5. L'économie du projet et la technologie à privilégier
Dans notre pays, la redevance serait mise en place par l'Etat. Quant à la recette attendue, l'évaluation établie par le Gouvernement fait apparaître, pour l'Etat, un montant de 900 millions d'euros par an, sur la base d'une taxe de 12 centimes d'euros par kilomètre 72 ( * ) appliqué sur le seul réseau des routes nationales. Ceci signifie que la redevance pourrait représenter approximativement un milliard et demi d'euros si, comme vos rapporteurs le préconisent, le réseau autoroutier concédé était inclus dans le dispositif 73 ( * ) . Les véhicules concernés seraient tous ceux d'un poids total supérieur à 3,5 tonnes. La tarification au kilomètre parcouru paraît être la mieux adaptée, une modulation en fonction du niveau de pollution émis par le véhicule n'étant toutefois pas à exclure.
Votre mission d'information estime que le système ne doit concerner que les poids lourds et non les véhicules légers 74 ( * ) .
L'investissement de départ pour la mise en place du système de redevance est évalué par la DGR à un milliard d'euros 75 ( * ) .
Selon les réflexions actuelles de la DGR, l'externalisation de la gestion du projet pourrait intervenir sur la base d'un contrat de partenariat avec un prestataire qui serait responsable de la conception et de la mise en place de l'infrastructure technique et de sa gestion. La responsabilité de calculer les tarifs, d'encaisser le produit de la redevance et de la reverser à l'AFITF pourrait être confiée au prestataire, moyennant rétribution des prestations correspondantes. Le contrôle 76 ( * ) et les sanctions relèveraient de la DGDDI.
L'hypothèse la plus réaliste serait la mise en place de la redevance en 2010 en Alsace à titre expérimental, et en 2011 au niveau national. Un dispositif législatif sera quoi qu'il en soit nécessaire afin d'étendre le système au-delà de la seule région alsacienne. Selon les informations dont dispose à ce jour votre mission d'information, le Gouvernement devrait déposer le projet de loi portant ce dispositif au printemps 2008.
La compatibilité européenne des systèmes, ainsi que leur aptitude à prendre en compte d'autres services que le seul paiement de la redevance, sont des dimensions du projet qu'il faut bien mesurer. Il convient également de veiller à la compatibilité du dispositif interne avec la directive « Eurovignette » et la directive « interopérabilité 77 ( * ) » qui imposent la séparation entre les sociétés concessionnaires d'autoroutes et les sociétés de gestion du service de télépéage, sociétés dites « émettrices ».
Se pose enfin la question de la technologie à privilégier . Plusieurs technologies de collecte de la redevance peuvent être identifiées : la technologie à ondes courtes (DSRC), qui nécessite l'installation de portiques, et la technologie satellitaire sur la base de l'utilisation d'un GPS, constituent les solutions le plus souvent évoquées. Mais d'autres moyens pourraient être envisagés, par exemple le support Wi-Fi.
Les technologies disponibles dès à présent La technologie DSRC établit une liaison sol-véhicule à ondes courtes avec un équipement fixe (portique). En France, elle existe déjà sur certains réseaux autoroutiers concédés. Elle présente l'avantage d'utiliser des équipements embarqués à faible coût et se révèle économique pour des réseaux peu évolutifs avec des échangeurs fortement espacés. Les possibilités de services télématiques interactifs sont, en l'état actuel, limitées dans les systèmes DSRC. De son coté, le système satellitaire permet de déterminer tout parcours effectué par les véhicules équipés d'unités embarquées appropriées 78 ( * ) et de remplacer des balises « physiques » situées sur des portiques par des balises « virtuelles ». Le système ne nécessite pas d'infrastructure au sol et offre une certaine souplesse dans la mise en place du schéma de péage 79 ( * ) . Cette technologie semble également autoriser une plus grande flexibilité en matière de tarification, de modification ou d'extension 80 ( * ) du réseau soumis à la taxe. Selon ses promoteurs, cette technologie permet surtout une réduction des coûts d'investissement sur l'infrastructure puisqu'il n'est pas nécessaire d'ajouter des portiques ou des gares de péage. Enfin, la technologie satellitaire présenterait l'avantage d'offrir une « infrastructure » pour la fourniture de services télématiques tels que le suivi des matières dangereuses, l'information du public sur le trafic, la gestion de flottes, etc. Il n'est par ailleurs pas exclu que d'autres technologies apparaissent d'ici la mise en place du dispositif. Quel que soit le système utilisé, il nécessitera le recours à des véhicules mobiles de contrôle de la fraude. Il reviendra au législateur de définir, lors de l'examen du projet de loi portant ce dispositif, les modalités concrètes du contrôle et l'étendue des pouvoirs pouvant être reconnus à l'entreprise concessionnaire dans ce domaine. |
L'Allemagne a pour sa part choisi un système satellitaire pour la mise en oeuvre de la taxe PL sur ses autoroutes 81 ( * ) . Ce système s'avère bien adapté au maillage du réseau autoroutier allemand et, après la première année d'exploitation, les niveaux de performance étaient satisfaisants. Depuis le 1 er janvier 2007, le système a été étendu, sans ajout d'infrastructures au sol, à trois routes nationales sur lesquelles avait été observé un fort report de trafic poids lourds.
