VI. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT
Élection du nouveau président de l'Assemblée parlementaire
La délégation française s'était émue dans son précédent rapport l'éventualité de l'élection d'un délégué russe à la présidence de l'Assemblée parlementaire. Loin de remettre en cause les compétences de M. Mikhaïl Margelov, l'accession de la Russie à cette haute responsabilité n'était pas sans susciter quelques interrogations, au regard notamment de la non ratification par Moscou des protocoles n° 6 (abolition de la peine de mort) et n° 14 (réforme de la saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme) à la Convention européenne des droits de l'Homme. Celles-ci ont été renforcées dans la foulée par les réserves exprimées par le Conseil de l'Europe sur le déroulement des élections législatives russes de décembre dernier.
L'élection de M. Margelov, président du Groupe Démocrate Européen (GDE), était rendue automatique par l'application d'une convention instaurant une rotation des présidents des groupes parlementaires à la tête de l'Assemblée. Celle-ci traduit le poids pris par les groupes dans le fonctionnement de l'Assemblée, qui limite en conséquence toute option diplomatique en faveur d'une candidature plus conforme aux valeurs du Conseil de l'Europe.
La décision prise par les groupes politiques, le 10 janvier dernier, de mettre en place une nouvelle rotation, repoussant la candidature du président du groupe GDE à l'horizon 2010, a finalement permis de concilier paramètres politiques et objectifs diplomatiques. Aux termes de cette décision, la présidence de l'Assemblée est ainsi revenue à M. Lluís Maria de Puig (Espagne - SOC).
Membre le plus ancien de l'Assemblée parlementaire, M. de Puig, 62 ans, sénateur et ancien député, a présidé la délégation espagnole de 1993 à 1997. Il est parfaitement francophone. Souhaitant placer son mandat dans la continuité de son prédécesseur, M. René van der Linden (Pays-Bas - PPE/DC), le nouveau président a rappelé l'action de ce dernier pour préserver l'autonomie de l'Assemblée à l'égard du Conseil des ministres et sa volonté de moderniser l'institution. La mise en place en son sein d'un débat interconfessionnel a également été soulignée.
La variété est, d'ailleurs, aux yeux de M. de Puig, le mot clé de l'identité européenne. La singularité du Conseil de l'Europe, institution paneuropéenne associant jeunes démocraties et pays dotés d'une culture ancienne de la liberté, le confronte à de multiples défis et le conduit à s'adapter inlassablement aux mutations culturelles, économiques, politiques et sociales. De sa capacité à appréhender la nouveauté dépendra la lisibilité de son action aux yeux des citoyens européens. Parallèlement, la globalisation des enjeux ne peut que renforcer sa légitimité, les frontières s'avérant fragiles devant l'évolution démographique, les changements climatiques, les questions énergétiques ou les nouvelles menaces en matière de sécurité. De tels sujets impliquent, par ailleurs, une nécessaire coopération de l'Europe avec les autres continents au travers d'un dialogue institutionnalisé, qu'il s'agisse du Parlement panafricain ou de l'Union interparlementaire latino-américaine. La recherche d'une véritable complémentarité avec l'OSCE et les Nations unies doit également aboutir.
Sur le continent européen, le nouveau président appelle à une poursuite du renforcement de la coopération avec l'Union européenne. L'accent a été mis sur les apports du traité de Lisbonne qui permettent, par l'intermédiaire de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme, de créer un véritable espace juridique européen commun.
Le fonctionnement de l'Assemblée sera également au coeur du mandat du nouveau président. Souhaitant renforcer les synergies avec les autres organes du Conseil, Secrétariat général, commission de Venise, centre Nord-Sud, M. de Puig entend parallèlement défendre ses positions face au Comité des ministres. L'Assemblée devra, à cet effet, s'appuyer sur le travail des commissions, qualifiées d'âme de l'Assemblée par le nouveau président.
Intervention de M. Robert Fico, Premier ministre de Slovaquie
La Slovaquie, succédant à la Serbie, exerce, depuis le 1 er janvier 2008, la présidence du Comité des ministres. À cette occasion, le Premier ministre slovaque a été invité par l'Assemblée parlementaire à présenter les priorités du mandat de son pays.
M. Fico a souhaité rappeler l'engagement de son gouvernement dans la lutte contre la discrimination, le chauvinisme et la xénophobie. Cette politique se traduit notamment par un travail de mémoire autour de l'Holocauste, sans que celui-ci ne soit instrumentalisé. Elle s'incarne également dans les mesures spécifiques adoptées en faveur des douze minorités nationales présentes sur le sol slovaque. L'accent a particulièrement été mis sur la mise en place d'un système d'éducation à destination de ces groupes, symbolisé par l'université de langue hongroise, dont les subventions ministérielles ont été réévaluées de près d'un tiers. Le chef du gouvernement slovaque a, néanmoins, tenu à insister sur la nécessité pour les minorités de pratiquer la langue officielle du pays.
Aux yeux du Premier ministre, la question des Roms dépasse le simple cadre national, indépendamment des mesures spécifiques adoptées par son gouvernement en matière d'éducation et de formation. C'est au travers de stratégies paneuropéennes que les problèmes d'intégration sociale des Roms et de participation à la vie publique seront résolus. M. Fico a ainsi appuyé la démarche entreprise par le Conseil de l'Europe au travers du Forum sur les Roms et les gens du voyage européens. Celle-ci devrait trouver un écho dans les débats sur cette question actuellement en cours au Parlement européen.
Revenant sur la présidence du Conseil de l'Europe, le chef du gouvernement slovaque entend accompagner la modernisation, qu'il juge nécessaire, de l'institution. Celle-ci passe par une rationalisation de ses activités et l'accent mis sur la défense de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l'Homme. Une révision du statut du Conseil de l'Europe apparaît à cet égard indispensable. Au-delà, le Premier ministre slovaque a tenu à insister sur le nécessaire consensus qui devrait émerger des débats au sein du Conseil, refusant toute mécanique géopolitique ou « partitocratique », susceptible de compliquer ou de retarder l'aboutissement des projets.
L'amélioration du fonctionnement du Conseil de l'Europe implique également de repenser le rôle de la Cour européenne des droits de l'Homme. La ratification rapide du protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l'Homme ou le suivi de l'application des arrêts de la Cour apparaissent, à cet égard, comme des priorités. La question de ses ressources financières est tout aussi cruciale, M. Fico appelant de ses voeux une obligation de financement pour les États ne remplissant pas leurs engagements en matière de protection des droits de l'Homme.
Les échanges avec l'hémicycle ont permis au Premier ministre slovaque de réaffirmer son souhait de ne pas mésestimer le rôle de l'Assemblée parlementaire au sein du Conseil de l'Europe. Interrogé à plusieurs reprises sur l'intégration de son pays au sein de l'Union européenne, le chef du gouvernement a rappelé les sacrifices opérés par les Slovaques pour respecter les critères de Maastricht et adhérer l'année prochaine à la zone euro. L'entrée de la Slovaquie dans l'espace Schengen ne doit pas, par ailleurs, conduire à la mise en oeuvre d'un nouveau rideau de fer à l'Est de l'Union.
La question régionale a également été abordée au travers d'interrogations formulées sur l'avenir et l'absence de perspectives du groupe de Visegràd qui réunit Hongrois, Polonais, Slovaques et Tchèques. Le déploiement d'un système de défense anti-missile américain en Pologne et en République tchèque n'est pas sans conséquence sur ce groupe, la Slovaquie ayant manifesté son opposition à un tel projet. Elle souhaite, à cet égard, que cette question relève d'un débat au sein des Nations unies mais également du Conseil de l'Europe.
