3. L'intercommunalité et l'organisation du partage des compétences
Sans préjuger des compétences qu'il faudrait confier à un futur Grand Paris, il ne semble pas inutile à ce stade d'analyser concrètement si l'intercommunalité à fiscalité propre a influé ou peut encore influer sur la ligne de partage des compétences entre communes, EPCI, départements et régions dans les domaines suivants : transport, développement économique, enseignement et formation, logement, environnement et services.
a) Le transport
Comme votre rapporteur l'explique par ailleurs dans ce rapport 15 ( * ) , la politique des transports est aujourd'hui du ressort du syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, qui regroupe la région et les départements. Cependant, en bout de chaîne, ce sont les communes qui disposent des compétences touchant la gestion des déplacements et l'articulation entre transports et urbanisme. Ainsi, les compétences complémentaires à celles du STIF sont réparties entre 1 281 entités communales.
On comprend donc, d'une part, que les EPCI franciliens ne soient pas impliqués et, d'autre part, que la tentation soit grande de les impliquer afin de réduire le nombre d'interlocuteurs locaux avec lesquels le STIF négocie quand un projet implique une réorganisation des espaces publics et de la voirie. Cependant, comme il a été dit, les EPCI existants ne correspondent pas aux bassins de vie et d'emploi dont découlent les besoins de transports. Il est donc impossible - à supposer que les communes puissent accepter d'être dépouillées de leurs compétences au profit des EPCI - d'imaginer que ces compétences puissent être confiées à un niveau d'administration locale dont le périmètre n'est pas pertinent.
b) Le développement économique
Pour cette compétence, l'Île-de-France hérite d'un cadre institutionnel tout aussi complexe et problématique que le reste du territoire, mais les effets négatifs de cette confusion se font sentir d'autant plus durement que la métropole parisienne est un coeur économique majeur.
Ainsi, la loi fait que, depuis 2004, la région assure la coordination des actions économiques dans le cadre du schéma régional de développement économique (SRDE) mais, depuis 1982, le département dispose de la compétence « action économique » et met en place l'Agence de développement économique. Enfin, les EPCI à fiscalité propre ont, depuis 1999, comme mission prioritaire le développement économique. Cet enchevêtrement des compétences nuit à l'efficacité de l'action publique dans le domaine économique, particulièrement dans la métropole parisienne.
En effet, la politique économique des EPCI de la petite couronne dispose de moyens relativement faibles ; elle se traduit par un renforcement de la rivalité entre les territoires intercommunaux et un gaspillage des fonds publics dans des opérations de marketing totalement dépourvues de vue d'ensemble. Il en résulte que les différences de développement et d'attractivité continuent à se renforcer autour de Paris. Le développement intercommunal ne contribue pas au renforcement d'un projet global et cohérent de l'agglomération ; au contraire, il fragmente les politiques publiques.
c) L'enseignement et la formation
Les EPCI franciliens ne jouent pas un rôle important dans ce domaine de compétence : l'accompagnement de l'enseignement élémentaire reste aux mains des communes, le second degré entre celles des départements. On remarque toutefois qu'en matière de formation professionnelle, d'enseignement supérieur et de recherche, les EPCI commencent à chercher à faire évoluer l'offre et particulièrement quand le lien est possible entre enseignement et développement économique. Mais là aussi, les initiatives sont désordonnées et les EPCI partagent ce secteur naissant avec des associations. C'est la raison pour laquelle il semble nécessaire, ici aussi, de revenir à un projet d'ensemble qu'il conviendrait de confier à l'échelon du Grand Paris.
d) Le logement
Il n'est plus nécessaire de rappeler l'éclatement des politiques locales de l'habitat ni l'empilement des niveaux de décision qui font que l'action publique dans le domaine du logement est peu lisible et peu efficace.
Il convient surtout de rappeler que le droit des sols et la délivrance du permis de construire relèvent de la responsabilité des communes et que cette compétence, octroyée en 1982, n'a jamais été remise en question, même si tous les autres acteurs locaux ont vu depuis croître leurs compétences en matière de logement.
Dans ce domaine, l'intercommunalité francilienne a été à l'origine de politiques locales de l'habitat, mais chacune de ces politiques est naturellement restée confinée au territoire de l'EPCI. Comme les périmètres sont très restreints, l'exercice de cette compétence donne peu de résultats tangibles. En outre, cette compétence n'est jamais prioritaire pour l'EPCI.
Quoi qu'il en soit, un renforcement intercommunal dans le domaine du logement n'est pas souhaitable sur ces petits périmètres au moment où il apparaît nécessaire de pratiquer une politique du logement à l'échelle de l'agglomération. Si l'on reste sur le chiffre annoncé de 60 000 logements nouveaux chaque année en Île-de-France, il faut avoir le courage de reconnaître que cet objectif ne saurait être atteint avec les structures intercommunales actuelles. Il semble plus judicieux de confier cette compétence à l'agglomération en concertation avec les communes détentrices du droit des sols, quitte à imposer des opérations prioritaires d'intérêt métropolitain comme ce rapport en fera la proposition.
e) L'environnement
En matière d'environnement (approvisionnement en eau, assainissement, préservation des risques naturels, enlèvement et traitement des déchets, lutte contre les nuisances), le périmètre d'intervention est imposé par une logique de rentabilité économique qui exclut que ces compétences puissent rester en Île-de-France à l'échelon communal, intercommunal ou départemental.
Cette constatation a été faite très tôt et de grands syndicats existent pour remplir ces missions essentielles depuis plus d'un siècle. Le SEDIF et le SIAAP ont déjà été évoqués mais on peut citer encore le SYCOM (syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de l'agglomération parisienne) qui couvre cinq département (75, 92, 93, 94, 78). A côté du SYCOM, il existe 11 autres syndicats moins importants mais chargés de la même compétence.
