2.2. LE POLICY MIX
Nous avons jusqu'ici discuté de l'opportunité d'une coordination des politiques budgétaires entre elles. Cependant, la question se pose aussi de la coordination entre les politiques budgétaires d'une part, la politique monétaire de l'autre. En effet, la coordination des politiques budgétaires peut être néfaste si elle n'est pas elle-même coordonnée avec la politique monétaire, car cela revient à coordonner un sous-ensemble de joueurs (les gouvernements) qui ne poursuit pas nécessairement le même objectif que le joueur resté à l'écart de la coordination (la banque centrale). Prenons le cas d'un choc de demande négatif symétrique. Les gouvernements se coordonnent pour soutenir l'activité par une politique budgétaire expansive. Mais la banque centrale, qui se préoccupe moins de la chute de l'activité que de la hausse des déficits publics, relève son taux d'intérêt. Cette hausse du taux d'intérêt élève le service de la dette et accroît donc le déficit, tout en réduisant l'efficacité des politiques budgétaires pour stabiliser l'activité. Cet équilibre semi-coordonné paraît donc moins bon qu'un équilibre non coordonné où les gouvernements s'abstiennent de stabiliser l'activité mais où la banque centrale abaisse le taux d'intérêt au lieu de le relever.
Un argument en faveur d'une coordination entre politiques budgétaires et politique monétaire est l'existence d'incertitudes sur les politiques à venir. Par exemple, un choc de demande négatif (un ralentissement de la croissance mondiale) peut appeler soit à un assouplissement de la politique monétaire, soit à un soutien budgétaire de l'activité. Or pour faire leurs choix budgétaires, les Etats doivent anticiper l'action de la BCE ; symétriquement, la BCE doit pouvoir anticiper l'action des gouvernements. Dans cet esprit, Jacquet et Pisani-Ferry (2000) ont proposé un « code de bonne conduite » afin d'établir des règles de comportement budgétaire face à des chocs prédéfinis.
A l'inverse, Alesina et al. (2001) affirment qu'il est trop difficile pour la BCE d'instaurer un dialogue avec tous les gouvernements de l'Union sans risquer de perdre son indépendance, que les coûts engendrés par la coordination sont peut être trop élevés en comparaison des bénéfices attendus et que celle-ci peut même dissuader les Etats de contrôler leurs dépenses publiques. Ils concluent qu'il suffirait, en fin de compte, que chaque Etat membre « balaie devant sa porte » pour créer un environnement économique stable et optimal.