comprendre des équipements, du personnel, ou une combinaison de ces ressources), constitués à partir des ressources des États membres volontaires et qui doivent être parfaitement interopérables ;
Les 13 modules de protection civile identifiés 33 ( * ) sont les suivants : pompage haute capacité ; purification de l'eau ; opération à échelle moyenne de recherches et de sauvetage en milieu urbain ; opérations à grande échelle de recherches et de sauvetage en milieu urbain ; module de lutte contre les feux de forêts au moyen d'hélicoptères ; module de lutte contre les feux de forêts au moyen d'avions ; poste médical avancé ; poste médical avancé doté de structures chirurgicales ; hôpital de campagne ; évacuation aérienne médicalisée des victimes de catastrophes ; abri temporaire d'urgence ; détection et échantillonnage dans les domaines chimique, biologique, radiologique et nucléaire (NRBC) ; recherches et sauvetage en situation de risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. |
- renforcer la coordination des différents acteurs lors des interventions dans des pays tiers ;
-améliorer l'assistance en faveur des ressortissants de l'Union européenne victimes de catastrophes dans un pays tiers.
* 28 Sur ce point, voir l'éclairage du rapport d'information n° 237 (2005-2006) de notre collègue Paul Girod au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur l'action communautaire en matière de protection civile.
* 29 Cet article dispose que « si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées ».
* 30 Les 27 Etats de l'Union européenne, l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
* 31 280 .000 hectares ravagés par les flammes et 73 personnes décédées.
* 32 Rapport « Pour une force européenne de protection civile : europe aid » rendu public en juin 2006.
* 33 Décision de la Commission du 20 décembre 2007 modifiant la décision 2004/277/CE Euratom en ce qui concerne les modalités d'exécution