Intervention de M. Frans Timmermans, ministre des Affaires européennes des Pays-Bas
L'invitation adressée à M. Timmermans s'inscrit dans le cadre des réflexions menées par l'Assemblée parlementaire quant au renforcement de la coopération entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Le cadre d'une telle collaboration a été tracé, il y a près de deux ans, par le rapport du Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. La mise en oeuvre du traité modificatif de Lisbonne augure d'une nouvelle évolution de ces relations, au travers notamment de l'adhésion rendue possible de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. L'audition d'un ministre néerlandais a d'autant plus de poids que les Pays-Bas sont, à l'instar de la France, membre fondateur à la fois du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne. M. Timmermans est de surcroît un ancien membre de la délégation hollandaise auprès de l'Assemblée parlementaire.
La question de la diffusion du message européen a été au coeur de l'intervention du ministre néerlandais. Opposant les langages tenus à Bruxelles d'un côté et à Strasbourg de l'autre par les mêmes gouvernements, et dénonçant le manque de relais des textes du Conseil de l'Europe auprès des parlements nationaux, M. Timmermans a plaidé pour une coopération interinstitutionnelle dépassant les clivages et refusant tout double emploi. À l'image de la procédure mise en place aux Pays-Bas, le ministre souhaite la mise en place de communications gouvernementales régulières auprès des assemblées nationales sur l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme.
L'adhésion éventuelle de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme n'est pas sans renforcer la complexité du système actuel de protection des droits : deux Cours de justice, l'une à Luxembourg, l'autre à Strasbourg, deux textes : la Convention et la Charte européenne des droits fondamentaux, et une Agence européenne des droits de l'Homme. Interrogé sur ce sujet lors des échanges avec l'hémicycle (3 ( * )) , le ministre néerlandais a écarté tout risque de concurrence ou de conflit de compétences.
Rappelant le triple objectif du Conseil de l'Europe - droits de l'Homme, démocratie, primauté du droit - et ses traductions concrètes : comité de prévention contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, commission de Venise, action contre la peine de mort relayée par les Nations unies, le ministre a souhaité présenter les nouveaux défis qui se présentaient à lui, qu'il s'agisse de la question de la situation des Roms en Europe centrale et orientale ou de la dimension politique du sport. M. Timmermans a souhaité insister sur l'égalité de droits pour les homosexuels, très importante aux yeux de son gouvernement, déniant toute possibilité de compromis en la matière. Cette intervention prend un relief particulier avec la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, rendue publique le lendemain, de condamner la France pour discrimination et donner ainsi raison à une femme dont la demande d'adoption avait été rejetée en raison de son homosexualité.
Le ministre a, enfin, rappelé la vocation interculturelle du Conseil de l'Europe. Celle-ci n'écarte pas pour autant toute politique d'intégration, tant l'équilibre entre droits et obligations demeure une nécessité. L'apprentissage de la langue comme du fonctionnement du pays d'accueil apparaît à cet égard indispensable.
Les échanges avec les parlementaires ont permis, en outre, à M. Timmermans de préciser sa position quant à la Russie dont il a souligné la vocation à devenir un pays européen, estimant néanmoins difficile l'adhésion rapide à l'ensemble des valeurs du Vieux Continent. La sécurité énergétique, les relations commerciales ou les défis induits par la lutte contre le réchauffement climatique impliquent néanmoins le maintien de relations étroites entre l'Union européenne et la Russie.
Intervention de M. Ferenc Gyurcsàny, Premier ministre de Hongrie
La Hongrie est le premier pays d'Europe de l'Est à avoir adhéré au Conseil de l'Europe, le 6 novembre 1990. Elle a, de la sorte, lancé le mouvement d'unification du continent au sein de l'institution. Moins de vingt ans plus tard, ce pays est désormais membre de l'Union européenne et adhère à l'espace Schengen. Invité à s'exprimer devant l'Assemblée parlementaire, le Premier ministre hongrois a souhaité revenir sur cette mutation rapide du continent et les désillusions qu'elle a pu générer.
La perte d'espérance en la démocratie et les droits de l'Homme de la part d'un certain nombre des habitants des pays de l'ancien bloc soviétique en est une des manifestations les plus criantes. La dissociation entre liberté et économie prospère est à la source de ce désenchantement. L'incapacité des gouvernements à expliquer la nécessité des réformes et leurs incidences vient renforcer cet état d'esprit. L'absence de tradition démocratique dans ces pays n'est pas, non plus, sans conséquence et facilite, aux yeux du Premier ministre, le recours aux mouvements radicaux, y compris en Hongrie. Le rôle du Conseil de l'Europe est à cet égard crucial tant il favorise l'émergence d'une véritable culture des droits de l'Homme et des valeurs démocratiques. L'absence de lisibilité de son action comme la difficulté à appréhender les résultats tangibles de la construction européenne relativisent néanmoins la portée de son action. L'abolition des frontières dans le cadre de l'espace Schengen pourrait cependant inverser cette tendance.
Misant sur la complémentarité entre les deux institutions, M. Gyurcsàny espère toutefois que la coopération renforcée du Conseil avec l'Union européenne ne mésestime pas le rôle de l'institution paneuropéenne. Celle-ci ne pourra s'affirmer que si elle dispose de moyens budgétaires conséquents. Le Premier ministre hongrois souhaite s'associer à toute initiative réunissant une majorité d'États membres et visant à augmenter de façon substantielle les crédits qui lui sont accordés.
Aux yeux du chef du gouvernement hongrois, deux défis attendent le Conseil de l'Europe : la question du Kosovo et les relations avec la Russie. Le renforcement de la démocratie et la mise en oeuvre d'engagements en matière de protection des minorités au Kosovo impliquent une coordination entre Union européenne et Conseil de l'Europe sur ce sujet. Cette action ne pourra être efficace si elle se heurte à la Russie. La poursuite d'un dialogue avec Moscou apparaît à cet égard comme une priorité, en dépit de divergences manifestes quant au respect des valeurs démocratiques.
Communication du Comité des ministres à l'Assemblée parlementaire, présentée par M. Ján Kubi, ministre des Affaires étrangères de Slovaquie
La modernisation du Conseil de l'Europe est la principale priorité de la présidence slovaque. L'adaptation du Conseil de l'Europe aux nouveaux enjeux passe par un resserrement de ses activités autour de sa mission fondamentale : la protection des droits de l'Homme. La présidence slovaque souhaite à ce titre s'inscrire dans le cadre des conclusions du Sommet de Varsovie, qui a réuni les chefs des États membres du Conseil de l'Europe les 16 et 17 mai 2005. Le plan d'action adopté à cette occasion prévoit une réforme des structures organisationnelles et des méthodes de travail du Conseil qu'entend appliquer la présidence slovaque.
Les recommandations du rapport Juncker fournissent, quant à elles, des pistes en vue d'une coopération efficace avec l'Union européenne. Saluant les progrès réalisés dans les domaines couverts par les recommandations n° 3 (rôle central du commissariat aux droits de l'Homme), n° 5 (dispositif commun de promotion et de renforcement de la démocratie), n° 6 (mise en place d'un espace juridique et judiciaire paneuropéen) et n° 7 (coopération en matière de politique européenne de voisinage) en 2007, la présidence slovaque souhaite donner corps à la recommandation n° 13 relative à la participation accrue des ministres des Affaires étrangères au travail du Conseil de l'Europe. La mise en oeuvre du mémorandum d'accord entre le Conseil et l'Union, adopté le 10 mai 2007, devrait préciser la mise en oeuvre de cette coopération.
Le ministre slovaque appelle de ses voeux des traductions concrètes de ce texte en matière d'assistance préélectorale, notamment, mais également en faveur de la démocratisation de la Biélorussie. La collaboration du Conseil de l'Europe à l'élaboration de la politique européenne de voisinage de l'Union européenne représente une autre piste de travail commun. Un projet d'accord de coopération entre l'Agence fondamentale des droits de l'Homme et le Conseil devrait, par ailleurs, être élaboré afin de clarifier les rapports entre les deux institutions et renforcer leur complémentarité.