Il convient de garder toujours à l'esprit que, dans les pays européens ayant mis en place des redevances poids lourds, le réseau comprend les autoroutes qui étaient jusqu'alors sans péages. La France offre donc une particularité de ce point de vue puisque nombre de ses plus grands axes sont déjà payants.
En conclusion, l'instauration d'une redevance poids lourds sur l'ensemble du réseau routier et autoroutier apparaît d'autant plus essentielle qu'elle réglerait très largement l'impasse budgétaire de l'AFITF. En effet, les 1.500 millions d'euros de recettes couvriraient les trois-quarts de son besoin de financement, le quart restant pouvant provenir d'une augmentation, souhaitable, de la contribution du budget général de l'Etat à l'Agence. Toutefois, afin de bien s'assurer que la totalité des besoins issus du Grenelle de l'environnement seront effectivement financés dès 2009, vos rapporteurs ont souhaité explorer quatre voies de financement subsidiaires, présentées ci-après. Il convient d'ailleurs de préciser que l'une d'entre elles, à savoir la taxe spéciale sur les assurances automobiles, serait, par son montant, à même d'apporter une solution si un besoin de financement massif demeurait au-delà de l'année 2008. |
* 72 Il conviendra bien sûr d'ajuster ce tarif pour tenir compte du report de trafic vers le réseau concédé dans l'attente de la possibilité de pouvoir appliquer la redevance à ce dernier réseau, via un assouplissement du cadre juridique communautaire.
* 73 C'est à dire si les 12 centimes de redevance venaient s'ajouter aux 17 centimes par kilomètre de péages déjà demandés sur les autoroutes.
* 74 Elle est toutefois pleinement consciente de la nécessité de renforcer par ailleurs la compétitivité de la filière du transport routier en France qui est aujourd'hui pénalisé par rapport à la plupart de ses concurrents européens.
* 75 Rapport spécial n° 276 de M. Hervé Mariton, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances pour 2008, 11 octobre 2007.
* 76 Le contrôle reste le point critique du système, un taux de fraude trop élevé menaçant sa pérennité même.
* 77 Directive 2004/52/CE du 30 avril 2004.
* 78 Ces unités sont désignées sous le terme anglais de « on board unit » (OBU)
* 79 Péage en fonction de l'itinéraire parcouru sur un réseau donné ; péage cordon, i.e pour accéder à une zone géographique donnée ; péage de zone, i.e pour tout déplacement à l'intérieur d'une zone.
* 80 En effet, un réseau de plusieurs milliers de kilomètres « vit » : chaque année, de nouvelles sections sont mises en services, de nouveaux échangeurs sont ouverts, etc. Avec un système satellitaire, il suffit de modéliser les nouvelles sections.
* 81 Selon les données récoltées par votre mission d'information, les revenus collectés en 2007 s'élèvent à 3,4 milliards d'euros, le niveau de précision du système est de 99,75 % et le niveau de fraude est inférieur à 2 %.