Il n'y a donc pas lieu d'attendre un quelconque bénéfice dans ce domaine en renforçant les EPCI à fiscalité propre. En revanche, il est peut-être encore possible de rationaliser les périmètres des syndicats existants.
f) Les services et les équipements
La métropole parisienne jouit d'un niveau élevé de services et d'équipements publics mais force est de constater malgré tout que de fortes disparités existent entre les territoires. La prise en charge des équipements et des services par les EPCI franciliens n'a pas, à ce jour, influé sur cet état de choses.
Les EPCI franciliens sont intervenus au titre de leurs compétences optionnelles ou facultatives pour les équipements sportifs et culturels et aussi pour les équipements et services sociaux de la petite enfance et du péri-éducatif. Toutefois, la question se pose dans la zone dense de savoir s'il est vraiment nécessaire de créer des EPCI pour porter les piscines, les bibliothèques, les écoles de musique, les salles de spectacles, les crèches, les gymnases, les cantines et les repas à domicile.
Il semble, en effet, que les communes de la zone dense soient déjà équipées et en tout cas en mesure de le faire par elles-mêmes et que l'intercommunalité sortie de la loi de 1999 n'a, à ce jour, pas apporté la preuve de son efficacité dans ce domaine. Or, on parle maintenant de mettre en réseau ces services et ces équipements intercommunaux : on est donc en droit de se demander où se situe le bon niveau d'intervention : la commune, l'EPCI ou le Grand Paris ?
La multiplicité des acteurs intervenant sur le territoire de la métropole parisienne s'est accrue avec la loi de 1999 favorisant l'intercommunalité. Or, ce mouvement tendant à multiplier les centres de décision nuit à la cohérence de la gouvernance globale du territoire. C'est la raison pour laquelle dans le cas où émergerait une nouvelle collectivité du Grand Paris sur le périmètre de la capitale et de la petite couronne, il conviendrait de mettre un terme à l'expérience des EPCI à fiscalité propre et de reventiler les compétences entre les communes et le Grand Paris.
Les compétences de la communauté urbaine selon l'article L. 5215-20 du CGCT I. - La communauté urbaine exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : 1° En matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel de l'espace communautaire : a) création, aménagement, entretien et gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ; b) actions de développement économique ; c) construction ou aménagement, entretien, gestion et animation d'équipements, de réseaux d'équipements ou d'établissements culturels, socioculturels, socio-éducatifs, sportifs, lorsqu'ils sont d'intérêt communautaire ; d) lycées et collèges dans les conditions fixées au titre I er du livre II et au chapitre I er du titre II du livre IV ainsi qu'à l'article L. 521-3 du code de l'éducation. 2° En matière d'aménagement de l'espace communautaire : a) schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d'urbanisme et documents d'urbanisme en tenant lieu ; création et réalisation de zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire ; et après avis des conseils municipaux, constitution de réserves foncières d'intérêt communautaire ; b) organisation des transports urbains au sens du chapitre II du titre II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, sous réserve des dispositions de l'article 46 de cette loi ; création ou aménagement et entretien de voirie ; signalisation ; parcs de stationnement ; c) prise en considération d'un programme d'aménagement d'ensemble et détermination des secteurs d'aménagement au sens du code de l'urbanisme. 3° En matière d'équilibre social de l'habitat sur le territoire communautaire : a) programme local de l'habitat ; b) politique du logement d'intérêt communautaire ; aides financières au logement social d'intérêt communautaire ; actions en faveur du logement social d'intérêt communautaire ; actions en faveur du logement des personnes défavorisées par des opérations d'intérêt communautaire ; c) opérations programmées d'amélioration de l'habitat, actions de réhabilitation et de résorption de l'habitat insalubre, lorsqu'elles sont d'intérêt communautaire. 4° En matière de politique de la ville dans la communauté : a) dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d'insertion économique et sociale ; b) dispositifs locaux de prévention de la délinquance. 5° En matière de gestion des services d'intérêt collectif : a) assainissement et eau ; b) création, extension et translation des cimetières et sites cinéraires hors de l'emprise des cimetières ainsi que création et extension des crématoriums ; c) abattoirs, abattoirs marchés et marchés d'intérêt national ; d) services d'incendie et de secours, dans les conditions fixées au chapitre IV du titre II du livre IV de la première partie. 6° En matière de protection et mise en valeur de l'environnement et de politique du cadre de vie : a) élimination et valorisation des déchets des ménages et déchets assimilés ; b) lutte contre la pollution de l'air ; c) lutte contre les nuisances sonores ; d) soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie. Lorsque l'exercice des compétences mentionnées au présent paragraphe est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt communautaire, cet intérêt est déterminé à la majorité des deux tiers du conseil de la communauté urbaine. Il est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de l'arrêté prononçant le transfert de compétence. A défaut, la communauté urbaine exerce l'intégralité de la compétence transférée. II. - La communauté urbaine peut transférer certaines de ses compétences à un syndicat mixte dont le périmètre inclut en totalité le périmètre communautaire après création du syndicat ou adhésion de la communauté. III. - Par convention passée avec le département, une communauté urbaine peut exercer pour le département tout ou partie des compétences qui, dans le domaine de l'action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles. La convention précise l'étendue et les conditions financières de la délégation ainsi que les conditions dans lesquelles les services départementaux correspondants sont mis à la disposition de la communauté urbaine. |
* 15 Voir le IV. A qui revient plus particulièrement sur les transports en Île-de-France.