L'association de l'Union à l'initiative du Conseil en faveur d'une « Journée européenne contre la peine de mort » , fixée au 10 octobre de chaque année, souligne à quel point les synergies sont possibles. La question de la peine de mort appelle à cet égard une réflexion sur les relations entre le Conseil de l'Europe et les Nations unies. Le soutien au projet de résolution des Nations unies en vue d'un moratoire sur la peine de mort illustre la qualité des rapports entre les deux institutions. Une implication plus large du Conseil dans les activités du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies apparaît désormais nécessaire.
Plusieurs thèmes seront, par ailleurs, privilégiés par la présidence slovaque : la protection des minorités, les détentions secrètes et illégales, le renforcement de la démocratie, les questions de cohésion sociale et le dialogue interculturel. On s'interrogera néanmoins sur l'adéquation entre cette vision large et la volonté concomitante de la présidence slovaque de concentrer les activités du Conseil sur la défense des droits de l'Homme et de la primauté du droit.
Les échanges avec l'hémicycle ont permis à la présidence slovaque de revenir sur la situation politique dans le Caucase ou en Asie centrale et de dénoncer les menaces y pesant sur les droits de l'Homme. M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) est intervenu pour interroger la présidence slovaque sur l'assassinat d'un journaliste au Kirghizstan :
« Le 23 octobre dernier, Alicher Saïpov, un jeune journaliste de 26 ans, père d'une petite fille de deux mois, était froidement abattu dans les rues d'Och, la deuxième ville du Kirghizstan. Il avait reçu des menaces anonymes à plusieurs reprises. En dépit de son jeune âge, Alicher Saipov était un journaliste indépendant reconnu. Il travaillait comme correspondant pour Voice of America et collaborait à des sites web couvrant l'actualité de l'Asie centrale. Il avait fondé, au printemps 2007, l'hebdomadaire de langue ouzbek Siyosat, dont il était le rédacteur en chef.
Son tort a sans doute été de s'intéresser de trop près à la situation en Ouzbékistan, son pays d'origine. Il avait en particulier abordé le sujet délicat des événements meurtriers commis en mai 2005 à Andijan, qui auraient fait des centaines de victimes, mais aussi celui des activités des services de sécurité ouzbeks sur le territoire kirghize ou encore celui de la lutte contre le terrorisme islamiste. Bref, c'était un gêneur.
L'inquiétude demeure sur le caractère indépendant et impartial de l'enquête ouverte par les autorités kirghizes. Les locaux de Siyosat ont été placés sous scellés, les ordinateurs saisis, la maison familiale perquisitionnée, les proches de la victime suspectés et Alicher Saïpov lui-même accusé d'être proche des mouvements islamistes interdits.
Élucider l'assassinat d'Alicher Saïpov serait sans doute le meilleur service à rendre au respect de la liberté d'expression. De quelle façon le Comité des ministres entend veiller à ce que les autorités kirghizes assurent la qualité de l'enquête ? »
La réponse de M. Kubi permet de souligner les limites de l'action du Conseil de l'Europe à l'égard des pays non membres :
« Le cas tragique évoqué par l'honorable parlementaire ne peut évidemment laisser indifférent. L'assassinat de ce jeune journaliste est malheureusement à ajouter à la longue liste des professionnels des médias qui, parfois au prix de leur vie, paient leur engagement à informer le public librement. Selon l'organisation non gouvernementale «Reporters sans frontières», pas moins de treize journalistes et quatre collaborateurs des médias à travers le monde ont perdu la vie dans l'exercice de leur fonction en 2007. Cela est intolérable et doit être dénoncé.
Comme l'a souligné à maintes reprises le Comité des ministres, mais aussi la Cour européenne des droits de l'Homme, il ne peut y avoir de véritable démocratie sans liberté d'expression et d'information.
Tout en étant conscient que le Kirghizistan n'est pas membre du Conseil de l'Europe, j'entreprendrai une démarche auprès des autorités kirghizes pour demander que l'enquête sur l'assassinat de M. Saïpov soit menée avec diligence et transparence de manière à appréhender les auteurs de ce crime et les déférer à la justice le plus rapidement possible » .
Ajoutant qu'il saisirait l'occasion de sa visite au Kirghizistan à cette fin, le ministre slovaque s'est déclaré favorable au renforcement des liens entre le Conseil de l'Europe et les pays d'Asie centrale. La commission de Venise intervient activement dans beaucoup d'entre eux et il semble possible d'octroyer au Kirghizistan le statut d'observateur auprès de l'Assemblée. On s'interrogera néanmoins, au regard des faits dénoncés par la délégation française mais également des conclusions du rapport du Conseil de l'Europe sur la situation politique dans les républiques d'Asie centrale, sur l'opportunité d'accorder un tel statut.
Communication de M. Terry Davis, Secrétaire général du Conseil de l'Europe
Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est nommé par l'Assemblée parlementaire sur proposition du Comité des ministres. Son mandat est de cinq ans. Il peut être renouvelé pour une période déterminée par l'Assemblée et le Comité.
Le Secrétaire général assume la
responsabilité de l'orientation stratégique du programme de
travail et du budget du Conseil de l'Europe.
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Le Secrétaire général présente chaque année une communication sur l'état du Conseil de l'Europe, au cours de laquelle il dresse un bilan de l'exercice précédent. La création de l'Agence européenne des droits fondamentaux par l'Union européenne, le 15 février, a été une source d'interrogations quant à l'avenir du Conseil de l'Europe. Souhaitant dépasser cette difficulté, le Secrétaire général a préféré insister sur l'opportunité que représente une adhésion potentielle de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. M. Davis y voit le signe de l'influence croissante du Conseil de l'Europe sur la poursuite de la construction européenne. Elle permet également d'envisager à moyen terme la mise en oeuvre d'un véritable espace juridique européen.
Une telle ambition ne repose pas pour autant sur l'adoption de nouvelles conventions, mais davantage sur l'application de recommandations. Le Secrétaire général appelle à cet effet une révision des conventions actuelles, cent vingt sur deux cents n'étant toujours pas ratifiées ou désormais obsolètes.
Si l'écho médiatique des travaux du Conseil semble, aux yeux du Secrétaire général, de plus en plus grand, il convient néanmoins de s'interroger sur leur traduction concrète pour les citoyens et leur lisibilité aux yeux de l'opinion publique. L'appel à une plus grande prise en compte des décisions de la Cour de justice est une piste retenue pour répondre à cette difficulté. Une plus grande synchronisation de l'activité des institutions du Conseil apparaît également prioritaire. Le succès des campagnes de sensibilisation, à l'instar de celle opérée autour des violences domestiques, démontre à quel point les actions mobilisant l'ensemble des organes du Conseil peuvent être utiles.
Intervenant à l'orée de la session 2008, déjà marquée par les débats autour de la candidature russe à la présidence de l'Assemblée parlementaire, le Secrétaire général a tenu, en propos conclusifs, à rappeler que le Conseil de l'Europe ne pouvait pas être envisagé comme « un club de démocraties parfaites » , l'absence de tradition libérale chez certains États membres pouvant légitimer quelques retards ou décalages. Sans remettre en cause la réalité des rattrapages en cours, notamment à l'Est de l'Europe, on s'étonnera néanmoins des propos du Secrétaire général qui tendent à normaliser certains manquements aux valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe et fragilisent la fonction de contrôle de l'Assemblée parlementaire. Les souhaits exprimés plus tôt par la présidence slovaque quant à une meilleure prise en compte par la Géorgie des observations effectuées lors du scrutin présidentiel apparaissent de fait plus que relatifs.
Discussion commune sur les relations extérieures de l'Assemblée parlementaire
Trois rapports de la commission des questions politiques étaient inscrits à l'ordre du jour afin de débattre sur l'avenir des relations extérieures de l'Assemblée parlementaire. À l'heure où la question d'une Union de la Méditerranée prend corps au sein de l'Union européenne, le Conseil de l'Europe entend, en effet, donner une nouvelle dynamique en vue de partenariats avec les pays du bassin méditerranéen. Assemblée des droits de l'Homme, elle entend également jouer un rôle non négligeable dans l'avènement de structures démocratiques viables dans les pays d'Asie centrale. Ces deux ambitions s'inscrivent, par ailleurs, dans le cadre d'une révision du statut d'État observateur auprès du Conseil.
Renforcement de la coopération avec les pays du Maghreb
Le débat sur le renforcement de la coopération de l'Assemblée avec les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) était précédé d'une intervention de M. Abdelaziz Ziari, Président de l'Assemblée populaire nationale d'Algérie. Celui-ci a souhaité insister sur le partenariat déjà effectif entre le Conseil de l'Europe et l'Algérie, au travers notamment de la collaboration entre le Conseil constitutionnel algérien et la commission de Venise. Il voit dans celle-ci le gage d'une démocratisation de l'Algérie, confortant l'engagement de son pays en faveur d'une coopération privilégiée avec l'Europe.
M. Ziari a souhaité rappeler l'ambition de son pays d'apparaître dans le peloton de tête des pays émergents. La modernisation des structures économiques de l'Algérie s'est ainsi accompagnée d'importantes réformes en matière de justice, d'éducation ou de droit civil. De tels projets n'ont de sens, selon le Président de l'Assemblée populaire, que s'ils permettent de consolider l'État de droit. Aux yeux de M. Ziari, la liberté dont bénéficie la presse et l'importance prise par les femmes au sein de la société algérienne témoignent des progrès enregistrés dans ce sens. Les retards encore observables seraient, pour leur part, principalement imputables à la priorité accordée pendant une décennie à la lutte contre le terrorisme. Si la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée par référendum en septembre 2005, témoigne d'une ère nouvelle, elle ne saurait néanmoins occulter la persistance du phénomène terroriste.
Le Président de l'Assemblée populaire a tenu à insister sur la nécessité d'adapter le modèle démocratique aux réalités nationales, réfutant l'idée d'un système uniforme applicable à l'ensemble des États. Il a, à ce titre, défendu l'idée d'un approfondissement du processus démocratique, progressif et tributaire de l'exigence de sécurité du peuple algérien.
Aux yeux de M. Zaïri, deux points sont essentiels dans le cadre d'une coopération entre le Conseil de l'Europe et les trois pays du Maghreb : la question des migrations et la nécessité de mettre en oeuvre un véritable dialogue interculturel. Celui-ci est d'autant plus aisé à instaurer qu'il pourrait s'appuyer sur un certain nombre de traits communs et de proximités tant géographiques qu'historiques ou religieuses. La coopération avec le Conseil de l'Europe n'aura, par ailleurs, de force au Maghreb que si elle s'appuie sur place sur une union régionale des pays arabes, apte notamment à dépasser l'épineuse question du Sahara occidental.
Aux termes du rapport de la commission des questions politiques, la coopération du Conseil de l'Europe avec les pays du Maghreb est envisagée sous deux angles : favoriser la stabilité du bassin méditerranéen et promouvoir les valeurs démocratiques au sein de systèmes politiques où le pluralisme n'est pas garanti. Mme Josette Durrieu (Pyrénées-Atlantiques - SOC), rapporteur des projets de résolution et de recommandation, a souhaité présenter les enjeux d'une telle coopération :
« Ce rapport, initié par la commission des questions politiques, porte sur le renforcement de la coopération avec les pays du Maghreb, qui sont trois États bien connus de nous tous : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie. Plus de trois millions de kilomètres carrés, plus de 80 millions d'habitants, la rive sud de la Méditerranée, cet espace est aussi le nôtre ; cette Méditerranée qui sert de lien, mais qui, malgré tout, depuis un certain temps, nous a amenés à prendre une certaine distance par rapport à vous.
Présenter ces pays, c'est présenter trois États qui, selon le regard que nous portons d'ici et selon les normes qui sont les nôtres, ont des régimes que nous qualifions de «personnels», même si ces régimes sont engagés dans la voie de la démocratie. Nous les qualifions assez souvent d'«autoritaires», soit qu'ils s'engagent dans la voie de la démocratie, soit qu'ils voient cette marche vers la démocratie et vers un État de droit prendre du temps.
Le pluralisme politique s'installe doucement. Est-il une réalité dans les trois États ? La réponse est non. Est-il plus avancé dans certains ? En ce qui concerne le Maroc, la réponse est oui. Nous avons pu noter que l'alternance politique et le consensus s'installaient doucement dans ce pays.
Les trois pays bougent insuffisamment, eu égard à la perception que nous en avons d'ici.
Des réformes sont engagées. Elles sont parfois profondes, au niveau tant de la réconciliation, en Algérie et au Maroc, que pour les femmes, dans les trois pays - et depuis longtemps dans certains. Malgré tout, cette vie politique dans son ensemble et cette vie démocratique ne nous semblent pas, dans l'immédiat, avoir encore pris toute la dimension que nous souhaiterions. Le taux de participation étant de plus de 60 %, nous nous disons qu'effectivement, ce sont des pays qui, comme les nôtres hier ou avant, ont sans doute besoin d'être accompagnés et d'être confrontés à nos difficultés pour mieux analyser les leurs et, dans tous les cas de figure, s'il y a des progrès, les accélérer.
Naturellement, nous sommes inquiets à cause de l'islam et du terrorisme, plus précisément à cause de l'islam radical et de l'islamisme - et non par l'islam en lui-même. Le drame vécu par l'Algérie, la crise des années 90 à 99, les différents soubresauts, les attentats nous inquiètent et nous nous posons la question de savoir si l'islamisme radical politique - je ne sais quelle est votre expression - est maîtrisé. La réponse, semble-t-il, est négative. Nous sentons que des questions se posent dans tous vos pays, qui sont parfois déjà tranchées ou en train de l'être ; en tout cas elles nourrissent la réflexion. L'islam, faut-il l'affronter, l'intégrer ou l'associer à la vie démocratique ? C'est une très bonne chose que ce processus de réflexion s'engage.
Un problème semble, en tout cas, peser lourdement sur les trois pays : celui du règlement du problème du Sahara occidental. Nous souhaitons que, dans le cadre de l'Onu et de ses résolutions, des solutions soient apportées dans les plus brefs délais. Nous sentons à quel point ce problème fige l'évolution du processus régional.
La Méditerranée vous appartient, elle nous appartient, elle est notre berceau culturel commun. Je pense que le rapprochement entre le Conseil de l'Europe et ses quarante-sept États et ces trois États est impératif. Tout d'abord, parce que nous devons nous ouvrir ; ensuite parce que nous devons être solidaires et puis parce que nous avons aussi une politique de voisinage qui peut prendre un certain nombre d'orientations ; celle-là est impérative.
À vos pays, à l'Algérie, Monsieur le Président, nous tendons la main. Nous pouvons faire beaucoup de chemin ensemble vers le progrès tant nous avons besoin, les uns et les autres, nous comme vous, d'avancer vers cette démocratie qui reste un idéal. Mais le réel est plus difficile à gérer... »
M. Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), intervenant au nom du groupe GUE, a souhaité insister sur la mise en oeuvre d'un travail de mémoire sur la période coloniale, commun aux deux rives de la Méditerranée et seul capable de garantir des bases saines à tout dialogue structuré :
« La région méditerranéenne tout entière est secouée par une profonde crise où les problèmes historiques ne sont pas résolus : l'occupation israélienne de la Palestine et la politique d'Apartheid qui est menée, l'occupation du territoire irakien par les troupes nord-américaines et européennes, l'augmentation de la pauvreté, du chômage et de la misère généralisée, et d'autres non moins graves concernant les violations des droits humains. Et les récents attentats perpétrés en Algérie ne sont pas faits pour apaiser les tensions.
Le rapport évoque le rôle d'Hassan II dont le règne serait marqué par la consolidation de l'intégrité territoriale. Faut-il comprendre que les «marches vertes» permettant l'occupation du Sahara occidental, la guerre et l'exil forcé de milliers de Sahraouis seraient considérés par le Conseil de l'Europe comme une consolidation territoriale ? C'est inacceptable pour notre Groupe. Et rien n'est dit sur le traitement des personnes dans les territoires occupés.
Notre Groupe est d'ailleurs très frappé par la précipitation avec laquelle on prône une solution unilatérale pour le Kosovo et le peu d'empressement pour exiger du Maroc le respect du droit à l'autodétermination ou le silence sur les violations israéliennes du droit international.
Faut-il rappeler que le Maroc a obstinément refusé et refuse toujours l'exercice de l'autodétermination du peuple sahraoui en dépit de plus de 70 résolutions de l'Onu, non respectées par les assaillants ?
«Deux poids, deux mesures» ou la politique de l'arbitraire, pire encore, d'allégeance à la politique nord-américaine.
Notre groupe ne peut accepter une telle discrimination qui, dans les faits, légitime l'occupation d'un territoire. Le Conseil de l'Europe doit aider à la mise en oeuvre de l'autodétermination du peuple sahraoui comme contenu dans les résolutions des Nations unies.
Le rapport «oublie» également d'analyser la politique économique néolibérale mise en place par l'Union européenne dans le cadre du processus de Barcelone. Nous savons tous que l'Union européenne et ses États membres, relayés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, participent au pillage des ressources naturelles dans ces pays en imposant les plans d'ajustement structurels, avec les conséquences sociales et politiques qu'ils entraînent.
Faut-il encore rappeler que ces peuples ont été victimes du colonialisme européen qui leur a imposé un système de violences, de spoliation et d'humiliation. Et que les politiques actuelles ne sont que la prolongation de cette spoliation sous d'autres habillages qui les rendent plus acceptables, peut-être.
Il convient aussi de créer les conditions pour aider à l'écriture partagée (entre ex-colonisateurs et ex-colonisés) de l'histoire commune. Cette question est tout aussi importante pour l'évolution de la coopération car elle participera au respect des peuples. Les pays colonisateurs doivent évidemment des excuses mais ils doivent aussi réparation.
Et la migration? Notre groupe constate également que le rapport «oublie» que, si migration il y a vers l'Europe, elle n'est que l'effet, la conséquence directe des politiques antisociales, antidémocratiques et contraires aux droits humains qu'elle impose. Voilà la vraie racine des problèmes !
Quant à la réponse européenne aux ravages qu'elle-même contribue à provoquer, aucune mention dans le rapport ! Nulle part on ne parle de la répression, des balles, des fils barbelés, des centres d'enfermement - en France, on dit : «rétention» -, de la stigmatisation des migrants, des lois répressives, voire xénophobes et racistes, comme l'a souligné le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu.
Toute coopération renforcée avec le Maghreb est souhaitable parce qu'elle générera, nous l'espérons, un partage des valeurs du Conseil de l'Europe. Mais ne pensez-vous pas, chers collègues, que, notamment dans le cas que nous soulignons, il reste un long chemin à parcourir ?
On entend dire que les choses avancent. Tant mieux, mais est-ce suffisant pour nous ? Nous ne le pensons pas car il doit y avoir, pour coopérer avec le Conseil de l'Europe, des conditions minimales à respecter en ce qui concerne les droits des peuples et les droits de l'homme. L'analyse doit se faire au cas par cas.
Nous n'en sommes pas là aujourd'hui. Ainsi, toute coopération future doit se faire au niveau nécessaire et suffisant pour impulser une démarche de progrès rapide de partage de valeurs pour les différents pays en fonction de leur situation particulière, mais pas plus. Le Conseil de l'Europe détient sa crédibilité de sa non complaisance à l'égard des atteintes aux droits humains. Nous proposons donc que, dans un premier temps, la coopération ne s'engage qu'avec la commission politique et seulement avec elle. »
M. François Rochebloine (Loire - NC) s'est montré, quant à lui, plus sceptique sur la viabilité d'une telle coopération tant les conditions politiques semblent insuffisamment réunies pour mettre en avant un partage réelle des valeurs démocratiques :
« La famille politique de centristes à laquelle j'appartiens a toujours été attachée au dialogue des peuples et des cultures. C'est pourquoi je partage sans réserve l'objectif de coopération avec les pays du Maghreb mis en avant par la commission des questions politiques. Ma conviction est naturellement nourrie par la mémoire de notre histoire nationale. Elle s'inscrit plus largement dans la conscience de l'importance des relations euro méditerranéennes pour l'équilibre et la paix entre les nations.
En toute logique, la réflexion qui nous est aujourd'hui proposée suggère de fonder la coopération politique en cause sur le terrain propre au Conseil de l'Europe, c'est-à-dire notre conception commune des droits de l'Homme, des conditions individuelles et collectives de leur promotion et de leur garantie. Pour autant, la description par le rapport de la situation actuelle des pays du Maghreb n'incite guère à penser que les conditions politiques d'un dialogue fructueux soient aujourd'hui réunies. Je souscris aux lignes de force de cette description : conception autoritaire du pouvoir central, pluralisme politique «insuffisant» en Tunisie, «balbutiant» en Algérie et au Maroc, atteintes répétées à la liberté de la presse, présence, par nature difficile à quantifier, mais bien réelle, de mouvements terroristes. En contrepartie, des avancées sont relevées, notamment dans la promotion des droits de la femme et dans certains domaines institutionnels. Elles relèvent le plus souvent, cependant, d'initiatives juridiques formelles, qu'il ne faut pas négliger mais dont la pratique de la vie sociale peut réduire considérablement la portée concrète.
Le rapport met en lumière une autre source de difficultés à surmonter. Si le droit du Conseil de l'Europe à intervenir est affirmé sur le fondement de sa vocation universelle de promotion des droits de l'Homme, il est ensuite indiqué, non sans franchise, que le Conseil de l'Europe est «méconnu, voire absent» sur le continent africain. L'ambition affichée est noble et légitime ; ce n'est malheureusement pas une raison suffisante pour qu'elle soit reconnue par l'autre. Il faut, de plus, qu'aucun malentendu ne subsiste sur les termes du dialogue que le Conseil devra engager pour donner consistance à son intervention. C'est là que les difficultés commencent. Le rapport les laisse voir clairement.
Le projet de recommandation préconise de poursuivre «le dialogue entre les religions et les cultures» . Si l'on se réfère au développement qui, dans le rapport, soutient cette préconisation, on constate que, du côté des pays du Maghreb, le «dialogue interculturel et interreligieux» est surtout interreligieux, puisque les interlocuteurs tunisiens de notre collègue Josette Durrieu ont déclaré qu'ils adhéraient à l'idée de dialogue «afin de mieux connaître l'islam et sa philosophie». Cette position est, de leur point de vue, parfaitement cohérente, mais elle dénote un décalage de références. Elle révèle la difficulté du dialogue en même temps qu'elle en illustre la nécessité.
Le projet de résolution rappelle que «l'islam est la religion de ces pays» et que «l'islam modéré est dominant». Je n'entrerai pas dans le débat sur le contenu de la notion d'"islam modéré", difficile à définir. Il me paraît plus important, en effet, d'insister sur la nécessité de prendre en compte la dimension essentiellement communautaire de l'islam. Elle n'empêche évidemment pas - on le voit tous les jours - nombre de musulmans de prendre leurs distances avec des comportements et des pratiques, notamment terroristes, qu'ils jugent contraires à leur foi. Mais elle condamne d'avance à l'échec toute tentative d'imposer de l'extérieur à un monde profondément solidaire une vérité universelle conçue ailleurs. C'est dans le respect mutuel, qui implique de notre part une affirmation modeste mais résolue de nos valeurs, que le dialogue peut progresser. Je le souhaite, pour ma part, de tout coeur. »
La résolution et la recommandation telles qu'adoptées trouvent un écho dans la proposition de recommandation déposée par M. Denis Badré (Hauts-de-Seine - UC-UDF), qui prévoit la mise en oeuvre d'une véritable stratégie méditerranéenne pour le Conseil de l'Europe, à l'instar du processus de Barcelone mis en place par l'Union européenne. Cette complémentarité a été rappelée par M. Laurent Béteille (Essonne - UMP) lors des débats, son intervention insistant également sur le projet de l'Union de la Méditerranée défendu par la France :
« Je voudrais tout d'abord souligner la grande qualité du rapport de notre collègue Josette Durrieu. Tout le monde connaît ici son engagement en faveur à la fois du Conseil de l'Europe et du Maghreb.
Ce rapport brosse un tableau très complet de la situation politique, économique et sociale de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, sans chercher à dissimuler la réalité de ces pays. Notre collègue fait preuve d'un optimisme raisonné sur l'évolution démocratique de cette région et attend d'une relation plus étroite avec le Conseil de l'Europe un renforcement de l'État de droit au Maghreb.
Le rapport comporte de nombreux exemples de la coopération d'ores et déjà existante entre notre Assemblée et le Comité des ministres, d'une part, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, d'autre part. Comme l'indique notre collègue, cette coopération est pour l'instant essentiellement indirecte et limitée à certains pays méditerranéens. Il conviendrait donc de l'élargir et de l'institutionnaliser.
La France a pris une initiative intéressante en la matière, tout à fait complémentaire de celle de Mme Durrieu. Plusieurs membres de la délégation française ont signé une proposition de recommandation de notre collègue Denis Badré, invitant le Comité des ministres à étudier les voies et moyens d'une formalisation des relations entre le Conseil de l'Europe et les pays de la région méditerranéenne. Comme le relève notre rapporteur, l'Union européenne a mis en place le «processus de Barcelone» en 1995, puis développé une politique européenne de voisinage. Or, force est de constater que le Conseil de l'Europe est dépourvu de «stratégie méditerranéenne». S'en doter lui permettrait de promouvoir la démocratie, la prééminence du droit et le respect des droits de l'Homme au-delà des frontières actuelles des pays membres. Il me semble donc que cette proposition de recommandation devrait être renvoyée pour rapport à la commission des questions politiques, afin que des propositions concrètes en ce sens nous soient présentées.
Je souhaiterais également évoquer le projet d'Union de la Méditerranée, porté par le président de la République française, qu'il a présenté dans son discours de Tanger, le 23 octobre 2007.
Ce projet vise lui aussi à renforcer la coopération avec les pays de la Méditerranée, dont ceux du Maghreb. Il ne s'agit pas de concurrencer le partenariat Euromed, bien que celui-ci connaisse un certain enlisement à l'origine de frustrations dans les pays du Sud, mais au contraire de le relancer.
L'Union de la Méditerranée devrait être dotée d'une structure légère et fonctionner «à géométrie variable». Les partenaires et les financements seraient ainsi différents en fonction des projets concrets à mettre en oeuvre en matière de protection de l'environnement, de développement durable, d'énergie, de transports, d'eau... La société civile y sera largement associée.
Ce projet a d'abord suscité certaines réticences. C'est bien normal, compte tenu de son caractère novateur. Il est naturellement susceptible d'évoluer, en particulier en fonction des consultations auxquelles il donne lieu. Il n'en demeure pas moins qu'il a suscité un réel intérêt, en particulier de la part de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie, mais aussi de l'Égypte, et qu'il a reçu le soutien de la Commission européenne.
L'Italie et l'Espagne ont également participé aux réflexions menées sur les lignes directrices du projet. Le 20 décembre dernier, leurs dirigeants ont ainsi lancé, avec le chef de l'État français, l'«Appel de Rome pour l'Union de la Méditerranée». Ils se sont mis d'accord pour inviter les chefs d'État et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée à se réunir, à Paris, avec les États membres de l'Union européenne, le 14 juillet prochain, pour définir leur vision commune. Ce sommet sera précédé, la veille, d'une réunion des seuls pays riverains.
L'Union de la Méditerranée doit représenter l'impulsion politique majeure qui faisait défaut à une coopération véritable avec les pays du Sud ».
Concluant les débats, Mme Josette Durrieu a rappelé la nécessité pour le Conseil de l'Europe de parachever le travail déjà entrepris par la Commission de Venise en vue de renforcer les valeurs démocratiques au sein des pays du Maghreb :
« Je remercie tous ceux qui ont participé à ce débat sur la coopération avec les États du Maghreb et qui ont donné leur avis sur la proposition faite par le Conseil de l'Europe à ces États.
Je reconnais, comme l'ont dit certains, notre ami M. Lecoq notamment, qu'il s'agit d'un long chemin à parcourir pour arriver à certaines conditions que nous considérons comme minimales, précisément quand c'est nous qui les considérons ainsi.
Mon rôle, ici, pour le Conseil de l'Europe, était d'établir un rapprochement, de voir quelles pouvaient être les intentions face à nos propositions. Dans la présentation que nous avions à faire de ce rapport et du résultat de nos contacts, il n'était pas question d'instruire à charge, ce n'était pas l'objectif. Ils ne sont candidats à rien.
J'ai essayé autant que je l'ai pu - et je remercie ceux qui ont saisi la nuance -d'exprimer un certain nombre de choses pas faciles à dire, en ayant l'obligation malgré tout de les rappeler. Merci à vous de l'avoir compris.
Vous avez observé majoritairement que ce dialogue était nécessaire, que ces bonnes relations, nous devions les rétablir, s'il était nécessaire, en tout cas les instaurer.
Baronne Hooper, vous avez rappelé que nous avions des expériences à partager et surtout que nous avions une coopération à établir. Cet espace méditerranéen, comme l'est aussi l'autre espace d'Asie centrale, à proprement parler l'Eurasie, c'est-à-dire un morceau de quelque chose proche de l'Europe et sûrement très proche de l'Asie, comme vous l'avez bien précisé, est un espace dans lequel nous sommes très peu présents, hier comme aujourd'hui. Tandis qu'avec la Méditerranée, nous plongeons ensemble, tous les pays riverains, tant du Nord que du Sud, dans la même histoire, dans la même culture. D'une manière générale, nous portons ensemble un même avenir.
M. Seyidov, notre collègue azéri, a parlé d'«avenir à bâtir ensemble» sur cet espace de voisinage que nous devons à partir de maintenant découvrir, pénétrer, et avec lequel, dans ce grand ensemble, le Conseil de l'Europe lui-même trouvera son propre avenir. Nous voyons les limites de l'exercice dans lequel nous sommes engagés. Beaucoup de pays membres de ce Conseil de l'Europe, nous sommes 47, s'acheminent vers l'Union européenne. À partir de ce moment, les liens ne se défont pas, mais les intérêts ne sont plus tout à fait les mêmes.
À l'évidence, il existe, dans les marches qui sont celles de la Méditerranée et de l'Asie centrale, des pays qui ont besoin de nous. Je trouve très fort comme signal que le Kazakhstan et le Kirghizstan soient membres de la commission de Venise. Ils ont su y aller ou on a su leur dire qu'il y avait cet instrument et cette institution de coopération. Le Maroc et l'Algérie sont également membres de la commission de Venise. Nous avons là un outil de référence qui a une très forte notoriété et une grande autorité. La voie est ouverte, les signaux se sont déclenchés.
Oui, le rôle du Conseil de l'Europe est d'être solidaire des problèmes de ces pays, solidaire de leur marche vers cette démocratie que nous invoquons, que nous voulons tant. Aidons les ! Nous savons à quel point le travail du Conseil de l'Europe a été déterminant dans l'évolution des pays qui étaient de l'autre côté du Mur. Nous avons eu cette volonté ici. A quel prix ? Le débat a été difficile. Nous avons eu la volonté d'ouvrir, y compris jusqu'au Caucase.
Je me souviens de débats dans cette enceinte où il y avait des atlas sur les pupitres pour voir si l'Europe s'arrêtait au Caucase, si elle incluait l'Oural, si elle incluait ou non la Russie. Notre obligation dans cette politique de voisinage, voulue, définie par le Conseil de l'Europe en direction à la fois de cette Asie centrale, de cette Méditerranée, en commençant par ces trois États du Maghreb, c'est notre mission, j'allais dire prochaine ; non, elle est immédiate. Je remercie tous ceux qui l'ont dit. »
La résolution telle qu'adoptée rappelle l'exigence pour les pays concernés de respecter les libertés fondamentales et de favoriser les réformes visant à garantir le respect des droits de l'Homme. Les parlements nationaux ont, à cet égard, un rôle crucial à jouer. Regrettant l'absence de solution à la question du Sahara occidental, le texte juge celle-ci comme un obstacle au renforcement de la coopération entre les trois pays du Maghreb. La résolution invite, enfin, l'Assemblée à développer sa coopération avec les trois parlements nationaux. Prenant en compte les observations formulées au sein de deux amendements par M. Michel Dreyfus-Schmidt (Territoire de Belfort - SOC) (4 ( * )) , ladite invitation se borne à permettre aux assemblées locales d'assister aux sessions et d'être, le cas échéant auditionnées. La rédaction initiale prévoyait la participation effective des délégations parlementaires aux sessions et aux travaux des commissions.
La situation dans les Républiques d'Asie centrale
Constatant les difficultés rencontrées par les pays d'Asie centrale (Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) en vue de respecter les valeurs fondamentales de l'État de droit, le Conseil de l'Europe propose, au travers d'une résolution et d'une recommandation, une approche constructive à l'endroit de ces pays. Elle prendrait corps autour d'un dialogue avec les parlementaires locaux, les institutions et les gouvernements en vue de favoriser l'adoption de réformes destinées à garantir le respect des droits de l'Homme et la bonne gouvernance. Les deux textes invitent par ailleurs l'Union européenne et l'OSCE à participer de cet effort.
Une telle démarche ne saurait constituer qu'une première étape, destinée à combler le manque de présence européenne dans la région, dénoncé par M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) :
« Monsieur le Président, mes chers collègues, permettez-moi de saluer tout d'abord le très bon rapport de notre collègue M. Mercan, qui met en relief les difficultés de tout ordre que rencontre l'Asie centrale post-soviétique, plus de quinze ans après l'accession à l'indépendance de l'ensemble des pays de la région. Le manque d'intérêt de l'Europe pour cette partie ô combien importante de l'Asie est patent. L'excuse géographique ne vaut pas au regard des efforts déployés par cette même Europe pour tenter de trouver une solution au Proche-Orient ou encore récemment en Afrique. Ce désintérêt, que dis-je, cette indifférence, est d'autant plus dommageable que ces pays mêlent à leur culture orientale initiale un certain nombre d'apports de la civilisation européenne. À l'inverse, nous savons tous que cette région a été d'une importance considérable pour le développement européen à cause de la route de la soie. Comment fermer les yeux sur l'avenir de la Transoxiane, cette terre qui a tant passionné Alexandre le Grand ? Comment détourner le regard de Khiva, Boukhara ou Samarcande, dont les mosquées bleues émerveillaient Marco Polo ? N'en doutons pas, cette région est d'une importance stratégique et l'Europe se doit, notamment au travers de ses valeurs, d'y être présente. Trois défis l'y attendent.
Premièrement, la montée d'un islamisme radical, dont le présent rapport esquisse les contours. La volonté des pouvoirs ouzbek ou kirghize de qualifier toute opposition de wahhabite ne doit pas nous tromper sur la réalité de la percée du fondamentalisme dans ces pays, sur ses liens avec l'économie parallèle et les connexions dont elles disposent avec les talibans afghans. La destruction de toute opposition par les satrapes locaux a ceci de terriblement vicieux qu'elle confine la seule alternance politique possible à l'islamisme radical, particulièrement anachronique dans ces terres d'échanges et de brassage des cultures.
Deuxièmement, la tentation russe de légitimer les pouvoirs en place au nom d'intérêts purement géostratégiques et économiques. La présence de Moscou au sein de la Communauté économique eurasienne qui réunit Ouzbékistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan et Biélorussie vient couronner une entreprise de retour russe dans la région. Les liens historiques qui unissent la Russie à ces peuples ne peuvent pourtant servir d'alibi pour conférer une certaine respectabilité aux élites corrompues et autoritaires qui les dirigent. Comment ne pas s'inquiéter pour l'avenir des valeurs démocratiques de voir la Russie signer un accord bilatéral avec l'Ouzbékistan le 14 novembre 2005, aux termes duquel Moscou s'engage à soutenir Tachkent en cas de trouble et à lui fournir, à cet effet, diverses catégories d'équipement pour disperser la foule ?
Troisième et dernier défi, l'influence grandissante de la Chine dans la région, motivée notamment par les enjeux énergétiques. La mise en oeuvre d'une coopération structurée avec la Chine au travers de l'Organisation de coopération de Shangaï (OCS), qui réunit Russes, Kirghizes, Tadjiks, Kazakhs et Ouzbeks, constitue à cet égard une première étape. Initialement dévolue au développement du commerce régional et à la démilitarisation des frontières, l'OCS est aujourd'hui capable de mener des opérations antiterroristes au niveau régional.
Au regard du poids pris par les grandes puissances sur place et leur soutien implicite ou affiché aux dictatures locales, il devient urgent pour l'Europe d'agir et de prendre toute sa place dans la région, d'autant plus que les États-Unis tendent à s'en retirer. Les initiatives en la matière de l'Union européenne, au travers notamment de la conditionnalité de l'aide versée à l'Ouzbékistan, vont dans le bon sens. J'invite les États membres du Conseil de l'Europe à participer à cet effort de vigilance à l'égard des gouvernements en place mais également à accroître leurs efforts en vue de la mise en place d'alternatives démocratiques au plan local. Nos valeurs doivent s'incarner dans tous les domaines et par tous les biais, politiques, économiques ou culturels, sous peine de disparaître.
Les loups, quels qu'ils soient, ne devraient pas avoir leur place dans ces steppes. »
Sans remettre en cause l'économie générale des textes adoptés, il convient de s'interroger sur le parti pris de la commission des questions politiques d'isoler le Kazakhstan de ses voisins pour le traiter de façon séparée lors d'un débat ultérieur. Sa relative modernité et son souhait maintes fois réaffirmé de coopérer avec l'Europe auraient pu constituer un contrepoint utile pour éclairer la situation de ses voisins. Les difficultés qu'il traverse également sur le plan politique, en particulier les pressions pesant sur l'opposition, n'apparaissent pas pour autant comme des éléments aptes à le singulariser totalement.
Le Conseil de l'Europe et ses États observateurs : situation actuelle et perspectives
Les relations du Conseil de l'Europe avec des États observateurs remontent à 1957 pour l'Assemblée parlementaire (Knesset israélienne) et à 1970 pour le Comité des ministres (Saint-Siège), sans qu'aucune disposition n'entoure cette coopération. Quatre autres États ont depuis acquis le statut d'observateur : les États-Unis en 1995, le Canada et le Japon en 1996 et le Mexique en décembre 1999, seuls le Canada et le Mexique étant observateurs auprès des deux institutions du Conseil. Le cadre d'une telle coopération avait auparavant été défini par la résolution (93) 26, adoptée le 14 mai 1993.
Celle-ci ne prévoit aucun engagement officiel de la part des États concernés, si ce n'est l'acceptation des principes de démocratie, de prééminence du droit et la possibilité pour les personnes placées sous leurs juridictions de jouir des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ils ne sont de fait en aucun cas liés par les normes énoncées dans le Statut et par les principales conventions du Conseil de l'Europe.
Prenant acte de cette absence d'obligation, la commission des questions politiques propose, au travers d'un projet de recommandation, de modifier la résolution en vue de prévoir des normes spécifiques, des engagements et une procédure de suivi. Celle-ci s'appliquerait uniquement aux futurs États observateurs ou aux États observateurs actuels qui en feraient la demande. Le projet de résolution insiste, quant à lui, sur le renforcement de la participation des États observateurs aux travaux du Conseil de l'Europe et en particulier à ceux de l'Assemblée parlementaire, qu'il s'agisse des réunions de commissions et de groupes politiques mais également des débats lors des sessions.
Si le souhait de clarifier le statut d'État observateur ne souffre d'aucune contestation, M. Francis Grignon (Bas-Rhin - UMP) a néanmoins souhaité relativiser l'urgence de tels aménagements et s'interroger sur les modalités d'application de ceux-ci :
« La lecture de l'excellent rapport de la commission des questions politiques sur la révision du statut d'observateur me laisse finalement assez perplexe. Loin de contester l'ambition et la légitimité des projets de résolution et de recommandation qui nous sont présentés, je m'interroge plutôt sur le renforcement de nos exigences à l'égard de nos partenaires extérieurs alors que nous ne sommes pas capables de nous appliquer celles-ci.
L'exposé des motifs de notre collègue David Wilshire souligne justement que la résolution (93) 26, qui encadre l'octroi du statut d'État observateur, ne comporte aucun engagement à respecter des normes spécifiques au Conseil de l'Europe. Le texte se borne, en effet, à indiquer que l'État concerné soit «prêt à accepter les principes de la démocratie, de la prééminence du droit et de la jouissance des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par toute personne placée sous sa juridiction» . L'acceptation n'implique pas l'application. La constitution de la première République française adoptée en pleine Terreur ne garantissait-elle pas à tous les citoyens le droit à une justice équitable ? La constitution soviétique de 1977 ne reconnaissait-elle pas les libertés fondamentales ?
Malheureusement, et au-delà du cas des États observateurs, cette condition assez vague et en décalage même avec l'essence juridique du Conseil de l'Europe, est devenue une réalité pour certains membres du Conseil, prompts à écarter les valeurs qu'ils sont censés incarner au sein de cette Assemblée ou au Comité des ministres.
Les débats de cette session soulignent ainsi à quel point l'application des principes du Conseil de l'Europe reste à géométrie variable pour certains États membres. Avant de demander à d'éventuels États candidats au statut d'observateur d'être irréprochables, il convient de s'interroger sur le sort réservé à nos valeurs à l'occasion d'élections ou dans les relations complaisantes entretenues avec certaines dictatures. Avant d'effectuer, comme notre rapporteur, un bilan général de la performance démocratique des États-Unis, du Japon, du Canada, d'Israël ou du Mexique, il est nécessaire, me semble-t-il, d'édicter de nouvelles règles au sein du Conseil de l'Europe, et en particulier de cette Assemblée, sur le nécessaire respect par les États membres des protocoles additionnels à la Convention européenne des droits de l'Homme.
Pour en revenir au débat du jour, je m'interroge sur un point. Le rapport souligne l'absence de coopération interparlementaire avec les délégations des États observateurs. De fait, aux termes de l'article 27-3 du projet de résolution, celles-ci seraient désormais autorisées à prendre l'initiative de propositions de résolution et recommandation. Une telle démarche apparaît troublante au sein d'une enceinte dont la vocation est spécifiquement européenne.
Sans douter de la légitimité d'éventuelles propositions mexicaines ou japonaises, je m'interroge sur le cadre européen choisi pour les faire aboutir. Les Nations unies ne sont-elles pas, à ce titre, l'enceinte la plus appropriée pour des initiatives transcontinentales ? Au-delà, l'initiative ne suppose-t-elle pas un droit de vote concomitant ? Cette question n'est malheureusement pas tranchée par le projet de résolution.
Sans condamner l'ensemble du texte, l'amender paraît en conséquence nécessaire, afin que la clarification du nouveau statut appliqué aux États observateurs soit bien réelle ».
Les deux amendements déposés par M. Francis Grignon et plusieurs de ses collègues visaient, d'une part, à rappeler que les États observateurs ne disposaient pas de droit de vote en commission et, d'autre part, à supprimer la possibilité pour les délégations parlementaires de prendre l'initiative de résolutions et de recommandations (5 ( * )) . Alors que la commission puis l'Assemblée avaient été enclines à circonscrire le champ d'intervention des délégations parlementaires des pays du Maghreb lors du débat précédent, elles n'ont, cette fois-ci, pas suivi la même option et n'ont pas adopté les amendements. Les textes tels qu'adoptés maintiennent par conséquent une certaine ambiguïté.
Au-delà de la session : modifications du règlement de l'Assemblée parlementaire
Réunie le 23 novembre 2007, à Bratislava, la Commission permanente de l'Assemblée parlementaire a adopté trois résolutions modifiant son règlement. L'amélioration de la participation des membres aux sessions plénières, le respect du principe d'égalité des sexes au sein de l'Assemblée et les modes de désignation aux présidences de commissions sont au coeur de cette réforme.
L'une des principales innovations concerne la procédure d'examen des amendements. Ceux-ci sont déclarés adoptés par l'Assemblée s'ils sont approuvés à l'unanimité à l'occasion de leur examen en commission. Cette nouvelle règle a bénéficié, au cours de cette session, à l'amendement déposé par M. Michel Dreyfus-Schmidt et plusieurs de ses collègues concernant les listes noires du Conseil de sécurité des Nations unies et du Conseil de l'Union européenne.
Par ailleurs, aux termes du nouveau règlement, les candidats aux fonctions de président ou de vice-président de commission doivent appartenir au groupe politique auquel la présidence ou une vice-présidence de ladite commission a été attribuée, sur la base d'un accord conclu entre ces groupes au sein du Comité des présidents. Une telle modification confirme le poids pris par les groupes pour les nominations aux postes les plus importants, seuls les vice-présidents de l'Assemblée parlementaire échappant à la tutelle des groupes politiques
Les modifications telles qu'adoptées n'abordent pas, au-delà de la question du temps de parole, les modes d'intervention en séance plénière. Il est en effet regrettable qu'un membre d'une même délégation nationale ne puisse relayer un orateur inscrit se trouvant dans l'impossibilité d'intervenir en séance publique. La limitation à trois interventions par membre de délégation sur l'ensemble de la partie de session mériterait également d'être révisée. On s'étonnera, enfin, de la pertinence de maintenir sur cinq jours la durée de la partie de session tant les débats de la dernière demi-journée se déroulent devant une assemblée clairsemée, la présente partie ayant été l'occasion pour le président de séance d'appeler ses collègues à intervenir à leur guise, faute d'inscrits.
* (3) Seul un orateur par groupe était autorisé à poser une question au ministre.
* (4) Ces amendements étaient cosignés par MM. Georges Colombier (Isère - UMP), Michel Hunault (Loire-Atlantique - NC), Jacques Legendre (Nord - UMP) et René Rouquet (Val-de-Marne - SRC).
* (5) Les deux amendements étaient cosignés par MM. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP), Jean-Pierre Kucheida (Pas-de-Calais - SRC), Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime - GDR), Jacques Legendre (Nord - UMP), Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SRC) et M. Philippe Nachbar (Meurthe-et-Moselle - UMP).